(Anatomie) la vessie est une espèce de poche membraneuse et charnue, capable de dilatation et de resserrement, située au bas de l'abdomen, immédiatement derrière la symphise des os pubis, vis-à-vis l'intestin rectum. La lame supérieure du péritoine entoure la partie postérieure de la vessie.

Sa figure est ronde et oblongue, assez semblable à une bouteille renversée : elle n'est pas toujours d'une grosseur égale dans le même sujet ; car elle s'étend beaucoup quand elle est remplie d'urine, et elle s'affaisse sous l'os pubis quand elle est vide.

La vessie est placée dans les hommes sur l'intestin droit, et dans les femmes entre la matrice, le vagin et l'os pubis.

On considère deux parties à la vessie, qui sont son fond et son cou : son fond est la partie supérieure la plus ample ; et son cou est sa partie antérieure étroite, quoiqu'il y ait des auteurs qui disent que la vessie est plutôt plus grosse vers son cou que vers son fond, à cause de la grande pression de l'urine quand nous sommes debout.

Elle est composée de quatre membranes : la première est la commune et l'extérieure, que le péritoine lui fournit : la seconde membrane est celluleuse ; on y trouve ordinairement de la graisse : la troisième est musculeuse, tissue de fibres charnues, solides, assez épaisses, disposées en ligne droite, par rapport à la vessie, et d'une façon irrégulière par rapport à tout le corps : la quatrième membrane est nerveuse, et douée d'un sentiment très-exquis ; elle est ridée, pour faciliter la dilatation de la vessie, et pourvue de petites glandes qui paraissent quelquefois vers le cou : ces glandes séparent une espèce de mucosité qui émousse les pointes des sels de l'urine.

Le fond de la vessie est attaché à l'ombilic par l'ouraque, aux artères ombilicales, qui dégénèrent en ligaments après la naissance de l'enfant, et à l'os pubis par le moyen du péritoine.

Outre les attaches de la vessie dont nous venons de parler, elle est encore jointe par son cou, à la partie honteuse de l'homme et de la femme au moyen de l'urethre, qui est le canal par lequel sort l'urine dans les deux sexes. La vessie a de plus deux ouvertures internes, situées à sa partie postérieure proche de son cou, qui sont formées par l'entrée des uretères, et au moyen desquels l'urine coule continuellement dans sa cavité ; mais les uretères avant que de pénétrer la tunique intérieure, se glissent entre les membranes de la vessie, et ne s'ouvrent que vers son cou.

Pour empêcher que l'urine ne s'écoule involontairement de la vessie, la nature a entouré le cou de la vessie de fibres charnues, obliques et circulaires, qui sont situées sous sa membrane extérieure, et qui font l'office d'un sphincter, jusqu'à ce que, tant par la quantité que par l'âcreté de l'urine, et par la contraction de la tunique musculeuse de la vessie, aussibien que par l'action des muscles du bas-ventre et du diaphragme, la contraction du sphincter soit forcée, et que l'urine soit obligée de s'échapper.

L'usage de la vessie est donc de recevoir et de contenir l'urine, qui lui est apportée par les uretères, et de s'en décharger de temps en temps, selon le besoin.

Les artères de la vessie lui sont en général fournies par les artères hypogastriques ou iliaques internes ; en particulier elles sont de côté et d'autre des rameaux de l'artère sciatique, de l'artère épigastrique et même de l'artère ombilicale ; les veines viennent de celles qui portent les mêmes noms que ces artères.

Les nerfs de la vessie naissent des nerfs cruraux, et même des grands nerfs sympathiques, par le moyen de la communication de ces nerfs avec les nerfs cruraux. Il lui en vient aussi du plexus mesentérique inférieur.

On trouvera dans les Comment. de l'acad. de Petersbourg, tom. V. une représentation de la figure et de la situation de la vessie urinaire de l'homme, supérieure à celles qu'on voit communément dans les ouvrages d'anatomie. Il faut passer maintenant à quelques observations particulières.

1°. Jean Guinther, natif d'Andernac, a le premier décrit et remarqué le muscle nommé le sphincter de la vessie ; il lui donne la fonction de fermer cette poche, et de se resserrer en tous sens après l'évacuation de l'urine.

2°. Les muscles qui servent à exprimer l'urine, et à chasser par leur action ce qui en reste dans la vessie, prennent leur origine de la partie supérieure externe de l'urethre, s'avancent jusqu'au périnée, où ils semblent devenir tendineux, et s'insèrent finalement à la racine de l'urethre ; d'où l'on voit la raison de leur action, laquelle action est distincte dans les vieillards : c'est pourquoi ils ne rendent qu'avec peine les dernières gouttes d'urine, et même quelquefois le séjour de cette humeur dans l'urethre, leur cause une érosion douloureuse.

3°. Aquapendente a remarqué que l'urine est supprimée, lorsque la tunique musculeuse de la vessie, ne peut expulser cette liqueur par son trop grand relâchement. La même chose arrive par une grande quantité d'urine qui étend fortement les fibres de cette tunique, et dilate la vessie, au point de l'empêcher de pouvoir se resserrer, pour chasser l'urine. Dans ces deux accidents, il n'y a que la sonde qui puisse soulager le malade ; c'est ainsi qu'Ambraise Paré guérit un jeune homme qui tomba dans une suppression d'urine pour l'avoir retenu trop longtemps ; mais une semblable suppression fut la cause de la mort du célèbre Tycho-Brahé.

4°. On ne peut gueres nier qu'il n'y ait quelque communication entre le nombril, la vessie et la verge, car Hildan rapporte avoir Ve des particuliers qui étant attaqués de strangurie, éprouvaient un grand soulagement quand on leur oignait le nombril de suif fondu.

5°. Comme le cou de la vessie est fortement attaché à l'intestin droit dans les hommes, cette connexion est cause que dans l'opération de la taille au petit appareil, lorsque l'opérateur fait l'incision trop basse, il blesse l'intestin, d'où il arrive que l'urine s'écoule par l'anus, et que les gros excréments sortent par la plaie.

6°. Dans les femmes la vessie est fort adhérente à la partie antérieure du vagin, et cette adhérence occasionne quelquefois de fâcheux accidents dans l'accouchement, et même dans la suite un écoulement involontaire d'urine ; Mauriceau en cite des exemples. Pour remédier à cet écoulement involontaire d'urine, les gens de l'art conseillent de se servir d'un pessaire assez gros, fait en forme de globe ovale, percé de deux trous opposés, que l'on introduit dans le vagin, et qui bouche exactement l'ouverture de communication.

7°. Fabrice de Hildan rapporte. Centur. 1. observat. 68. avoir tiré une pierre de la vessie par le vagin, à l'occasion d'un ulcère causé par la pesanteur et par l'inégalité de la surface de la pierre ; il dilata cet ulcère premièrement avec le doigt, ensuite avec un petit bistouri, et puis finalement avec des instruments convenables introduits dans la vessie, il tira la pierre qui était de la grosseur d'un œuf de poule.

8°. J'ai dit ci-dessus que les uretères percent la tunique extérieure de la vessie ; et qu'avant de pénétrer jusqu'à l'intérieure, ils se glissent entre les membranes de la vessie, et ne s'ouvrent que vers son cou. C'est dans cet intervalle que de petites pierres sorties du rein, s'arrêtent, s'augmentent et causent quelquefois un ulcère, qui fait souffrir aux graveleux des douleurs très-aiguès. Quand elles sont considérables, on peut les toucher en introduisant le doigt dans l'anus aux hommes, et aux filles non déflorées, et dans le vagin aux femmes ; ce qui réussit encore mieux quand on introduit en même temps une sonde dans la vessie, afin de comprimer la pierre par en-haut, pendant qu'on l'approche par en-bas.

9°. Il me reste un problème à proposer sur ce réservoir musculeux et membraneux de l'urine, qu'on nomme la vessie. Est-il sur qu'on l'ait quelquefois trouvé double ? Les observations qu'on cite me sont suspectes : on a pu s'y tromper aisément, et prendre pour une double vessie des uretères devenus très-gros, comme il arrive souvent, à cause des obstacles qu'a rencontré l'urine pour se rendre dans le sac urinaire. Cependant le fait qu'allegue Coiter est une forte autorité, parce que cet ancien anatomiste qui voyageait beaucoup pour s'instruire dans son art, et qui suivait les armées pour avoir l'occasion de connaître le corps humain par un grand nombre de dissections, rapporte qu'il se trouva deux vessies dans le corps d'une fille de 35 ans, toutes deux pleines d'urine, et que les uretères s'inséraient dans une seule de ces vessies, de laquelle l'urine passait dans l'autre. Mais enfin comme cet exemple est unique, il ne lève point mon doute. En effet, des appendices, des cavités, des culs-de-sacs continués à la vessie urinaire, sont des jeux de la nature dans cette partie, dont on trouve quelques exemples dans les livres d'anatomistes. On a Ve des vessies divisées par deux cloisons, et vraisemblablement ce sont ces divisions de vessies, que Coiter a pris pour une double vessie. (D.J.)

VESSIE, maladies de la, (Médecine) 1°. ce sac membraneux si susceptible de dilatation et de contraction, adhérent à la partie antérieure et inférieure du ventre, couché dans les hommes sur l'intestin rectum, et dans les femmes sur le vagin ou la matrice, recevant l'urine des uretères après sa secrétion pour la faire sortir dehors par le canal de l'urethre, se nomme la vessie ; elle est douée d'un sentiment exquis, enduite intérieurement d'une humeur mucilagineuse, et munie de vaisseaux sanguins et de nerfs ; conséquemment à sa situation, sa construction et l'urine qu'elle contient, elle est exposée à de tristes maladies de différentes espèces.

2°. La vessie déplacée et tombée dans les bourses cause une suppression d'urine ; cet état demande l'opération de la main pour être remise dans sa place et y être maintenue à la faveur d'un bandage ; mais si la formation du sac herniaire est latérale ; en sorte qu'il soit double, il est difficîle de s'en apercevoir hormis après la mort.

3°. Quand la vessie est devenue épaisse, calleuse, ou qu'elle s'est endurcie à la suite de la pierre, et qu'elle donne lieu à une incontinence d'urine, c'est un mal incurable. Si même elle a acquis une forte extension, ou qu'elle se soit relâchée après une trop grande rétention d'urine, elle n'a plus la force d'évacuer cette liqueur, puisqu'il faut la maintenir quelque temps vide après y avoir introduit la sonde. L'inflammation de cette partie suivie de suppression d'urine est une chose cruelle, on tâchera d'y porter remède par l'application des antiphlogistiques ordinaires. La rupture, la blessure ou la coupure de la vessie dans la lithotomie, d'où il arrive que l'urine tombe dans le ventre ou hors du corps par le moyen d'une fistule, ne peut se consolider que par son adhérence avec les parties voisines. L'irritation intérieure qu'elle éprouve dans le cas d'une pierre empêche souvent de découvrir cette pierre par la sonde, où les dartres qui y surviennent ont coutume de donner lieu à une incontinence d'urine dont l'écoulement est semblable à du son. Il est nécessaire dans ce dernier cas de faire des injections balsamiques et antiseptiques. Mais si la vessie se trouve excoriée avec une rétention d'urine accompagnée de douleur, il faut user de boissons adoucissantes et d'injections mucilagineuses.

4°. La douleur de la vessie qui vient du calcul, de l'acrimonie ou du défaut de la mucosité, d'une métastase, d'une inflammation, d'un ulcère qu'on reconnait par l'évacuation du pus, est toujours d'un mauvais présage ; le traitement doit être relatif à la connaissance de la cause. L'hémorrhagie donne quelquefois lieu à un pissement de sang qui, devenant grumeleux, s'oppose à la sortie de l'urine ; on y remédie par l'usage des délayans savonneux et en introduisant la sonde dans la vessie.

5°. Le sphacele du sphincter, ou la paralysie qui produit l'incontinence d'urine est une maladie incurable. La convulsion de cette partie, suivie de suppression d'urine, demande les antispasmodiques.

6°. La mucosité qui oint la surface interne de la vessie devenue plus tenace, donne une urine filamenteuse avec un sédiment muqueux, ou bouche le conduit urinaire. Son acrimonie ou son défaut occasionne quelquefois tantôt une douloureuse rétention d'urine, tantôt son incontinence, quelquefois encore elle est la source de la formation du calcul.

7°. Mais si la pierre s'engendre dans la vessie, son principe pour l'ordinaire se trouve dans les reins ; ensuite ce calcul passant par les uretères dans la vessie, devient considérable par de nouvelles incrustations journalières, sa génération doit être prévenue, s'il est possible, par les meilleurs moyens. Le calcul, quoique peu considérable dans son origine, demande l'usage des remèdes approuvés en Angleterre par un acte du parlement, les mucilagineux et les onctueux ; si par malheur ces remèdes n'ont pas été capables de détruire la pierre, il faut recourir à l'opération et au plus habîle lithotomiste.

8°. La vessie qui se trouve comprimée dans les femmes enceintes, soit par le foetus, soit par la constipation, soit par une humeur dans le voisinage, se guérit en remédiant aux accidents, et en attendant l'accouchement de la malade. (D.J.)

VESSIE, hernie de, (Chirurgie) cet accident est assez rare pour que M. Méry ait cru qu'il ne pouvait être qu'un vice de conformation ; en effet la raison qui l'a frappé est très-propre à frapper tout le monde. La vessie pleine d'urine est trop grosse pour passer par les anneaux par où un intestin passe, sa figure ne le permet point, et elle est trop fortement attachée de tous côtés pour pouvoir tomber accidentellement dans le scrotum ; cependant les habiles chirurgiens pensent aujourd'hui que la hernie de vessie peut, aussibien que celle d'intestin ou d'épiploon, avoir des causes accidentelles, savoir la suppression d'urine et les grossesses. Voici les preuves qu'en donne M. Petit dans les Mémoires de l'académie des Sciences, année 1717.

Ce n'est pas, dit-il, dans le temps où la suppression d'urine dilate excessivement la vessie qu'elle peut passer par les anneaux, elle y est certainement moins disposée que jamais ; mais c'est dans ce temps-là qu'elle prend des dispositions à y passer lorsqu'elle se sera vuidée. Elle est élargie et aplatie par la suppression, ce que montre l'ouverture de ceux qui sont morts de cette maladie. De plus, la vieillesse seule ou la faiblesse de constitution suffisent pour donner cette figure à la vessie. Dans la suppression, les malades sentent qu'elle est poussée avec force contre les anneaux par les muscles du bas-ventre et de la poitrine. Quand on urine dans l'état naturel, la vessie rapproche ses parois du côté de son col par la contraction de ses fibres charnues ; mais dans l'état contre nature, les fibres qui ont perdu leur ressort ne peuvent plus replacer la vessie de cette manière, ni détruire la figure qu'elle a prise, ou l'effet de l'impulsion qu'elle a reçue vers les anneaux. D'ailleurs les anneaux sont affoiblis par la grande dilatation que la suppression d'urine a causée à toute cette région, et par conséquent ils sont moins en état de s'opposer à la vessie qui tend à y entrer. Tous ces accidents souvent renouvellés peuvent produire la hernie dont il s'agit.

La portion de la vessie engagée dans un anneau et qui forme la hernie, est toujours nécessairement au-dessus de la portion qui reste à-peu-près en sa place naturelle, et les deux communiquent ensemble. Si la communication est libre, toute la tumeur se vide quand le malade urine, et elle se vide sans bruit, parce qu'il n'y a point d'air dans la vessie, comme il y en a dans les intestins. Si la communication n'est pas libre, c'est-à-dire s'il y a étranglement, le malade n'a qu'à presser sa tumeur avec la main, toute l'urine contenue dans la portion supérieure de la vessie se vide dans l'inférieure, et toute la tumeur disparait, ce qui est un signe certain de cette sorte de hernie.

Elle est donc caractérisée par les difficultés d'uriner ; on rend alors par l'urethre une partie de l'urine, et un moment après il en sort autant ; on prend différentes situations pour s'en délivrer, et l'on est souvent obligé de presser la tumeur et de la relever en-haut, afin d'uriner plus commodément.

Toutes ces différentes manières de se soulager du poids de l'urine ne viennent que par l'étranglement de la vessie, qui la partage comme en deux : tout aussi-tôt que la première s'est vuidée, il faut changer de situation, ou presser la seconde tumeur, pour faciliter l'écoulement de l'urine qu'elle contient, et l'engager à sortir par l'urethre.

Dans la hernie d'intestin où il y a étranglement, la cause du retour des matières contenues dans les intestins vers l'estomac, et par conséquent du vomissement, est fort évidente. Dans la hernie de vessie avec étranglement, le vomissement est rare, faible, et ne vient que tard. M. Petit a remarqué qu'il est suivi du hoquet, au-lieu que dans l'autre hernie il en est précédé.

La fluctuation et la transparence doivent être des signes communs à la hernie de vessie et à l'hydrocele, puisque de part et d'autre c'est de l'eau renfermée dans un sac membraneux.

Les grossesses fréquentes peuvent aussi être une cause de la hernie de vessie. On sait que dans les derniers mois l'enfant appuie sa tête contre le fond de la vessie, qui ne pouvant plus, lorsqu'elle se remplit d'urine, s'élever du côté de l'ombilic, est obligée de s'étendre à droite et à gauche, et de former deux espèces de cornes disposées à s'introduire dans les anneaux, d'autant plus facilement qu'ils sont affoiblis par l'extension violente que souffrent toutes les parties du bas-ventre ; les faits qui fondent cette idée sont vérifiés par les cadavres de femmes qui sont mortes avancées dans leur grossesse, ou peu de temps après l'accouchement.

La hernie de vessie peut être compliquée avec celle d'intestin ou d'épiploon, et il est même assez naturel que la première, quand elle est forte, produise la seconde ; car alors la vessie, engagée fort avant dans un anneau, tire après elle la portion de la tunique interne du péritoine qui la couvre par derrière, et cette portion forme un cul-de-sac où l'intestin et l'épiploon peuvent ensuite s'engager facilement.

En voilà assez pour faire apercevoir à ceux qui y feront réflexion, et surtout aux anatomistes, tout ce qui appartient à la hernie de vessie, soit simple, soit compliquée, et même pour leur donner lieu d'imaginer les précautions et les attentions que demandera l'opération chirurgicale. M. Petit a poussé tout cela dans de plus grands détails qu'il n'est pas possible de suivre ici. (D.J.)

VESSIE, plaies de la, (Chirurgie) quoiqu'Hippocrate ait regardé les plaies de la vessie comme mortelles, et qu'il ait dit, tract. de morb. l. I. c. IIIe qu'elles ne pouvaient point se refermer, nous sommes aujourd'hui convaincus que la vessie que l'on incise dans l'opération de la pierre se referme et se guérit.

Nous savons aussi qu'elle peut être percée par une balle d'arme à feu, sans que le malade périsse. Si, par bonheur dans ce moment, la vessie se trouve pleine d'urine, la guérison est encore plus heureuse. On a Ve des personnes heureusement rétablies chez qui la balle et autres corps étrangers étaient restés dans la vessie, ce qui est presque une preuve qu'elle était alors pleine d'urine. Dans ce cas, après avoir fait à la plaie extérieure ce qui y convient, M. le Dran pense qu'il n'est pas hors de propos de mettre un algali par l'urethre, afin que l'urine s'écoule sans-cesse ; car si la vessie se remplit, cela écartera ses parois et les lèvres de la plaie ; alors l'urine pourra s'infiltrer dans le tissu cellulaire qui l'entoure, ce qui peut y causer des abscès et autres accidents ; au-lieu que l'état sain de ce tissu cellulaire est ce qui contribue le plus à faire la réunion de la vessie.

De tous les malades à qui il était resté des corps étrangers dans la vessie, les uns les ont rendus par l'urethre avec l'urine avant qu'ils se fussent incrustés de gravier, et les autres ont eu la pierre qu'il a fallu dans la suite extraire par l'opération ordinaire. Alors on a trouvé que ces corps étrangers, comme balles, morceaux d'étoffe, etc. faisaient le noyau de la pierre.

Mais quoique les plaies de la vessie et même celles du fond de cet organe ne soient pas absolument mortelles, les observations heureuses sur ce sujet sont néanmoins fort rares, et cette considération nous engage d'en citer deux exemples rapportés dans l'histoire de l'académie des Sciences, année 1725 ; l'un de ces faits a été envoyé de Suisse avec des attestations.

Un maçon de Lausanne, âgé de 25 ans, reçut en 1724 un coup de fusil dans le bas-ventre ; la balle, qui pesait une once, entra dans la partie gauche de l'abdomen, à un pouce de l'os pubis et à deux doigts de la ligne blanche, perçant le bas du muscle droit, l'artère épigastrique, le fond de la vessie et de l'os sacrum dans leurs parties latérales gauches, et elle sortit à trois doigts à côté et au-dessus de l'anus. Les tuniques des vaisseaux spermatiques du côté gauche furent blessées, ce qui attira une inflammation au testicule gauche et au scrotum. Le déchirement de la vessie fut considérable, puisque l'urine ne coula plus que par les plaies. Il n'y eut cependant aucun intestin d'offensé, ni aucun gros nerf ; mais le malade eut de grandes hémorrhagies pendant quelques jours, vomissements, diarrhées, insomnies, délire, fièvre continue ; en un mot, tant de fâcheux symptômes qu'on craignait à chaque instant pour sa vie. On fit des remèdes internes et externes, et en particulier des injections dans la vessie ; ces injections procurèrent la dissolution d'un sang coagulé, qui s'opposait à la sortie naturelle de l'urine ; enfin le malade se rétablit au bout de sept semaines.

La seconde observation heureuse d'une guérison de plaie de la vessie est de M. Morand. Un soldat des invalides ayant reçu un coup de fusil à l'hypogastre, qui perçait le fond de la vessie, y porta longtemps la balle perdue ; après la guérison parfaite de sa plaie, il vint à être incommodé d'une grande difficulté d'uriner, on le sonda et on lui trouva la pierre. Il fut taillé au grand appareil, et on lui tira une assez grosse pierre, qui avait pour noyau la balle entrée par la plaie du fond de la vessie, et autour de laquelle s'étaient incrustées les matières fournies par les urines. Le malade néanmoins guérit très-bien. Il a donc eu deux cicatrices à la vessie, une à son fond par le coup de feu, l'autre à son col par l'opération de la taille, et les deux plaies par conséquent se sont également bien fermées. C'est sur de semblables observations que l'on a entrepris de faire l'opération de la pierre au haut appareil, différent du grand appareil, comme savent les gens du métier. (D.J.)

VESSIE AERIENNE DES POISSONS, (Ichtyographie) les poissons se soutiennent dans l'eau et descendent au fond par le moyen d'une vessie pleine d'air destinée à cet usage. Ils ont leur queue et leurs nageoires composées de peau soutenues de longues arêtes, en sorte qu'elles peuvent se resserrer et s'élargir pour frapper davantage d'eau d'un sens que d'un autre ; ce mouvement leur sert à avancer et à se tourner de tous les côtés ; mais comme la légéreté de leur corps qui les soutient, pourrait les empêcher de descendre au fond de l'eau quand il est nécessaire, la nature a trouvé un expédient admirable ; elle leur a donné le moyen de rendre leur corps léger ou pesant, à proportion qu'il le doit être pour descendre au fond, ou pour remonter au-dessus de l'eau ; leur corps étant capable de devenir plus ample par la dilatation, ou moins ample par la compression, il est rendu ou plus léger ou plus pesant ; par la raison que les corps descendent dans l'eau quand leur volume a plus de pesanteur que l'eau n'en a dans un pareil volume ; il est même étonnant combien il faut peu d'augmentation ou de diminution au volume pour produire cet effet.

On peut néanmoins comprendre aisément ce phénomène par l'exemple d'une machine hydraulique connue, dans laquelle une figure d'émail monte et descend dans un tuyau de verre rempli d'eau, selon que l'on comprime plus ou moins l'eau, en appuyant dessus avec le pouce ; car cette petite figure étant creuse et pleine d'air, et ayant moins de pesanteur que l'eau n'en a dans un pareil volume, elle nage sur l'eau, et ne descend au fond que quand par le pressément on fait entrer l'eau dans la petite figure par un trou qu'on y a laissé ; alors l'eau, qui est un corps qui n'est pas capable de se resserrer, comprimant l'air qui est enfermé dans la petite figure, diminue le volume de toute la petite figure dont cet air enfermé fait une partie ; et lorsqu'on cesse de comprimer l'eau, cet air resserré dans la cavité de la petite figure, reprend son premier volume par la vertu de son ressort. Or il est certain que cette diminution de volume de la petite figure, causée par ce qu'on peut y faire entrer d'eau par la compression du pouce, est très peu de chose, et cependant est capable de la faire descendre.

On sait par expérience que l'homme nage plus aisément sur le dos que sur le ventre ; et il n'est pas difficîle de juger que cela n'arrive que parce que lorsqu'on nage sur le ventre, on est obligé de tenir hors de l'eau toute la tête, qui pese par sa matière et ne soutient pas par son volume, comme quand on nage sur le dos. Par la même raison, l'eau ne soutient pas si bien les animaux maigres que ceux qui sont gras et charnus, parce que la chair et la graisse sont des corps qui n'ont pas tant de pesanteur, à proportion de leur volume, que les os et la peau. Ainsi le corps des femmes doit ordinairement nager plus aisément sur l'eau que celui des hommes.

La vessie qui se trouve remplie d'air dans beaucoup de poissons, est faite pour cet usage. Dans plusieurs poissons, comme dans l'alose, cette vessie a un conduit fort délié, qui s'attache au ventricule, et par lequel apparemment elle reçoit l'air dont elle est pleine. Dans d'autres poissons, comme dans la morue, cette vessie n'a point ce conduit ; mais on lui trouve en-dedans une chair glanduleuse, qui parait être destinée à la séparation de l'air, ou à la raréfaction de quelque substance aérienne. L'une et l'autre espèce de vessie a cela de commun, que l'air dont elle est enflée, n'en sort point, quelque compression qu'on fasse.

Pour ce qui est des poissons où la vessie aérienne ne se trouve point, il faut croire qu'ils ont quelque air enfermé autre part, qui étant resserré par la compression des muscles, fait diminuer le volume de tout le corps, et le fait aller à fond : et que cet air retournant à son premier état, redonne au corps son premier volume, et le fait monter sur l'eau ; cette conjecture est d'autant plus vraisemblable, que l'eau dans laquelle les poissons sont plongés, empêchant par sa froideur et par son épaisseur que leur corps ne transpire, peut aisément retenir de l'air enfermé dans des espaces qui rendent leur chair spongieuse.

Il y a des tortues qui vont dans l'eau et sur terre ; elles ont un poumon, qui outre l'usage général qu'il peut avoir dans d'autres animaux, a encore celui ci dans les tortues, c'est qu'il leur tient lieu des vessies des poissons ; il en est pourtant différent, en ce que l'air enfermé dans les vessies des poissons, semble demeurer toujours en même quantité ; et il est constant que celui qui est dans les poumons des tortues, en sort et y entre, selon le besoin qu'elles peuvent avoir d'en augmenter ou d'en diminuer la quantité ; on a observé que quand les tortues entrent dans l'eau, elles poussent de l'air par leur gueule et par leurs narines, ainsi qu'il parait par les bulles d'air qu'elles font sortir, dès que leur tête est plongée dans l'eau.

Il y a diverses sortes de poissons qui meurent assez vite dans le vide ; mais les anguilles ne laissent pas d'y vivre assez longtemps ; la plupart enflent, tombent sur le dos, les yeux leur sortent de la tête ; mais aussi-tôt qu'on fait rentrer l'air, elles tombent au fond de l'eau : cela vient de ce que les poissons qui peuvent nager en-haut et en-bas, ont dans leurs entrailles une petite vessie, que n'ont pas ceux qui se tiennent toujours au fond de l'eau, comme font les poissons plats, ou ceux qui sont couverts d'une écaille dure ou de quelque espèce de croute cartilagineuse.

Il n'y a point de doute que cette petite vessie ne serve à tenir les poissons en équilibre avec l'eau, à quelque profondeur qu'ils se tiennent ; car dès que cette vessie devient plus petite, le poisson désenfle, et devient par conséquent plus pesant dans l'eau, de sorte qu'il peut alors y enfoncer et y rester en balance ; si au contraire cette petite vessie vient à se dilater, le poisson devient plus léger.

Lors donc que le poisson fait effort pour descendre au fond de l'eau, il peut faire sortir une petite bulle d'air, à l'aide d'un muscle qu'a la vessie, ou bien il peut resserrer la vessie par le moyen des muscles du ventre, de sorte que par-là il devient plus petit et plus pesant ; veut-il remonter, il dilate les muscles du ventre, et alors sa vessie se gonfle sur le champ, et il devient plus léger ; d'un autre côté, comme l'air qui est renfermé dans la vessie, rencontre continuellement moins de résistance de la part de l'eau, dont la hauteur et le poids diminuent, cet air ne cesse alors de se raréfier de plus en plus, à mesure que le poisson monte.

Quant aux poissons qui sont toujours au fond de l'eau, une semblable vessie leur est inutile, et c'est pour cela qu'ils n'en ont point ; ou peut-être se trouvent-ils dans la nécessité de ramper toujours au fond de l'eau, parce que cette vessie leur manque. (D.J.)

VESSIE de mer, (Botanique Marine) espèce d'holothure couvert d'un cuir rude, et que le vent jette sur le rivage de la mer.

La vessie de mer est ordinairement oblongue, ronde dans son contour, et émoussée par les deux bouts, mais plus par l'un que par l'autre ; elle est composée d'une seule membrane transparente, semblable à ces demi-globes qui s'élèvent sur la superficie des eaux dans un temps de grosse pluie. Cette membrane a deux sortes de fibres : les unes circulaires, et les autres longitudinales, lesquelles ont un mouvement de contraction et d'élasticité.

La vessie de mer est vide, mais enflée comme un ballon plein de vent ; elle a à son extrémité la plus aiguë un peu d'eau claire que contient une espèce de cloison tendue comme la peau d'un tambour.

Il règne le long du dos de la vessie une autre membrane mince, déployée en manière de voile, ondée sur les bords, et semblable à une crête plissée. Cette membrane sert de voîle à la vessie pour naviger ; elle la soutient sur l'eau tandis que le vent la porte sur le rivage.

Le dessous de la vessie est comme couvert de plusieurs jambes fort courtes, ressemblant à des vermisseaux entrelacés les uns dans les autres, et articulés par de petits anneaux circulaires. Toutes ces fibres forment des houpes pendantes, et transparentes comme le crystal de roche.

On ne saurait déterminer la véritable couleur des vessies ou holothures ; on y voit, comme dans des boules de savon, une confusion de bleu, de violet et de rouge si bien mêlés ensemble, qu'on ne peut discerner la couleur prédominante. Ces vessies causent au reste de violentes cuissons lorsqu'on les touche, parce qu'elles sont toutes couvertes de petits piquans. On trouve ces vessies en plusieurs endroits sur les bords de la mer, particulièrement dans les anses sablonneuses, après qu'il a fait un grand vent. (D.J.)