(BAUME DE), Histoire naturelle bot. Pharm. Med. huîle balsamique qu'on tire par incision d'un arbre du Bresil. Balsamum copaïva, ou copau. Off. Voyez HUILE. Suc résineux, liquide, de la consistance de l'huîle lorsqu'il est récent ; d'un blanc jaunâtre, devenant tenace et gluant avec le temps ; d'un goût âcre, amer, aromatique ; d'une odeur pénétrante ; et qui approche de l'odeur de ce bois odoriférant nommé calembourg, qui vient des Indes en grosses et longues buches.

Les Portugais apportent ce baume en Europe du Bresil, de Rio de Janéïro, de Fernambouc, et de Saint-Vincent, dans des pots de terre pointus par le bout, qui contiennent encore quelquefois beaucoup d'humidité et d'ordures jointes au baume. Voyez BAUME.

On trouve dans les boutiques deux espèces de ce suc résineux ; l'un plus limpide, de couleur pâle ou jaunâtre, d'une odeur agréable, d'un goût un peu amer, d'une consistance plus ou moins épaisse selon qu'il est plus ou moins vieux, approchant de celle de la térébenthine : c'est le meilleur. L'autre est plus grossier, blanchâtre, moins limpide, tenace, de la consistance du miel, d'une odeur moins suave, d'un goût amer, desagréable, avec une portion d'eau trouble au fond : cette espèce parait falsifiée ou du moins prise dans une mauvaise saison, ou peut-être extraite par la décoction des branches et de l'écorce de l'arbre ; c'est pourquoi on ne l'estime pas.

Léry, de Laèt, Herrera, Linschot, Jarrisc, de Moraïs, Labat, Corréal et autres, s'étendent beaucoup sur l'histoire de ce baume et de l'arbre qui le produit ; mais on ne peut guère se fier à des écrivains qui se contredisent, et qui n'étaient ni les uns ni les autres gens du métier. Heureusement nous avons un auteur capable de nous éclairer sur cette matière ; c'est Marcgrave, dans sa description du Bresil imprimée en latin à Amsterdam en 1648, in-folio.

Il appelle l'arbre d'où découle ce suc, copaïba. Il est assez élevé, et Labat lui donne au moins vingt-deux pieds de haut ; ses racines sont grosses et nombreuses ; son tronc est droit, fort gros, couvert d'une écorce épaisse ; son bois est d'un rouge foncé ; ses feuilles en grand nombre sont portées sur une assez grosse queue de la longueur d'environ 2 pouces ; ses fleurs sont à cinq pétales : quand elles sont tombées ; il leur succede des gousses de la longueur du doigt, arrondies et brunes, lesquelles étant mûres, s'ouvrent aussi-tôt qu'on les presse, et laissent sortir le noyau qu'elles contiennent, qui est ovalaire, de la grosseur et de la figure d'une aveline, dont l'écorce extérieure est une peau mince, noirâtre, recouverte jusqu'à la moitié d'une pulpe jaune, visqueuse, molle, qui a l'odeur des pois lorsqu'on les écrase. L'amande qu'il renferme, bonne à manger, et molle comme de la corne bouillie, se brise aisément entre les dents.

Cet arbre croit dans les forêts épaisses qui sont au milieu des terres du Bresil ; il vient aussi dans l'île de Maranhaon que nous écrivons Maragnan, et dans les îles Antilles voisines.

Lorsqu'on veut tirer l'huîle de cet arbre, on fait dans le tronc une profonde incision perpendiculaire de six à sept pouces de longueur ; on glisse ensuite dans cette incision un morceau de calebasse pour diriger l'huîle balsamique, et la faire tomber dans une calebasse entière : il découle sur le champ par l'incision une liqueur huileuse et résineuse, qui est d'abord limpide comme l'huîle distillée de térébenthine ; elle devient ensuite plus épaisse et d'un blanc jaunâtre. Cette liqueur qui coule la première, se garde séparément comme la meilleure. Si on fait cette incision dans le temps convenable, dans un arbre fort et sain, et qu'elle soit profonde, on dit que dans l'espace de trois heures, on retire jusqu'à douze livres de baume. Cette incision étant couverte aussitôt avec de la cire ou de l'argile, elle répand encore sa liqueur résineuse en assez grande quantité, une quinzaine de jours après.

Labat assure que le temps le plus propre pour faire l'incision, est le mois de Mars pour les arbres qui se trouvent entre la ligne équinoctiale et le tropique du Cancer ; et le mois de Septembre pour ceux qui sont de l'autre côté de la ligne, c'est-à-dire entr'elle et le tropique du Capricorne.

Les Menuisiers et Ebénistes emploient le bois de l'arbre pour leurs ouvrages, à cause de son rouge foncé ; on s'en sert aussi pour la teinture, mais je ne sais si le bois de Bresil de Fernambouc est du même arbre qui produit le baume.

La différence qu'il y a entre le baume de Copahu et celui du Pérou, est que ce dernier se seche et se durcit plus aisément ; au lieu que le baume de Copahu ne fait que s'épaissir, et devenir d'une couleur plus foncée sans se durcir.

On le falsifie souvent avec des huiles de moindre prix : on le contrefait par le mélange de l'huîle distillée de térébenthine avec de l'huîle exprimée d'amandes douces : on vend aussi sous son nom la résine la plus pure et la plus récente du Méleze ; il arrive même quelquefois en Europe déjà sophistiqué ; en un mot il n'est pas facîle d'en avoir de pur de la première sorte, et l'on sait que les épreuves pour découvrir s'il est véritable, sont assez fautives, du moins l'art peut les rendre telles.

La Chimie nous instruit que ce baume est composé d'une huîle subtîle éthérée, et d'une huîle grossière mêlée avec un sel acide ; c'est de ces principes que dépend son efficacité.

Sa dose est depuis dix gouttes jusqu'à trente dans quelque liqueur convenable, en conserve, en eléosaccharum, en pilules avec de la réglisse, ou dissous dans un jaune d'œuf. On l'emploie intérieurement et extérieurement.

Plusieurs auteurs lui accordent des vertus admirables à ces deux égards. Ils l'ordonnent intérieurement dans le scorbut, la dyssenterie, les flux de ventre, les fleurs blanches ; la gonorrhée, la néphrétique, le crachement de sang, la phtysie. Fuller le vante aussi comme un excellent béchique pour déterger les bronches, et rendre le ton aux poumons. Mais toutes ces ordonnances ne sont plus de mise vis-à-vis des médecins qui ne font aucune attention aux noms des maladies, et qui ne considèrent que leurs causes. Comme ce baume est âcre et échauffant, s'il est utîle quelquefois, il nuit toujours quand on en use mal-à-propos et trop longtemps. Il irrite les tuniques délicates des premières voies, il met les humeurs en mouvement ; il allume le sang et le porte à l'inflammation : c'est pourquoi il faut ne le donner qu'avec connaissance, loin des repas, et en petites doses.

Son usage externe est dans les excoriations pour consolider les plaies, les ulcères, et corroborer les parties nerveuses affectées d'un commencement de paralysie ou de rhumatisme. On peut dans ce dernier cas le mêler avec deux parties d'esprit-de-vin, et en former un liniment ; mais on ne doit point l'employer dans les plaies et ulcères qui ne sont pas suffisamment détergés, ni même à cause de son âcreté sans le mélange d'autres substances onctueuses.

Sa principale vertu vulnéraire est de s'opposer à la pourriture des sucs qui sont fournis par la suppuration, et qui découlent dans les plaies. Tout ceci s'applique également aux baumes de la Mecque, du Tollu, du Pérou, etc. Si nous n'en pouvons faire de grands éloges dans les maladies où l'on les vante davantage, du moins nous tâcherons d'amuser le lecteur par leur histoire naturelle : n'est-ce point encore trop promettre ? Article de M. le Chevalier DE JAUCOURT.