S. f. (Pharmacie) forte décoction des racines, des feuilles, et des tiges d'une plante ou de plusieurs plantes ensemble. Ce mot est formé du grec , et , ferveo. Les anciens confondaient la décoction avec l'apozeme : cependant l'infusion simple peut seule faire un apozeme, qui n'est autre chose qu'un médicament liquide chargé des vertus et principes d'un ou de plusieurs remèdes simples ; et comme l'extrait ou l'action de les tirer d'un mixte ne demande dans certains cas que la simple macération de plusieurs corps qui sont volatils, et dans d'autres cas l'ébullition, il est clair que la décoction n'est pas essentielle à l'apozeme. On divise l'apozeme en altérant et en purgatif. Le premier est celui qui n'est composé que de simples, ou remèdes altérants. Le second est celui auquel on ajoute des purgatifs.

L'altérant est une infusion qui change les humeurs. Le purgatif les évacue.

L'apozeme se compose de simples cuits ou infusés ensemble. L'on met d'abord le bois, les racines, ensuite les écorces, et après les herbes ou feuilles, puis les fruits, et en dernier lieu les semences et les fleurs. L'infusion de ces simples se fait dans l'eau de fontaine ou de rivière ; on ne règle pas la quantité de l'eau, mais on la laisse à la prudence de l'apothicaire.

Les apozemes s'ordonnent ordinairement pour trois ou quatre doses, et à chacune on ajoute deux gros de sucre ou de sirop, selon que la maladie l'exige.

Chaque dose doit être de quatre ou six onces. On la diminue de moitié pour les enfants.

L'usage des apozemes est de préparer les humeurs à la purgation, de les délayer, détremper et diviser pour les rendre plus fluides, et emporter les obstructions que leur épaississement aurait engendrées dans les petits vaisseaux.

Les apozemes doivent donc varier selon les indications que le Médecin a à remplir : ainsi il en est de tempérants et rafraichissants, de calmants et adoucissants, d'incrassants et empâtants, d'apéritifs, de diurétiques, d'emménagogues, d'antipleurétiques. C'est ainsi que les anciens ordonnaient des apozemes rafraichissants pour la bîle échauffée, âcre, subtîle et brulée, qui causait un désordre dans les maladies aiguës et dans les fièvres putrides.

Apozeme tempérant. Prenez racines de chicorée, d'oseille et de buglose, de chacune une once ; feuilles de chicorée, de laitue, de pourpier, et de buglose, de chacune une poignée ; raisins mondés, une once ; orge mondé, une pincée ; fleurs de violette et de nimphéa, de chacune une pincée : vous ferez d'abord bouillir les racines dans trois chopines d'eau réduites à pinte, et sur la fin vous ferez infuser les feuilles avec les semences et les fleurs. Cet apozeme est des plus composés ; il est cependant fort tempérant. Pour le rendre plus agréable, on ajoutera sur chaque dose du sirop de nimphéa et de grenade, de chacune deux gros ; du sel de prunelle, un gros.

Apozeme délayant et humectant. Prenez racines de chien-dent, de caprier, de fraisier et de petit-houx, de chacune une once ; feuilles et racines de chicorée, feuilles d'endive, de capillaire, de pimprenelle et d'aigremoine, une poignée de chacune ; fleurs de chicorée, de bourache, de buglose et de violette, une pincée de chacune : faites du tout un apozeme selon l'art, comme il est marqué ci-dessus, en ajoutant sur chaque dose deux gros de sirop de guimauve, de limon ou de capillaire, avec six gouttes d'esprit de soufre. Cet apozeme est délayant et tempérant ; il convient dans l'épaississement et l'ardeur du sang et des humeurs.

Apozeme atténuant et détersif. Prenez racines d'ache, de persil et de fenouil, six gros de chacune ; de racine d'aunée et de patience, de chacune demi-once ; feuilles de chamépithys, d'aigremoine, de chamédrys et de capillaire, de chacune deux gros ; fleurs de stoechas et de souci, une pincée de chacune : faites bouillir le tout selon l'art dans de l'eau de fontaine pour quatre doses, et passez la liqueur ; ajoutez à chaque dose du sirop des cinq racines, deux gros.

Apozeme apéritif, hépatique et emménagogue. Prenez des cinq racines apéritives, de chacune une once ; écorce moyenne de frêne et de tamaris, de chacune demi-once ; feuilles de chicorée, de scolopendre, de capillaire, de cerfeuil, une demi-poignée de chacune : faites du tout un apozeme selon l'art ; ajoutez à chaque dose, de sel de duobus, un scrupule ; de sirop d'armoise, une once.

Apozeme contre la pleurésie, la péripneumonie et la toux. Prenez feuilles de bourache, de buglose et de capillaire, de chacune une poignée ; de chicorée sauvage, une demi-poignée : lavez ces herbes et coupez-les un peu ; ensuite faites-en un apozeme réduit à une pinte : passez la liqueur, et ajoutez sirop de guimauve, une once : celui-ci est plus simple et plus agréable. Nous en avons donné de composés pour nous accommoder au goût des Médecins et de leurs malades.

Apozeme anti-scorbutique. Prenez racines de raifort et d'aunée, de chacune une once ; de pyrethre concassée, un demi-gros : prenez ensuite feuilles de cochléaria, de beccabunga, de treffle d'eau, et de cresson de fontaine, de chacune une demi-poignée : pilez le tout ensemble dans un mortier de marbre, et jetez dessus une pinte d'eau bouillante, laissez infuser pendant une heure. On aura soin de bien couvrir le vaisseau, et de ne le découvrir qu'après que la liqueur sera refroidie. Passez le tout, et ajoutez à la colature, du sirop d'absynthe ou anti-scorbutique, une once. Cet apozeme est bon dans le scorbut. Voyez SCORBUT.

Apozeme pectoral et adoucissant. Prenez orge mondé, une demi-once ; feuilles de bourache de tussilage et de pulmonaire, de chacune une demi-poignée : faites bouillir le tout selon l'art dans trois chopines, à réduction d'une pinte ; ajoutez ensuite racines de guimauve, deux gros ; fleurs de tussilage, de mauve, de chacune une pincée. Laissez infuser le tout : passez ensuite sans expression ; édulcorez la colature avec sirop de violette ou de capillaire, une once. La dose est d'un bon verre de deux heures en deux heures.

Apozeme laxatif. Prenez racines de chicorée sauvage et de patience sauvage, de polypode de chêne, ratissées et coupées, de chacune une demi-once ; feuilles d'aigremoine, de chicorée sauvage, de chacune une demi-poignée : faites bouillir le tout dans trois chopines d'eau que vous réduirez à une pinte ; retirez la cruche du feu, et faites-y infuser pendant quatre heures sené mondé, une once ; crême de tartre, demi-once ; semence d'anis, un gros ; passez la liqueur par un linge avec légère expression, et ajoutez à la colature du sirop de fleurs de pêcher, une once et demie ; partagez le tout en six verres à prendre tiedes en deux jours, trois dans chaque matinée, un bouillon entre chaque prise. Cet apozeme s'ordonnera pour purger légèrement et à la longue, ceux qu'on ne veut point faire évacuer copieusement, ni fatiguer par un purgatif disgracieux et dégoutant.

Apozeme apéritif et purgatif contre l'hydropisie. Prenez racines de patience sauvage, de chardon Roland, d'asperge, de chacune demi-once ; d'aunée, deux gros : coupez le tout par morceaux après l'avoir ratissé, et faites-le bouillir dans trois chopines d'eau que vous réduirez à une pinte ; ajoutez sur la fin feuilles d'aigremoine, de cresson, de chacune une poignée ; passez la liqueur par un linge avec expression ; dissolvez-y arcanum duplicatum, deux gros ; sirop de Nerprun, une once et demie. La dose est d'un verre tiede de quatre en quatre heures, en suspendant les derniers, si l'évacuation est suffisante : on l'ordonne surtout dans l'oedeme et la leucophlegmatie.

Apozeme fébrifuge et laxatif. Prenez feuilles de bourache, buglose, chicorée sauvage, de chacune une poignée ; quinquina pulvérisé, une once ; follicules de sené, trois gros ; sel de Glaubert, deux gros : faites bouillir les plantes dans trois chopines d'eau commune, que vous réduirez à une pinte : passez la liqueur avec expression, et ajoutez-y sirop de fleurs de pêcher, une once et demie. Cet apozeme convient dans les fièvres intermittentes ; on le donne de quatre en quatre heures hors les accès, lorsque les urines sont rouges, et qu'elles déposent un sédiment briqueté, lorsque l'éréthisme et la chaleur sont fort abattus.

Nota. 1°. que les apozemes ci-dessus énoncés peuvent être changés en juleps, en potions, ou autres formules plus faciles à exécuter. Voyez JULEP, POTION.

2°. Tous les apozemes peuvent être rendus purgatifs en y dissolvant un sel.

3°. L'usage de ces apozemes demande une grande attention pour le régime ; la diete doit être réglée selon l'état et la force du malade, respectivement à la qualité de l'apozeme. (N)