S. f. (Médecine) tire son nom des mots grecs signifie oubli, et est un composé d', travail, laborieux, et de la particule privative . On appelle de ce nom un homme qui mène une vie tranquille et oisive ; ainsi léthargie suivant l'étymologie, signifierait un oubli paresseux. Les anciens et les modernes attachent différentes idées à ce nom. Les anciens appelaient léthargiques ceux qui ensevelis dans un profond sommeil, étaient pâles, décolorés, boursoufflés, avaient les parties sous les yeux élevées, les mains tremblantes, le pouls lent, et la respiration difficile. Hippocrate, coac. praenot. n°. 34. cap. IIIe Caelius Aurelianus, de morb. acut. lib. II. cap. j. On donne aujourd'hui le nom de léthargie à une espèce d'affection soporeuse composée, dans laquelle on observe un délire qu'on nomme oublieux, et une petite fièvre assez semblable aux fièvres hectiques. Le sommeil dans cette maladie, n'est pas si profond que dans l'apoplexie et le carus. Les malades un peu agités, tiraillés, excités par des cris, s'éveillent, répondent à ce qu'on leur demande, comme on dit, à bâtons rompus ; si quelque besoin naturel leur fait demander les vaisseaux nécessaires, ils les refusent lorsqu'on les leur présente, ou dès qu'ils les ont entre les mains, ils en oublient l'usage et leurs propres nécessités, et s'assoupissent aussi-tôt ; leur pouls est vite, fréquent, mais inégal, petit, et serré. Cette maladie est assez rare ; c'est dans l'hiver des saisons et de l'âge principalement, suivant Hippocrate, qu'on l'observe ; elle attaque les personnes affoiblies par l'âge, par les maladies, par les remèdes, etc. les personnes cacochymes, surtout lorsque dans ces sujets quelque cause augmente la force de la circulation, et la détermine à la tête ; elle est quelquefois symptôme des fièvres putrides, malignes, pestilentielles, de l'hémitritée ; d'autres fois elle est occasionnée par des doses trop fortes d'opium, par des excès de vin ; elle est une suite de l'ivresse, etc. il est constant qu'il y a dans le cerveau quelque vice, quelque dérangement qui détermine les symptômes de cette maladie ; mais quel est-il ? A dire le vrai, on l'ignore ; l'aetiologie des maladies du cerveau est encore ensevelie dans les plus profondes ténèbres ; nous n'avons jusqu'ici aucune théorie tant soit peu satisfaisante, de toutes ces affections. Les anciens attribuaient la léthargie à une congestion de lymphes ou de sérosités épaisses et putréfiées dans le cerveau. Les modernes assurent un relâchement joint à une stagnation légèrement inflammatoire de sang dans le cerveau. Les observations anatomiques faites sur les cadavres des personnes qui sont mortes victimes de cette maladie, sont contraires à ces opinions, et font voir que ces causes sont particulières, mais du tout point générales. Forestus a effectivement observé une fois dans un enfant mort de léthargie, les lobes droits du cerveau et du cervelet corrompus et abscédes, lib. X. cap. XIe On a Ve aussi des tumeurs skhirrheuses placées dans le crane, produire cette maladie. Etienne Blancard en rapporte une observation : " une léthargie survient à un violent mal de tête ; quelques remèdes la dissipent, la douleur de tête reparait avec plus de violence ; peu de temps après le malade tombe apoplectique, et meurt ; on trouve la dure-mère toute remplie de tumeurs skhirrheuses ". Cette observation fait encore voir que toutes les maladies soporeuses dépendent à-peu-près des mêmes causes.

On lit dans les Observations singulières de Chifflet, observ. Xe p. 8. un cas fort curieux qui prouve évidemment qu'il y a des léthargies sympathiques, qui ne dépendent d'aucune cause agissante immédiatement sur le cerveau : " une jeune fille est attaquée de léthargie ; elle succombe après 48 heures, à la force de la maladie ; le cerveau ouvert ne présente aucune trace d'inflammation, aucune sérosité épanchée ; il est ou parait être dans l'état le plus naturel ; on ne trouve dans tout le corps aucune altération, excepté une inflammation assez considérable, à une portion d'intestins, dans la cavité duquel il y avait douze vers assez longs ". Quoiqu'on ignore absolument quel est le dérangement du cerveau qui constitue la léthargie, il y a tout lieu de croire que dans cette maladie, comme dans les autres affections soporeuses, les fibres du cerveau et les nerfs sont relâchés ; le sommeil profond semble indiquer cet état-là ; l'oubli en est aussi un signe et un effet ; il est à présumer que pour la mémoire il faut une tension et une mobilité dans les fibres du cerveau. Voyez DELIRE, APOPLEXIE, AFFECTION SOPOREUSE.

Le délire obscur, oublieux, la petite fièvre essentielle à la léthargie, suffisent pour différencier cette maladie d'avec les autres affections soporeuses, et le sommeil profond la distingue des non-soporeuses avec qui elle a quelque rapport, comme frenésie, délire, etc.

La léthargie est une maladie aiguë, très-dangereuse, qui se termine ordinairement en moins de sept jours, par la mort du malade ; les urines pâles, limpides, le tremblement en augmentent le danger. Si le malade est assez heureux pour atteindre le septième jour, il est hors d'affaire. Lorsqu'elle est la suite et l'effet d'une chute, d'une blessure, de l'ivresse, des narcotiques, elle est moins dangereuse, et il y a espérance si les remèdes employés apportent quelque relâche dans les symptômes : alors, suivant l'observation d'Hippocrate, coac. praenot. n°. 35. cap. IIIe les malades se plaignent d'une douleur au col, et d'un bruit dans les oreilles.

Les remèdes qui conviennent dans cette maladie, sont les mêmes qui réussissent dans l'apoplexie, les autres maladies soporeuses, savoir les émétiques, surtout lorsqu'elle a été occasionnée par un excès de vin, et par les narcotiques, les cathartiques, les lavements irritants, les potions cordiales, les huiles essentielles éthérées, les élixirs spiritueux, les sels volatils, les vésicatoires, les ventouses, les sternutatoires, les sialagogues ou salivants, les saignées sont rarement indiquées ; la prétendue inflammation du cerveau ne saurait être une raison suffisante pour les conseiller : tels sont les remèdes généraux : chaque auteur en propose ensuite de particuliers spécifiques, mais le remède le plus généralement conseillé, est le castor qu'on regarde comme éminemment anti-narcotique ; on l'ordonne de toutes les façons, mêlé avec les purgatifs, pris en potion, ajouté au vinaigre pour être attiré par le nez. Borellus assure avoir guéri une léthargie avec la scammonée et le castor : on vante après le castor, beaucoup la rhue, le serpolet, le pouliot, et l'origan. Tous les acides appliqués à l'extérieur, ou pris intérieurement, passent assez communément pour très-efficaces dans la léthargie. L'esprit de vitriol céphalique, c'est-à-dire, tiré du vitriol qui a été auparavant arrosé des essences céphaliques, est très-célèbre ; il est pénétrant, volatil, de même que le vinaigre vitriolé bénit. Quelques observations nous apprennent les heureux effets de l'immersion subite des léthargiques dans de l'eau bien froide. Il vaut mieux, dit Celse, essayer un remède douteux, qu'aucun. Art. de M. MENURET.