S. f. (Anatomie) partie du corps de l'homme qui est à l'extrémité du bras, et dont le mécanisme la rend capable de toutes sortes d'arts et de manufactures.

La main est un tissu de nerfs et d'osselets enchâssés les uns dans les autres, qui ont toute la force et toute la souplesse convenables pour tâter les corps voisins, pour les saisir, pour s'y accrocher, pour les lancer, pour les tirer, pour les repousser, etc.

Anaxagore soutenait que l'homme est redevable à l'usage de ses mains de la sagesse, des connaissances et de la supériorité qu'il a sur les autres animaux. Galien exprime la même pensée d'une manière différente : suivant lui, l'homme n'est point la créature la plus raisonnable, parce qu'il a des mains, mais celles-ci ne lui ont été données qu'à cause qu'il est le plus raisonnable de tous les animaux : car ce ne sont point les mains de qui nous tenons les arts, mais de la raison, dont les mains ne sont que l'organe. De usu part. lib. I. cap. IIIe

La main, en terme de Médecine, s'étend depuis l'épaule jusqu'à l'extrémité des doigts, et se divise en trois parties ; la première s'étend depuis l'épaule jusqu'au coude, et s'appelle proprement bras, brachium, voyez BRAS ; la seconde depuis le coude jusqu'au poignet, et s'appelle l'avant-bras ; et la troisième la main proprement dite. Celle-ci se divise encore en trois parties, le carpe, qui est le poignet, le métacarpe, qui est la paume de la main ; enfin les cinq doigts. Ces mots sont expliqués selon leur ordre. Voyez CARPE, METACARPE et DOIGTS.

Les mains sont si commodes et les ministres de tant d'arts, comme dit Ciceron, qu'on ne peut trop en admirer la structure : cependant cette partie du corps humain, qui est composée du carpe, du métacarpe et des doigts, n'est point exempte des jeux de conformation. Je n'en citerai pour preuve qu'un seul fait tiré de l'histoire de l'académie des Sciences, année 1733.

M. Petit a montré à cette académie en 1727, un enfant dont les bras étaient difformes : la main était jointe à la partie latérale antérieure de l'extrémité de l'avant-bras, et renversée de manière qu'elle formait avec l'avant-bras un angle aigu ; elle avait un mouvement manifeste, mais de peu d'étendue. Cette main n'avait que quatre doigts d'une conformation naturelle dans leur longueur, leur grosseur et leur articulation ; il n'y avait point de pouce ; les doigts étaient dans le creux de la main ; l'annulaire et le petit doigt étaient par dessus et se croisaient avec eux. Cette main avait 12 à 14 lignes de largeur et 28 de longueur en étendant les doigts et en comprenant le carpe.

La main est le sujet de la chiromancie, qui s'occupe à considérer les différentes lignes et éminences qui paraissent sur la paume de la main, et à en donner l'explication. Voyez CHIROMANCIE.

Chez les Egyptiens la main est le symbole de la force ; chez les Romains c'est le symbole de la foi ; et elle lui fut consacrée par Numa avec beaucoup de solennité.

MAINS, on appelle en Botanique les mains des plantes, ce que les Latins ont nommé capreoli, claviculi, claviculae ; ces mains sont des filets qui s'entortillent contre les plantes voisines et les embrassent fortement, ainsi que l'on voit en la vigne, en la couleuvrée, et en la plupart des légumes. On les nomme aussi des vrilles, voyez VRILLES, Botanique. (D.J.)

MAIN DE MER, (Insectologie) fucus manum referents, Tourn. production d'insectes de mer. Sa substance est fongueuse et de la nature des agarics ; elle est couverte de quantité de petites bossettes. " Lorsqu'on les regarde attentivement dans l'eau de mer, on voit qu'il s'en élève insensiblement de petits corps cylindriques et mobiles d'une substance blanche et transparente, hauts d'environ trois lignes et demie, et larges d'une ligne ; ils disparaissent dès qu'ils ne baignent plus dans l'eau de mer. Les mains de mer varient beaucoup dans leurs figures, cependant la plupart ont une base cylindrique plus ou moins évasée, chargée de plusieurs petits corps cylindriques longs d'environ un pouce et demi, représentant autant de doigts blancs, rouges, ou d'un jaune orangé : toute la superficie de ce corps est chagrinée par les mamelons dont toute son écorce est couverte ; mamelons de différente grandeur dont le diamètre dans les plus grands est d'une ligne. Ils sont chacun étoilés par la disposition de huit rayons qui ont leurs pointes dirigées vers le centre. Les mamelons étoilés de ce corps s'ouvrent lorsqu'il est plongé dans l'eau de la mer ; et chacun des rayons qui forment ces espèces d'étoiles se relevant alors, donne passage à une espèce de cylindre creux, membraneux, blanc et transparent, qui parvenu à la hauteur de trois lignes et demie, représente une petite tour terminée par huit petites découpures en forme de crénaux aigus. Toutes ces découpures sont elles-mêmes chargées à leur extrémité de petites éminences en manière de cornes, et de chacune de ces découpures nait un filet délié, jaunâtre, aboutissant à la base de cette espèce de petite tour, et qui parait sur la membrane transparente dont elle est formée. Sa base est tellement environnée de ces huits rayons, qu'elle fait corps avec eux. Entre ces manières de crénaux on voit un plancher concave percé dans son milieu, au-dessous duquel est placée dans l'intérieur de cette tour une espèce de vessie allongée, jaunâtre, qui à sa base est garnie de cinq filets déliés, extérieurement courbés en arc près de leur origine, et ensuite perpendiculaires et plus gros à leur extrémité.

Telle est l'apparence de ce qui sort de chacun des mamelons de la main de mer tant qu'elle est dans l'eau de la mer ; et ce qui ne laisse aucun doute que ce soit des animaux, c'est que pour peu qu'on en touche quelques-uns, on voit leurs cornes, que nous avons comparées à des crénaux, se recourber et se retirer vers le centre du plancher qui est au sommet de ces sortes de tours, et ne représenter plus qu'autant de cylindres dont l'extrémité est arrondie, lesquels, si l'on continue à les toucher, rentrent insensiblement dans la cavité d'où ils étaient sortis, et reparaissent peu de temps après sous leur première forme, ce qui arrive de même lorsqu'on leur ôte ou qu'on leur donne l'eau de mer.

Le corps de la main de mer considérée intérieurement est de substance fongueuse, plus molle que celle de son extérieur qui est coriace ; et par la quantité des tuyaux dont il est percé, aboutissant aux mamelons extérieurs, ressemble aux loges d'un gâteau d'une ruche, chacune desquelles contient le petit polype que j'ai décrit, et un peu d'eau roussâtre ". Mem. de l'acad. royale des Scienc. année 1740, par M. de Jussieu.

MAINS, (Critique sacrée) manus selon la vulgate. Ce mot dans l'Ecriture sainte se prend quelquefois pour l'étendue : hoc mare magnum et spaciosum manibus, Job xxviij. 8. Il se prend aussi pour la puissance du saint-Esprit, qui se fait sentir sur un prophète : Facta est super eum manus Domini. Ezéchiel IIIe 22. Dieu parle à son peuple par la main des prophetes, c'est-à-dire par leur bouche. La main élevée marque la force, l'autorité. Ainsi il est dit que Dieu a tiré son peuple de l'Egypte la main haute et élevée. Cette expression marque aussi l'insolence du pécheur qui s'élève contre Dieu, peccare elatâ manu. La main exprime encore la vengeance que Dieu exerce contre quelqu'un : la main du Seigneur s'appesantit sur les Philistins ; il se met pour fais. Daniel et ses compagnons se trouvèrent dix mains plus sages que tous les magiciens et les devins du pays. Jetter de l'eau sur les mains de quelqu'un, c'est le servir : ainsi Elisée jetait de l'eau sur les mains d'Elie, c'est-à-dire qu'il était son serviteur. Laver ses mains dans le sang des pécheurs, c'est approuver la vengeance que Dieu tire de leur iniquitté. Le juste lave ses mains parmi les innocens, c'est-à-dire est lié d'amitié avec eux. Pilate lave ses mains pour marquer qu'il est innocent de la mort de Jesus-Christ. Baiser la main est un acte d'adoration. Si j'ai Ve le soleil dans son éclat, et si j'ai baisé ma main, dit Job. Remplir ses mains, signifie entrer en possession d'une dignité sacerdotale, parce que dans cette cérémonie on mettait dans les mains du nouveau prêtre les parties de la victime qu'il devait offrir. Donner les mains signifie faire alliance, jurer amitié. Les Juifs disent qu'ils ont été obligés de donner les mains aux Egyptiens pour avoir du pain, c'est-à-dire de se rendre à eux. (D.J.)

MAINS, (Antiquité romaine) Le grand nombre de mains chargées quelquefois de symboles de diverses divinités qui se trouvent parmi les anciens monuments, désignent des accomplissements de vœux. Elles étaient appendues dans les temples des dieux à qui elles étaient vouées, en reconnaissance de quelque faveur signalée reçue, ou de quelque miraculeuse guérison. S. Athanase a cru que ces mains et toutes les autres parties du corps prises séparément, étaient honorées par les gentils comme des divinités. On peut reprocher aux payens tant d'objets réels d'idolâtrie, qu'il ne faut pas leur en attribuer de faux. (D.J.)

MAIN, (Littérature) L'inégalité que la coutume, l'éducation et les préjugés ont mis entre la main droite et la main gauche, est également contraire à la nature et au bon sens. La nature a dispensé ses grâces avec une proportion égale à toutes les parties des corps régulièrement organisés. L'oreille droite n'entend pas mieux que la gauche ; l'oeil gauche voit également comme l'oeil droit ; et l'on ne marche pas plus aisément d'un pied que de l'autre. L'anatomie la plus délicate ne remarque aucune différence sensible entre les nerfs, les muscles et les vaisseaux des parties doubles des enfants bien conformés. Si telle observation n'a pas lieu dans les corps plus avancés en âge, c'est une suite de l'usage abusif qui nous assujettit à tout faire de la main droite et à laisser la gauche dans une inaction presque continuelle : d'où il résulte un écoulement beaucoup plus considérable des sucs nourriciers dans la main qui est toujours en action, que dans celle qui se repose. Il serait donc à souhaiter qu'au lieu de corriger les enfants qui usent indifféremment de l'une ou l'autre main, on les accoutumât de bonne heure à se servir de leur ambi-dextérité naturelle, dont ils tireraient de grands avantages dans le cours de la vie. Platon le pensait ainsi, et désapprouvait extrêmement la préférence dont on honorait déjà de son temps la main droite au préjudice de la gauche ; il soutenait avec raison qu'en cela les hommes n'entendaient pas leurs vrais intérêts, et que, sous le prétexte ridicule du bon air et de la bonne grâce, ils se privaient eux-mêmes de l'utilité qu'ils pouvaient retirer en mille rencontres de l'usage des deux mains. Il est étonnant que dans ces derniers siècles on ne se soit pas avisé de renouveller dans l'art militaire l'exercice ambi-dextre, qui donne une grande supériorité à ceux qui y sont dressés. Henri IV. fit sortir de ses gendarmes cinq bons sujets, par la seule raison qu'ils étaient gauchers, tant les préjugés de la mode et de la coutume ont de force sur l'esprit des hommes ! (D.J.)

MAINS-JOINTES. (Numismatique) Le type de deux mains-jointes est fréquent sur les médailles latines et égyptiennes ; il a pour légende ordinaire concordia exercituum. En effet, Tacite nous apprend que du temps de Galba, c'était une coutume déjà ancienne, que les villes voisines des quartiers des légions leur envoyassent deux mains-jointes en signe d'hospitalité : miserat civitas Lingonum, vetère instituo, dona legionibus, dextras hospitii insigne. Et pendant la guerre civîle d'Othon et de Vitellius, Sisenna, centurion, porte de Syrie à Rome aux prétoriens des figures de main droite pour gage de la concorde que voulait entretenir avec eux l'armée de Syrie : centurionem, Sisenna dextras, concordiae insignia, syriaci exercitus nomine ad praetorianos ferentem. Ces symboles étaient représentés en bas-relief sur l'airain et sur le marbre, qui devenaient dignes de l'attention des princes, quand ces monuments avaient pour objet les affaires publiques ; les particuliers mêmes ornaient de ces figures les monuments de famille. Sur un marbre trouvé dans l'ancien pays des Marses, se voient deux mains-jointes pour symbole de la foi conjugale, et au-dessus une inscription donnée par M. Muratori : D. M. S. Q. Ninnio, Q. F. strenuo Seviro aug. titecia januaria conjugi B. M. F. et sibi. (D.J.)

MAIN HARMONIQUE, (Musique) est, en musique, le nom que donna l'Arétin à une figure, par laquelle il expliquait le rapport de ses hexacordes, de ses sept lettres, et de ses six syllabes aux cinq tetracordes des Grecs. Cette figure représentait une main gauche, sur les doigts de laquelle étaient marqués tous les sons de la gamme avec leurs lettres correspondantes, et les diverses syllabes dont on les devait nommer selon la règle des muances, en chantant par béquarre ou par bémol. Voyez GAMME, MUANCES, SOLFIER, etc. (S)

MAIN (Marine) sorte de petite fourche de fer, dont on se sert à tenir le fil de caret dans l'auge quand on le gaudronne.

MAIN, (Jurisprudence) Ce terme a dans cette matière plusieurs significations différentes. Il signifie souvent puissance, autorité, garde, conservation, &c.

Mettre en sa main, c'est saisir féodalement ; mettre sous la main de justice, c'est saisir et arrêter, saisir-exécuter, ou saisir réellement.

Le vassal doit à son seigneur la bouche et les mains, c'est-à-dire, qu'il doit joindre ses mains en celles de son seigneur en lui faisant la foi et hommage, et que le seigneur le baise en la bouche en signe de protection.

Les autres significations du terme main vont être expliquées dans les divisions suivantes, où ce terme se trouve joint avec un autre (A)

MAIN-ASSISE ou MAIN-MISE, est une des trois voies usitées dans certaines coutumes, telles qu'Amiens et Artais, autres coutumes de Picardie et de Champagne, qu'on appelle coutumes de nantissement. Pour acquérir droit réel d'hypothèque sur un héritage, on fait une espèce de tradition feinte de l'héritage par dessaisie, ou par main-assise, ou par mise de fait.

Pour acquérir droit réel par main-assise, le créancier auquel le débiteur a accordé le pouvoir d'user de cette voie, c'est-à-dire, de faire asseoir la main de justice sur l'héritage pour sûreté de sa créance, obtient une commission du juge immédiat ; ou, si les héritages sont situés sous différentes justices immédiates, il obtient une commission du juge supérieur ; en vertu de cette commission, l'huissier ou sergent qui exploite déclare par son procès-verbal qu'il asseait la main de justice sur l'héritage, &, en cas de contestation, il assigne le débiteur et le seigneur de l'héritage pour consentir ou débattre la main-assise et voir ordonner qu'elle tiendra, surquoi le créancier obtient sentence qui prononce la main-assise, s'il y échet.

On ne peut procéder par main-assise qu'en vertu de lettres authentiques, et néanmoins il faut une commission pour assigner ceux qui s'opposent à la main-assise. Voyez les notes sur Artais, art. 1, et de Heu sur Amiens, art. 247 et suivants. (A)

BASSE MAIN. Gens de basse main étaient les roturiers, et singulièrement le menu peuple. On distinguait les bourgeois des gens de basse main. Voyez les assises de Jérusalem, chap. IIe (A)

MAIN AU BATON ou A LA VERGE. Mettre la main au bâton, etc. c'est se désaisir d'un héritage pardevant le seigneur féodal ou censuel dont il est tenu, ou pardevant ses officiers. Cette expression vient de ce qu'anciennement le vest et devest, la saisine et la dessaisine se faisaient par la tradition d'un petit bâton. Amiens, art. 33 ; Laon, art. 126 ; Rheims, 165 ; Chauny, 30 ; Lille, 80. Voyez Laurière en son glossaire au mot main. (A)

MAIN-BOURNIE, (Jurisprudence) signifie garde, tutele, administration, et quelquefois aussi puissance paternelle, protection. Il en est parlé dans les lois ripuariennes, tit. de tabulariis, art 14. la reine, ses enfants qui sont en sa main-bournie, c'est-à-dire, en sa garde.

MAIN BREVE ou ABREGEE, brevis manus, signifie en droit une fiction par laquelle, pour éviter un circuit inutile, on fait une compensation de la tradition qui devait être faite de part et d'autre de quelque chose, comme dans la vente d'une chose que l'on tenait déjà à titre de prêt.

On fait de même par main breve un payement, lorsque le débiteur au lieu de le faire directement à son créancier, le fait au créancier de son créancier. Voyez MAIN LONGUE. (A)

CONFORTE-MAIN, voyez CONFORTEMENT.

MAIN-FERME, manu firmitas, signifiait autrefois un bail à rente de quelques héritages ou terres roturières. Quelquefois par main-ferme on entendait tous les héritages qui n'étaient point fiefs, on les appelait ainsi eò quòd manu donatorum firmabantur. On en trouve des exemples fort anciens, entr'autres un dans le cartulaire de Vendôme de l'an 1002. Boutillier qui vivait en 1460, en parle dans sa somme rurale, et dit que tenir en main-ferme, c'est tenir une terre en coterie ; que c'est un fief qui n'est tenu que ruralement. Voyez FIEF-RURAL.

La main-ferme était en quelque chose différente du bail à cens. Voyez M. de Laurière en son glossaire au mot MAIN-FERME. Voyez FIEF-FERME. (A)

MAIN-FORTE, (Jurisprudence) est le secours que l'on prête à la justice, afin que la force lui demeure et que ses ordres soient exécutés.

Quand les huissiers et sergens, chargés de mettre quelque jugement à exécution, éprouvent de la résistance, ils prennent main-forte, soit des records armés, soit quelque détachement de la garde établie pour empêcher le désordre.

La maréchaussée est obligée de prêter main-forte pour l'exécution des jugements tant des juges ordinaires, que de ceux d'attribution et de privilège.

Les juges d'église ne peuvent pas employer main-forte pour l'exécution de leurs jugements, ils ne peuvent qu'implorer l'aide du bras séculier. Voyez BRAS SECULIER.

Main-forte se dit aussi des personnes puissantes qui possèdent quelque chose. (A)

MAIN-GARNIE ; (Jurisprudence) signifie la possession de la chose contestée. Quand on fait une saisie de meubles, on dit qu'il faut garnir la main du roi ou de la justice, pour dire qu'il faut trouver un gardien qui s'en charge.

Le seigneur plaide contre son vassal main-garnie, c'est-à-dire, qu'ayant saisi le fief mouvant de lui, il fait les fruits siens pendant le procès, jusqu'à ce que le vassal ait fait son devoir.

On dit aussi que le roi plaide toujours main-garnie, ce qui n'a lieu néanmoins qu'en trois cas :

Le premier, est lorsqu'il a saisi féodalement, &, dans ce cas, ce privilège lui est commun avec tous les seigneurs de fief.

Le second cas, est lorsqu'il s'agit de quelque bien ou droit notoirement domanial, comme justice, péage, tabellionage.

Le troisième, est lorsque le roi est en possession du bien contesté ; car comme il n'y a jamais de complainte contre le roi, il jouit par provision pendant le procès.

Mais, hors les cas que l'on vient d'expliquer, le roi ne peut pas durant le procès déposséder le possesseur d'un héritage ; ainsi il n'est pas vrai indistinctement qu'il plaide toujours main-garnie. Voyez Bacquet en son tit. du droit d'aubaine, ch. xxxvj, art. 2, et tit. des droits de justice : Dumoulin, sur Paris, art. LII. n. 27 et suivants.

On appelle aussi main-garnie la saisie et arrêt que le créancier, fondé en cédule ou promesse, peut faire sur son débiteur en vertu d'ordonnance de justice. Cela s'appelle main-garnie, parce que l'ordonnance qui permet de saisir, s'obtient sur simple requête avant que le créancier ait obtenu une condamnation contre son débiteur. (A)

GRANDE-MAIN, (Jurisprudence) c'est la main du roi en matière féodale, relativement aux autres seigneurs ; lorsqu'il y a combat de fief entre deux seigneurs, le vassal se fait recevoir en foi par main souveraine, parce que le roi a la grande-main, c'est-à-dire que tous les fiefs relèvent de lui médiatement ou immédiatement, et que tout est présumé relever de lui directement, s'il n'y a titre ou possession au contraire. (A)

MAIN DE JUSTICE, (Jurisprudence) on entend par ce terme l'autorité de la justice et la jouissance qu'elle a de mettre à effet ce qu'elle ordonne en contraignant les personnes et procédant sur leurs biens. Cette puissance qui émane du prince, de même que le pouvoir de juger, est représentée par une main d'ivoire qui est au-dessus d'une verge. On représente ordinairement les princes souverains et la justice personnifiée sous la figure d'une femme tenant un sceptre d'une main et de l'autre la main de justice, laquelle est une marque de puissance, comme le sceptre, la couronne et l'épée.

Les huissiers et sergens qui sont les ministres de la justice et chargés d'exécuter ses ordres, sont pour cet effet dépositaires d'une partie de son autorité qui est le pouvoir de faire des commandements, de saisir toutes sortes de biens, de vendre les meubles saisis, d'emprisonner les personnes quand le cas y échet ; c'est pourquoi lorsque l'on fait la montre du prevôt de Paris, les huissiers et sergens y portent entr'autres attributs la main de justice.

Mettre des biens sous la main de justice, c'est les saisir, les mettre en sequestre ou à bail judiciaire.

Cependant mettre en sequestre ou à bail judiciaire est plus que mettre simplement sous la main de justice ; car le sequestre désaisit, au lieu qu'une saisie qui met simplement les biens sous la main de justice, ne désaisit pas.

Lorsque la justice met simplement la main sur quelque chose, c'est un acte conservatoire qui ne préjudicie à personne, comme dit Laisel en ses Inst. liv. V. tit. 4. règle 30. (A)

MAIN-LEVEE, (Jurisprudence) est un acte qui lève l'empêchement résultant d'une saisie ou d'une opposition. On l'appelle main-levée, parce que l'effet de cet acte est communément d'ôter la main de la justice de l'autorité de laquelle avait été formé l'empêchement ; on donne cependant aussi main-levée d'une opposition sans ordonnance de justice ni titre paré.

On donne main-levée d'une saisie et arrêt, d'une saisie et exécution, d'une saisie réelle, et d'une saisie féodale.

En fait de saisie réelle, la main-levée donnée par le poursuivant, ne préjudicie point aux opposans, parce que tout opposant est saisissant.

Lorsqu'on statue sur l'opposition formée à une sentence, ce n'est pas par forme de main-levée ; on déclare non-recevable dans l'opposition ou bien l'on en déboute ; et si c'est l'opposant qui abandonne son opposition, il se sert du terme de désistement.

Les oppositions que l'on efface par le moyen de la main-levée sont des oppositions extrajudiciaires, telles qu'une opposition à une publication de bans, à la célébration d'un mariage, à une saisie réelle, ou entre les mains de quelqu'un pour empêcher qu'il ne paye ce qu'il doit au débiteur de l'opposant.

La main-levée peut être ordonnée par un jugement, ou consentie par le saisissant ou opposant, soit en jugement ou dehors.

On distingue plusieurs sortes de main-levées, savoir :

Main-levée pure et simple, c'est-à-dire, celle qui est ordonnée ou consentie sans aucune restriction ni condition.

Main-levée en donnant caution ; celle-ci s'ordonne en trois manières différentes ; savoir ; en donnant caution simplement, ce qui s'entend d'une caution resseante et solvable ; ou à la caution des fonds, ou bien à la caution juratoire.

Main-levée provisoire, est celle qui est ordonnée ou consentie par provision seulement, et pour avoir son effet en attendant que les parties soient réglées sur le fond.

Main-levée définitive, est celle qui est accordée sans aucune restriction ni retour ; lorsqu'il y a eu d'abord une main-levée provisoire, on ordonne, s'il y a lieu, qu'elle demeurera définitive.

Main-levée en payant, c'est lorsque les saisies sont valables, le juge ordonne que le débiteur en aura main-levée en payant. Voyez EMPECHEMENT, OPPOSITION, SAISIE. (A)

MAIN-LIEE, (Jurisprudence) signifie l'état de celui qui est dans un empêchement de faire quelque chose ; on a les mains liées par une saisie ou opposition, ou par un jugement qui défend de faire quelque chose. Voyez MAIN-LEVEE. (A)

MAIN-LONGUE, fictio longua manus, en droit est une tradition feinte qui se fait en donnant la faculté d'appréhender une chose que l'on montre à quelqu'un ; on use de cette fiction dans la tradition des biens immeubles et dans celle des choses mobiliaires d'un poids considérable, et que l'on ne peut mettre dans la main.

On entend aussi quelquefois par main-longue le pouvoir du prince ou de quelqu'autre personne puissante : on dit en ce sens que les rois et les ministres ont les mains longues, pour dire qu'ils savent bien trouver les gens quelque part qu'ils soient. (A)

MAIN-METTRE, (Jurisprudence) du latin manu-mittère, signifie affranchir quelqu'un de la condition servile.

On dit aussi sans main mettre, pour dire sans user de main-mise. Voyez MAIN-MISE ; ou bien pour signifier sans frais ni dépense, comme quand on dit que les dixmes, champart et droits seigneuriaux viennent sans main mettre, c'est-à-dire sans frais de culture. (A)

MAIN-MIS, manu-missus, signifie celui qui est affranchi de servitude. Coutume de la Rue-d'indre, art. 19. Voyez AFFRANCHISSEMENT, MAIN-MORTE, SERF. (A)

MAIN-MISE, (Jurisprudence) en général signifie toute saisie ; elle est ainsi appelée parce que la justice met en sa main les choses saisies de son autorité.

On entend ordinairement par main-mise la saisie féodale, qui dans quelques coutumes est appelée main-mise féodale. Berry, tit. V. article 10, 13, 14, 24, 55, et tit. IX. article 82.

Le terme de main-mise se prend aussi quelquefois pour certaines voies de fait employées contre la personne de quelqu'un en le frappant et le maltraitant ; et l'on dit en ce sens qu'il n'est pas permis d'user de main-mise. Voyez MAIN-ASSISE.

On appelait aussi autrefois main-mise du latin manu-missio, l'affranchissement que les seigneurs faisaient de leurs serfs. Voyez ci-devant MAIN-MIS, et ci-après MAIN-MORTABLE, MAIN-MORTE, SERF. (A)

MAIN-MORTABLE, (Jurisprudence) est celui qui est de condition servile, et sujet aux droits de mainmorte.

On appelle aussi biens main-mortables, ceux qui appartiennent aux serfs et gens de main-morte ou de morte main. Voyez MAIN-MORTE. (A)

MAIN-MORTE, signifie puissance morte, ou l'état de quelqu'un qui est sans pouvoir à certains égards, de même que s'il était mort. Ainsi on appelle gens de main-morte ou main-mortables, les serfs et gens de condition servîle qui sont dans un état d'incapacité qui tient de la mort civile.

On appelle aussi les corps et communautés gens de main-morte, soit parce que les héritages qu'ils acquièrent tombent en main-morte et ne changent plus de main, ou plutôt parce qu'ils ne peuvent pas disposer de leurs biens non plus que les serfs sur lesquels le seigneur a droit de main-morte. On distingue néanmoins les main-mortables des gens qui sont simplement de main-morte.

Les main-mortables sont des serfs ou personnes de condition servîle : on les appelle aussi vilains, gens de corps et de pot, gens de main-morte et de morte-main.

Il n'y a de ces main-mortes que dans un petit nombre de coutumes les plus voisines des pays de droit écrit, comme dans les deux Bourgognes, Nivernais, Bourbonnais, Auvergne, etc.

L'origine de ces main-mortes coutumières vient des Gaulois et des Germains ; César en fait mention dans ses Commentaires, lib. IV. Plebs poenè servorum habetur loco, quae per se nihil laudet et nulli adhibetur consilio, plerique cum aut aere alieno, aut magnitudine tributorum, aut injuriâ potentiorum premuntur, sese in servitutem dicant nobilibus ; in hos eadem omnia sunt jura quae dominis in servos.

Le terme de main-morte vient de ce qu'après la mort d'un chef de famille serf, le seigneur a droit dans plusieurs coutumes de prendre le meilleur meuble du défunt, qui est ce que l'on appelle droit de meilleur catel.

Anciennement lorsque le seigneur de main-mortable ne trouvait point de meuble dans la maison du décédé, on coupait la main droite du défunt, et on la présentait au seigneur pour marquer qu'il ne le servirait plus. On lit dans les chroniques de Flandres qu'un évêque de Liege nommé Albero ou Adalbero, mort en 1142, abolit cette coutume qui était ancienne dans le pays de Liege.

La main-morte ou servitude personnelle est appelée dans quelques provinces condition serve, comme en Nivernais et Bourbonnais ; en d'autres taillabilité, comme en Dauphiné et en Savoie, dans les deux Bourgognes et en Auvergne, on dit mainmorte.

Il est assez évident que la main-morte tire son origine de l'esclavage qui avait lieu chez les Romains, et dont ils avaient étendu l'usage dans les Gaules ; en effet la main-morte a pris naissance aussi-tôt que l'esclavage a cessé ; elle est devenue aussi commune. Les mains-mortables sont occupés à la campagne au même travail dont on chargeait les esclaves, et il n'est pas à croire que l'on ait affranchi purement et simplement tant d'esclaves dont on tirait de l'utilité, sans se réserver sur eux quelque droit.

Enfin l'on voit que les droits des seigneurs sur les main-mortables, sont à-peu-près les mêmes que les maîtres ou patrons avaient sur leurs esclaves ou sur leurs affranchis. Les esclaves qui servaient à la campagne, étaient glebae adscriptitii, c'est-à-dire qu'ils furent déclarés faire partie du fond, lequel ne pouvait être aliéné sans eux, ni eux sans lui.

Il y avait aussi chez les Romains des personnes libres qui devenaient serves par convention, et s'obligeant à cultiver un fonds.

En France, la main-morte ou condition serve se contracte en trois manières ; savoir, par la naissance, par une convention expresse, ou par une convention tacite, lorsqu'une personne libre vient habiter dans un lieu mortaillable.

Quant à la naissance, l'enfant né depuis que le père est mortaillable, suit la condition du père ; secus, des enfants nés avant la convention par laquelle le père se serait rendu serf.

Ceux qui sont serfs par la naissance sont appelés gens de poursuite, c'est-à-dire, qu'ils peuvent être poursuivis pour le payement de la taille qu'ils lui doivent, en quelque lieu qu'ils aillent demeurer.

Pour devenir mortaillable par convention expresse, il faut qu'il y ait un prix ou une cause légitime, mais la plupart des mains mortes sont si anciennes que rarement on en voit le titre.

Un homme libre devient mortaillable par convention tacite, lorsqu'il vient demeurer dans un lieu de main-morte, et qu'il y prend un meix ou tenement servîle ; car c'est par-là qu'il se rend homme du seigneur.

L'homme franc qui Ve demeurer dans le meix main-mortable de sa femme, peut le quitter quand bon lui semble, soit du vivant de sa femme ou après son décès dans l'an et jour, en laissant au seigneur tous les biens étant en la main-morte, moyennant quoi il demeure libre ; mais s'il meurt demeurant en la main-morte, il est reputé main-mortable, lui et sa postérité.

Quand au contraire une femme franche se marie à un homme de main-morte, pendant la vie de son mari elle est reputée comme lui de main-morte ; après le décès de son mari, elle peut dans l'an et jour quitter le lieu de main-morte, et aller demeurer en un lieu franc, moyennant quoi elle redevient libre, pourvu qu'elle quitte tous les biens main-mortables que tenait son mari, mais si elle y demeure plus d'an et jour, elle reste de condition mortaillable.

Suivant la coutume du comté de Bourgogne, l'homme franc affranchit sa femme main-mortable, au regard seulement des acquêts et biens-meubles faits en lieu franc, et des biens qui lui adviendront en lieu de franchise ; et si elle trépasse sans hoirs de son corps demeurant en communion avec lui, et sans avoir été séparés, le seigneur de la main-morte dont elle est née emporte la dot et mariage qu'elle a apporté, et le trousseau et biens-meubles.

Les main-mortables vivent ordinairement ensemble en communion, qui est une espèce de société non seulement entre les différentes personnes qui composent une même famille, mais aussi quelquefois entre plusieurs familles, pourvu qu'il y ait parenté entr'elles. Il y en a ordinairement un entr'eux qui est le chef de la communion ou communauté, et qui administre les affaires communes ; les autres sont ses communiers ou co-personniers.

La communion en main-morte n'est pas une société spéciale et particulière, et n'est pas non plus une société pure et simple de tous biens ; car chacun des communiers conserve la propriété de ceux qu'il a ou qui lui sont donnés dans la suite, et auxquels il succede suivant le droit et la coutume, pour la prélever lorsque la communion cessera. Cette société est générale de tous biens, mais les associés n'y confèrent que le revenu, leur travail et leur industrie ; elle est contractée pour vivre et travailler ensemble, et pour faire un profit commun.

Chaque communier supporte sur ses biens personnels les charges qui leur sont propres, comme de marier ses filles, faire le patrimoine de ses garçons.

Les main-mortables, pour conserver le droit de succéder les uns aux autres, doivent vivre ensemble, c'est-à-dire au même feu et au même pain, en un mot sous même tait et à frais communs.

Ils peuvent disposer à leur gré entre-vifs de leurs meubles et biens francs ; mais ils ne peuvent disposer de leurs biens par des actes de dernière volonté, même de leurs meubles et biens francs qu'en faveur de leurs parents qui sont en communion avec eux au temps de leur décès. S'ils n'en ont pas disposé par des actes de cette espèce, leurs communiers seuls leur succedent ; et s'ils n'ont point de communiers, quoiqu'ils aient d'autres parents avec lesquels ils ne sont pas en communion, le seigneur leur succede par droit de chute main-mortable.

La communion passe aux héritiers et même aux enfants mineurs d'un communier.

Elle se dissout par le partage de la maison que les communiers habitaient ensemble.

L'émancipation ne rompt pas la communion, car on peut obliger l'émancipé de rapporter à la masse ce qu'il a acquis.

Le fils qui s'est affranchi ne cesse pas non plus d'être communier de son père, et ne perd pas pour cela le droit de lui succéder ; autrement ce serait lui ôter la faculté de recouvrer sa liberté.

La communion étant une fois rompue, ne peut être retablie que du consentement de tous les communiers que l'on y veut faire rentrer ; il faut aussi le consentement du seigneur.

Quoique l'habitation séparée rompe ordinairement la communion à l'égard de celui qui rétablit son domicîle à part ; dans le comté de Bourgogne, la fille qui se marie, et qui sort de la maison de ses père et mère, peut continuer la communion en faisant le reprêt, qui est un acte de fait ou de paroles, par lequel elle témoigne que son attention est de continuer la communion, pourvu qu'elle retourne coucher la première nuit de ses noces dans son meix et héritage.

Dans le duché de Bourgogne, le parent proche qui est communier, peut rappeler à la succession ceux qui sont en égal degré, quoiqu'ils aient rompu la communion.

Il peut aussi y avoir communions entre des personnes franches qui possèdent des héritages mortaillables ; et sans cette communion, ils ne succedent pas les uns aux autres à ces sortes de biens, si ce n'est les enfants à leurs ascendants de franche condition.

Les successions ab intestat des main-mortables se règlent comme les autres, par la proximité du degré de parenté ; mais il faut être communier pour succéder, si ce n'est pour les héritages de main-morte délaissés par un homme franc, auxquels ses descendants succedent quoiqu'ils ne soient pas communiers.

Quelques coutumes n'admettent à la succession des serfs que leurs enfants ; d'autres y admettent tous les parents du serf qui sont en communauté avec lui.

Les autres charges de la main-morte consistent pour l'ordinaire,

1°. A payer une taille au seigneur suivant les facultés de chacun, à dire de prud'hommes, ou une certaine somme à laquelle les seigneurs ont composé ce qu'on appelle taille abonnée.

2°. Les mortaillables ne peuvent se marier à des personnes d'une autre condition, c'est-à-dire francs, ou même à des serfs d'un autre seigneur ; s'ils le font, cela s'appelle for-mariage ; le seigneur en ce cas prend le tiers des meubles et des immeubles situés au-dedans de la seigneurie ; et en outre, quand le mainmortable n'a pas demandé congé à son seigneur pour se formarier, il lui doit une amende.

3°. Ils ne peuvent aliéner le tenement servîle à d'autres qu'à des serfs du même seigneur, autrement le seigneur peut faire un commandement à l'acquéreur de remettre l'héritage entre les mains d'un homme de la condition requise ; et s'il ne le fait dans l'an et jour, l'héritage vendu est acquis au seigneur.

La main-morte finit par l'affranchissement du serf. Cet affranchissement se fait par convention ou par désaveu : par convention, quand le seigneur affranchit volontairement son serf ; par désaveu, lorsque le serf quitte tous les biens mortaillables, et déclare qu'il entend être libre, mais quelques coutumes veulent qu'il laisse aussi une partie de ses meubles au seigneur.

Le sacerdoce, ni les dignités civiles n'affranchissent pas des charges de la main-morte, mais exemptent seulement de subir en personne celles qui aviliraient le caractère dont le mainmortable est revêtu. Le roi peut néanmoins affranchir un serf de mainmorte, soit en l'ennoblissant directement, on en lui conférant un office qui donne la noblesse ; car le titre de noblesse efface la servitude avec laquelle il est incompatible : le seigneur du serf ainsi affranchi peut seulement demander une indemnité.

La liberté contre la main-morte personnelle se prescrit comme les autres droits, par un espace de temps plus ou moins long selon les coutumes ; quelques-unes veulent qu'il y ait titre.

Les main-mortes réelles ne se prescrivent point, étant des droits seigneuriaux qui sont de leur nature imprescriptibles. Voyez Coquille, des servit. personnelles, le traité de la main-morte par Dunod. (A)

MAIN AU PECT, ou SUR LA POITRINE, se disait anciennement par abréviation du latin ad pectus, et par corruption on disait la main au pis. Les ecclésiastiques qui sont dans les ordres sacrés, font serment en maintenant la main ad pectus, au lieu que les laïcs lèvent la main. Voyez AFFIRMATION et SERMENT. (A)

MAIN-MORTE, Statut de, (Histoire d'Angleterre) statut remarquable fait sous Edouard I. en 1278, par lequel statut il était défendu à toutes personnes sans exception, de disposer directement ni indirectement de leurs terres, immuables, ou autres bien-fonds, en faveur des sociétés qui ne meurent point.

Il est vrai que dans la grande charte donnée par le roi Jean, il avait été déjà défendu aux sujets d'aliéner leurs terres en faveur de l'église. Mais cet article, ainsi que plusieurs autres, ayant été fort mal observé, les plaintes sur ce sujet se renouvellèrent avec vivacité au commencement du règne d'Edouard. On fit voir à ce prince qu'avec le temps toutes les terres passeraient entre les mains du clergé, si l'on continuait à souffrir que les particuliers disposassent de leurs biens en faveur de l'église. En effet, ce corps ne mourant point, acquérant toujours et n'aliénant jamais, il devait arriver qu'il posséderait à la fin toutes les terres du royaume. Edouard et le parlement remédièrent à cet abus par le fameux statut connu sous le nom de main-morte. Ce statut d'Angleterre fut ainsi nommé parce qu'il tendait à empêcher que les terres ne tombassent en main-morte, c'est-à-dire en mains inutiles au service du roi et du public, sans espérance qu'elles dussent jamais changer de maîtres.

Ce n'est pas que les biens qui appartiennent aux gens de main-morte soient absolument perdus pour le public, puisque leurs terres sont cultivées, et qu'ils en dépensent le produit dans le royaume ; mais l'état y perd en général prodigieusement, en ce que ces terres ne contribuent pas dans la proportion des autres, et en ce que n'entrant plus dans le partage des familles, ce sont autant de moyens de moins pour accroitre ou conserver la population. On ne saurait donc veiller trop attentivement à ce que la masse de ces biens ne s'accraisse pas, comme fit l'Angleterre dans le temps qu'elle était toute catholique. (D.J.)

MAIN-SOUVERAINE, (Jurisprudence) en matière féodale signifie main du roi, c'est-à-dire son autorité à laquelle un vassal a recours pour se faire recevoir en foi et hommage par les officiers du bailliage ou sénéchaussée, dans le district desquels est le fief ; lorsque son seigneur dominant refuse sans cause légitime de le recevoir en foi, ou qu'il y a combat de fief entre plusieurs seigneurs ; ou enfin lorsqu'un seigneur prétend que l'héritage est tenu de lui en fief, et qu'un autre soutient qu'il est tenu de lui en roture.

Cette reception en foi par main-souveraine, ne peut être faite que par les baillis et sénéchaux, et non par aucun autre juge royal ou seigneurial.

Pour y parvenir, il faut obtenir en chancellerie des lettres de main souveraine adressantes aux baillifs et sénéchaux.

Il faut assigner le seigneur qui refuse la foi par-devant les officiers du bailliage, pour voir ordonner l'entérinement des lettres de main-souveraine.

S'il y a combat de fief, il faut assigner les seigneurs contendants à ce qu'ils aient à se concerter entr'eux.

Mais il ne suffit pas de se faire recevoir en foi par le juge, il faut faire des offres réelles des droits qui peuvent être dû., et les consigner.

Quand le combat de fief est entre le roi et un autre seigneur, il faut par provision faire la foi et hommage au roi, ce qui opère l'effet de la reception par main-souveraine, sans qu'il soit besoin dans ce cas d'obtenir des lettres de chancellerie.

Le vassal en se faisant recevoir en foi par main-souveraine, doit interjeter appel des saisies féodales, s'il y en a, au moyen de quoi il en obtient la main-levée en consignant les droits. Voyez les commentateurs de la coutume de Paris sur l'article 60 ; Duplessis, chap. VIe de la saisie féodale.

On a aussi recours à la main-souveraine lorsqu'il y a conflit entre deux juges de seigneurs, ou deux juges royaux indépendants l'un de l'autre ; on s'adresse en ces cas au juge supérieur, qui ordonne par provision ce qui parait convenable. (A)

MAIN DU ROI, est la même chose que main de justice. Mettre et asseoir la main du roi sur un héritage, c'est le saisir. Voyez la coutume de Berry, tit. V. art. 7. Ponthieu, article 120.

MAIN-TIERCE, (Jurisprudence) signifie une personne entre les mains de laquelle on dépose un écrit, une somme d'argent ou autre chose, pour la remettre à celui auquel elle appartiendra.

Un débiteur qui est en même temps créancier pour quelqu'autre objet de son créancier, fait lui-même une saisie entre ses mains, comme en main-tierce, c'est-à-dire comme s'il saisissait entre les mains d'un tiers. Voyez TIERS SAISI. (A)

MAIN-AVANT, (Marine) c'est une espèce de commandement pour faire passer alternativement les mains des travailleurs l'une devant l'autre, en tirant une longue corde, ce qui avance le travail.

MAIN-AVANT, (Marine) monter main-avant, c'est monter sans échelle, c'est monter aux hunes le long des manœuvres sans enfléchures, mais seulement par adresse des mains et des jambes.

MAIN, (Commerce) parmi les artisans se prend figurément en divers sens.

Acheter la viande à la main, c'est l'acheter sans la peser.

Lâcher la main sur une marchandise, signifie diminuer du prix qu'on en a d'abord demandé à l'acheteur, en faire meilleur marché, la donner quelquefois à perte.

Acheter une chose de la première main, c'est l'acheter de celui qui l'a fabriquée ou recueillie, sans qu'elle ait passé par les mains des revendeurs : l'acheter de la seconde main, c'est l'avoir de celui qui l'a achetée d'un autre pour la revendre. On dit dans le même sens, troisième et quatrième main. Rien n'est plus avantageux dans le commerce que d'avoir les marchandises de la première main. Dictionnaire de Com. tom. II. (G)

Vendre hors la main, terme usité à Amsterdam pour exprimer les ventes particulières, c'est-à-dire celles où tout se passe entre l'acheteur et le vendeur, ou tout au plus avec l'entremise des courtiers, sans qu'il y intervienne aucune autorité publique, ce qui les distingue des ventes au bassin, qui se font par ordre du bourguemestre, et où préside un vendumestre ou commissaire nommé par le magistrat. Dictionnaire de Comm.

MAIN, (Commerce) poids des Indes orientales, qui ne sert guère qu'à peser les denrées qui se consomment pour l'usage de la vie : on l'appelle plus ordinairement mas. Voyez MAS, Dictionn. de comm.

MAIN, instrument de cuivre ou de fer-blanc, qui sert aux marchands banquiers, commis, caissiers, qui reçoivent beaucoup d'argent blanc, à le ramasser sur leur comptoir ou bureau après qu'ils l'ont compté, pour le remettre plus facilement dans des sacs. Cet instrument appelé main, à cause de son usage, est long d'environ dix pouces, large de cinq à six, de figure carrée, avec une espèce de poignée par en haut. Il a des bords de trois côtés, celui par où l'on ramasse les espèces n'en ayant point. Dict. de comm.

MAIN, en terme de Blanchisserie, c'est une planche de sapin, longue de cinq pieds sur un de large, dont les cornes sont bien abattues. Elle est posée à l'une de ses extrémités en ovale, et garnie d'un morceau de bois rond qui lui sert de poignée ; c'est avec cet instrument qu'on retourne la cire. Voyez les fig. des Pl. de la Blanchisserie des cires, et l'art. BLANCHIR.

MAIN, outil du Cirier, avec lequel ils prennent la chaudière pour l'ôter de dessus le cagnard, et éviter de se bruler lorsqu'elle est chaude, ou de se remplir les mains de cire fondue. Voyez les fig. des Pl. du Cirier. La première réprésente la main seule, et la seconde, la main qui embrasse la chaudière, et qui lui fait une espèce de manche.

MAIN A L'EPEE, L'EPEE A LA MAIN, (Grammaire) Il y a de la différence entre mettre la main à l'épée, et mettre l'épée à la main. La première expression, signifie qu'on se met seulement en état de tirer l'épée, ou qu'on ne la tire qu'à demi ; la seconde marque qu'on tire l'épée tout à fait hors du fourreau. Il en est de même des termes, mettre la main au chapeau, ou mettre le chapeau à la main, et autres ; on dit toujours, mettre la main à la plume, et jamais mettre la plume à la main. (D.J.)

MAIN, (Horlogerie) pièce de la cadrature d'une montre ou pendule à répétition : on ne s'en sert presque plus aujourd'hui ; elle faisait la fonction de la pièce des quarts dans les anciennes répétitions à la française. Voyez les figures de nos Planches de l'Horlogerie. Voyez PIECE DES QUARTS, REPETITION, etc. C'est encore un instrument représenté dans les mêmes Pl. de l'Horlogerie, dont les Horlogers se servent pour remonter les montres et pour y travailler, lorsqu'elles sont finies, sans les toucher avec les doigts : on en voit le plan, fig. 79. p. Les parties 9, 9, 9, sont mobiles sur les centres t, t, t, et portent des espèces de griffes 9, 9, figure 80. c, entre lesquelles on serre une des platines par le moyen des vis v Ve même fig.

MAIN, (Imprimerie) est un signe figuré comme une main naturelle, en usage dans l'Imprimerie pour marquer une note ou une observation : exemple .

MAIN, (Maréchalerie) terme qui s'emploie dans les expressions suivantes par rapport au cheval. Avant-main, arriere-main. Voyez ces termes à la lettre A. Un cheval est beau ou mal fait de la main en avant, ou de la main en arrière, lorsqu'il a l'avant-main ou l'arriere-main beau ou vilain. Cheval de main, est un cheval de selle, qu'un palefrenier mène en main, c'est-à-dire sans être monté dessus, pour servir de monture à son maître quand il en est besoin. Cheval à deux mains, signifie un cheval qui peut servir à tirer une voiture et à monter dessus. Un cheval entier à une ou aux deux mains. Voyez ENTIER. Le cheval qui est sous la main à un carrosse, est celui qui est attelé à la droite du timon, du côté droit du cocher qui tient le fouet ; celui qui est hors la main, est celui qui est attelé à gauche du timon. Aller aux deux mains, se dit d'un cheval de carrosse, qui n'est pas plus gêné à droite qu'à gauche du timon. Léger à la main. Voyez LEGER. Etre bien dans la main, se dit d'un cheval dressé, et qui obéit avec grâce à la main du cavalier. Peser à la main, voyez PESER. Obéir, répondre à la main. Battre, tirer à la main. Forcer la main. Appui à pleine main. Voyez tous ces termes à leurs lettres. Tourner à toutes mains, se dit d'un cheval qui tourne aussi aisément à droite qu'à gauche. Le terme de main s'emploie aussi par rapport au cavalier. La main de dedans, la main de dehors. Voyez DEDANS, DEHORS. La main de la bride, est la main gauche du cavalier. La main de la gauche, de la lame de l'épée, c'est la droite. L'effet de la main, est la même chose que l'effet de la bride. Voyez BRIDE. La main haute, est la main gauche du cavalier, lorsque tenant la bride il tient sa main fort élevée au-dessus du pommeau. La main basse est la main de la bride fort près du pommeau. Avoir la main légère, c'est conduire la main de la bride de façon qu'on entretienne la sensibilité de la bouche de son cheval. N'avoir point de main, c'est ne savoir pas conduire la main de la bride, et échauffer la bouche du cheval, ou en ôter la sensibilité. Ces deux expressions se disent aussi à l'égard de la main des cochers. Partir de la main, faire une partie de main, faire partir son cheval de la main, ou laisser échapper de la main, tout cela signifie faire aller tout-à-coup son cheval au galop. On appelle prestesse de main, l'action vive et prompte de la main du cavalier, quand il s'agit de se servir de la bride. Faire courir en main. Voyez COURIR. Affermir son cheval dans la main, soutenir son cheval de la main, tenir soumis son cheval dans la main, rendre la main, changer de main, promener, mener un cheval en main, séparer ses rênes dans la main, travailler de la main, à la main. Voyez tous ces termes à leurs lettres.

MAIN, en terme d'Orfèvre, est une tenaille de fer plus ou moins grosse, dont les branches sont recourbées, et s'enclavent dans l'anneau triangulaire qui est au bout de la sangle, laquelle est attachée au noyau du moulinet du banc à tirer ; les mâchoires de cette main, taillées à dents plus ou moins fines, hapent le bout du fil qui sort de la filière, et le moulinet mis en action ferme les branches et les mâchoires, et fait passer à force le fil par le trou de la filière.

MAIN DE PAPIER, (Commerce) c'est un paquet de papier plié en deux, qui contient vingt-cinq feuilles. Vingt mains de papier composent ce qu'on appelle une rame de papier. Voyez PAPIER.

MAIN, s. f. se dit encore en plusieurs arts mécaniques. On dit une main de carrosse, ce sont des morceaux de fer attachés au montant et au bas du corps du carrosse, où l'on passe les souspentes pour le soutenir. Le carrosse verse, si la main vient à manquer. Les cordons ou gros tissus de soie qu'on attache en dedans d'une voiture, à côté des portières, pour appuyer celui qui se fait voiturer, et le garantir d'être balloté dans les carrosses, s'appellent aussi mains. Ce qui embrasse une poulie, le morceau de fer entre les branches duquel elle se met, s'appelle main ou chape. La main d'un pressoir est ce qui sert à relever le marc. La pièce de fer à ressort et crochet qui est attachée à l'extrémité d'une corde de puits, et qui sert à pendre l'anse d'un sceau, quand on le descend et qu'on le retire, a la même dénomination. La main d'œuvre se dit en général du travail pur et simple de l'ouvrier, sans avoir égard à la matière qu'il emploie ; ainsi en Orfèvrerie même, quelquefois le prix de la main d'œuvre surpasse celui de la matière. On donne encore le nom de main à une espèce de rateau avec lequel on ramasse l'argent épars sur les tables de jeu, bureaux de finance, comptoirs, etc. Une main au jeu de cartes, ou une levée des cartes du coup joué, c'est la même chose. Avoir la main se dit au piquet, et à d'autres jeux donner la main ; celui qui reçoit les cartes et qui joue le premier a la main ; celui qui mêle et qui distribue les cartes, la donne. La main d'un coffre, c'est son anse : en général la main dans un meuble, c'est l'anse qui sert à le poser, etc.

La main des puits se fait d'une barre de fer plat, au bout de laquelle on forme un crocher d'environ six pouces ; l'autre partie est repliée en double de la longueur de douze à quinze, observant de pratiquer un oeil pour passer un anneau ; le reste de la barre vient joindre le crochet, l'un chevauchant sur l'autre d'environ deux pouces, observant que la branche de la main qui se rend au crochet soit en dedans, de manière que gênant cette branche, elle s'écarte du crochet, et donne la facilité à l'anse du sceau d'entrer et de se placer.

MAIN DE SOIE, (Soierie) ce sont quatre pantimes tordues ensemble. Voyez l'article PANTIME.

MAIN, terme de Fauconnerie, on dit, ce faucon a la main habile, fine, déliée, forte, bien onglée.

MAIN DE CHRIST, (Pharmacie) on appelle ainsi certains trochisques faits de sucre de roses avec une addition de perles, et alors on les appelle manus christi perlatae ; ou sans perles, et on les appelle manus christi simplices.

MAIN DE DIEU, (Pharmacie) nom d'un emplâtre vulnéraire, résolutif et fortifiant.

Prenez huîle d'olive, deux livres ; litharge de plomb, une livre ; cire vierge, une livre quatre onces ; verd-de-gris, une once ; gomme ammoniaque, trois onces et trois gros ; galbanum, opopanax, de chaque une once ; sagapenum, deux onces ; mastic, une once ; myrrhe, une once et deux gros ; oliban, bdellium, de chaque deux onces ; aristoloche ronde, une once ; pierre calaminaire, deux onces.

Commencez par mettre votre litharge avec votre huîle dans une grande bassine de cuivre, ensuite agitez-les ensemble : ajoutez-y trois livres d'eau commune, et faites-les cuire selon l'art ; faites-y fondre la cire : après quoi, retirant votre bassine du feu, ajoutez les gommes, le galbanum, la gomme ammoniaque, l'opopanax, et le sagapenum, que vous aurez dissous dans le vinaigre, passés et épaissis ; et enfin, vous y mêlerez le mastic, la myrrhe, l'oliban, le bdellium, la pierre calaminaire, le verd-de-gris et l'aristoloche, réduits en poudre. Ce mélange fait, l'emplâtre sera parfait. Il est maturatif, digestif, détersif, et enfin incarnatif.