S. f. (Anatomie) croute ordinairement blanche, dont le sang est quelquefois recouvert après la saignée dans le vaisseau où elle est faite.

Le mot de coène pourrait bien avoir été formé de kenn, qui dans la langue du pays de Galles signifie peau, cuir, d'où vient le terme anglais skin, qui veut dire la même chose.

La coène est cette humeur concrete du sang refroidi et en repos, formée sur la superficie en une espèce de croute ordinairement pâle, épaisse, et tenace.

Lorsqu'on a tiré du sang d'une personne qui est attaquée d'une inflammation violente, on aperçoit le phénomène dont nous venons de parler, et qui est fort surprenant. Tout le monde sait que le sang que l'on reçoit dans un vaisseau à mesure qu'il sort de la veine, se fige aussi-tôt après et se sépare en deux parties ; l'une blanche-jaunâtre appelée sérosité ; l'autre rouge, qui flotte ordinairement dans la première comme une île : mais dans la plupart des maladies inflammatoires, fièvres aiguës, ardentes, dans les rhumatismes, etc. la partie supérieure de cette île est couverte d'une pellicule blanche, quelque peu bleuâtre, jaunâtre, ou verdâtre, souvent épaisse de quelques lignes, et si coriace qu'on peut à peine la couper avec un rasoir. Comme le sang des personnes qui ont une pleurésie est souvent couvert d'une semblable pellicule, les Médecins lui ont donné le nom de croute pleurétique, quoique la même chose arrive aussi dans d'autres maladies, et même dans celles qui ne sont pas inflammatoires, comme la phtisie et la dyssenterie ; cette matière coèneuse s'endurcit aisément ; et quand elle est longtemps agitée ou battue, elle se change quelquefois en ichorosité. De plus, cette coène n'est pas toujours de la même tenacité.

Plusieurs auteurs ont fait des remarques singulières sur ce sujet. Par exemple Sydenham, dans son traité de la pleurésie, a observé que lorsque le sang après une ouverture trop petite ou par d'autres raisons, ne sort point horizontalement de la veine, et qu'il coule perpendiculairement le long du bras, il ne se couvre point d'une semblable pellicule. Il remarque encore que dans ces sortes de ces, les malades ne se trouvent pas autant soulagés que si le sang fût sorti de plein jet, et se fût couvert de cette croute blanche. Il dit aussi que la formation de cette pellicule est empêchée par tout ce qui s'oppose à la sortie du sang. D'autres ajoutent que cette coène ne se manifeste point ou très-peu, lorsque le vaisseau dans lequel on reçoit le sang est large et plat, et lorsqu'il a été exposé à un air trop froid. Enfin ce qui parait plus étrange, est qu'encore que le sang sorte librement par une large ouverture, cette peau ne se forme point lorsque le sang a été bien agité dans le vaisseau avec le doigt ou quelque instrument.

Il résulte de toutes ces observations, que l'explication de ce phénomène, quoique très-commun, est plus difficîle qu'on ne l'imagine, et que l'origine de cette coène est fort obscure.

Quelques-uns cependant prétendent qu'elle est seulement produite par la sérosité du sang, qui est disposée par la maladie à s'épaissir : mais c'est ne rien dire, outre que cette pellicule qui surmonte la sérosité, occupe toujours la partie supérieure, et tantôt s'attache à la circonférence du vaisseau dans lequel on a reçu le sang, tantôt en est entièrement détachée.

D'autres croient qu'elle est formée d'un chyle crud, qui n'a pas eu le temps de se convertir en sang ; mais le chyle quand il est mêlé avec le sang, et qu'il n'est point assez travaillé, flotte toujours dans la sérosité sous une forme fluide, sans jamais s'attacher à la partie rouge du sang : de plus, cette pellicule a également lieu, soit que la saignée ait été faite trop tôt après le repas, ou lorsque le chyle a eu tout le temps nécessaire d'être changé en sang.

D'autres pensent que cette pellicule tenace se forme lorsque la vitesse de la circulation tend à disposer le sang à se coaguler, et par conséquent qu'elle n'est point la cause, mais plutôt l'effet de la maladie. Mais on a quelquefois remarqué cette croute dans le sang des personnes les plus saines : on l'a observé aussi chez des gens fort faibles, qui avaient coutume de se faire saigner par précaution, ou pour prévenir un crachement de sang. En un mot, cette coène se trouve dans l'inflammation comme hors de l'inflammation.

Enfin d'autres physiciens ont dit avec plus de fondement, que cette peau compacte provient d'une lymphe grossière et visqueuse du sang, qui dans la circulation passant difficilement par les extrémités artérielles, doit s'endurcir naturellement quand elle est en repos, et peut néanmoins se transmuer en matière critique par une circulation modérée, ou par des remèdes propres à diviser cette lymphe. Ils ajoutent que la partie albumineuse, gélatineuse, et graisseuse du sang, concourt encore à la production de cette pellicule coriace, qui se forme sur la surface de ce sang tiré des veines. Suivant ce système, les différentes couleurs qui se trouvent quelquefois sur la superficie du coagulum, et qui la rendent comme marbrée, procedent des parties intégrantes du sang qui ont souffert différentes triturations, de la qualité du chyle, de la sérosité, et de la bîle qui s'y trouve mêlée ; ainsi la couleur laiteuse de la pellicule coèneuse vient de la partie gélatineuse du sang prédominante, ou de ce que la saignée a été faite trop tôt après le repas ; la couleur jaunâtre, bleuâtre, ou verdâtre, dépend de la bîle qui ne se filtrant pas bien, se mêle avec la sérosité du sang, et lui imprime leurs couleurs. Cette hypothèse est assurément la plus vraisemblable ; cependant comme elle ne suffit pas encore pour expliquer tous les faits, le problème médicinal subsiste toujours : trouver la raison de la non-existence ou de la formation de la coène sur le sang tiré par la saignée des gens sains et malades, conformément aux phénomènes justifiés par de bonnes observations. Article de M. le Chevalier DE JAUCOURT.