S. m. (Anatomie) viscère du corps ample, multiforme, destiné à la secrétion de la bile, dont il est le principal organe, et qu'il opère par un mécanisme très-difficîle à développer. Entrons dans les détails de la structure de ce viscère, autant que cette structure nous est connue.

Structure du foie détaillée. Le foie parait être une glande conglomérée, d'un volume fort considérable, d'une couleur rouge-brune, et d'une consistance assez ferme. Il occupe non-seulement la plus grande partie de l'hypochondre droit, mais encore la portion antérieure de la région épigastrique moyenne ; il s'avance même jusque dans l'hypochondre gauche ; ce qui arrive le plus souvent dans le foetus, où le volume de ce viscère est plus considérable à-proportion que dans les adultes.

Le foie déborde pour l'ordinaire la partie antérieure des fausses côtes, environ de deux travers de doigt, plus ou moins cependant, suivant que le diaphragme auquel il est attaché, et dont il suit les mouvements, se trouve plus abaissé du côté du ventre, ou plus élevé du côté de la poitrine, et que l'estomac et les intestins sont plus ou moins pleins.

On le divise ordinairement en deux parties latérales, que l'on appelle lobes, dont l'un est à droite, et l'autre est à gauche ; cette division est marquée sur sa surface supérieure ou convexe par un ligament membraneux, et sur sa surface concave ou inférieure, par une ligne enfoncée ou scissure, communément nommée la scissure du foie ; elle traverse la partie inférieure de ce viscère, et son commencement répond à l'extrémité antérieure de la portion cartilagineuse de la première fausse-côte ; cette scissure est changée quelquefois en un canal.

Le lobe qui est à droite, est le plus grand ; et celui qui est à gauche, est le plus petit ; aussi a-t-on nommé celui qui est à droite, le grand lobe du foie, et celui qui est à gauche, le petit lobe. La situation particulière de ces lobes est telle, que le grand parait situé perpendiculairement, et le petit transversalement, celui-ci couvrant une bonne partie de l'estomac.

La figure du foie n'est point régulière ; elle s'accommode à la conformation des parties qui lui sont voisines ; c'est pourquoi il est convexe et uni dans sa surface supérieure, pour s'accommoder à la concavité unie du diaphragme, dont il suit tous les mouvements. Sa surface inférieure est concave et inégale, ayant des éminences et des cavités, tant pour s'accommoder à la convexité des organes qui lui sont voisins, que pour répondre aux cavités ou intervalles que ces organes laissent entr'eux. C'est ici qu'est logé la vésicule du fiel. Voyez FIEL (vésicule du).

Les éminences appartiennent au grand lobe du foie : la principale de ses éminences est triangulaire ; Spigelius en a fait mention sous le nom de petit lobe ; et ceux qui la regardent comme un lobe particulier, la nomment le petit lobule de Spigelius. On remarque sur le devant une autre éminence moins saillante, mais plus légère. Les anciens ont donné le nom de portes à ces éminences.

Il y a plusieurs enfoncements de la partie concave ; la première s'appele, comme nous l'avons dit, la scissure du foie, et fait la réparation des deux lobes, en traversant la concavité du foie : le second enfoncement est sur le devant dans le grand lobe ; il loge la vésicule du fiel ; il se trouve sur la partie postérieure un leger enfoncement, qui répond à une portion du rein droit. On voit aussi sur le petit lobe un autre enfoncement qui répond à l'estomac, sur lequel ce lobe s'avance. De plus, il se trouve au bord postérieur du foie, une grande échancrure, laquelle est commune aux deux lobes, et fait place à l'épine du dos et à l'extrémité de l'oesophage : elle est attenant le passage de la veine-cave, qui rencontre dans la partie postérieure du foie, un petit enfoncement pour le faciliter. Enfin on observe que le foie se termine postérieurement dans la plus grande partie de son étendue, par un bord qui est arrondi, à la différence de celui de sa partie antérieure, qui est mince et aiguë. Après tout, il n'y a que l'inspection qui puisse donner une véritable idée des lobes, des échancrures, des scissures, des éminences, et des enfoncements du foie.

On dit communément que ce viscère est assujetti aux parties voisines par le moyen de quatre ligaments, nommés tels, mal-à-propos ; savoir le suspensoir, le coronaire, et les deux latéraux. Voyez SUSPENSOIR, CORONAIRE, GAMENS LATERAUXRAUX.

Cependant, à parler proprement, le foie est seulement attaché par tout son bord postérieur aux portions du diaphragme qui lui répondent ; sur quoi nous observons que l'attache de la portion moyenne de ce bord postérieur est immédiate, et que l'autre attache du reste de son étendue, est médiate. Quelques-uns ajoutent à ces ligaments l'attache immédiate du foie au tronc de la veine-cave inférieure, qui Ve au cœur en traversant le diaphragme, auquel elle est aussi très-étroitement unie. Quoi qu'il en sait, aucun de ces prétendus ligaments ne sert à suspendre le foie, mais seulement à le maintenir dans sa situation, et à l'empêcher, pour ainsi dire, de balotter. Ce viscère est principalement soutenu par la plénitude de l'estomac et des intestins, qui le sont eux-mêmes par les muscles de l'abdomen.

Le foie se trouve recouvert d'une membrane assez mince, qui est néanmoins composée de deux lames ; et c'est entre ces deux lames que rampent un très-grand nombre de vaisseaux lymphatiques, tant sur la surface convexe que sur la surface concave de ce viscère. La lame interne de cette membrane semble pénétrer la substance du foie, pour le partager en un grand nombre de petits lobes, qui ne se distinguent pas à beaucoup près si aisément dans l'homme que dans le porc.

La substance du foie est faite de l'assemblage d'une multiplicité de vaisseaux de tout genre, qui paraissent tous se distribuer à une infinité de petits corps assez semblables à de petits grains ou vésicules, dont l'intérieur semble être garni d'une espèce de velouté ; M. Winslow les nomme grains pulpeux.

Les vaisseaux qui se distribuent à ces grains pulpeux, peuvent être distingués en ceux qui y portent quelque liqueur et en ceux qui en rapportent ; les premiers sont les ramifications de l'artère hépatique, celle de la veine-porte, et celles des nerfs hépatiques. Voyez ARTERE HEPATIQUE, VEINE-PORTE, RFS HEPATIQUESQUES.

Parmi les vaisseaux qui rapportent de ces vésicules, on doit premièrement compter les rameaux des veines qui reçoivent le résidu du sang, que la veine-porte avait déchargé dans le foie. Ces rameaux vont former par leur union trois branches considérables, appelées veines hépatiques, lesquelles vont se terminer dans le tronc de la veine-cave inférieure, immédiatement au-dessous du diaphragme, par trois ouvertures différentes ; la plus considérable répond au grand lobe, la moyenne au petit lobe, et la plus petite au lobule de Spigelius. Il y a lieu de croire que ces mêmes veines rapportent aussi le résidu du sang qui avait été fourni par l'artère hépatique, puisqu'on n'en découvre aucune qui réponde immédiatement à cette artère.

Les veines lymphatiques du foie se decouvrent sur sa surface concave et sur sa surface convexe, où elles forment un réseau merveilleux, et se rendent pour la plupart dans le réservoir du chyle.

Les grains pulpeux qui composent la substance du foie, fournissent chacun en particulier un vaisseau, qui est proprement le conduit excrétoire de ces vésicules.

Ces conduits qui sont en très-grand nombre, communiquent les uns aux autres dans la substance du foie. On les nomme pores biliaires ; et l'union de ces conduits forme celui que l'on appelle pore hépatique, dont la longueur est d'environ deux travers de doigt ; il vient s'unir à celui de la vésicule du fiel, pour n'en former ensemble qu'un seul, qui Ve se décharger dans le duodenum.

Il faut remarquer ici que toutes les branches et rameaux, tant de l'artère hépatique et de la veine-porte, que des nerfs et des pores biliaires, sont renfermés dans une membrane qui leur est commune, nommée la capsule de Glisson, du nom de celui qui l'a découverte : cet auteur l'a crue charnue ; mais quand on l'examine avec soin, on découvre que ce n'est qu'une continuation de la membrane qui a recouvert le foie. Les ramifications des veines lymphatiques et celles des veines sanguines nommées hépatiques, ne sont point renfermées dans cette capsule.

Comme les anciens prenaient le foie pour la source de toutes les veines, et pour la partie du corps humain dans laquelle se fait la sanguification, ils y placèrent unanimement le siège de l'amour : et tous les Poètes suivirent cette idée. L'amour tendit son arc, dit Anacréon, et porta sa flèche au milieu du foie ; mais les modernes plus éclairés sur le mécanisme de l'économie animale, ont démontré que ce viscère était l'organe de la secrétion de la bile. Quant à la manière dont cette humeur est séparée, l'on imagine que les grains glanduleux découverts par Malpighi, et répandus dans toute la substance du foie, en sont les véritables filtres ; surtout lorsqu'on considère 1°. que tous ces grains glanduleux sont autant de vésicules garnies en-dedans, suivant l'observation de M. Winslow, d'un velouté pareil à celui qu'il dit se trouver dans tous les conduits secrétoires : 2°. que tous les différents vaisseaux qui se distribuent dans le foie, vont se rendre comme à leur terme à toutes ces vésicules.

On peut donc concevoir que de ces vaisseaux, les uns apportent à ces vésicules les liqueurs qu'ils contiennent : et que les autres en reçoivent celles dont ils sont chargés, pour les transmettre ailleurs ; les premiers sont les nerfs, les ramifications de la veine-porte, et celles de l'artère hépatique ; les seconds sont les veines hépatiques, les veines lymphatiques, et les pores biliaires ou conduits excrétoires de ces vésicules.

En comparant la grande quantité de bîle séparée dans le foie au volume des vaisseaux qui s'y rendent, il y a lieu de présumer que la veine-porte fournit à ce viscère la bîle qui s'y filtre, et l'artère hépatique le sang dont il a besoin pour sa nourriture ; on se le persuade lorsqu'on fait réflexion sur la nature de la bîle et sur celle des organes, où la veine-porte a puisé le sang qu'elle contient. La bîle est une liqueur jaune, amère, d'une consistance assez fluide, composée non-seulement de sérosités et de sels, mais encore de parties huileuses ; le tout ensemble forme une liqueur dont la nature approche beaucoup de celle du savon : car elle en a à-peu-près le gout, et elle enlève de même les taches des habits. Quant aux organes, d'où les rameaux de la veine-porte reviennent, et où ils ont puisé pour ainsi dire la bîle qu'elle contient, ce sont les intestins, le pancréas, le mésentère, l'épiploon, et la rate.

La bîle qui a été séparée dans le foie, est reprise par les pores biliaires, qui vont s'en décharger en partie dans le conduit hépatique, et en partie dans la vésicule du fiel, par les pores biliaires qui y répondent, et que l'on a nommés conduits hépati-cystiques.

L'examen de la fabrique de la veine-porte, de la veine-cave, et du pore hépatique ; la considération du mouvement des humeurs dans la veine-porte ; la nature de l'humeur contenue dans le pore biliaire ; les expériences anatomiques faites en liant, en coupant, en ramassant la bile, tout cela nous apprend que du sang apporté par la veine-porte, il se sépare une humeur qui coule d'abord par les petits rameaux du pore hépatique hors du foie, pendant que le sang qui reste après cette séparation, est poussé dans les rameaux de la veine-cave hors du foie, et de cette veine au cœur. Ce qui en donne encore une idée plus claire, c'est la distribution des nerfs hépatiques, qui est toujours par-tout la même que celle de la veine-porte.

Enfin, on sait par expérience qu'il y a un chemin ouvert et facîle de la cavité de la vésicule du fiel au foie, au pore biliaire, aux intestins, ainsi que du pore hépatique dans le canal cystique, et réciproquement de celui-ci dans celui-là.

Conséquences qui résultent de cet exposé. De tout ce détail résultent les vérités suivantes : 1°. que l'artère hépatique et celles qui l'accompagnent, servent à la vie, à la nutrition, à la chaleur, à la propulsion, secrétion, expulsion des humeurs hépatiques. C'est pour cela que cette artère est répandue avec un art merveilleux par tout le foie, et par la membrane externe de ce viscère, comme Ruisch l'a démontré, thes. IXe tab. 3. fig. 5.

2°. Qu'il part des extrémités de cette membrane une grande quantité de vaisseaux lymphatiques, invisibles, qui appartiennent au foie, et desquels il en part d'autres visibles, lesquels ne se rendent point dans la veine-porte, mais dans le réservoir des lombes.

3°. Qu'il y a des veines qui reçoivent le sang porté par l'artère hépatique sur la surface du foie, et qui vont le porter dans une portion de la veine azygos, qui est située sous le diaphragme.

4°. Que la veine-porte prend non-seulement la forme d'artère par ses ramifications qui deviennent plus petites, mais qu'elle en exerce encore les fonctions ; car elle fait des secrétions, ce qui ne convient qu'à des artères dans tout le reste du corps. De-là il s'ensuit que le sang qui, en sortant du cœur et en entrant dans les veines méseraïques, a été artériel et veineux, devient encore 1°. artériel dans la veine-porte, c'est-à-dire qu'il entre dans des vaisseaux qui ont la forme d'artère ; 2°. veineux en rentrant dans la veine-cave.

5°. Que tous les viscères abdominaux chylopoiétiques, la rate, l'épiploon, le ventricule, le pancréas, le mésentère, les intestins, travaillent uniquement pour le foie, en ce qu'ils y portent le sang veineux après l'avoir bien préparé ; de-là vient que les maladies du foie ont tant de liaison avec celles de tous ces viscères, et qu'il est si difficîle d'y remédier ; en effet qu'on imagine seulement qu'il se trouve une obstruction dans les ramifications de la veine-porte, que d'accidents n'éprouveront pas les autres viscères qui lui envoyent leur sang ?

6°. Que comme le mouvement des humeurs ne peut être que très-lent dans la veine-porte, il fallait que le foie fût placé sous le diaphragme, et exposé à l'action des muscles de l'abdomen : plus ces muscles agissent, mieux la bîle doit se vider ; de-là vient que si l'on demeure dans l'inaction, il se forme dans le foie et dans la vésicule du fiel, des matières glutineuses et des concrétions pierreuses.

7°. Que les maladies du foie sont très-communes et très-difficiles à guérir, tant à cause de la dépendance qu'a ce viscère avec les autres, que parce qu'il y a peu de médicaments qui y parviennent, en conservant leurs vertus. Dans les affections hépatiques, il faut quelquefois exciter une fièvre légère, employer des gommeux et des remèdes fluides, qui puissent être repompés par les vaisseaux mésentériques, et opérer la cure à la faveur de l'exercice ou des frictions réitérées.

8°. Qu'on ne voit nulle part tant de vaisseaux, de viscères, d'humeurs, de causes, concourir à former quelque liqueur du corps, qu'il s'en trouve pour la production de la bîle ; et conséquemment qu'elle n'est point un excrément, mais au contraire qu'elle est dans le corps une humeur d'une grande importance et d'un grand usage. Elle entretient la fluidité et le mouvement du sang, prépare le chyle dans les premières voies, le rend propre à suivre la circulation et à porter la nourriture nécessaire à toute l'économie animale. Voyez BILE.

9°. Que cette liqueur est préparée avec plus d'artifice que celles qui se filtrent dans le reste du corps ; car la nature a formé pour la séparer des couloirs très-particuliers : et le sang n'a nulle part les mêmes mouvements, puisqu'il repasse, pour ainsi dire par un second cœur, qui est le sinus ; en effet le sang revenu des viscères s'y rassemble, et il en sort par quatre ou cinq ramifications.

10°. Qu'enfin le foie était necessaire ; 1°. pour empêcher que l'huîle devenue acre dans le mésentère par la chaleur et la privation de la lymphe, ne rentrât dans le sang ; 2°. pour fournir une liqueur propre à dissoudre les aliments gras, à exciter l'appétit, et à nettoyer les intestins. Voyez FOIE (Physiologie).

Observations anatomiques. I. La connaissance de la situation du foie en entier dans sa position naturelle, est importante aux Médecins. Sans cette connaissance, il arrive facilement, et même aux plus exercés qui examinent un foie détaché et tiré hors du corps, de se tromper par rapport à la situation des diverses parties de cet organe, surtout de celles de sa surface concave. Or le manque de lumières ou d'attention en ce genre, a été la cause d'un grand nombre de fausses observations.

Seconde observation. Julius Jassolinus est un des anciens anatomistes qui, quoi qu'en dise Riolan, a le mieux exposé la génération de la bile. Il donna même une figure nouvelle de la vésicule du fiel et de ses vaisseaux ; voyez son livre de poris choledochis et vesicula fellea, qui parut à Naples en 1577 in-8°. Il est extrêmement rare.

Traisième observation. Jacobus Berengarius a le premier décrit l'anastomose de la veine-porte et de la veine-cave dans le foie ; et Archangelus Piccolomini en a publié la figure.

Quatrième observation. Jean Riolan a imposé les noms reçus aujourd'hui de canaux hépatiques et cystiques.

Cinquième observation. La partie convexe et concave du foie est arrosée, comme on l'a dit ci-dessus, de quantité de vaisseaux lymphatiques. Les premiers qui aient été aperçus, le furent d'abord de Falloppe, ensuite plus clairement d'Asellius, de Rudbeck, de Bartholin, de Pecquet, etc.

Sixième observation. La structure charnue de la capsule de Glisson et sa force musculeuse, ont été démontrées fausses par Cowper, Fanton, Winslow, Walther, et Morgagni.

Septième observation. Le lobule du foie postérieurement terminé à l'orifice de la veine-cave, est mal-à-propos nommé lobule de Spigel ; car Eustachi, Jacobus Sylvius, et Vidus-Vidius en ont fait mention avant Spigel.

Huitième observation. Ruysch a prouvé que la substance du foie est plus composée de la veine-porte que de la veine-cave. Cette idée a paru d'abord singulière, parce que la veine-cave, excepté un peu de bile, reporte tout le sang de la veine-porte, outre celui de l'artère hépatique, dont la quantité n'est pas médiocre ; mais cette raison démontre seulement la lenteur de la circulation du sang par les rameaux de la veine-porte.

Neuvième observation. C'est Malpighi qui a le plus embelli l'hypothèse glanduleuse de la structure du foie. L'analogie tirée de l'examen des poissons, des quadrupedes, des oiseaux, la vue, les injections et les maladies de ce viscère ont fait conclure à ce beau génie que le foie était une glande conglomérée, et que les grains qu'on y voyait, présentaient des glandes simples, dont le canal secréteur était un pore biliaire. Winslow décrit les mêmes grains comme pulpeux, polygones au-dedans du foie, convexes à sa circonférence, et entourés d'un tissu celluleux. Ruysch a prétendu que les derniers rameaux des veines et du pore biliaire, s'unissaient à leurs extrémités en petits faisceaux indissolubles, semblables à des brins de vergette, sans aucune membrane propre ; et que ces petits paquets en avaient imposé à Malpighi, qui les avait pris pour des glandes ; mais presque tous les modernes ont préféré l'opinion de Malpighi à celle de Ruysch.

Jeux de la nature. Il est certain que le foie varie naturellement dans plusieurs hommes, par rapport à sa position, sa conformation, sa figure, sa grosseur, sa petitesse, etc. Mais il n'est pas moins certain qu'on nous a donné sur cette matière plusieurs observations, qui sont très-suspectes ou très-fausses. Telle est celle de Gemma, qui parle d'un foie qui pesait, dit-il, 40 livres. Plusieurs autres observations méritent d'être confirmées ou expliquées ; telle est celle de M. Méry (mém. de Trévoux, Février 1716, pag. 316.), qui raconte avoir Ve le foie situé au côté gauche, et la rate au côté droit. Mais quand Riolan rapporte avoir trouvé à l'ouverture d'un cadavre un foie qui égalait à peine la grosseur d'un rein ; on conçoit aisément que des abcès ou d'autres maladies longues peuvent produire cet effet.

Les ligaments du foie multipliés par quelques habiles anatomistes, doivent vraisemblablement leur origine à ces jeux de la nature de ce viscère.

M. Littre a fait voir sur un foie humain, qui d'ailleurs était dans l'état naturel, et très-bien conditionné, que les glandes qui ne sont presque jamais sensibles, avaient près d'une ligne de diamètre, et que les extrémités des artères, de même que les racines de la veine-porte, de la veine-cave, et les conduits biliaires, qui se terminaient à ces glandes, étaient visibles sans microscope. Toutes les autres parties de cet homme qui venait d'être tué, se trouvèrent très-saines ; d'où il semble qu'on pourrait dans ce cas attribuer à la première conformation cette grosseur plus qu'ordinaire des glandes du foie. Histoire de l'Acad. 1701. pag. 51.

M. Lemery a connu quelqu'un, dont le cadavre offrit en l'ouvrant une conformation de foie fort extraordinaire ; le viscère était rond, au lieu qu'il est communement convexe d'un côté, et concave de l'autre, et ses deux lobes n'étaient pas séparés. L'extrémité du pylore perçait la propre substance du foie, et s'y unissait intimement. Il n'y avait point de vésicule du fiel, mais divers réservoirs qui paraissaient être formés par la réunion des canaux biliaires, lesquels servaient de vésicule, en communiquant la bîle au duodenum par plusieurs petits conduits ; le canal pancréatique se réunissait aussi au duodenum en cet endroit. Histoire de l'Acad. 1701. page 54.

Remarques sur quelques cas rares de maladies du foie. On a Ve arriver à la partie supérieure et convexe du foie, à l'endroit où il est attaché au diaphragme, une inflammation phlegmoneuse qui se termine en suppuration ; alors l'abcès s'ouvre, et l'épanchement du pus cause un empyeme entre la deuxième et troisième côte. Mais comment cet empyeme peut-il se former, Ve l'interposition du diaphragme et de la pleure qui couvre ce muscle du côté de la poitrine ? En voici peut-être l'explication. Le pus formé entre le foie et le diaphragme perce ce muscle et la pleure par son érosion ; ensuite agissant sur les muscles intercostaux, il les perce entre les deux côtes, et produit une tumeur externe dans ce lieu, comme à l'occasion d'une pleurésie ou péripneumonie, lorsque l'abcès s'ouvre, et que le pus s'épanche sur le diaphragme. Il arrive aussi quelquefois, que la partie intérieure du poumon se trouvant adhérente au diaphragme, le pus, après avoir rongé ces parties, est rejeté par les crachats.

Riolan parle d'un abcès au foie, dont le pus se vuida par l'estomac qu'il avait percé à l'endroit où la suppuration se faisait, c'est-à-dire joignant la partie cave du foie, qui est collée à l'estomac. Le même auteur assure, qu'on a Ve des tumeurs dans la partie convexe du foie, qui se sont heureusement déchargées par l'application du cautère ; ce cas peut se rencontrer, lorsque le foie se dilate à cause du pus dont il est plein, et qu'il s'attache au péritoine vis-à-vis les muscles obliques.

Les grandes blessures de tête produisent quelquefois des abcès au foie qui deviennent mortels. Bohn prétend avoir observé qu'une partie du foie formait une hernie ombilicale. Enfin Hildanus rapporte qu'un blessé guérit, quoiqu'on lui eut tiré une portion du foie ; ce dernier fait est bien surprenant s'il est vrai.

Auteurs. On doit consulter, outre Ruysch et Malpighi, Glissonius, dont la première édition parut à Londres en 1654 avec figures. Rudbec (Olaus) exercit. anatom. exhibens ductus hepaticos aquosos, et vasa glandularum serosa, Lugd. Bat. 1654. in 12. Rolfincius (Guern.) Dissert. de hepate, Jenae, 1653. in-4°. Bianchi, hist. hepatica, Turin, 1710. in-4°. Mais il faut lire ce dernier auteur avec précaution, car il n'est pas exempt de fautes, et c'est assez son usage de renouveller des erreurs surannées. On trouvera dans les œuvres posthumes de Duverney qui sont sous presse, de très-belles choses sur cet organe, et dans les mém. de l'acad. des Scienc. ann. 1733. des recherches curieuses de M. Ferrein sur la structure et les vaisseaux du foie. A l'égard de la structure de ce viscère, il prétend que chacun de ses lobules est composé de deux substances différentes ; l'une qu'il appelle corticale, extérieure, friable, et d'un rouge tirant sur le jaune ; l'autre médullaire ou intérieure, rouge, pulpeuse, placée au centre de chaque grain, apparente dans plusieurs animaux, et souvent dans l'homme. Par rapport aux vaisseaux du foie, il a découvert diverses particularités dans les vaisseaux sanguins, les vaisseaux lymphatiques, et les conduits biliaires ; mais nous n'entrerons point dans ce détail, il nous conduirait trop loin, et nous appréhendons même que cet article ne soit déjà trop étendu. (D.J.)

FOIE, (Physiologie) Les anciens n'ayant pas connaissance des vaisseaux qui servent à porter le chyle des premières voies dans les secondes, et ayant trouvé tout près des principaux organes de la digestion, un gros viscère d'une couleur qui a beaucoup de rapport avec celle du sang, dont il parait aussi plus rempli qu'aucun autre viscère, eu égard au grand nombre de veines qui y sont attachées, avaient imaginé que c'est dans cette partie à laquelle on a donné le nom de foie, que le suc des aliments est porté pour y être converti en sang, et que la bîle n'est autre chose que la partie excrémentitielle, qui est séparée tout-de-suite du nouveau sang, pour sa dépuration, pour sa plus grande perfection.

Le rapport bien aisé à observer entre le foie et les boyaux, par le moyen des veines mésentériques, leur fit penser que ces veines servent à attirer le chyle, comme les racines des plantes attirent le suc de la terre. Ils avaient recours à cette sorte de suction, parce qu'ils n'apercevaient dans les intestins aucune force impulsive, qui put faire entrer et porter en avant le chyle dans ces veines. Ils étaient confirmés dans l'idée d'attribuer au foie l'ouvrage de la sanguification, , parce qu'ils ne trouvaient point de chyle dans les racines de la veine-cave qui portent le sang du foie au cœur, et que le sang de ces veines leur paraissait d'autant plus parfait, qu'il était d'un rouge plus foncé ; ils le croyaient dès-lors doué de toutes les qualités requises pour le bien de l'économie animale ; puisque selon leur sentiment, il est de-là distribué dans toutes les parties du corps pour leur fournir la nourriture. Ils regardaient conséquemment le foie comme le principe de toutes les veines, (Hipp. de alimento) c'est-à-dire de tous les vaisseaux que l'on trouve pleins de sang après la mort : ils appelaient sa substance parenchyme, de , fundere, répandre ; parce qu'ils le regardaient comme une masse composée de cellules appliquées à l'orifice des veines, dans lesquelles cellules le sang épanché auquel se mêle le chyle, convertit celui-ci en sa propre nature. Voyez SANG, SANGUIFICATION, PARENCHYME.

Telles sont les premières idées que l'on avait prises du principal usage du foie dans l'économie animale ; c'est ce qui est établi à ce sujet dans les œuvres d'Hippocrate, mais d'une manière plus détaillée dans celles de Galien, de Hipp. et plat. decr. lib. VI. cap. IVe Ces deux auteurs attribuaient aussi, avec Aristote, à ce viscère la fonction secondaire de contribuer par son voisinage de l'estomac et par sa position sur ce principal organe de la digestion, à y entretenir la chaleur nécessaire pour la coction des aliments. Démocrite dans une lettre au père de la Médecine, établissait encore dans le foie le siège de la concupiscence. Voyez cette lettre dans le recueil des œuvres d'Hippocrate.

Le sentiment sur la sanguification opérée dans le foie a été constamment adopté par tous les Médecins, jusqu'à la découverte des veines lactées, par laquelle il a été démontré que le chyle n'est pas porté dans ce viscère, et que c'est ailleurs par conséquent qu'il est changé en sang : Glisson fut le premier qui entreprit de le prouver et de réfuter l'ancienne opinion : ensuite Bartholin la détruisit entièrement ; ce qui donna lieu dans ce temps-là à plusieurs écrits qui parurent sous des titres relatifs à cet événement, tels que hepatis causa desperata (à l'égard de la sanguification attribuée à ce viscere), hepatis exequiae, epitaphium, &c.

Bilsius dans ces circonstances voulut soutenir encore pendant quelque temps le système des anciens, qui eut aussi pour défenseur Swammerdam ; mais ils ne retardèrent pas sa chute. Il fut bien-tôt abandonné presque dans toute l'Europe, dès qu'on se fut convaincu de la véritable route que prend le chyle au sortir des intestins.

D'ailleurs on comprit que l'organisation du foie n'était point propre à produire le changement qui lui était attribué, par la considération du peu d'action dont sont capables les parties solides, eu égard surtout à une opération qui semble devoir être presque totalement l'effet de puissances mécaniques (voyez SANGUIFICATION) ; par les conséquences qui se présentent à tirer de la lenteur du cours du sang dans les vaisseaux de ce viscère ; par l'attention à ce que la plus grande partie du sang qui y est apportée est un sang veineux qui n'a pas besoin d'éprouver de nouveaux effets tendants à changer en sang les humeurs mêlées qui en sont susceptibles ; parce qu'enfin l'observation a prouvé souvent que la sanguification continue à s'opérer également pendant assez longtemps, quoique le foie soit presque détruit par la suppuration ou toute autre cause, quoiqu'il soit tout rempli d'obstructions, ainsi qu'il arrive dans bien des maladies chroniques.

Il reste donc que le foie n'est regardé à-présent que comme n'étant principalement destiné qu'à séparer du sang l'humeur qu'on appelle bile, et cette fonction parait si importante pour l'économie animale, que ce n'est pas la rendre trop bornée, nonobstant le grand volume de ce viscère ; si on a égard à ce que la secrétion qui s'y fait est d'une abondance excessive selon le calcul de Borelli, mais proportionnée selon les expériences de Muckius, de Berenhorst, (qui portent que par comparaison de ce qu'il coule de bîle dans les boyaux d'un chien avec ce qu'il doit couler, tout étant égal, dans l'homme, la quantité de ce récrément doit aller dans l'espace de vingt-quatre heures, à une livre environ) ; que l'humeur qui en résulte n'est pas seulement destinée à servir à la digestion, à la préparation du chyle, qu'elle est d'un usage aussi continuel que son flux, au-moins par rapport à sa plus grande partie, c'est-à-dire celle qui est versée sans interruption dans les intestins, ensuite repompée par les mêmes vaisseaux qui reçoivent et portent le chyle, et qu'elle est ainsi reprise et mêlée dans la masse des humeurs, sans-doute pour y agir par sa propriété dissolvante contre la tendance qu'elles ont à prendre trop de consistance à s'épaissir, à perdre la fluidité qu'elles n'ont pour la plupart que par accident.

Cette idée générale qui vient d'être donnée de l'office du foie, de sa production, et des effets de celle-ci, est le résultat de l'exposition des causes mécaniques et physiques dans les solides et dans les fluides qui concourent à la secrétion qui se fait dans ce viscère de la nature de l'humeur séparée, et de ce qu'elle devient après son écoulement dans les intestins. Cette exposition a été faite dans l'article BILE ; il en sera encore fait mention dans celui de SECRETION en général : ainsi voyez BILE, SECRETION. On ne peut placer ici que ce qu'il y a d'essentiel à observer concernant le foie, ce qui est propre à ce viscère dont il n'a pas été traité dans le premier de ces articles, et qui n'est pas du ressort de l'autre.

1°. Pour bien juger de l'importance des fonctions du foie, il est à-propos de remarquer qu'il n'est aucune secrétion qui soit préparée avec autant d'appareil que celle qui se fait dans ce viscère ; que le sang qui y est porté pour en fournir la matière, se rend de presque tous les viscères du bas-ventre dans la veine-porte, et qu'ainsi ces viscères dans lesquels le sang a éprouvé différentes altérations, concourent tous, chacun à sa manière, à établir la disposition avec laquelle le sang entre dans la substance du foie ; qu'il est par conséquent nécessaire que les différentes espèces de sang fournies par les veines de la rate, de l'épiploon, de l'estomac, du pancréas, des boyaux, et du mésentère, soient réunis dans un seul vaisseau, tel que le sinus de la veine-porte, pour que la distribution qui se fait ensuite de ce mélange puisse fournir à chaque partie du foie un fluide composé de la combinaison des mêmes principes, d'où résultent les mêmes matériaux pour la formation de la bîle ; autrement chaque veine d'un différent viscère du bas-ventre implantée dans une partie du foie qui lui fût propre, n'aurait fourni à cette partie qu'un sang par exemple huileux, comme celui de l'épiploon, ou aqueux comme celui de la rate. Il n'aurait pas pu de cette différence s'ensuivre la secrétion d'un fluide de même nature dans toutes les parties du viscère, parce que ce fluide qui est la bile, doit les qualités qui la caractérisent à la réunion des qualités de tous les differents sangs dans les ramifications de la veine-porte, d'où passe la matière de la bîle dans ses vaisseaux secrétoires.

2°. Quoiqu'il ait été suffisamment établi dans l'art. BILE, que c'est du sang de la veine-porte qu'est séparé ce fluide crémentitiel, et non pas du sang de l'artère hépatique ; il reste à ajouter ici quelques réflexions à ce sujet. Il n'y a point de vraisemblance qu'un vaisseau aussi peu considérable que cette artère, porte au foie une quantité de sang suffisante pour une secrétion opérée dans toute l'étendue d'un viscère d'un aussi grand volume que l'est le foie. En effet, il est aisé de démontrer que sa proportion avec cette artère, la seule qu'il reçoive dans sa substance, est plus grande que celle d'aucun autre viscère comparé avec les artères qui lui sont propres ; excepté les seuls testicules. Ainsi l'artère hépatique parait avoir été donnée au foie, seulement pour l'usage auquel est destinée l'artère bronchique à l'égard des poumons, c'est-à-dire pour servir à distribuer le suc nourricier dans la substance du foie ; ce que ne peut pas faire la veine-porte ; parce que le sang veineux ne contient que le résidu de ce suc, qui n'est plus propre à la nutrition. Voyez NUTRITION. C'est pourquoi tous les viscères, comme le cœur, le poumon, et le foie, dont le sang qu'ils reçoivent et qu'ils travaillent dans leur sein, pour une utilité commune à toutes les parties de l'économie animale, est principalement un sang de la qualité de celui des troncs veineux, ont tous des artères particulières pour leur nutrition. Ces artères ont aussi des veines qui leur sont propres : en sorte que le sang de l'artère hépatique, après avoir rempli sa destination, est porté, quant à son résidu, non dans la veine-cave, mais dans la veine azygos, ainsi que l'a démontré Ruysch : d'où on peut conclure, qu'il se fait deux circulations différentes dans le foie, comme dans ces autres viscères ; ce qui est prouvé par l'expérience : puisque l'injection faite dans l'artère hépatique ne rend sensible aucune communication avec la veine-porte, avec les pores biliaires non plus qu'avec la veine-cave ; tandis qu'il arrive constamment que la matière de l'injection poussée dans la veine-porte, passe très-aisément dans la veine-cave et les pores biliaires.

3°. Outre l'usage qui vient d'être assigné à l'artère hépatique, il en est un autre qui n'est pas moins certain ; savoir, de communiquer par sa position, de la chaleur et du mouvement au sang de la veine-porte. Comme celui-ci est fort éloigné, eu égard à son cours, de la principale force impulsive de tous les fluides, qui est le cœur, il est aussi porté avec beaucoup de lenteur à son entrée dans le foie, par cette cause ; et de plus, parce qu'en passant dans les ramifications de la veine-porte, il passe respectivement à chacune d'elles, d'un lieu plus large dans un lieu plus étroit ; attendu qu'elles sont divisées et distribuées sous forme d'artère, sans en avoir le ressort ; attendu que la capsule de Glisson qui enveloppe celles-là, ne supplée que très-peu à ce défaut, selon Cowper, Stahl, Fanton, Morgagni ; qu'elle n'a point d'action musculaire ; et qu'elle ne fait tout au-plus que résister à une trop grande dilatation, à un trop grand engorgement des veines artérielles du foie : ainsi le sang pour y circuler, pour ne pas y perdre toute sa chaleur, n'étant d'ailleurs fouetté par le voisinage d'aucun muscle, a besoin qu'elles soient contiguès à l'artère hépatique, qui étant renfermée dans la gaine Glissonnienne, accompagne toutes les divisions de ces veines, en se divisant avec elles (ainsi que l'a prouvé Ruysch, en confirmation des conjectures de Glisson et des planches d'Eustache), procure à leur fluide, par ses pulsations, une sorte de mouvement progressif, qui favorise leur cours, et leur communique de la chaleur dont abonde son sang, qui vient de sortir du cœur, où il a participé à celle de toute la masse dont il a été séparé.

4°. Il y a une remarque à faire par rapport au sang artériel de la coeliaque et de la mésentérique : il éprouve dans son cours des variétés, qui lui sont absolument particulières : il est porté, ainsi que celui de toutes les autres artères, dans les veines correspondantes ; celles-ci forment les racines de la veine-porte : mais il ne revient pas pour cela tout de suite au cœur par cette voie ; ce qui est un effet de la structure propre du foie. Ce sang étant porté dans le sinus de la veine-porte, reprend un cours, pour ainsi dire, artériel ; entant qu'après s'être réuni dans ce sinus comme dans un cœur, il se divise de nouveau, et il s'en fait une distribution dans toutes les ramifications de la veine-porte, comme dans un second système artériel, pour être de nouveau reçu dans des veines qui sont les racines de la veine-cave ; et de celle-ci arriver enfin au cœur. Ainsi il ne faut pas prendre à la lettre la proposition d'Harvée, qui porte que " le cours du sang se fait en circulant du cœur dans les artères ; de celles-ci dans les veines, pour retourner immédiatement au cœur, et répéter toujours le même chemin ". Cette proposition, comme on vient de voir, doit souffrir une exception par rapport au sang des viscères qui concourent à la formation de la bile.

5°. Il suit de ce qui vient d'être dit (4), concernant la singularité du cours du sang de la veine-porte, que l'on peut regarder le sinus de cette veine comme un centre de réunion et de division pour ce fluide, en sorte que, selon l'idée de Boerhaave, on peut comparer à cet égard ce sinus au cœur : cet auteur pousse même cette comparaison plus loin, en tant qu'il fait observer que la rate est à ce cœur abdominal ce que sont les poumons au cœur thorachique : en effet, la rate fournit au foie un sang très-fluide, très-délayé, qui, en se mêlant au sang veineux, grossi du sinus, lui sert, pour ainsi dire, de véhicule, et le dispose à pénétrer sans embarras dans les ramifications de la veine-porte, à surmonter les résistances causées par leur forme artérielle ; ce à quoi il ne suffirait même pas, s'il ne s'y joignait des puissances impulsives auxiliaires, telles que les pulsations de l'artère hépatique, qui portent sur ces ramifications les pressions continuelles procurées par la contraction alternative du diaphragme et des muscles abdominaux, qui en portant leur action sur tous les viscères du bas-ventre et sur le foie particulièrement, attendu qu'il y est le plus exposé, favorise le cours des humeurs de ce viscère, soit à l'égard de celles qui s'y portent, soit à l'égard de celles qui sont dans sa substance.

6°. Mais de toutes ces dispositions nécessaires, pour rendre le foie propre à la fonction à laquelle il est destiné, c'est-à-dire, à la secrétion de la bile, il n'en est point de plus importantes que le rapport qui existe entre l'épiploon et ce viscère. La bîle que fournit celui-ci étant principalement huileuse de sa nature, il fallait qu'il reçut une matière susceptible de procurer cette qualité à la bile. C'est à cette fin que le sang veineux de l'omentum se rend dans la veine-porte. L'omentum, qui est le principal organe du corps dans lequel se forme la graisse, et dans lequel il s'en forme le plus, tout étant égal, ne parait pas avoir d'autre usage essentiel que celui de travailler pour le foie. En effet, toute la graisse qui s'y sépare n'y reste pas : il faut bien qu'elle soit portée en quelque endroit, après qu'il s'en est fait un certain amas dans ce viscère : les artères ne cessent d'y en fournir la matière. Il faut donc, puisqu'il n'y a point de vaisseau déférent pour la porter ailleurs, qu'elle soit reprise par les veines, à proportion de ce qui en est porté par les artères. Ces veines tendent toutes au foie ; elles concourent à former la veine-porte : ainsi le suc huileux qu'elles y charrient continuellement (après avoir éprouvé une élaboration considérable dans l'épiploon, par l'effet de la chaleur abdominale, par la pression, et pour ainsi dire le broyement qu'opèrent continuellement le diaphragme, les muscles du bas-ventre, le mouvement péristaltique des boyaux ; élaboration par laquelle se fait une atténuation des globules de ce suc), a contracté une grande disposition à rancir, à devenir amer, et en même temps à devenir miscible avec la sérosité du sang liénaire : en sorte qu'il ne lui manque rien des qualités nécessaires pour fournir la principale matière de la bîle ; ce qu'aucune autre des différentes sortes de sang versé dans la veine-porte, ne peut faire (excepté ceux du mésentère et du mésocolon, mais en petite quantité), la rate, le ventricule, le pancréas n'ayant point de graisse, ne pouvant par conséquent fournir aucun suc huileux : les changements dont est susceptible celui qui est mêlé au sang de la veine-porte, sont aisément prouvés par les opérations de la Chimie sur de semblables substances. Voyez HUILE. (Chimie) On sait combien l'huîle d'olives, d'amandes la plus douce, dont le contact ne blesserait pas l'organe le plus délicat, peut cependant contracter d'acrimonie rancide, par le seul effet de la chaleur. Les personnes qui ont l'estomac faible éprouvent souvent qu'après avoir pris des aliments gras en trop grande quantité, il en survient des retours acres, rances, et amers, qui les fatiguent beaucoup par l'irritation qu'ils causent dans toutes les voies par où ils se font, c'est-à-dire dans l'oesophage, la gorge, la bouche. Ainsi qu'on n'objecte pas qu'il parait plus vraisemblable qu'une huîle douce, telle que celle de l'épiploon, puisse être convertie en bile, qui est susceptible de devenir si acre et si amère.

7°. Il faut cependant observer que la bîle n'a pas essentiellement ces qualités ; elle ne les contracte que par accident ; et même ce n'est qu'une petite partie de cette humeur, en qui elles sont éminemment sensibles. La bîle qui coule continuellement par le conduit hépatique, est totalement différente de celle qui vient de la vésicule du fiel. Il est aisé de s'en convaincre, surtout par l'expérience faite dans le cochon, dont le foie et les trois conduits biliaires ont beaucoup de conformité avec ces mêmes organes dans l'homme. On peut s'assurer combien la bîle est éloignée d'être amère, tant qu'elle est dans les vaisseaux secrétoires, par le goût du foie qui est très-agréable à manger dans les poissons, dans la plupart des oiseaux, des quadrupedes ; pourvu qu'on en sépare soigneusement la bîle de la vésicule, dans ceux qui en ont une : car la plus petite quantité de cette dernière bîle suffit pour infecter de son amertume tout ce à quoi elle se mêle. Six gouttes dans une once d'eau, la rendent fort amère. Lorsque la vésicule manque, dans l'homme même, ce qui a souvent été observé, la bîle qui coule alors par le seul conduit hépatique, a été trouvée très-peu jaune, presque point amère, au contraire d'un goût assez agréable, selon Hartman. Il est un grand nombre d'animaux qui n'ont point de fiel, parce qu'ils n'ont point de follicule pour le contenir, dont le foie ne fournit pas de la bîle d'une autre nature que celle qui se trouve dans le canal hépatique ; tels sont le cheval, l'âne, le cerf, l'éléphant, le dromadaire, l'élan, etc. parmi les quadrupedes ; parmi les volatiles, la colombe, la grue, la geline de montagnes, le paon, l'autruche, etc. entre les poissons qui sont en petit nombre en comparaison des autres animaux, le marsouin, etc. d'où on doit conclure, qu'il n'est pas essentiel à la bîle d'être amère, et qu'elle peut être séparée avec toutes les qualités qui lui sont nécessaires pour l'usage auquel elle est destinée, sans le concours de celles qu'elle acquiert par le moyen de la vésicule ; ce qui est vrai, même par rapport à l'homme, qui ne laisse pas d'avoir de la bîle dans les cas où il est privé de ce dernier organe. hist. de l'acad. des Sciences. 1701, 1705. Il existe aussi des animaux dans lesquels la bîle de la vésicule est absolument distincte et séparée de celle que le foie fournit continuellement au conduit hépatique ; parce que la vésicule n'a aucune communication avec ce canal : en sorte qu'il ne peut passer rien de l'un dans l'autre ; cela est très-ordinaire dans la plupart des poissons, tels que l'anguille, l'alose, la perche, le loup, etc. On en trouve aussi des exemples parmi les oiseaux, dans la cicogne, etc. Il suit donc de tout ce qui vient d'être dit sur ces variétés, que le foie sépare constamment de la bile, indépendamment de la vésicule du fiel ; que celle-ci existe ou n'existe pas dans l'individu : ainsi, il y a lieu de croire que la bîle hépatique est d'une nécessité plus générale que la cystique dans toute l'oeconomie animale.

8°. Mais ces deux biles ont-elles une origine différente ? Il y a eu différents sentiments à cet égard, voyez BILE. Cependant que la bîle de la vésicule lui soit portée par les conduits hépato-cystiques, ou qu'elle lui soit fournie par le reflux du conduit hépatique, il parait tout simple de regarder avec Ruysch, (observ. anat. 31.) cette bîle cystique, lorsqu'elle entre dans la vésicule, comme étant de la même nature que l'hépatique : mais elle change de qualité, et contracte une véritable altération par son séjour dans ce réservoir ; elle y devient jaune, acre, rancide, amère ; et elle acquiert plus de consistance, de ténacité, par la dissipation de ses parties séreuses, et la réunion de ses parties huileuses ; effets qui doivent être attribués à la chaleur du lieu et à la disposition qu'ont toutes les humeurs animales à se trier, pour ainsi dire, par la tendance à l'adhésion des parties homogènes entr'elles ; à perdre leur fluidité qu'elles ne doivent qu'au mouvement, à l'agitation ; effets qui ont également lieu par rapport à la bîle hépatique, si elle est empêchée de couler : si elle est retenue dans ses conduits excrétoires par quelque cause que ce sait, selon que Ruysch dit l'avoir observé, loco citato. Ainsi il n'y a pas d'autres raisons que celles qui viennent d'être rapportées, de la différence dans l'état naturel entre la bîle cystique et la bîle hépatique : ce qui arrive à celle-là lui est commun avec ce que l'on observe relativement à l'humeur cérumineuse des oreilles, qui a beaucoup d'analogie avec la bile, voyez CERUMINEUSE (matiere), et CIRE DES OREILLES. Il n'y a qu'une sorte de bile, dans tous les vaisseaux secrétoires du foie ; elle est telle dans toutes les parties de ce viscère, qu'elle arrive dans le conduit hépatique : celle-ci qui forme la plus grande partie de l'humeur séparée, coule dans ce conduit sans avoir presque changé de qualité, respectivement à ce qu'elle était dans les pores biliaires, Malpighi, in posth. p. 47. Elle se rend ainsi du conduit commun aux deux biles, qui est le canal cholidoque, et se répand dans le duodenum. Ceux qui ont attribué à cette bîle hépatique les qualités de la bîle cystique, n'ont examiné celle-là qu'après son mélange avec celle-ci dans le canal cholidoque : telle a été la cause de l'erreur, à cet égard, de Bohnius et de plusieurs autres : on pourrait donc, pour éviter l'équivoque, appeler bîle simplement celle que nous avons appelée hépatique, et laisser à la bîle cystique le nom de fiel, que le vulgaire lui donne.

9°. Cette dernière distinction des deux biles étant posée, on doit remarquer que presque tous les auteurs, faute de l'avoir faite, ont confondu les qualités de ces deux humeurs, et n'ont parlé de leurs effets et de leur usage, que d'après l'idée qu'elles peuvent donner, lorsqu'elles ont été mêlées dans le canal cholidoque, et qu'elles sont ainsi versées dans les intestins. Mais puisqu'ils conviennent qu'elles n'y coulent pas toutes les deux continuellement ; que la seule hépatique a un cours réglé, sans interruption ; que la cystique n'y est portée que lorsque le follicule est exprimé, peu avant et pendant le travail de la digestion : ce qui est en effet prouvé par de nombreuses observations, desquelles il résulte que dans les cadavres d'hommes et d'animaux ouverts peu de temps après qu'ils avaient mangé, la vésicule n'a jamais été trouvée pleine ; qu'il s'en fallait le plus souvent d'un tiers de sa capacité ; qu'au contraire elle a toujours été trouvée très-remplie et distendue, presque au point de crever, dans les animaux qui avaient été privés de manger longtemps avant la mort : c'est ce que rapportent entr'autres Riolan, Borelli, Lister, et Boerhaave ; pourquoi n'a-t-on pas insisté sur la différence des qualités et des effets de la bîle qui coule toujours, et du fiel dont l'écoulement n'a qu'un temps ? Il semble cependant que la considération de cette différence doit être importante pour l'intelligence de l'usage de ces deux biles, qui doit être différent par rapport à chacune d'elles.

10°. Rivière, dans ses institutes, semble avoir entrevu la distinction qu'il convient d'en faire, lorsqu'il établit qu'il y a deux sortes de biles, dont l'une est alibile, c'est-à-dire recrémentitielle, et l'autre excrémentitielle : la première, selon cet auteur, est celle qui est la plus fluide, qui a très-peu d'amertume, et qui passe dans la masse des humeurs ; ce qui convient à l'hépatique ; et l'autre est moins fluide, plus amère, douée de beaucoup d'acrimonie, qui sert à exciter le mouvement des boyaux à l'expulsion des matières fécales avec lesquelles elle se mêle, pour être portée hors du corps ; effets qui désignent bien la bîle cystique : aussi ne dit il point de la première qu'elle vienne de la vésicule ; il ne le dit que de la seconde. Ne serait-on pas fondé à adopter la manière dont cet auteur distingue les deux biles, c'est-à-dire en recrémentitielle et en excrémentitielle, si l'on fait attention à ce qu'enseigne l'expérience à l'égard du chyle, savoir qu'il n'est point amer dans les veines lactées, selon la remarque d'Hoffman ? La bîle cystique ne passe donc point avec lui dans ces veines, après avoir été mêlée avec la matière du chyle, dans le canal intestinal. Il se fait donc une sorte de secrétion qui ne permet point aux parties amères de la bile, de passer avec le suc des aliments : ces parties restent donc avec le marc, et se sont évacuées avec lui, comme excrémentitielles. Il ne parait rien qui empêche de répondre affirmativement à toutes ces questions. Ainsi on peut regarder, avec Rivière, le fiel comme un excrément, mais qui est destiné à produire de bons effets dans les premières voies, avant d'être porté hors du corps, tels que de diviser par sa qualité pénétrante les matières muqueuses qui tapissent la surface intérieure des intestins ; d'empêcher qu'elles ne s'y ramassent en trop grande abondance ; de les détacher des parois du canal, et de découvrir ainsi les orifices des veines lactées : tout cela se fait pendant que la digestion s'opère dans l'estomac. Tous les organes qui doivent servir à cette fonction, se mettant en jeu en même temps, la vésicule du fiel entre aussi en contraction, exprime ce qu'elle contient ; et la bîle qui y était déposée coule dans les intestins, pour y préparer les voies à la continuation de la préparation du chyle, qui doit s'y perfectionner et s'y achever. L'écoulement de la bîle cystique continue encore à se faire pendant cette dernière digestion, pour exciter de plus en plus l'action des boyaux, pour dissoudre par sa qualité savonneuse, plus éminente que dans la bîle hépatique, les matières grasses qui pourraient éluder l'action de celle-ci. Le fiel se mêle ainsi à la pâte alimentaire, et reste ensuite mêlé avec sa partie la plus grossière, qui forme les excréments ; à laquelle il donne la couleur jaune plus ou moins foncée, qu'on y observe dans l'état naturel, les dispose à se corrompre plus promptement par la disposition qu'il y a lui-même, irrite ensuite les gros boyaux, jusqu'à ce que parvenus à l'extrémité du canal, ils soient poussés hors du corps. Voyez DEJECTION.

11°. Enfin il est important de remarquer encore dans un examen physiologique du foie, qu'il n'est aucun animal connu qui ne soit pourvu de ce viscère. Plus les autres viscères sont petits à proportion du sujet, plus le volume du foie est grand : c'est ce qui est démontré dans les poissons et dans les insectes. Les premiers n'ont point de poitrine ; la capacité de l'abdomen en est d'autant plus étendue, et ce sont le foie et les pancréas qui la remplissent presqu'en entier, les boyaux en étant très-peu considérables. Boerhaave a fait cette observation, particulièrement dans le poisson appelé lamie. Mais il en est de même à l'égard de tous les autres poissons ; on y trouve le foie intimement uni aux boyaux et lié à leur texture, de manière qu'il en accompagne presque toutes les circonvolutions. Les quadrupedes, les oiseaux ont tous un foie, qui est dans tous d'un volume assez considérable, respectivement à chacun de ces animaux. Il s'y sépare dans tous de la bile, c'est-à-dire une humeur savonneuse, qui sans être amère dans tous, attendu qu'il en est plusieurs qui n'ont point de vésicule du fiel, ainsi qu'il a été dit ci-devant, a cependant les autres qualités de la bile, et un flux continuel.

12°. Il parait surprenant que l'existence de cette humeur dans tout ce qui a vie, n'ait pas fait juger déterminément que le viscère qui la fournit doit être d'un usage plus étendu dans l'économie animale, que celui de servir seulement à la chylification. En effet ne peut-il pas être comparé avec fondement aux organes dont les fonctions influent sur toutes les parties du corps, tels que le cerveau et le poumon : ces deux organes-ci sont sans contredit chacun le viscère principal de la cavité où il est renfermé, l'un du ventre supérieur, l'autre du ventre moyen ; ainsi l'on peut dire que le foie est le viscère principal du ventre inférieur. Le premier étend son action sur tous les solides qui sont susceptibles de sentiment et de mouvement ; le second filtre toute la masse des humeurs, et leur fait éprouver la plus grande élaboration qu'elles puissent recevoir en commun ; le troisième fournit à cette masse un fluide reconnu pour avoir la propriété d'opérer de grands effets dans les premières voies, par sa qualité dissolvante de séparer les parties homogènes des sucs alimentaires, d'en briser la viscosité, la tenacité, de les rendre miscibles avec des parties respectivement hétérogènes : pourquoi ne pourrait-on pas étendre ces effets jusque dans les secondes voies, et dans toute la distribution des fluides du corps animal, de manière à regarder la bîle comme étant la liqueur balsamique, le menstrue sulphureux, qui conserve ces fluides dans l'état de dissolution convenable, qui les rend propres à couler dans tous les vaisseaux, et à être distribué dans toutes les parties du corps ; en sorte que le récrément que fournit le foie à la masse des humeurs serait à cette masse, par ses effets physiques, ce que lui sont les poumons par leur action mécanique ? Ainsi on pourrait dire que l'analogie semble concourir avec l'observation fournie par l'histoire naturelle des animaux, à établir l'influence générale du foie sur toute l'économie animale. En effet l'existence de ce viscère, commune à tous les êtres qui ont vie, dont on a pu étudier la structure (quelque différence qu'il y ait d'ailleurs dans leur organisation), n'annonce-t-elle pas cette universalité d'usages, cette nécessité qui s'étend à tout le corps animé ? et la propriété dissolvante qui vient d'être attribuée à la production du foie, portée dans toute la masse des humeurs, ne paroit-elle pas prouvée par la considération que ce viscère est d'un volume d'autant plus grand dans les animaux, qu'ils ont leurs humeurs plus disposées à perdre leur fluidité, ainsi qu'on l'observe, surtout dans les poissons, où elles sont extrêmement visqueuses, glutineuses ; que cette humeur manque dans quelques animaux, quant à la partie qui ne coule que dans le temps de la digestion, dans ceux qui ont une vésicule du fiel, mais qu'elle se trouve dans tous, quant à la partie dont le flux est continuel et qui ne cesse d'être portée dans la masse des humeurs ? On ne peut donc pas se refuser raisonnablement à ces conséquences. Le foie doit donc être rangé parmi les viscères principaux, parmi ceux dont les usages sont généraux. Le cerveau, les poumons et le foie, sont les seuls qui règlent toute l'économie animale ; les autres viscères ont des usages bornés, particuliers : ce serait ranger le foie parmi ceux-ci, et n'admettre dans le bas-ventre aucun organe principal, de n'attribuer à ce viscère que des fonctions limitées, relatives à la seule digestion, et de ne pas porter plus loin ses vues à l'égard d'une partie aussi importante. La considération de la manière dont influent sur toutes les humeurs les vices qui peuvent affecter cette partie, doit achever de convaincre que le récrément qu'elle fournit est d'une utilité et d'une nécessité générale : effectivement la secrétion de la bîle vient-elle à être diminuée, ou sa qualité dissolvante vient-elle à être altérée, affoiblie ; il s'ensuit des obstructions, des engorgements dans les autres organes secrétoires, des embarras dans toute la circulation dans le cours des humeurs ; et si au contraire la bîle vient à être séparée, à être portée dans la masse des humeurs, à y refluer en trop grande quantité, il en résulte trop de fluidité, de division dans tous les fluides qui causent la décomposition des globules du sang, leur dissolution en globules séreux, jaunes ; d'où s'ensuivent les hémorrhagies, la jaunisse ; d'où se forment les hydropisies ; d'où tirent leur cause les sueurs hectiques, les diarrhées colliquatives, les diabetes, ou toutes autres évacuations excessives qui ont rapport à celles-là, c'est-à-dire qui proviennent du défaut de consistance des fluides, à raison de laquelle ils ne peuvent pas être retenus dans les vaisseaux qui leur sont propres ; ils s'échappent par erreur de lieu, par anastomose, etc. et sont versés dans quelques cavités sans issue, ou portés tout-de-suite hors du corps. Voyez FOIE (maladies du), JAUNISSE, OBSTRUCTION, HEMORRHAGIE, HYDROPISIE, etc.

13°. Il suit de tout ce qui vient d'être dit pour établir que les effets de la bîle portent sur toute la masse des humeurs, et que c'est-là son usage principal, et non pas de servir seulement dans les premières voies en qualité de suc digestif, que ce dernier usage n'est que comme accessoire à celui pour lequel elle est essentiellement destinée : que dans le temps de la digestion, en tant qu'elle se mêle avec les sucs alimentaires, cet usage secondaire n'est que le commencement de son exercice, et concourt à leur élaboration ; exercice qui hors le temps de la digestion ne commence que par son mélange avec la lymphe des veines lactées, dont la bîle tient les orifices toujours ouverts en y pénétrant continuellement. Or puisqu'il est convenu que la bîle a un flux continuel dans les intestins, qu'elle est continuellement portée dans la masse des humeurs par les voies du chyle ; pourquoi les Physiologistes insistent-ils à ne regarder ce récrément que comme un suc digestif, principalement destiné à la chylification ? N'est-il donc, selon eux, d'aucun usage, quand il n'est pas employé pour celui-là, c'est-à-dire quand il n'y a pas des aliments dans les intestins ? Concluons qu'ils ont été tout-au-moins inconséquents à cet égard, s'ils ont entrevu un usage plus général de la bile, sans le désigner expressément ; ce qui a pu être une cause de bien des erreurs dans la théorie et la pratique médicinale, dans lesquelles les vraies connaissances des qualités de la bîle et de ses effets doivent jouer un si grand rôle.

14°. Le cours de la bile, en tant qu'elle passe du foie par les premières voies dans les secondes, et se mêle à toute la masse des humeurs, n'est pas la seule route qu'elle tienne. Il est très-vraisemblable que comme une portion du chyle pénètre dans les veines mesaraïques, pour se mêler avec le sang de la veine-porte (ce qui n'est guère contesté), sans-doute pour en corriger la rancescence dominante ; de même il passe avec le chyle une portion de bile, qui retourne ainsi dans le foie avec les qualités qu'elle y a acquises, et qu'elle n'a eu complete ment qu'à la sortie de ce viscère, c'est-à-dire lors de son excrétion : en sorte que cette portion du récrément hépatique Ve opérer immédiatement sur le sang veineux et concrescible de la veine-porte, ses effets dissolvants qui paraissent y être plus nécessaires que dans aucune autre partie du corps. Cette assertion semble pouvoir être mise hors de doute par l'observation de Vanhelmont (Sextu. digest.), et de plusieurs autres, qui ont trouvé que le sang des veines mésentériques est d'une qualité différente de celui des autres veines, qu'il n'est pas aussi susceptible de se coaguler, et qu'il est d'un rouge moins foncé ; ce qu'il faut moins attribuer au mélange du chyle, qu'à celui de la bile, qui par sa qualité pénétrante est plus propre à produire cet effet que le suc des aliments, qui par lui-même serait au contraire disposé à diminuer la fluidité des humeurs auxquelles il se mêle. Il suit donc de cette seconde destination de la bile, que l'on peut concevoir une espèce de circulation d'une partie de ce récrément, qui étant sortie du foie pour être versée dans le canal intestinal, retourne au foie, étant absorbée, reprise par les veines du mésentère, et renouvelle continuellement ce cours pour l'usage qui vient d'être assigné ; usage d'une aussi grande conséquence pour conserver la fluidité des humeurs dans les ramifications de la veine-porte, que le mélange de la même bîle à la masse des humeurs en général, est nécessaire pour les disposer à couler librement dans tous les vaisseaux du corps. Voyez sur cette propriété absorbante des veines mésentériques, les articles VEINE et MESENTERIQUE.

15°. Il reste encore à observer sur l'usage du récrément fourni par le foie, que son efficacité ne se borne pas à entretenir les quantités nécessaires dans les fluides animaux ; qu'elle opère aussi sur les solides, non-seulement dans les premières voies, en excitant, ainsi qu'il a été dit ci-devant, le mouvement, l'action du canal intestinal, mais encore dans tout le système des vaisseaux sanguins et autres. Les humeurs, imprégnées de leur bile, portée dans les secondes voies avec le chyle qui en renouvelle la masse, sont pour ainsi dire armées d'une qualité stimulante, dont l'effet, par leur seule application aux parois des vaisseaux, est d'en exciter l'irritabilité ; d'en ranimer continuellement l'action systaltique ; ce qui concourt à entretenir l'agitation, et conséquemment la fluidité des humeurs, en sorte que la bîle sert de deux manières à cette fin, en tant que mêlée avec elles, sa qualité physique dissolvante opère immédiatement, et que par le moyen de la propriété stimulante, elle fait agir les puissances mécaniques qui sont les principaux instruments que la nature emploie pour conserver cette fluidité. Le plus ou le moins d'activité dans la bile, considérée sous ce dernier rapport, doit donc influer plus ou moins sur le jeu des solides en général, sur l'exercice de toutes les fonctions, et particulièrement de celles qui dépendent davantage de la disposition qu'ont les organes à l'irritabilité : cette activité doit donc décider beaucoup dans tous les animaux, pour former leur caractère, leur penchant dominant ; mais dans l'homme surtout, quant au physique des inclinations, des passions, puisqu'elle le rend susceptible d'impressions plus ou moins vives par tout ce qui l'affecte, soit au-dehors, soit au-dedans de la machine, et par tout ce qui lui procure des perceptions, soit par la voie des sens, soit par celle de l'imagination. La bîle contribue donc essentiellement à établir la différence des tempéraments ; ce qui est conforme à l'idée qu'en avaient les anciens. Voyez TEMPERAMENT, PASSION. Ensorte que la bîle doit être regardée comme une cause universelle, c'est-à-dire qui s'étend à tout dans toute l'économie animale. C'est donc avec bien de la raison, que les Médecins la regardent aussi comme une des causes générales de lésions dans cette même économie, par les vices que peut contracter cette production du foie, soit par ceux du sang qui fournit la matière de la secrétion de ce viscère, soit par ceux des organes qui préparent et qui opèrent cette secrétion. Voyez ci-après FOIE (Maladies du). (d)

FOIE (Maladies du). La connaissance de la structure de ce viscère, des différents vaisseaux qui sont distribués dans sa substance, de la singularité du cours du sang qu'il reçoit, des différents viscères qui préparent, fournissent ce sang ; de ses differentes qualités ; de la fonction principale à laquelle il est destiné, par conséquent de la secrétion qui s'y fait, et de la nature de l'humeur qui résulte de cette secrétion ; cette connaissance, dis-je, bien établie, doit suffire pour inférer que le foie est non-seulement susceptible de toutes les lésions dont peuvent être affectés tous les autres organes du corps, mais qu'il est plus disposé qu'aucun autre à contracter les différents vices qui constituent ces lésions.

En effet comme il n'est aucune maladie qui ne doive sa cause à l'action trop forte ou trop faible des solides, à l'excès ou au défaut de mouvement des humeurs, à leur fluidité trop augmentée ou trop diminuée, il est aisé de conclure de tout ce qui a été exposé ci-devant concernant le foie, que tous ces différents vices peuvent avoir lieu plus facilement dans ce viscère, que dans tout autre ; ce qu'il serait d'ailleurs trop long de prouver en détail : ainsi il suffira de le faire ici par des généralités qui donneront occasion d'indiquer les articles, dans lesquels il est suppléé à la briéveté de celui-ci.

1°. Les vaisseaux qui entrent dans la composition du foie étant la plupart veineux, destinés cependant à faire les fonctions d'artère, sans avoir des tuniques d'une force proportionnée, doivent, tout étant égal, avoir plus de disposition à pécher par le défaut de force élastique et systaltique ; et à plus forte raison, si l'on a égard à ce que les fluides contenus dans ces vaisseaux sont plus éloignés que dans aucune autre partie du corps, de la puissance impulsive, conservent très-peu du mouvement qu'ils en ont reçu, et le perdent de plus en plus par l'effet des résistances qu'ils éprouvent à être portés une seconde fois dans des vaisseaux de forme artérielle, sans être aidés par l'action immédiate d'aucun muscle, action qui est d'un si grand secours ailleurs pour entretenir la fluidité et le cours du sang dans les veines : de ce défaut peuvent suivre des engorgements, des dilatations forcées, des ruptures de vaisseaux ; d'où peuvent résulter des effusions de sang dans les pores biliaires, et de-là dans les intestins, d'où se forme ce qu'on appelle flux hépatique.

2°. Les vaisseaux artériels qui sont distribués en petit nombre dans la substance du foie, participent à proportion aux mêmes vices que les vaisseaux veineux, à cause de la mollesse de ce viscère qui ne leur fournit pas de point d'appui propre à s'opposer à leur engorgement, qui peut être suivi des mêmes effets que dans tous autres vaisseaux de ce genre.

3°. L'on peut néanmoins concevoir qu'une partie des vaisseaux du foie est susceptible de pécher par trop d'action, et sont les vaisseaux colatoires de la bile, qui étant très-irritables, peuvent recevoir aisément de fortes impressions de la moindre acrimonie contractée par ce récrément ; ou de la trop grande irritation des parties voisines du foie, telles que l'estomac, les boyaux, causée par l'action trop violente de quelque médicament vomitif, purgatif : ou de l'éréthisme général, effet de la colere ou de toute autre passion violente, qui ébranle fortement le genre nerveux, etc. ce qui donne souvent lieu à des constrictions spasmodiques, convulsives, qui expriment trop fortement, trop promptement ce fluide, lequel étant versé dans le canal intestinal, continue à porter des impressions irritantes qui causent des douleurs d'entrailles, des diarrhées, des tenesmes, des dyssenteries ; et ensuite étant porté dans le sang, augmente son alkalescence naturelle, stimule tous les vaisseaux, les fait agir avec plus de force ; d'où suit une augmentation de mouvement et de chaleur qui constitue le genre de fièvre qu'on appelle ardente, bilieuse (Voyez les articles de ces différentes maladies) ; ces irritations donnent lieu à des étranglements qui arrêtent le cours de la bile, la détournent de la voie qui la porte dans les intestins, la font refluer dans les racines de la veine-cave, etc. d'où suivent les mêmes effets qui seront attribués aux vices de la bile, considérée comme péchant par trop de consistance.

4°. Ces différents vices dans les solides doivent contribuer d'autant plus facilement à en procurer aux fluides, que ceux-ci sont plus disposés à en contracter ; en effet la quantité du sang de la plupart des vaisseaux du foie (c'est-à-dire de toute la distribution de la veine-porte) lui étant commune avec celle du sang de toutes les veines du corps moins fluides, moins propre à couler dans les vaisseaux capillaires que le sang des artères, destiné cependant à être porté dans les divisions d'un vrai système artériel ; ce sang doit avoir bien plus de difficulté à pénétrer dans ses vaisseaux : plus de tendance à s'y arrêter, à y former des embarras, des engorgements, à s'y corrompre, qu'il n'y a lieu à de pareils effets dans les autres parties du corps.

5°. Le vrai sang artériel du foie doit aussi avoir plus de disposition (tout étant égal) à s'épaissir, à être filtré difficilement dans les passages étroits des artères, dans les veines correspondantes, qu'il n'arrive dans les autres extrémités artérielles, à cause de la molesse du viscère : d'où peuvent s'établir de vraies causes d'inflammation et de ses suites. Voyez HEPATIQUE.

6°. La bîle elle-même, à cause de la lenteur de son cours dans l'état naturel où elle n'a point d'acrimonie qui excite l'action des vaisseaux qui lui sont propres, doit être susceptible de perdre aisément sa fluidité nécessaire, par la disposition qu'ont ses parties intégrantes homogènes à se réunir entr'elles, à se séparer par conséquent des hétérogènes ; à former des concrétions de différentes natures, huileuses, salines, terreuses, conformément à ses différents principes et à celui d'entr'eux qui est dominant (voyez BILE) : d'où naissent des obstructions, des matières gypseuses, graveleuses, qui étant fixées dans les vaisseaux secrétoires, forment des tubercules ; ou qui étant portées dans les vaisseaux excrétoires, dans la vésicule, grossissent et forment de vrais calculs, voyez PIERRE (Medec.) : d'où selon leur nombre, leur différent siège et leur différente figure, plus ou moins propre à irriter les parties contenantes, à comprimer les parties ambiantes, suivent les arrêts des humeurs de toute espèce dans différents points, différente étendue de ce viscère ; l'empêchement de la secrétion de la bîle dans les parties obstruées ; le reflux de ce récrément dans la masse des humeurs ; la couleur plus ou moins jaune, communiquée à toute la sérosité de cette masse ; si ce reflux est fait de la bîle cystique, qui, eu égard à ce qu'elle ne peut être fournie qu'en petite quantité, agit plutôt comme colorante que comme dissolvante ; ou la décomposition du sang en globules jaunes, si c'est de la bîle hépatique, qui peut refluer assez abondamment, pour agir comme fondante avec plus d'activité, que lorsqu'en passant par les premières voies, elle perd de son énergie en se mêlant avec le chyle ou la lymphe ; en sorte qu'il s'ensuit de-là des ictères de différente espèce, des dissolutions générales d'humeurs, des hydropisies universelles ou particulières, selon que les lésions de l'équilibre dans les solides, sont plus ou moins étendues ; V. JAUNISSE, HYDROPISIE, LEUCOPHLEGMATIE, ANASARQUE, OEDEME, ÉQUILIBRE.

7°. Ces différents vices du foie dans ses solides et dans ses fluides peuvent être non-seulement idiopatiques, mais encore sympatiques ; c'est-à-dire qu'ils peuvent être produits immédiatement dans ce viscère même, ou dépendre de ceux des autres viscères qui contribuent aux fonctions du foie ; ainsi la rate ne peut pas être lésée dans les siennes, sans que le foie s'en ressente : parce que si le sang qu'elle fournit à celui-ci, n'est pas préparé convenablement, le sang de la veine-porte manque des dispositions nécessaires, pour qu'il puisse pénétrer dans la substance du foie, et fournir la matière de la bile. Il en est de même de l'omentum ; si les sucs huileux qu'il envoye au foie sont trop ou trop peu abondants, sont trop exaltés ou trop concrescibles, la secrétion de la bîle se fait imparfaitement, péche par la qualité ou par la quantité : ainsi des autres viscères dont le sang est porté dans le foie ; ils influent sur celui-ci à proportion de l'importance du rapport qu'ils ont avec lui.

8°. Les différents vices du poumon même, quoiqu'il n'ait aucune communication immédiate avec le foie, peuvent aussi contribuer aux lesions des fonctions de ce dernier ; si le viscère de la poitrine est affoibli, travaille mal le chyle pour le convertir en sang, la portion de celui-ci, qui doit être distribuée au foie, manque des parties intégrantes nécessaires pour la formation d'une bîle de bonne qualité ; le récrément qui en résulte n'a point d'activité, relâche ses conduits au lieu d'en exciter la réaction, les engorge, et ne coule point dans les boyaux ; ou s'il y appartient, il n'y peut servir à la préparation du chyle : il ne peut agir comme dissolvant, n'ayant point d'énergie pour cet effet ; il n'en a pas plus étant porté dans la masse du sang, où il ne remplit pas mieux sa destination, manquant également quant à sa faculté dissolvante et quant à sa qualité stimulante : la partie cystique étant à proportion aussi peu active, n'opère pas davantage ; elle laisse les premières voies se décharger de mucosités, de glaires ; elle n'excite point le canal intestinal à se décharger, à se vider des excréments, etc. tels sont les vices de la bîle dans la chlorose et dans toutes les maladies où la sanguification ne se fait pas bien par le défaut d'action dans les solides du poumon, et de leur débilité générale. Voyez PALES COULEURS, DEBILITE, FIBRE.

De cette exposition sommaire des principaux vices que le foie est susceptible de contracter et des effets qui s'ensuivent, on peut tirer cette conséquence, que ce viscère peut être le siège d'un très-grand nombre de maladies tant aiguës que chroniques, ou de leurs causes disponentes : c'est cette considération qui a fait dire à Stahl que la veine-porte est la source d'une infinité de maux, vena porta porta malorum ; que le foie est moins sujet aux maladies inflammatoires que les autres viscères, attendu qu'il reçoit peu d'artères dans sa substance, et que le mouvement du sang dans les ramifications de la veine-porte est trop lent pour produire des engorgements inflammatoires, excepté lorsqu'il est assez échauffé, assez acrimonieux pour exciter un mouvement extraordinaire dans ses vaisseaux ; que sa disposition la plus dominante est, à raison de cette même lenteur dans le cours de ses humeurs, d'être le foyer de la plupart des maladies chroniques, qui peuvent avoir des paroxismes très-aigus, accompagnés de violentes douleurs, qui peuvent causer de proche en proche un désordre général dans toutes les fonctions, en tant qu'elles occasionnent des vices dans les premières voies, qui ne sont pas réparables dans les secondes ; qu'elles privent celles-ci du correctif nécessaire pour l'entretien de la fluidité naturelle des humeurs, ou qu'elles ne le fournissent qu'avec des imperfections qui le rendent plus nuisible qu'utile.

Enfin de cent maladies chroniques, comme dit Boerhaave (instit. comment. § 350.), à peine en trouve-t-on une dont la cause n'ait pas son siège principal dans le foie, c'est-à-dire dans la distribution de la veine-porte ou dans les colatoires de la bîle (car les maladies qui ont leur siège dans l'artère hépatique, n'ont presque rien de particulier qui soit applicable ici) ; et ce qui est bien mortifiant pour ceux qui exercent l'art de guérir, c'est que selon le même auteur (ibid), on peut compter mille cures de maladies aiguës, tandis qu'on a peine à en observer une parfaite des différentes maladies du foie, ou qui dépendent des vices de ce viscère : telles que la jaunisse, les obstructions de la rate, l'hydropisie, etc. La raison qu'il donne de la difficulté qu'il y a à guérir ces dernières, c'est que les médicaments qui doivent être portés dans le foie pour y opérer les changements salutaires, pour y corriger les vices dominans, pour y resoudre les obstructions, p. e. ont une si longue route à faire, en suivant le cours ordinaire des humeurs, des vaisseaux lactés au cœur, du cœur au poumon, de celui-ci de nouveau au cœur, dans l'aorte, dans les artères coeliaques mésentériques, dans toute leur distribution, pour passer dans les veines, se rendre dans le sinus de la veine-porte, pour en suivre les ramifications jusqu'aux différents points où est formé l'embarras ; quelquefois jusque dans les conduits biliaires, s'il y a son siège : il n'est donc pas étonnant qu'il se trouve peu de remèdes qui puissent parcourir une si longue suite de vaisseaux à-travers tant de détours, se mêler avec tant d'humeurs différentes, et arriver après tant de circuits, au lieu de leur destination, sans rien perdre de leur propriété. On peut ajouter que les forces de la nature qui opèrent le plus souvent sans secours, les crises dans les autres parties du corps, manquent dans le foie, et ce défaut suffit pour rendre peu efficaces les secours les mieux appliqués. Les impulsions du cœur ne peuvent pas étendre leur effet à une si grande distance ; la force systaltique des artères n'a pas lieu non plus dans la plus grande partie de ce viscère, qui est occupée par les divisions de la veine-porte ; c'est cependant cette force systaltique qui est le grand instrument que la nature emploie pour opérer la resolution, les changements les plus salutaires, dans les engorgements inflammatoires, pour forcer les vaisseaux engorgés à se dilater outre mesure, et à se rompre pour donner issue à la matière obstruante, lorsqu'elle ne peut pas être atténuée, reprendre sa fluidité et son cours, et qu'elle ne peut être tirée autrement des vaisseaux où elle est retenue, ainsi qu'il arrive dans la péripneumonie, où les crachats sanglans dégagent par cette évacuation forcée la partie enflammée. Il ne peut arriver rien de semblable dans le foie, à l'égard de la plupart des humeurs qui sont portées dans sa substance, à cause de la lenteur avec laquelle elles coulent, et du peu de mouvement excédent qui peut leur être communiqué ; en un mot à cause de la disposition dominante qui se trouve dans les solides et dans les fluides à favoriser la formation des obstructions, à les laisser subsister, et à les augmenter par tout ce qui est le plus propre à cet effet. Voyez OBSTRUCTION.

Il n'y a donc d'autre moyen à tenter, pour parvenir à détruire ces causes morbifiques, que celui de faire naître un petit mouvement de fièvre dans toute la machine, qui puisse atténuer les humeurs portées au foie, et les disposer pour ainsi dire à détremper, à pénétrer les humeurs stagnantes, à les ébranler, et à les emporter dans ce torrent de la circulation : c'est donc une méthode bien pernicieuse et bien contraire, que de traiter ce genre de maladie avec le quinquina, puisqu'il tend à supprimer la fièvre, qui est le principal agent que la nature et l'art puissent employer pour dissiper les obstructions du foie ; mais les effets de la fièvre peuvent être considérablement aidés par l'usage du petit-lait et de tous autres médicaments liquides atténuans, qui soient susceptibles d'être poussés du canal intestinal dans les veines mésentériques, et portés de-là au foie, ce qui est la voie la plus courte, sans passer le grand chemin du cours des humeurs ; afin qu'ils parviennent à leur destination avant d'avoir perdu leurs propriétés, leurs forces. C'est par ces raisons qu'on peut utilement employer dans ces cas la décoction de chiendent, des bois légèrement sudorifiques ou incisifs, surtout les eaux minérales dites acidules, tous ces médicaments en grande quantité : ce sont presque les seuls qui conviennent aux embarras du foie, et qui ne nuisent pas, s'ils ne peuvent pas être utiles ; mais il faut en accompagner l'usage d'un exercice modéré, de l'équittation, des promenades, des voyages en voiture.

Voilà sommairement tout ce qu'on peut dire de la cure des principales maladies propres au foie, qui ont presque toutes cela de commun, d'être causées par des obstructions de ce viscère ; il n'y a que le différent siège de ces obstructions dans ses différentes parties, qui fait varier les symptômes et la dénomination de ces maladies, dont la nature de cet ouvrage ne permettrait pas de donner ici une histoire théorique et pratique plus étendue, sans s'exposer à des répétitions dans les articles particuliers où il en est traité, auxquels il a été renvoyé. Voyez aussi MELANCOLIE, HYPOCHONDRIAQUE. (Passion)

Quant aux auteurs qui ont traité de la physiologie et de la pathologie du foie, de ses maladies et de leur cure, d'une manière qui ne laisse rien à désirer, voyez entr'autres les œuvres de Bohn, celles d'Hoffman, passim, et surtout sa dissertation de bîle medicinâ et veneno corporis : les œuvres de Boerhaave, instit. comment. Haller, de actione hepatis, de actione bilis utriusque, et aphor. de cognoscendis et curandis morbis : Comment. Vanswieten, t. III. de hepatitide et ictero multiplici. Voyez encore les essais de Physique sur l'anatomie d'Heister, au chap. de l'action du foie. (d)

FOIE DES ANIMAUX, (Diète et Matière médicale) est un aliment généralement reconnu pour mal sain et difficîle à digérer : ce reproche tombe principalement sur le foie des gros animaux, bœuf, veau, mouton, cochon ; ceux des canards, oies, poulardes, pigeons, et autres volailles engraissées, appelés dans nos cuisines foies gras, sont un aliment de moins difficîle digestion, dont il faut cependant interdire l'usage aux convalescens et à ceux qui ont l'estomac mauvais. Les gens qui se portent bien se priveraient sur une crainte frivole d'un aliment très-agréable au gout, en renonçant aux foies, et surtout aux foies gras. Les sévères lois de la diete sur le choix des aliments, ne sont pas faites pour eux ; ils se conduiront assez médicinalement, s'ils obéissent à un seul de ses préceptes, au précepte majeur, premier, universel, à celui de la sobriété. Voyez REGIME. (b)

FOIE DE SOUFRE, (Chimie) Voyez SOUFRE.

FOIE D'ANTIMOINE, (Chimie) Voyez ANTIMOINE.

FOIE D'ARSENIC, (Chimie) Voyez ORPIMENT.