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Catégorie parente: Physique particulière
Catégorie : Médecine
S. f. (Médecine) est le nom d'une maladie inflammatoire, qui a le plus souvent son siège à la surface du corps, elle consiste dans une tumeur assez étendue, sans bornes marquées, peu élevée au-dessus du niveau des parties voisines, sans tension notable, accompagnée de douleur avec demangeaison, de chaleur âcre et d'une couleur rouge tirant sur le jaune ; qui cede à la pression des doigts, blanchit par cet effet, et devient rougeâtre dès que la pression cesse ; et ce qui caractérise ultérieurement cette tumeur, c'est qu'elle semble changer de place, à mesure qu'elle se dissipe dans la première qu'elle occupait ; elle s'étend de proche en proche aux parties voisines.

Le mot érésipele, , vient de , ruber, et de , propè, presque rouge, ce qui convient à la couleur de cette tumeur, qui n'est pas d'un rouge foncé comme le phlegmon, mais plutôt de couleur de rose, ce qui lui a fait donner le nom de rosa par les Latins ; l'érésipele a aussi été appelée par les anciens ignis sacer, feu sacré, à cause de la chaleur vive que l'on ressent dans la partie qui en est affectée.

L'érésipele peut être de différente espèce : lorsqu'elle n'est pas accompagnée d'autres symptômes que ceux qui ont été mentionnés dans la définition, elle est simple ; et lorsque le milieu de la tumeur érésipélateuse est occupé par un phlegmon, par une oedeme, ou par un skirrhe, elle est composée et prend différente dénomination en conséquence, selon la nature de la tumeur à laquelle elle se trouve jointe ; ainsi elle est dans ces cas-là, érésipele phlegmoneuse, oedemateuse, ou skirrheuse : on la distingue en essentielle, si elle ne dépend d'aucune maladie antérieure, et en symptomatique, si elle est compliquée avec une autre maladie qui l'ait produite : elle est encore distinguée en interne ou externe, selon le différent siège qu'elle occupe ; en bénigne et en maligne, selon la nature des symptômes qu'elle produit ; en accidentelle ou habituelle, selon qu'elle attaque une seule fais, ou qu'elle revient plusieurs fois et même périodiquement tous les mois ou tous les ans, selon qu'il conste par plusieurs observations.

L'érésipele externe affecte communément la peau, la membrane adipeuse, et quelquefois, mais rarement, la membrane des muscles.

Lorsqu'elle est interne, elle peut avoir son siège dans tous les viscères, et vraisemblablement dans leur tissu cellulaire surtout ; mais alors il est rare qu'on la considère autrement que comme une inflammation en général.

Le sang qui forme l'érésipele est moins épais, moins dense que celui qui forme le phlegmon (voyez PHLEGMON) ; mais il est d'une nature plus âcre et plus susceptible à s'échauffer : ces qualités du sang étant posées, si son cours vient à être retardé tout-à-coup dans les extrémités artérielles, et qu'il en passe quelques globules dans les vaisseaux lymphatiques, qui naissent des artères engorgées, l'action du cœur et de tout le système des vaisseaux restant la même, ou devenant plus forte, toutes ces conditions étant réunies, la cause continente de l'érésipele se trouve établie avec le concours de toutes les autres circonstances qui constituent l'inflammation en général. Voyez INFLAMMATION.

Les causes éloignées de l'érésipele sont très-nombreuses ; elle est souvent l'effet de différentes évacuations supprimées, comme des menstrues, des lochies arrêtées, d'une retention d'urine, mais plus communément du défaut de respiration insensible, occasionnée par le froid ; elle est quelquefois produite par l'ardeur du soleil à laquelle on reste trop longtemps exposé ; par l'application de quelques topiques âcres, de quelque emplâtre qui bouche les pores d'une partie de la peau, des répercussifs employés mal à propos ; le mauvais régime, l'usage des aliments âcres, des liqueurs fortes, les mauvaises digestions, surtout celles qui fournissent au sang des sucs alkalins, rances, le trop grand exercice, les veilles immoderées, les peines d'esprit, contribuent aussi à faire naître des tumeurs érésipélateuses, qui peuvent être encore des symptômes de plaies et d'ulcères, dans les cas où il y a disposition dans la masse des humeurs : cette disposition qui consiste en ce qu'elles soient acrimonieuses, et qui dépend souvent d'un tempérament bilieux, a aussi beaucoup de part à rendre efficaces toutes les causes éloignées tant internes qu'externes qui viennent d'être mentionnées.

Le caractère de l'érésipele est trop bien distingué par les symptômes qui lui sont propres, rapportés dans la définition, pour qu'on puisse la confondre avec toute autre espèce de tumeur s'ils sont bien observés.

L'érésipele n'est pas toujours accompagnée de symptômes violents, surtout lorsqu'elle n'attaque pas le visage, cependant il s'y en joint souvent de très-fâcheux, tels que la fièvre qui est plus ou moins forte et plus ou moins ardente ; les insomnies, les inquiétudes : et comme elle est dans plusieurs cas une maladie symptomatique, dépendante d'une fièvre putride, par exemple, les accidents qu'elle produit varient selon les différentes circonstances.

L'érésipele n'est pas dangereuse, lorsqu'elle est sans fièvre, et qu'elle n'est accompagnée d'aucun symptôme de mauvais caractère ; et au contraire il y a plus ou moins à craindre pour les suites de la maladie, à proportion que la fièvre est plus ou moins considérable, et que les autres accidents sont plus ou moins nombreux et violents.

L'érésipele de la face est de plus grande conséquence, tout étant égal, que celle qui affecte les autres parties du corps ; à cause de la délicatesse du tissu de celle du visage, dont les vaisseaux ont moins de force pour se débarrasser de l'engorgement inflammatoire. Cet engorgement est cependant moins difficîle à détruire que dans toute autre inflammation ; parce que la matière qui le forme n'a pas beaucoup plus de ténacité que les humeurs saines qui coulent naturellement dans les vaisseaux de la partie affectée : ainsi elle est très-disposée à la résolution. Voyez RESOLUTION. Mais cette manière dont se termine ordinairement l'érésipele n'est pas toujours parfaite, l'humeur viciée peut être dissoute, sans être entièrement corrigée ; en sorte qu'elle ne soit pas encore propre à couler dans les autres vaisseaux, où elle est jetée par l'action de ceux qui s'en sont débarrassés : quelquefois elle ne cede qu'à la force de ces derniers et reprend sa consistance vicieuse lorsqu'elle est parvenue dans des vaisseaux voisins qui agissent moins, ainsi l'érésipele change de siège comme en rampant de proche en proche ; elle est souvent rébelle dans ce cas et donne beaucoup de peine ; elle parcourt quelquefois la moitié de la surface du corps sans qu'on puisse en arrêter les progrès, parce qu'alors le sang est pour ainsi dire infecté d'un levain érésipélateux, qui fournit continuellement de quoi renouveller l'humeur morbifique dans les parties affectées ou dans les voisines ; mais ce changement est bien plus fâcheux encore, lorsque le transport de cette humeur se fait du dehors au-dedans, et se fixe dans quelque viscère ; alors l'érésipele qui en résulte est d'autant plus dangereuse que la fonction du viscère est plus essentielle : on doit aussi très-mal augurer de celle qui sans changer de siège tend à la suppuration ou à la gangrene, car il résulte du premier de ces deux événements, qu'il se fait une fonte de matières âcres, rongeantes, qui forment des ulcères malins, très-difficiles à guérir, et il suit de la gangrene érésipélateuse, qu'ayant par la nature de l'humeur qui la produit beaucoup de facilité à s'étendre, elle consume et fait tomber comme en putrilage la substance des parties affectées, en sorte qu'il est très-difficîle d'en arrêter les progrès et presque impossible de la guérir.

Toute autre manière que la résolution dont l'érésipele peut se terminer, étant funeste, on doit donc diriger tout le traitement de cette espèce d'inflammation, à la faire résoudre, tant par les remèdes internes que par les topiques, d'autant plus que la matière morbifique y a plus de disposition que dans toute autre tumeur inflammatoire. Pour parvenir à ce but si désirable, on doit d'abord prescrire une diete sevère, comme dans toutes les maladies aiguës, qui consiste à n'user que d'une petite quantité de bouillon peu nourrissant, adoucissant et rafraichissant, et d'une grande quantité de boisson qui soit seulement propre à détremper et à calmer l'agitation des humeurs pour les premiers jours, et ensuite à diviser légèrement et à exciter la transpiration. Il faut en même temps ne pas négliger les remèdes essentiellement indiqués, tels que la saignée, qui doit être employée et répétée proportionnément à la violence de la fièvre, si elle a lieu ; ou à celle des symptômes, aux forces et au tempérament du malade, à la saison et au climat. Il convient de donner la préférence à la saignée du pied, dans le cas où l'érésipele affecte la tête ou le visage. Il faut de plus examiner, à l'égard de toute sorte d'érésipele, si le mal provient du vice des premières voies, et s'il n'est pas un symptôme de fièvre putride. Si la chose est ainsi, d'après les signes qui doivent l'indiquer, on doit se hâter de faire usage des purgatifs, des lavements, et même des vomitifs répétés : ces derniers sont particulièrement recommandés contre l'érésipele de la face, qu'ils disposent à une prompte résolution, selon que le démontre l'expérience journalière : on calmera le soir l'agitation causée par ces divers évacuans, en faisant prendre au malade un julep anodyn ou une émulsion. Pour ce qui est des topiques, on ne peut pas les employer pour l'érésipele de la face, parce que les émolliens anodyns, en relâchant le tissu déjà très-foible de cette partie, peuvent disposer l'inflammation à devenir gangreneuse, et parce que les résolutifs atténuans ne peuvent pas agir sans augmenter l'action des solides, la réaction des fluides, sans rendre la chaleur et l'acrimonie plus considérable ; ce qui dispose l'érésipele à s'exulcérer, et à causer des douleurs extrêmes ; ce qui peut être aussi suivi de la mortification : ainsi il vaut mieux n'employer aucun remède externe dans ce cas, que d'en essayer dont il y a lieu de craindre de si mauvais effets.

Lorsque l'érésipele occupe toute autre partie de la surface du corps, on peut faire usage avec beaucoup de succès, des topiques émolliens et résolutifs, par le moyen desquels on parvienne à relâcher plus ou moins le tissu de la partie affectée, à tempérer l'acrimonie du sang et de la lymphe, à modérer la chaleur, à calmer la douleur, et à rendre plus fluides les humeurs qui forment l'inflammation, afin d'en faciliter au plutôt la résolution. Il faut choisir parmi ces remèdes, ceux qui sont le plus proportionnés à la nature du mal, et mêler à-propos les émolliens avec les résolutifs, ou les employer séparément, selon l'exigence des cas, sous forme de fomentations ou de cataplasmes, qui doivent être diversement préparés, selon les différentes espèces d'érésipeles. On doit aussi en commencer ou en cesser l'usage plutôt ou plus tard, selon que l'exigent les indications. Voyez EMOLLIENS, RESOLUTIFS, etc.

Il n'est aucun cas où l'on puisse appliquer des remèdes repercussifs sur l'érésipele, de quelqu'espèce qu'elle sait, non plus que des narcotiques, des huileux. Les premiers, en resserrant les vaisseaux, y fixeraient la matière morbifique, et la disposeraient à se durcir, ou la partie à se gangrener, ou donneraient lieu à des métastases funestes. Les seconds, en suspendant l'action des vaisseaux engorgés, tendraient également à produire la mortification. Les troisiemes, en bouchant les pores, en empêchant la transpiration, augmenteraient la pléthore de la partie affectée, l'acrimonie des humeurs, et par conséquent rendraient plus violents les symptômes de l'érésipele. S'il se forme des vessies sur l'érésipele, par la sérosité acre, qui détache l'épiderme et le sépare de la peau, ce qui arrive souvent, il faut donner issue à l'humeur contenue, qui par sa qualité corrosive et par un plus long séjour, pourrait exulcérer la peau. On doit, pour éviter ces mauvais effets, ouvrir ces vessies avec des ciseaux, en exprimer le contenu avec un linge, et y appliquer quelque lénitif, si l'érosion est commencée par la nature du mal, ou par mauvais traitement. Lorsque l'érésipele se termine par la suppuration ou par la gangrene, il faut employer les remèdes convenables à ces différents états. Voyez SUPPURATION, ULCERE, GANGRENE.

Lorsque l'érésipele ne provient pas d'une cause interne, d'un vice des humeurs, et qu'elle est causée par la crasse de la peau, par l'application de quelqu'emplâtre qui a pu arrêter la transpiration, embarrasser le cours des fluides dans la partie, il faut d'abord emporter la cause occasionnelle, nettoyer la peau avec de l'eau ou du vin chaud, ou de l'huîle d'olive, selon la nature des matières qui y sont attachées : lorsqu'elles sont acres, irritantes, comme celles des synapismes, des phoenigmes, des vesicatoires, on doit laver la partie avec du lait, ou y appliquer du beurre, ou l'oindre avec de l'huîle d'œufs. Dans les cas où l'érésipele n'est pas simple, où elle est phlegmoneuse, oedemateuse, elle participe plus ou moins de l'une des deux tumeurs compliquées, on doit par conséquent traiter celle qui est dominante, ou qui présente les indications les plus urgentes, sans avoir égard à l'autre : celle-là étant guérie, s'il reste des traces de celle-ci, on la traitera à son tour selon les règles de l'art. Voyez PHLEGMON, OEDEME. (d)

ERESIPELE, (Manège et Maréchalerie) maladie cutanée. Rien ne prouve plus évidemment l'uniformité de la marche et des opérations de la nature dans les hommes et dans les animaux, que les maladies auxquelles les uns et les autres sont sujets : les mêmes troubles, les mêmes dérangements supposent nécessairement en eux un même ordre, une même économie ; et quoique quelques-unes des parties qui en constituent le corps, nous paraissent essentiellement dissemblables, pour peu que l'on pénètre les raisons de ces variétés, on n'en est que plus sensiblement convaincu que ces différences apparentes, ces voies particulières qu'il semble que cette mère commune s'est tracées, ne servent qu'à la rapprocher plus intimement des lois générales qu'elle s'est prescrites.

Quand on considère dans l'animal l'érésipele par ses causes externes et internes, et quand on en envisage le génie, le caractère, les suites et le traitement, on ne saurait se déguiser les rapports qui lient et qui unissent la Médecine et l'art vétérinaire. Cette maladie, qui tient et participe aussi quelquefois des autres tumeurs génériques, c'est-à-dire du phlegmon, de l'oedeme et du skirrhe, peut être en effet dans le cheval essentielle ou symptomatique ; elle peut être également produite conséquemment à l'acrimonie et à l'épaississement des humeurs, ou conséquemment à un air trop chaud ou trop froid ; à des aliments échauffans, tels que l'avoine prise ou donnée en trop grande quantité, à des exercices outrés, à un repos immodéré, à des compressions faites sur les parties extérieures, à l'irritation des fibres du tégument ensuite d'une écorchure, d'une brulure, du long séjour de la crasse sur la peau, etc. Les signes en sont encore les mêmes, puisqu'elle s'annonce souvent, surtout lorsqu'elle occupe la tête du cheval, par la fièvre, par le dégout, par une sorte de stupeur et d'abattement, et toujours, et en quelque lieu qu'elle ait établi son siège, par la tension, la douleur, la grande chaleur, le gonflement et la rougeur de la partie ; symptôme, à la vérité, qu'on n'aperçoit pas dans tous les chevaux, mais qui n'existe pas moins, et que j'ai fort aisément distingué dans ceux dont la robe est claire, et dont le poil est très-fin.

Cette tumeur fixée sur les jambes de l'animal, en gêne plus ou moins les mouvements, selon son plus ou moins d'étendue ; elle est pareillement moins formidable en lui que l'érésipele de la face et de la tête, que quelques maréchaux ont prise pour ce fameux mal de tête de contagion supposé par une foule d'auteurs anciens et modernes, et sur les causes et la cure duquel ils ne nous ont rien présenté d'utîle et de vrai.

Quoiqu'il en sait, les indications curatives qui sont offertes au maréchal, ne diffèrent point de celles qui doivent guider le médecin. Les saignées plus ou moins répétées, selon le besoin, détendront les fibres cutanées, desobstrueront, videront les vaisseaux, apaiseront la fougue du sang, faciliteront son cours, et préviendront les reflux qui pourraient se faire. Ces effets seront aidés par des lavements émolliens, par des décoctions de plantes émollientes données en boisson, et mêlées avec l'eau blanche. Lorsque les symptômes les plus violents se seront évanouis par cette voie, on purgera l'animal ; et quand on présumera que les filtres destinés à donner issuè aux humeurs viciées, ont acquis une souplesse capable d'assurer la liberté de leur sortie, on prescrira de legers diaphorétiques, tels que le gayac et la racine des autres bois mise en poudre, donnée à la dose d'une once dans du son ; ou, si l'on veut, on humectera cet aliment avec une forte décoction de ces mêmes bois, dans laquelle on fera infuser une once de crocus metallorum.

Quant aux topiques et aux remèdes externes, les cataplasmes émolliens, ou les cataplasmes anodyns, seront employés pour éteindre la chaleur, adoucir la cuisson et relâcher la peau, dont l'épiderme se sépare quelquefois en forme de vessie ou en forme d'écailles farineuses ; ce qui sollicite et précipite la chute des poils. On se servira ensuite de l'eau de fleur de sureau, dans laquelle on fera dissoudre du sel de Saturne ; on l'aiguisera avec quelques gouttes d'esprit-de-vin camphré, et on en bassinera fréquemment la partie, pour résoudre enfin l'humeur arrêtée, et pour faciliter la transpiration ; et par le secours de tous ces remèdes réunis, mais administrés avec connaissance, l'animal parviendra à une guérison entière et parfaite. (e)