S. f. (Médecine) Ce mot est entièrement grec (), dérivé et formé de , qui signifie transporter, changer de place. Il désigne, suivant le sens littéral et le plus reçu en Médecine, un transport quelconque d'une maladie d'une partie dans une autre, soit qu'il se fasse du dehors en dedans, soit au contraire qu'il ait lieu du dedans au dehors. Quelques auteurs restreignent la signification de métastase au changement qui se fait en mal, lorsque la maladie passe dans une partie plus noble que celle où elle était auparavant. Ils en font une espèce de métaptose, , qui, suivant eux, est le mot générique qui signifie tout changement en mal ou en bien, donnant les noms de ou au transport salutaire qui arrive lorsque la maladie Ve d'une partie noble à une autre qui l'est moins ; mais le nom de métastase est le plus usité, il est pris indifféremment dans presque tous les ouvrages de Médecine, pour exprimer un changement quelconque fait dans le siege d'une maladie. Galien dit qu'exactement () la métastase est le transport d'une maladie d'une partie dans une autre (comment. in aphor. 7. lib. V.) ; et Hippocrate, dans cet aphorisme, s'en sert pour marquer un changement salutaire ou même une entière solution, lorsqu'il dit que les affections épileptiques, survenues avant l'âge de puberté, souffrent une métastase (), mais que celles qui viennent à vingt-cinq ans ne se guérissent jamais.

Les symptômes qui accompagnent la métastase varient extrêmement suivant l'espèce, la gravité de la maladie, l'état, la disposition, la situation, l'usage de la partie que la maladie quitte et de celle où elle Ve se déposer, et le dérangement qu'elle y occasionne. Si la métastase se fait du dedans au dehors, les symptômes de la maladie primitive cessent, les fonctions des viscères affectés se rétablissent, et l'on aperçoit à l'extérieur des abscès, ulcères, éruptions cutanées, tumeurs, etc. On voit souvent des maladies invétérées de poitrine se terminer par des tumeurs aux testicules, des abscès aux jambes, des évacuations de pus par les urines ; des migraines, des coliques néphrétiques se changent en goutte ; à la mélancholie surviennent quelquefois des éruptions cutanées, des parotides jugent des fièvres malignes, etc. Lorsqu'au contraire la métastase se fait du dehors au dedans, les tumeurs disparaissent, s'effacent entièrement, les ulcères se ferment, les éruptions rentrent, les abscès se dissipent, la goutte remonte, etc. mais à l'instant on voit succéder des symptômes très-multipliés et pour l'ordinaire très-pressants. Il y a beaucoup d'observations qui font voir qu'en pareils cas les metastases ont déterminé des attaques d'apoplexie, d'épilepsie, des gouttes sereines, des toux opiniâtres, asthme suffoquant, dépôt dans la tête, la poitrine, le bas-ventre, hydropisie, ictère, cachexie, marasme, etc. il est inconcevable avec quelle rapidité ces métastases sont suivies des accidents les plus fâcheux et de la mort même. J'ai Ve un homme qui avait depuis longtemps un vieux ulcère à la jambe ; peu satisfait de quelques applications indifférentes que je lui conseillais et qui entretenaient toujours l'écoulement de l'ulcère, il s'adresse à un chirurgien qui lui promit des secours plus efficaces ; il réussit en effet à cicatriser l'ulcère : mais à-peine eut-il cessé de couler, que le malade tombe comme apoplectique avec une respiration stercoreuse ; les forces paraissent épuisées, le pouls est petit, faible, fuyant sous le doigt. Appellé de nouveau pour voir ce malade, je fais à l'instant rouvrir l'ulcère, appliquer un caustique puissant aux deux jambes, mais en-vain ; le malade mourut : deux heures après le cadavre ouvert, nous trouvâmes le poumon rempli de matière purulente.

La manière dont ces métastases s'opèrent est assez surprenante et obscure, pour fournir matière à bien des disputes et des discussions. Elle a beaucoup exercé les esprits des Médecins dissertateurs : la plupart, suivant par habitude la théorie vulgaire qu'ils ont la paresse de ne pas approfondir, ont cru bonnement qu'il y avait toujours un transport réel de la matière qui avait excité premièrement la maladie dans la partie où elle établissait son nouveau siege ; et qu'ainsi une tumeur extérieure disparaissant, ce sang coagulé qui la formait était porté dans la poitrine, par exemple, et excitait dans les poumons une semblable tumeur. Ils ont avancé que ce transport était opéré par un repompement de cette matière morbifique par les vaisseaux absorbans qui la transmettaient aux vaisseaux sanguins, d'où elle était portée par le torrent de la circulation aux différentes parties du corps, et qu'en chemin faisant elle s'arrêtait dans la partie la plus disposée à la recevoir. D'autres, frappés de la promptitude de cette opération, plus instruits des véritables lois de l'économie animale, moins embarrassés pour en expliquer les phénomènes, n'ont pu goûter un transport inutile, un repompement gratuit et souvent impossible ; ils ont fait jouer aux nerfs tout le mécanisme de cette action : ainsi le transport d'un abscès d'une partie du corps à l'autre leur a paru opéré par un simple changement dans la direction du spasme suppuratoire. Il est très-certain que pendant que la suppuration se forme, il y a dans toute la machine, et surtout dans la partie affectée, un état de gêne, d'irritation, de constriction, qui est très-bien peinte sur le pouls où l'on observe alors une roideur et une vibratilité très-marquée. La constriction spasmodique qui détermine dans la partie engorgée la suppuration, est formée et entretenue par un spasme particulier du diaphragme qui, changeant et de place et de direction, produit le même effet dans une autre partie et fait ainsi changer de place un abscès : ce changement est beaucoup plus simple dans les maladies sans matière, qui sont exactement nerveuses. Cette idée isolée et prise séparément, est ici dénuée des preuves qui résultent de l'ensemble de toutes les parties de l'ingénieux système, que l'auteur a proposé dans l'idée de l'homme physique et moral, et institutiones ex novo Medicinae conspectu. Elle pourra paraitre par-là moins vraisemblable ; mais pour en apercevoir mieux la liaison et la justesse, le lecteur peut consulter les ouvrages cités et l'art. ECONOMIE ANIMALE. Je ne dissimulerai cependant pas qu'elle ne peut guère s'appliquer à une observation faite à l'hôpital de Montpellier ; un malade avait un abscès bien formé au bras, on apercevait une fluctuation profonde, obscure ; on néglige cependant de donner issue au pus, dans la nuit le malade tombe dans un délire violent, il meurt le matin, on l'ouvre, on trouve le cerveau inondé de pus, on disseque le bras où l'on avait aperçu l'abscès, on n'y voit qu'un vide assez considérable entre les muscles et l'os du bras. Il parait par-là qu'il y a eu un transport réel de matière, mais rien n'empêche que les nerfs n'y aient concouru ; la manière dont ils l'ont fait est fort difficîle à déterminer. On voit aussi quelque chose de fort analogue dans les vomiques qui se vident entièrement par les urines ; mais ce qui favorise encore l'idée que nous venons d'exposer, c'est une espèce d'uniformité qu'on observe dans quelques métastases, qui a donné naissance aux mots vagues de sympathie, si souvent employés, rarement définis, et jamais expliqués : ainsi des douleurs néphrétiques se changent communément en goutte, des dartres repercutées portent sur la poitrine, une gale rentrée donne lieu à des hydropisies, un abcès à la poitrine se vide par les jambes, une tumeur aux testicules survenant à la toux la dissipe et disparait à son tour quand la toux survient. Il y a bien d'autres exemples semblables qui mériteraient d'être examinés ; et ce serait un point d'une grande importance en Médecine que de bien constater et classer la correspondance mutuelle des parties. Les metastases qui se font du dedans au dehors sont des espèces de crises ouvrages de la nature ; les causes qui les déterminent et leur manière d'agir sont tout à fait inconnues. On voit un peu plus clair sur les métastases qui se font des parties externes à l'intérieur ; on sait qu'elles sont souvent la suite de l'application imprudente des repercussifs, du froid, des remèdes qui empêchent l'écoulement d'un ulcère, la formation des exanthemes ; elles sont aussi quelquefois excitées par des cardialgies, faiblesses, défaillances, par des passions d'ame, par des remèdes internes qui changent la direction du spasme, qui entretient ces affections extérieures, par un excès dans le manger qui, en augmentant le ton de l'estomac, produit le même effet, etc.

On peut déduire de-là quelques canons pratiques sur les métastases : 1°. qu'il faut seconder autant qu'il est possible celles qui se font au dehors, il est même des occasions où il faut tâcher de les déterminer ; pour en venir surement à bout, il faudrait connaître la manière de faire changer de direction aux forces phréniques, et les détourner vers l'organe extérieur ou vers quelque couloir approprié ; au défaut de cette connaissance, nous sommes obligés d'aller à tâtons, guidés par un empirisme aveugle, souvent insuffisant. Dans les maladies de la tête, la métastase la plus heureuse est celle qui se fait par les selles ; les purgatifs sont les plus propres à remplir cet objet : dans celles qui attaquent la poitrine, surtout les chroniques, la voie des urines et les abcès aux jambes sont les plus salutaires ; on peut par les diurétiques, et surtout par les vésicatoires, remplir la première vue, et imiter par l'application des cautères les abscès aux jambes. Dans les affections du bas-ventre, le flux hémorrhoïdal est le plus avantageux ; on peut le procurer par les fondants hémorrhoïdaux, aloétiques : dans quelques cas les maladies éruptives ont été une heureuse métastase, ici le hasard ou la nature peuvent plus que les remèdes. 2°. Dans toutes les affections extérieures qui dépendent d'une cause interne, il faut éviter les remèdes repercussifs, ou autres qui puissent empêcher la formation et l'étendue de la maladie ; et si, par quelque cause imprévue, la maladie souffre une métastase toujours dangereuse, il faut tout aussi-tôt tâcher de la rappeler, 1°. en attaquant, s'il y a lieu, la cause qui l'a excitée, la faiblesse par des cordiaux, les excrétions opposées par les astringens appropriés, le poids des aliments dans l'estomac par l'émétique, etc. 2°. par des remèdes topiques qui puissent renouveller l'affection locale, ainsi on rappelle la goutte par des incessus chauds, par des épispastiques et les vésicatoires ; si un ulcère fermé a donné lieu à la métastase, il ne faut que le rouvrir par un cautère mélé avec du suppuratif ; l'application des ventouses peut faire revenir une tumeur, un abscès repercuté ; les bains et les sudorifiques conviennent dans les maladies exanthématiques rentrées ; pour ce qui regarde la gale, l'expérience m'a appris qu'il n'y avait pas de meilleur remède que de la faire reprendre : une jeune fille qui, à la suite d'une gale rentrée était devenue hydropique, fut par ce moyen guérie en peu de jours ; il est très-facîle de reprendre la gale en couchant avec une personne qui en soit attaquée : le même expédient pourrait, j'imagine, réussir dans les cas semblables de dartres qui, étant repercutées, font à l'intérieur beaucoup de ravages ; personne n'ignore avec quelle facilité elles se communiquent en couchant ensemble. (m)