S. f. (Médecine) est une maladie dont le symptôme caractéristique est le changement de la couleur naturelle du corps en jaune ; on l'appelle aussi en français par pléonasme, ictère jaune, en latin icterus flavus, aurigo, morbus regius ; en grec ; l'étymologie de ce mot vient d'une espèce de belette, , ou milan, qu'on appelait aussi du même nom, et qui avaient les yeux jaunes ; ainsi ictère est synonyme à jaunisse : les anciens l'employaient aussi dans ce sens-là. Hippocr. passim, et Galien, definit. medical. n°. 276. Le nom d'aurigo lui vient de la ressemblance qu'a la couleur du corps avec celle de l'or, c'est peut-être aussi pour cette raison qu'on l'appelle morbus regius ; cette étymologie a beaucoup excité les recherches des écrivains : c'est avec plus d'esprit que de raison que Quintus Serenus Sammonicus dit,

Regius est vero signatus nomine morbus,

Molliter hic quoniam celsà curatur in aulâ.

On distingue plusieurs espèces de jaunisse, par rapport à la variété des symptômes, à la différence des causes, et à la manière de l'invasion ; on peut diviser d'abord l'ictère en chaud et en froid, cette division est assez importante en pratique, en primaire et secondaire, en critique et symptomatique ; il y en a aussi une espèce qui est périodique. La décoloration jaune qui constitue cette maladie, n'est quelquefois sensible que dans les yeux et au visage ; d'autres fois on l'observe sur toute l'habitude du corps ; l'ouverture des cadavres a fait voir que les parties intérieures sont aussi dans certains cas teintes de la même couleur ; il y a même des cas où elle a infecté jusqu'aux os. Thomas Kerkringius raconte, Observat. anatom. 57, qu'une femme ictérique accoucha d'un enfant attaqué de la même maladie, dont les os étaient très-jaunes. Toutes les humeurs de notre corps reçoivent aussi quelquefois la même couleur, la salive, la transpiration, la sueur, mais plus fréquemment les urines en sont teintes. On lit dans les relations du fameux voyageur Tavernier, que chez les Persans la sueur est quelquefois tellement jaune, que non-seulement elle teint de cette couleur les linges, les habits, les couvertures, mais que les vapeurs qui s'en exhalent font une impression jaune très-sensible sur les murs et les portraits qui se trouvent dans la chambre. On a trouvé dans quelques ictériques la liqueur du péricarde extrêmement jaune ; il y a quelques observations qui prouvent, si elles sont vraies, que la couleur même du sang a été changée en jaune ; Théodore Zwingerus dit avoir Ve quelquefois le sang des personnes ictériques imitant la couleur de l'urine des chevaux, et il assure qu'ayant fait saigner une femme attaquée de jaunisse, il avait peine à distinguer son sang d'avec son urine. Quelquefois la couleur jaune du visage devient si forte, si saturée, qu'elle tire sur le verd, le livide et le noir ; on donne alors à la maladie les noms impropres d'ictère verd et noir. La couleur des yeux est quelquefois si altérée, que la vue en est affoiblie et dérangée ; les objets paraissent aux ictériques tout jaunes, de même qu'ils trouvent souvent par la même raison, c'est-à-dire par le vice de la langue, tous les aliments amers. Outre cette décoloration, on observe dans la plupart des ictériques des vomissements, cardialgie, anxiétés, difficulté de respirer, lassitude, défaillances ; les malades se plaignent d'une douleur compressive aux environs du cœur, et vers la région inférieure du ventricule, d'un malaise, d'un tiraillement ou déchirement obscur, quelquefois d'une douleur vive dans l'hypocondre droit ; le pouls est toujours petit, inégal, concentré, quelquefois, et surtout au commencement, dur et serré ; l'inégalité de ce pouls consiste, suivant M. Bordeaux, en ce que deux ou trois pulsations inégales entr'elles succedent à deux ou trois pulsations parfaitement égales, et qui semblent naturelles. Dans l'ictère chaud, la chaleur est plus forte, elle est acre, la soif est inextinguible, le pouls est dur et un peu vite, les diarrhées sont bilieuses, de même que les rots et vomissements, les urines sont presque rouges couleur de feu ; dans l'ictère froid, la chaleur est souvent moindre que dans l'état naturel, le pouls est sans beaucoup d'irritation, sans roideur, le ventre est constipé, les excréments sont blanchâtres, les vomissements glaireux, le corps est languissant, engourdi, fainéant, &c.

Les causes qui produisent le plus constamment cette maladie, les symptômes qui la constituent, les observations anatomiques faites sur le cadavre des ictériques, les qualités et propriétés connues de la bile, sont autant de raisons de présumer que la jaunisse est formée par une pléthore de bîle mêlée avec le sang, ou par un sang d'un caractère bilieux. Les ouvertures de cadavres font presque toujours apercevoir des vices dans le foie ; le plus souvent ce sont des obstructions dans le parenchime de ce viscère, occasionnées par une bîle épaissie, ou par des calculs biliaires ; il y a un nombre infini d'observations, qu'on peut voir rapportées dans la bibliothèque médicinale de Manget, dans lesquelles on voit l'ictère produit, ou du moins accompagné de pierres biliaires dans la vésicule du fiel ; on en tira jusqu'à soixante et douze de la vésicule de Rumoldus van-der-Borcht, premier médecin de l'empereur Léopold, qui était mort d'une jaunisse. Journal des curieux, ann. 1670. On a trouvé dans plusieurs le foie extrêmement grossi, la vésicule du fiel gorgée de bile, le canal cholidoque obstrué, rempli de calculs et de vers. Barthel. Cabrol rapporte l'observation d'une jaunisse, occasionnée par la mauvaise conformation de ce conduit, qui était telle que son extrémité qui est du côté du foie était fort évasée, tandis que son ouverture dans les intestins était capillaire. On a Ve aussi quelquefois la ratte d'une grosseur monstrueuse, ou d'une petitesse incroyable, remplie de concrétions, pourrie, ou manquant tout à fait. Zacutus-Lusitanus fait mention d'un ictère noir, survenu à une personne qui n'avait point de rate, Prax. admirand. lib. III. observ. 137. Je supprime une foule d'autres semblables observations, qui donnent lieu de penser que dans la jaunisse la bîle regorge dans le sang, ce qui peut arriver de deux façons, ou si le sang trop tourné à cette excrétion d'un caractère bilieux, en fournit plus qu'il ne peut s'en séparer, sans qu'il y ait aucun vice dans le foie ; en second lieu, si cette excrétion ou sécrétion est empêchée par l'épaississement de la bile, l'atonie des vaisseaux, leur obstruction, etc. le premier cas est celui de l'ictère chaud, qui est principalement excité par les passions d'ame vive, par des travaux excessifs, des voyages longs sous un soleil brulant, par des boissons vineuses, spiritueuses, aromatiques, par l'inflammation du foie, par les fièvres ardentes inflammatoires, par un émétique placé mal-à-propos ; ou un purgatif trop fort, la bîle coule plus abondamment par le foie, excite des diarrhées bilieuses, et cependant Ve se séparer dans les autres couloirs, sans avoir égard aux lois de l'attraction et de l'affinité qui devraient l'en empêcher.

Les passions d'ame languissantes, une vie sédentaire, méditative, triste, mélancolique, des études forcées, faites surtout d'abord après le repas, sont les causes les plus fréquentes de l'ictère froid ; la morsure de quelques animaux, de la vipere, des araignées, des chiens enragés, etc. les exhalaisons du crapaud, l'aconit, et quelques autres poisons, excitent aussi quelquefois à l'ictère : ces causes concourent aux obstructions du foie, aux calculs biliaires, etc. La sécrétion de la bîle empêchée pour lors, fait que le sang ne peut se décharger de celle qui s'est formée déjà dans ses vaisseaux ou dans le foie, et il en passe très-peu dans les intestins, ce qui rend le ventre paresseux et les excréments blanchâtres, etc.

Lorsque la jaunisse est l'effet d'une maladie aiguë et qu'elle parait avant le septième jour, c'est-à-dire avant la coction, elle est censée symptomatique ; celle qui parait après ce temps-là, et qui termine la maladie, est critique. Lorsque la jaunisse succede à l'inflammation, ou skirrhe du foie, à la colique hépatique, elle est secondaire ou deutéropathique ; si elle parait avant aucune lésion manifeste de ce viscère, on la dit primaire ou protopathique ; celle qui est périodique, dépend ordinairement des vers ou des calculs placés dans la vésicule du fiel ou dans le canal cholidoque.

Diagnostic. La plus légère attention à la couleur jaune de tout le corps, ou d'une partie du visage, des yeux, par exemple, suffit pour s'assurer de la présence de cette maladie, et l'on peut aussi facilement, de tout ce que nous avons dit, tirer un diagnostic assuré des espèces et des causes.

Prognostic. La jaunisse ne saurait être regardée comme une maladie dangereuse ; il est rare, lorsqu'elle est simple, d'y voir succomber les malades ; lorsqu'il y a danger, il vient des accidents qui s'y rencontrent, des causes particulières des maladies qui l'ont déterminée, etc. La jaunisse est souvent salutaire, critique ; toutes les fois qu'elle parait dans une fièvre aiguë, le 7, le 9 ou le 14e. jour, elle est d'un bon augure, pourvu qu'en même temps l'hypochondre droit ne soit pas dur, autrement elle serait un mauvais signe. Hippocr. aphor. 64. lib. IV. L'ictère survenu à certains buveurs qui ont des langueurs d'estomac, des coliques, dissipe tous ces symptômes, et met fin à un état valétudinaire auquel ils sont fort sujets. Il est fort avantageux aussi à quelques hystériques ; il est critique dans la maladie hectique chronique.

L'ictère est prêt à guérir quand le malade sent une démangeaison par tout le corps, que les urines deviennent troubles, chargées, que le pouls conservant son inégalité particulière devient souple et mou ; on a observé que les sueurs, le flux hémorrhoïdal, la dissenterie, ont terminé cette maladie sujette à de fréquents retours. L'hydropisie est une suite assez fréquente des jaunisses négligées ou mal traitées, alors le foie se durcit, et c'est avec raison qu'Hippocrate regarde comme pernicieuse la tumeur dure du foie dans cette maladie. Aphor. 52. lib. VI. On peut aussi craindre quelquefois qu'il ne dégénere en abscès au foie. La tension du ventre, la tympanite, le vomissement purulent, les déjections de la même nature, l'oppression, les défaillances, la consomption, etc. sont dans cette maladie des signes mortels. Si l'ictère parait sans frisson dans une maladie aiguë, avant le septième jour, il est un signe fâcheux. Aphor. 62. lib. IV. L'ictère chaud est accompagné d'un danger plus prompt, pressant, mais moins certain que le froid ; celui qui est périodique est très-fâcheux ; celui qui succede aux fièvres intermittentes, aux inflammations du foie, est plus dangereux, il désigne un dérangement ancien et considérable dans le foie.

Les différentes espèces de jaunisse demandent des traitements particuliers ; les remèdes, curations, qui conviennent dans l'ictère froid, seraient pernicieux dans le chaud ; et par la même raison, ceux qui pourraient réussir dans le chaud ne feraient que blanchir dans l'ictère froid ; les uns et les autres seraient tout au moins inutiles dans la jaunisse critique, qui ne demande aucune espèce de remède. Les médicaments les plus appropriés dans l'ictère chaud sont les émétiques en lavage, les rafraichissants antibilieux, acides, le petit lait nitré ; par exemple, une légère limonade, des aposemes avec la patience, la laitue, l'oseille, la racine de fraisier, le nitre, le cristal minéral, etc. Les purgatifs légers acidules conviennent très-bien, il est bon même de les réitérer souvent ; l'ictère qui dépend d'une cacochimie bilieuse, ne se dissipe que par de fréquents purgatifs. Hippocr. Epidem. lib. VII. Les médicaments appropriés pour lors sont les tamarins, la manne, la rhubarbe, et un peu de scammonée ; mais il faut avoir attention d'assouplir, de détendre, de relâcher auparavant les vaisseaux qui sont dans l'irritation, d'apaiser l'orgasme et la fougue du sang. Le même Hippocrate nous avertit de ne pas purger, de peur d'augmenter le trouble, de loc. in homin. On peut terminer le traitement de cet ictère par le petit lait ferré, les eaux minérales acidules ; telles sont celles de Vals, de Passi, de Forges, etc.

Dans l'ictère froid, l'indication qui se présente naturellement à remplir, est de diviser et de désobstruer ; parmi les apéritifs, il y en a qui exercent plus particulièrement leur action sur le foie, ceux-là sont préférables ; tels sont l'aigremoine, le fumeterre, la chélidoine, la rhubarbe, et surtout l'aloès, qui a cette propriété dans un degré éminent. Avant d'en venir aux remèdes stomachiques, hépatiques, actifs, il faut humecter, préparer par des légers apéritifs, principalement salins, des légères dissolutions de sel de glauber, de sel de seignette, et autres semblables, après quoi on peut en venir aux opiates apéritives un peu plus énergiques ; celle qui est composée avec l'aloès et le tartre vitriolé produit des effets admirables. J'ai éprouvé dans pareils cas l'efficacité des cloportes écrasés en vie, et mêlés avec le suc de cerfeuil ; l'élixir de propriété de Paracelse, ou l'élixir de Garus, qui n'en diffère pas beaucoup, sont aussi très-convenables dans ce cas-là. Les savonneux sont très-propres pour emporter les résidus d'une jaunisse mal guérie ; ils sont particulièrement indiqués dans les jaunisses périodiques qui dépendent des calculs biliaires : on ne connait pas jusqu'ici de dissolvants, de fondants plus assurés ; il s'en faut cependant de beaucoup qu'ils soient infaillibles. Lorsque l'ictère commence à se dissiper, il faut recourir aux martiaux, et surtout aux eaux minérales ferrugineuses, salines, et principalement aux thermales, comme celles de balaruc, etc. Comme dans cette espèce d'ictère le ventre est paresseux, les lavements peuvent avoir quelque avantage, ou du moins de la commodité ; ne pourrait-on pas suppléer le défaut de bîle naturelle en faisant avaler des pilules composées avec la bîle des animaux, comme quelques auteurs ont pensé ? Article de M. MENURET.

JAUNISSE, (Maréchallerie) c'est une maladie des chevaux, qui est fort approchante de la jaunisse des hommes.

Cette maladie est de deux espèces, la jaune et la noire.

La jaune est, suivant les Maréchaux, une maladie fort ordinaire, qui vient d'obstructions dans le canal du fiel, ou dans les petits conduits qui y aboutissent : ces obstructions sont occasionnées par des matières visqueuses ou graveleuses que l'on y trouve, ou par une plénitude ou une compression des vaisseaux sanguins qui l'avoisinent, moyennant quoi la matière qui devrait se changer en fiel enfîle les veines, et est portée dans toute la masse du sang, ce qui le teint en jaune ; de sorte que les yeux, le dedans des lèvres, et les autres parties de la bouche, capables de faire voir cette couleur, paraissent toutes jaunes.

L'effet de cette maladie consiste à rendre un cheval lâche, pesant, morne, aisément surmené par le plus petit travail ou le moindre exercice, etc.