S. f. (Médecine) est une espèce d'enflure inflammatoire qui survient en hiver, et qui affecte particulièrement les talons, les doigts des pieds et des mains ; et dans les pays bien froids, le bout du nez même et les lobes des oreilles. Les Grecs appellent cette maladie , de , hyems ; les Latins pernio. Les François lui donnent le nom de mule, lorsqu'elle a son siège au talon.

La cause prochaine de cette maladie est, comme celle de l'inflammation en général, l'empêchement du cours libre des fluides dans les vaisseaux de ces parties : cet empêchement est dans les engelures l'effet du froid, qui resserre les solides et qui condense les fluides. Quoique la chaleur du corps humain en santé surpasse celle de l'air qui l'environne, même pendant les plus grandes chaleurs de l'été, selon ce que prouvent les expériences faites à ce sujet par le moyen du thermomètre, et qu'il faille par conséquent, pour que les parties de notre corps soient engourdies par le froid, qu'il soit bien violent : cependant comme le mouvement des humeurs et conséquemment la chaleur est moins considérable, tout étant égal dans les extrémités, dans les parties qui sont le plus éloignées du cœur que dans les autres, il s'ensuit que ces parties doivent être à proportion plus susceptibles de ressentir les effets du froid ; les vaisseaux rendus moins flexibles par cette cause, agissent moins sur le sang, qui n'est fluide que par l'agitation qu'il éprouve de l'action des solides, et celle-ci étant diminuée, il s'épaissit et circule avec peine : d'ailleurs les parties aqueuses qui lui servent de véhicule, se figent et se gèlent, pour ainsi dire, par l'absence des particules ignées, et peut-être aussi par la pénétration des particules frigorifiques qui remplissent leurs pores, et leur font perdre la mobilité qui leur est ordinaire, d'où résulte une cause suffisante d'inflammation. Voyez FROID, GLACE.

Le tempérament pituiteux, les humeurs naturellement épaisses, la pléthore, le peu de soin à se garantir des rigueurs de l'hiver par les vêtements et autres moyens, le passage fréquent du chaud au froid, sont les causes qui disposent aux engelures ; les enfants et les jeunes personnes y sont plus sujets que les autres, à cause de la viscosité dominante dans leurs fluides et de la débilité de leurs solides.

La pâleur des parties mentionnées, suivie de chaleur, de demangeaison, de cuisson même, qui sont très-incommodes ; la rougeur et la tension qui accompagnent cette affection, qui n'a lieu qu'en temps froid, ne laisse aucun doute sur la nature et la cause du mal.

Les engelures n'exposent ordinairement à aucun danger ; cependant, si on n'y apporte promptement remède, elles deviennent difficiles à guérir ; elles exulcèrent souvent les parties où elles ont leur siège ; elles peuvent même attirer la suppuration, la gangrene, et le sphacele, que l'on voit souvent, dans les pays du Nord, survenir en très-peu de temps, et la corruption fait des progrès si rapides, qu'elles tombent et se détachent entièrement ; en sorte que les effets du froid sur le corps humain, dans ces cas, sont presque semblables à ceux du feu actuel qui les détruit subitement. Les engelures de cette malignité sont très-rares dans ces climats : celles qui se voient ordinairement, qu'elles soient ulcérées ou non ulcérées, disposent les parties à en être affectées tous les hivers ; ou plutôt les personnes qui en ont été attaquées par une disposition des humeurs, y deviennent sujettes pendant presque toute leur vie, lorsque cette cause prédisponente subsiste toujours.

Tous ceux qui sont dans ce cas, ne doivent donc pas moins chercher à se préserver de cette incommodité, qu'à s'en guérir lorsqu'elle a lieu : dans cette vue on doit s'exposer le moins qu'il est possible au froid, et s'en garantir, pour ce qui regarde les pieds, par de bons chaussons de lin ou de laine humectés d'esprit-de-vin ; on peut aussi en porter de peaux de lièvre ou autres semblables : on peut encore appliquer sur les parties un emplâtre défensif, tel que celui de diapalme, auquel on joint le bol, l'huîle rosat, et le vinaigre ; Turner dit s'en être bien trouvé pour lui-même.

On doit observer de ne pas se présenter tout-à-coup à un grand feu, lorsqu'on se sent les extrémités affectées d'un grand froid, parce qu'on met trop tôt en mouvement les humeurs condensées, qui ne pouvant pas couler librement dans leurs vaisseaux, les engorgent davantage, causent des douleurs violentes, et accélèrent par-là l'inflammation et quelquefois la mortification. Il est convenable dans ce cas, de ne réchauffer les parties froides que par degrés, de les laver pour cet effet dans de l'eau tiéde pour détacher les solides, ouvrir les pores, détremper les fluides.

On est dans l'usage parmi les habitants des pays septentrionaux, lorsqu'ils viennent de s'exposer au froid, de ne pas entrer dans les étuves qu'on ne se soit frotté les pieds, les mains, le visage, et les oreilles avec de la neige ; cette pratique qui passe pour un sur préservatif contre les engelures, semblerait confirmer l'opinion des Physiciens, qui attribuent la gelée à quelque chose de plus que l'absence ou la diminution des particules ignées, savoir à des corpuscules aigus, qui pénètrent les fluides et fixent le mouvement de raréfaction qui établit leur liquidité. La neige employée dans ce cas, ne semble pouvoir produire d'autre effet que d'attirer au-dehors ces aiguillons frigorifiques. Voyez sur cela ce qu'en dit le baron Vanswieten, dans son commentaire sur les aphorismes de Boerhaave, dans le chapitre de la gangrene : on trouve aussi dans les œuvres de Guillaume Fabrice, prax. lib. V. part. I. de très-belles observations à ce sujet ; qu'il serait trop long de rapporter ici.

Pour ce qui est de la curation des engelures ; lorsqu'elles sont formées et que la peau n'est cependant ni ulcerée ni ouverte, la première attention qu'on doit avoir est d'employer les remèdes convenables pour resoudre ou donner issue, par les voies de la transpiration, à l'humeur arrêtée : on se sert pour cet effet d'une fomentation appropriée, appliquée sur la partie affectée avec des morceaux de flanelle. Quelques auteurs conseillent la saumure de bœuf, ou de cochon, ou l'eau salée simplement ; le jus ou la décoction de navets, qu'ils regardent presque comme un spécifique contre le mal dont il s'agit. La pulpe de rave cuite sous la braise et appliquée chaudement, produit le même effet que le remède précédent : l'huîle de pétrole, dont on frotte la partie malade, peut servir aussi de remède, tant pour préserver que pour guérir : l'encens formé en liniment avec la graisse de porc, est aussi fort recommandé.

Lorsque les engelures viennent à s'ouvrir, s'ulcérer, on doit les panser avec l'onguent pompholix ou l'onguent blanc de Rhasis : mais de quelque remède qu'on se serve dans ce cas, il y a certaines engelures (surtout celles des enfants qui ne peuvent s'empêcher de marcher, de courir,) qui ne peuvent être guéries avant le retour de la saison où la chaleur commence à se faire sentir.

Si la gangrene succede à l'exulcération, elle doit être traitée selon les règles prescrites dans les cas de gangrene en général. Voyez GANGRENE.

Si elle survient subitement après que l'engelure est formée, et qu'elle soit considérable, le commentateur de Boerhaave, ci-dessus cité, recommande très-fort de ne pas se presser d'employer des remèdes spiritueux, qui rendraient le mal plus considérable en hâtant le sphacele : toujours fondé sur l'expérience des peuples du Nord, il conseille de frotter la partie gangrenée avec de la neige, ou de la plonger dans l'eau froide pour en tirer les corpuscules frigorifiques, et d'employer ensuite les moyens propres à rétablir la circulation des humeurs et la chaleur dans la partie affectée, tels que les frictions douces, les fomentations avec le lait dans lequel on ait fait une décoction de plantes aromatiques, et de faire user ensuite au malade, tenu chaudement dans le lit, de quelques legers sudorifiques, tels que l'infusion du bois sassafras prise en grande quantité, etc. Voyez Sennert, Turner sur les autres différents remèdes qui peuvent convenir dans cette maladie. (d)