S. f. en Anatomie. Voyez INJECTER.

INJECTION en Chirurgie est un médicament liquide qu'on pousse au moyen d'une seringue dans quelque cavité du corps, soit naturelle, ou faite par maladie. Plusieurs auteurs modernes se sont déclarés contre les injections. Ils leur trouvent plusieurs inconvéniens, comme de dilater les cavités, de presser leurs parais, de débiliter les solides, d'enlever le suc nourricier préparé par la nature pour la consolidation des plaies, d'introduire dans les cavités des plaies et des ulcères une certaine quantité d'air qui leur est nuisible ; enfin on leur reproche d'avoir trop peu de durée dans leur action. L'usage méthodique des injections annulle tous ces inconvéniens. Il est certain que par leur moyen on est parvenu à déterger des ulcères caverneux et fistuleux, et qu'elles ont évité aux malades des incisions, des contre-ouvertures qui sont des moyens plus douloureux. Les injections ont souvent entrainé des matières étrangères adhérentes aux parois des cavités où leur croupissement aurait eu des suites funestes, et qu'elles ont préparé à l'application salutaire d'un bandage expulsif qui aurait été sans effet, sans l'usage primitif des injections. Argumenter contre les injections de ce qu'elles ne font pas ce à quoi elles ne doivent point être employées, ou les mettre en parallèle avec d'autres moyens, qui ne les admettent que préparatoirement ou concurremment, pour les condamner par un jugement absolu, c'est moins décrier les injections que les raisons par lesquelles on voudrait les proscrire. Elles transmettent des médicaments dans des lieux où il serait impossible d'en introduire sous une autre forme. Tous les auteurs sont remplis d'observations sur leurs bons effets. M. de la Peyronie s'en est servi avec le plus grand succès dans le cerveau. Voyez dans le premier volume des mémoires de l'académie royale de Chirurgie un mémoire de M. Quesnay sur les plaies de ce viscère. Dans les épanchements purulents de la poitrine, l'ouverture est nécessaire pour donner issue aux matières épanchées. L'on donne encore pour règle, de mettre dans les pansements les malades en une situation qui favorise l'écoulement du pus, de lui faire faire de fortes inspirations, de mettre une canule qui empêche le séjour des matières. Malgré toutes ces précautions, on ne sera pas dispensé d'avoir recours aux injections, si le pus est visqueux, si la substance du poumon en est abreuvée. M. Quesnay nous apprend dans son traité de la suppuration purulente que M. de la Peyronie étant réduit au seul secours des injections dans la cure d'un abscès à la poitrine, qui avait formé une cavité fort considérable, où les matières qui s'y accumulaient se multipliaient prodigieusement, fut obligé de réitérer les injections jusqu'à cinq fois et davantage en vingt-quatre heures. Par cette méthode, suivie avec application, il vint à bout d'arrêter la propagation des matières, de les tarir entièrement, et de terminer heureusement cette cure. Ce que M. de la Peyronie a fait si utilement dans les abscès du cerveau et du poumon, pourrait-il être exclus raisonnablement du traitement des abscès au foie ? On dira envain qu'il faut avoir grande attention à ne pas caverner ce viscère, dont le tissu lâche et tendre peut aisément se laisser pénétrer et abreuver. Le cerveau et le poumon sont-ils d'une texture moins délicate, et destinés à des fonctions moins importantes ? Il n'y a pas de réponse à cette observation.

Dans le cas d'épanchement sanguin dans la cavité du bas-ventre ou de la poitrine, qui exige qu'on fasse une ouverture, elle ne remplirait pas la fin qu'on se propose, à moins qu'on ne parvienne à dégrumeler le sang épanché qu'on peut trouver adhérent aux parties qui forment les parois du vide où est l'épanchement. Les injections avec le miel et du sel dissous dans de l'eau, auront la vertu de décoaguler le sang épaissi.

Dans les épanchements de pus il faut faire les injections à grand lavage, afin d'entraîner, chaque fois qu'on panse l'abscès, tout le pus qui se trouve amassé dans sa cavité. Il faut que la liqueur soit alliée à des remèdes qui lui donnent les qualités convenables à l'état des chairs. Elle doit être suppurative, émolliente ou digestive, si ces chairs sont endurcies ; mondificative, si elles sont relâchées et engorgées de matières purulentes ; vulnéraire, balsamique et sans acrimonie, si l'on a l'intention d'empêcher seulement la dépravation des matières qui suppurent ; vulnéraire, astringente et dessicative, si on veut s'opposer à l'affluence des humeurs et à la mollesse des chairs. On les renouvelle plusieurs fois le jour si la suppuration est fort abondante, et l'on s'assurera que la cavité est suffisamment lavée et nettoyée, lorsque l'injection qui sort ne parait plus chargée de matières.

Les injections sont d'une très-grande utilité dans les maladies des cavités naturelles du corps. On les fait utilement dans la vessie, et suivant la vertu qu'on donne à la liqueur injectée. On remédie par leur moyen à deux maladies directement opposées ; à l'atonie des fibres musculeuses, par des injections vulnéraires et toniques ; et à la corrugation, par des lotions émollientes et relâchantes. Les injections sont d'usage pour nettoyer et mondifier des vessies baveuses ou purulentes, détacher les pierres enkistées, et entraîner les sables et graviers qui séjournent dans sa cavité. Voyez BOUTONNIERES. On éprouve quelquefois dans l'opération de la taille, de la difficulté à charger la pierre sur laquelle la vessie se contracte après la sortie de l'urine. Dans ce cas, une injection émolliente écarte les parois de la vessie, ramène la pierre en-devant, et permet de la saisir aisément avec des tenettes.

Pour faire l'injection dans la vessie pour l'opération de la taille au haut appareil, il est commode de se servir d'une algalie particulière. Voyez ALGALIE et Planche X. fig. 8. Voyez HAUT APPAREIL.

Les lavements sont des injections dans l'intestin rectum ; on en fait dans cette partie pour les ulcères dont elle peut être affectée, ainsi que dans le vagin, et dans le canal de l'urethre des hommes. Les injections sont suspectes dans les cas de gonorrhées virulentes ; on peut néanmoins s'en servir utilement sur la fin, lorsqu'on n'a d'autre intention que de dessecher et de resserrer les orifices des vaisseaux affoiblis et relâchés : l'usage des bougies est fort approprié à ce cas. Voyez BOUGIE.

Le corps de la matrice admet des injections ; tous les auteurs qui ont parlé des maladies de ce viscère les recommandent. Mais M. Recolin, de l'académie royale de Chirurgie, parait demontrer par le texte de plusieurs auteurs et par des réflexions judicieuses sur les cas pour lesquels ils les ont prescrites, qu'ils n'entendaient par injections dans la matrice, que des ablutions faites par le moyen d'une seringue dans la cavité du vagin. Cette discussion termine un mémoire très-utile, imprimé dans le troisième tome des ouvrages de l'académie royale de Chirurgie par le même M. Recolin, sur l'efficacité des injections d'eau chaude dans la matrice, lorsqu'il y reste des portions de l'arriere-faix après des fausses-couches, l'auteur s'est trouvé plusieurs fois dans le cas de secourir des femmes menacées de périr, qu'il a délivrées par l'injection réitérée d'eau chaude dans la cavité de la matrice. Le tableau des accidents auxquels ces femmes étaient prêtes de succomber, comparé avec la simplicité du moyen que M. Recolin a employé, donne un grand prix à cette découverte, sur laquelle l'auteur s'explique néanmoins avec la plus grande modestie. M. Neuhoff, dans une thèse de sa composition soutenue à Leipsick en 1755, et qui a les injections dans la matrice pour objet, de enemate uterino, traite son sujet d'une manière très-érudite. Il rapporte les passages des plus anciens écrivains sur les cas où ils ont cru les injections convenables ; mais on ne voit pas bien clairement qu'elles aient été faites dans le corps même de la matrice : Harvey est le seul qui en parle d'une manière non équivoque ; il a fait la même opération que M. Recolin a fait depuis. Il fut appelé pour voir une femme de qualité qui souffrait de la suppression des lochies, et qui avait des accidents que l'auteur avait Ve souvent être les avant-coureurs d'une mort prochaine. Après avoir tenté inutilement les moyens ordinaires, il dilata l'orifice de la matrice avec une sonde, y porta un syphon, et fit une injection par laquelle il fit sortir plusieurs livres d'un sang noir, grumeleux et foetide ; la malade en fut soulagée sur le champ. Harvey rapporte qu'il a fait à une autre personne des injections dans le corps même de la matrice, pour une ulcération qu'il a guérie par ce secours.

Les injections se font avec fruit dans les maladies des oreilles, pour en déterger les ulcérations, et déraciner les amas de matières cérumineuses. On assure qu'on a injecté les trompes d'Eustache, et qu'on a guéri la surdité par ce moyen : cela mérite confirmation. Personne n'ignore l'utilité des injections dans les maladies des voies lacrymales ; on les fait ou avec les petits syphons par les points lacrymaux, à la méthode d'Anel, ou suivant la méthode de M. de la Fôret chirurgien de Paris, par le nez, en portant un syphon courbe dans la partie inférieure du conduit nazal ; voyez le mémoire de ce praticien dans le second volume de l'académie de Chirurgie. Il parait par une dissertation de M. Louis sur la fistule lacrymale, insérée dans ce méme volume, que MM. Morgagni et Bianchi ont été en dispute sur cet objet, bien avant que M. de la Forêt établit sa méthode. Les maladies du sinus maxillaire peuvent être traitées par les injections ; voyez dans ce Dictionnaire au mot GENCIVES, l'article MALADIES DES GENCIVES. On a employé avec succès les injections pour faire descendre dans l'estomac des corps étrangers arrêtés dans l'oesophage. Voyez REPOUSSOIR D'ARRETES.

Les règles à observer dans l'usage des injections, sont de donner à la liqueur un degré de chaleur qui ne soit que de quelques degrés au-dessus de celle des parties où on la porte. De se servir, pour peu que la cavité soit considérable, d'une seringue qui soit grande, et qui forme un gros jet, afin que l'injection puisse détremper et entraîner surement les matières qui croupissent. Pour le cerveau, M. de la Peyronie recommande un conduit large et terminé en forme d'arrosoir, afin que la liqueur s'étende davantage, qu'elle lave mieux et fasse moins d'effort sur la substance du cerveau ; il ne faut pas dans ce cas ou semblable, pousser avec trop de force. On proportionnera la quantité de la liqueur à l'espace où elle doit être reçue : on mettra de la promptitude dans l'opération ; on favorisera la sortie de la liqueur par une position avantageuse, ou bien on la retirera avec une autre seringue ; enfin on en cessera l'usage lorsqu'il en sera temps. L'académie-royale de Chirurgie a proposé en 1757 pour le sujet du prix la question suivante. Déterminer les cas où les injections sont nécessaires pour la cure des maladies chirurgicales, et établir les règles générales et particulières qu'on doit suivre dans leur usage. Le mémoire qui aura été couronné, sera imprimé dans le troisième tome des recueils des prix. M. Berg.... qui a eu connaissance du programme de l'académie, a fait une dissertation latine sur le même sujet, qu'il a soutenu pour son doctorat en Médecine à Leipsick, au mois de Juin 1737. (Y)

INJECTION, (Pharmacie) L'injection est une liqueur quelconque destinée à être portée dans différentes cavités, soit naturelles, soit contre nature, telles que les oreilles, les points lacrymaux, les narines, la bouche, l'anus, la vessie, la vulve, les abscès, les fistules, etc.

La destination de cette liqueur ne demande de la part de l'artiste aucune considération particulière. Une lessive ou dissolution saline, une décoction, une infusion, une teinture, une mixture, etc. n'exigent aucune circonstance de manuel particulière pour être administrée sous forme d'injection.

L'injection destinée particulièrement à la bouche, est connue dans l'art sous le nom de gargarisme. Voyez GARGARISME. Et celle qui est destinée à l'anus, ou pour mieux dire aux gros intestins, sont ceux de clystère, de lavement, de remède. Voyez CLYSTERE et LAVEMENT. (b)