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Catégorie parente: Physique particulière
Catégorie : Chirurgie
S. f. terme de Chirurgie, tumeurs dures et indolentes qui se terminent assez ordinairement par la suppuration. Le mot d'écrouelles vient du latin scrophulae, formé de scropha, truie. Les Grecs l'appellent , de , pourceau, parce que ces animaux sont sujets à de pareilles tumeurs sous la gorge. On appelle aussi cette maladie strumae, à struendo, amasser en tas, à cause que les écrouelles sont le plus souvent composées de plusieurs tumeurs ramassées ou entassées les unes auprès des autres.

Les écrouelles viennent de l'épaississement de la lymphe par de mauvais aliments, comme viandes salées, fruits verts, lait grossier, eaux bourbeuses, etc. Les enfants y sont fort sujets, parce qu'ils vivent de lait qui par sa partie caseuse fournit la matière de ces sortes de tumeurs. La cause formelle des écrouelles est en effet une congestion de lymphe gelatineuse, épaissie et déposée dans les vaisseaux de certaines glandes, et dans les cellules du tissu folleculeux, qui les avoisinent. Les glandes du mésentère sont ordinairement engorgées et dures dans les enfants scrophuleux, et cela les fait mourir de consomption précédée d'un dévoyement chyleux, parce que le chyle ne peut plus passer par les vaisseaux lactées, que compriment les glandes tuméfiées. Les écrouelles naissent communément sous les oreilles et sous la mâchoire inférieure, aux aisselles, aux aines, autour des articulations, etc. Quoique ces tumeurs soient dures comme les skirrhes, elles suppurent assez volontiers, et elles ne dégénèrent point en cancer, comme les skirrhes qui s'ulcèrent ; ce qui prouve bien que la matière des écrouelles est d'une autre nature que celle qui forme les skirrhes. Les tumeurs de ce dernier genre sont produites par la lymphe albumineuse, qui est susceptible d'un mouvement spontané, par lequel elle devient alkaline et très-corrosive. On voit quelquefois des tumeurs scrophuleuses, malignes et ulcerées, qui participent un peu de la nature du cancer : Celse a connu cette espèce, il la nomme struma cancrodes.

La cure des écrouelles s'accomplit par des remèdes généraux et particuliers : la saignée n'est utîle que comme remède préparatoire ; la purgation, les bains, les bouillons de veau et de poulet avec les plantes altérantes, telles que le cresson, la fumeterre, etc. le petit-lait, les eaux minérales, enfin tous les humectants et délayans dont on accompagne l'usage de celui des bols fondants et apéritifs avec les cloportes, l'oethiops minéral ; les purgatifs fondants, comme l'aquila alba. Les pilules de savon ont beaucoup de succès, et sont des moyens presque surs dans les écrouelles naissantes, surtout lorsque ces secours sont administrés dans une saison favorable, qu'on les continue assez longtemps, et qu'il n'y a aucune mauvaise complication.

Lorsque les tumeurs sont considérables, il est difficîle d'en obtenir la résolution, surtout si la matière est fort épaisse, parce qu'elle n'est pas soumise à l'action des vaisseaux ; et elles s'ulcèrent assez communément, malgré l'application des emplâtres émolliens et résolutifs, qu'on emploie dans toute autre intention que de faite suppurer. Le fond des ulcères scrophuleux est dur et calleux ; et les chairs qui végetent de leur surface, sont molles, blanches, et jettent un pus épais et visqueux. On se sert de remèdes esharrotiques pour détruire les callosités et consumer les chairs, qui pullulent souvent avec plus de force après l'usage de ces remèdes. J'ai observé qu'on abusait souvent des caustiques dans le traitement de cette maladie. Il n'est pas nécessaire de poursuivre opiniâtrément l'éradication complete de ces tumeurs avec des caustiques dont l'application réitérée est un tourment pour les malades. Dès que la tumeur est ulcérée jusque dans son centre, les discussifs et les fondants extérieurs en procurent l'affaissement en proportion du dégorgement qu'ils déterminent et qu'ils accélèrent. Parmi ces remèdes on peut louer la fumigation de vinaigre jeté sur des cailloux ardents ou sur une brique rougie au feu ; les gommes ammoniaques de galbanum, de sagapenum, dissoutes dans le vinaigre et appliquées sur la tumeur ; l'emplâtre de ciguè dissoute dans l'huîle de cappres, etc. Les ulcères compliqués de carie des os, doivent être traités relativement à cette complication. Voyez CARIE et EXFOLIATION. En général, il faut beaucoup attendre de la nature et du temps. Il y a dans les hôpitaux, non pas dans ceux où l'on ne reçoit que des malades dont on souhaite être promptement débarrassé, pour qu'ils fassent place à d'autres, mais dans ces asiles où la pauvreté et la misere trouvent un domicîle constant avec tous les besoins de la vie, il y a des salles uniquement destinées pour les personnes écrouelleuses. J'y ai suivi la marche de la nature. On ne fait presque point de remèdes à la plupart de ces personnes ; on les saigne et on les purge deux fois l'année. On panse simplement les tumeurs ulcérées avec un onguent suppuratif ; elles se consomment peu-à-peu, et les malades guérissent à la longue. Les écrouelles ne sont donc point incurables ; et si l'on voit tant de guérisons par les seules forces de la nature, combien n'a-t-on pas lieu d'en attendre lorsque les secours de l'art bien dirigés, aideront les efforts de la nature souvent trop faibles. Si les malades et les chirurgiens étaient aussi patiens que cette maladie est opiniâtre, on en viendrait à bout. J'ai pansé avec obstination des ulcères scrophuleux, compliqués de carie dans les articulations des grands os, que j'ai enfin guéris après deux ans de soins assidus. La longueur d'un pareil traitement est fort rebutante, il faut que notre patience en inspire aux malades ; car s'ils ne se prêtent pas, on juge incurables des maux qui ne le sont point : l'efficacité des premiers secours opère encore pendant et après l'application du remède d'un charlatan, auquel on se livre ensuite par caprice ou par ennui, et qui retire fort souvent tout l'honneur de la cure. Les gens les plus raisonnables jugent en faveur du succès, et ils ne veulent l'attribuer qu'au dernier moyen. (Y)

ECROUELLES, (Histoire) Le Roi de France jouit du privilège de toucher les écrouelles. Le vénérable Guibert abbé de Nogent, a écrit que Philippe I. qui monta sur le trône en 1060, usait du droit de toucher les écrouelles, mais que quelque crime le lui fit perdre.

Raoul de Presles en parlant au roi Charles V. qui commença à régner en 1364, lui dit : " Vous avez telle vertu et puissance qui vous est donnée de Dieu, que vous garissez d'une très-horrible maladie qui s'appelle les écrouelles ".

Etienne de Conti religieux de Corbie, du XVe siècle, décrit dans son Histoire de France (n°. 520 des manuscrits de la bibliothèque de S. Germain des Prés), les cérémonies que Charles VI. qui regnait depuis l'an 1380, observait en touchant les écrouelles. Après que le roi avait entendu la messe, on apportait un vase plein d'eau, et Sa Majesté ayant fait ses prières devant l'autel, touchait le mal de la main droite, le lavait dans cette eau, et le malade en portait pendant neuf jours de jeune : en un mot, suivant toutes les annales des moines, les rois de France ont eu la prérogative de toucher les écrouelles depuis Philippe I.

Les anciens historiens anglais attribuent de leur côté cette prérogative, et même exclusivement, à leurs rois ; ils prétendent qu'Edouard-le-Confesseur, qui monta sur le trône en 1043, la reçut du ciel à cause de ses vertus et de sa sainteté, avec la gloire de la transmettre à tous ses successeurs. Voilà pourquoi, ajoute-t-on, les écrouelles s'appellent de temps immémorial la maladie du Roi, la maladie qu'il appartient au Roi seul de guérir par l'attouchement, king's-evil. Aussi était-ce un spectacle assez singulier de voir le roi Jacques III. fugitif en France, s'occupant uniquement à toucher les écrouelleux dans nos hôpitaux.

Mais que les Anglais nous permettent de leur faire quelques difficultés contre de pareilles prétentions : 1°. comme ce privilège fut accordé à Edouard-le-Confesseur, suivant les historiens, en qualité de saint, et non pas en qualité de roi, on n'a point sujet de croire que les successeurs de ce prince qui n'ont pas été des saints, aient été favorisés de ce don céleste.

2°. Qu'on nous apprenne quand et comment ce privilège est renouvellé aux rois qui montent sur le trône ; si c'est par la naissance qu'ils l'obtiennent, ou en vertu de leur piété, ou en conséquence de leur couronne, comme les rois de France.

3°. Il n'y a point de raison qui montre pourquoi les rois d'Angleterre auraient ce privilège exclusivement aux autres princes chrétiens.

4°. Si le ciel avait accordé un pareil pouvoir aux rois de la Grande-Bretagne, il serait naturel qu'ils l'eussent dans un degré visible à tout le monde, et que du moins quelquefois la guérison suivit immédiatement l'attouchement.

5°. Enfin ils seraient inexcusables de ne pas user de leurs prérogatives pour guérir tous les écrouelleux qu'on pourrait rassembler, car c'est malheureusement une maladie fort commune : cela est si vrai, qu'en France même, au rapport de l'historiographe de la ville de Paris, Jacques Moyen ou Moyon, Espagnol, né à Cordoue, faiseur d'aiguilles, et établi dans cette capitale, demanda en 1576 à Henri III. la permission de bâtir dans un fauxbourg de la ville, un hôpital pour les écrouelleux, qui, dans le dessein de se faire toucher par le Roi, arrivaient en foule des provinces et des pays étrangers à Paris, où ils n'avaient aucune retraite.... Mais les désordres des guerres civiles firent échouer ce beau projet.

Nous lisons dans l'histoire, que Pyrrhus avait la vertu de guérir les rateleux, c'est-à-dire les personnes attaquées du mal de rate, en pressant seulement de son pied droit ce viscère des malades couchés sur le dos ; et qu'il n'y avait point d'homme si pauvre ni si abject, auquel il ne fit ce remède toutes les fois qu'il en était prié. C'est donc une vieille maladie des hommes, et une très-ridicule maladie des Anglais, de croire que leurs rois ont la vertu exclusive de guérir certains malades en les touchant, puisqu'en voici un exemple qui remonte à environ deux mille ans. Mais après nos réflexions, et la vue de ce qui se passe aujourd'hui à Londres, il serait ridicule de vouloir soutenir la vérité de cette prétendue vertu de Pyrrhus ; aussi les Cotta du temps de Ciceron s'en mocquaient hautement, et vraisemblablement les Cotta de la Grande-Bretagne ne sont pas plus crédules. Art. de M(D.J.)