S. f. terme de Chirurgie, par lequel on exprime l'état d'un os qui parait à découvert. Cet accident est assez ordinaire dans les fractures compliquées avec plaie, et dans les blessures de tête, etc. On croyait assez généralement que tout os qui était découvert devait nécessairement s'exfolier ; mais des observations modernes ont fait voir que la dénudation de l'os n'est pas un obstacle à la réunion. L'expérience a appris que des lambeaux de chair se sont recollés aussi aisément sur la surface d'un os découvert, qu'avec les parties molles. Lorsqu'il n'est pas possible de recouvrir les os des parties dont ils ont été dépouillés par quelque accident, la guérison ne se peut faire que par une exfoliation de la lame extérieure de l'os ; mais la lame qui s'exfolie est quelquefois si mince que cette opération de la nature est insensible. Belloste, chirurgien français, a imaginé de faire des trous sur la surface des os découverts avec un instrument nommé perforatif, pour éviter l'exfoliation. Voyez EXFOLIATION. On voit croitre à-travers ces trous des bourgeons charnus, qui paraissent recouvrir effectivement la surface de l'os ; mais elle n'est pas conservée par ce moyen, il accélere seulement l'exfoliation insensible, parce qu'il diminue par-là la résistance que la lame de l'os qui doit s'exfolier oppose à l'action des vaisseaux qui font effort pour la séparer ; et cette séparation qui serait fort tardive si elle ne se faisait que par la circonférence, est de moindre durée lorsqu'on a comme criblé cette lame, et que les vaisseaux sains qui opèrent l'exfoliation agissent à la circonférence des trous qu'on a faits.

La dénudation de l'os est un accident qu'on voit quelquefois après les amputations des membres. Il n'arrive jamais lorsque l'os a été scié bien exactement au niveau de la masse des chairs dans une opération bien faite. Mais lorsque l'os est saillant, les chairs qui le recouvrent se détruisent assez facilement par la suppuration, surtout dans les sujets mal constitués, ou par desséchement, et l'os reste à découvert. La dénudation commence toujours par l'extrémité de l'os saillant, et se borne ordinairement à une certaine étendue de cette extrémité, parce que les chairs qui sont vers la base de la portion d'os qui excède la surface du moignon, fournissent des vaisseaux pour entretenir des mamelons charnus sur une certaine étendue de cette portion saillante. Le temps procurerait la chute de la partie découverte ; mais l'exfoliation qui s'en ferait, n'empêcherait pas le moignon d'être conique par la saillie de l'os ; ce qui est un des plus grands inconvénients de la cure des amputations. Nous donnerons au mot saillie les moyens de prévenir cette disposition vicieuse de l'os : nous allons indiquer ici ceux qu'il faut mettre en usage pour y remédier.

L'art ne peut rien sans la nature ; ils doivent toujours agir de concert : mais il est du devoir du chirurgien de discerner le pouvoir respectif de l'un et de l'autre, et de connaître dans quels cas il doit attendre plus ou moins de secours de l'un que de l'autre.

Sa conduite doit être dirigée par son jugement, et il ne peut l'asseoir avec assurance que sur l'observation d'un grand nombre de cas bien vérifiés par l'expérience et par la raison, sans laquelle l'expérience égare plus qu'elle n'éclaire. On a mis en problème, s'il était plus avantageux d'attendre que la nature sépare la portion saillante de l'os, ou de la séparer par une seconde amputation. La seconde opération est praticable ; nous avons des preuves qu'elle a été faite plusieurs fois avec succès. Les anciens cautérisaient la portion saillante de l'os avec des fers ardents ; mais ce moyen qu'on était obligé de réitérer souvent, aurait pour le plus grand nombre des malades, un appareil plus effrayant que la resection de l'os avec la scie. Il ne parait pas qu'il puisse résulter aucun accident de la seconde amputation : car pour scier l'os saillant dénué ou non, l'on n'est obligé de couper qu'une ligne ou deux de parties molles à la base de la portion excédante. La cure sera certainement abrégée par cette méthode ; et l'on fait en moins d'une minute une opération à laquelle la nature se refuse, ou qu'elle ne ferait qu'imparfaitement, quelque temps qu'on attendit. Il ne parait donc pas qu'on doive laisser à la nature le soin de la séparation du bout de l'os qui fait saillie après l'amputation. Quelques auteurs modernes assurent néanmoins que cette opération ne se fait pas sans que le malade ne courre de nouveaux dangers, et qu'ils l'ont Ve accompagnée de grands accidents. Cela ne peut arriver que quand on coupera trop haut dans les chairs, qui sont à la base du cône que fait le moignon dans ces sortes d'amputations. On doit alors craindre tous les accidents qui surviennent après les amputations ordinaires, surtout si l'extrémité du cordon des gros vaisseaux était comprise dans cette section ; et sans supposer des circonstances aussi peu favorables, on conçoit qu'une seconde amputation dans laquelle on serait simplement obligé de couper une certaine épaisseur de chairs autour de l'os, peut être suivie d'inflammation et d'autres accidents, qui seront d'autant plus à craindre, que les malades auront plus souffert de l'amputation précédente et de ses suites. Les observations que nous avons sur ces accidents, nous font voir qu'ils dépendaient de l'état des parties molles ; ainsi l'on ne peut en tirer aucune conséquence contre la pure et simple resection du cylindre osseux saillant.

Ce moyen n'est cependant pas préférable dans tous les cas. Fabrice de Hilden fournit une observation très-intéressante, par laquelle nous croyons pouvoir restreindre le précepte général que nous venons de donner.

Un jeune homme, à peine hors de danger d'une dyssenterie maligne, fut attaqué tout-à-coup d'une douleur au talon droit, qui affecta sur le champ tout le pied. Quoique cette douleur fût très-vive, il ne survint ni gonflement, ni chaleur ; au contraire le malade se plaignait de sentir un froid si cuisant, qu'il ne pouvait se retenir de crier nuit et jour. On tâcha en vain d'échauffer la partie avec des linges et des briques. Les accidents augmentèrent en peu de jours : la gangrene se manifesta ; elle fit des progrès ; et enfin sans causer ni chaleur ni enflure, elle gagna la jambe jusqu'au genou. Elle parut s'y borner par un ulcère sordide, qui avait tellement rongé les muscles et tous les ligaments, que les os du genou et la rotule en furent totalement séparés. On jugea à-propos d'amputer la cuisse : l'opération fut faite le dernier jour de Janvier 1614. Fabrice fut obligé de quitter ce malade quelques jours après. Il le laissa dans la situation la plus fâcheuse, sans forces et avec des sueurs froides qui menaçaient d'une mort prochaine. Le malade se soutint néanmoins contre toute espérance ; et Fabrice, à son retour le troisième Mars, le trouva en bon état : à cela près que l'os débordait le niveau des chairs de plus de deux travers de doigt, ce dont on s'était déjà aperçu à la levée des premiers appareils. Ce grand praticien n'hésita pas sur le parti qu'il devait prendre : il proposa de scier au niveau de la playe cette portion saillante ; mais il reconnut en commençant l'opération, que la nature avait déjà travaillé très-efficacement à la séparation : il ne continua point et se contenta d'ébranler l'os, vacillant doucement de côté et d'autre. Il en fit autant chaque fois qu'on levait l'appareil ; et au bout de quatre jours il tira, sans douleur et sans qu'il sortit une seule goutte de sang, une portion de la totalité du femur de la longueur d'environ cinq pouces.

Dans une pareille circonstance, la resection de la portion saillante de l'os au niveau des chairs, serait une opération absolument inutile, puisque la dénudation s'étendrait plus haut que la surface de la playe : voilà le cas où il faut confier la séparation de l'os aux soins de la nature, toujours attentive à rejeter tout ce qui lui est nuisible. Quelque précises que soient nos connaissances sur les cas ou il convient d'avoir recours à l'art, ou de commettre à la nature le soin de la séparation de l'os, il se présente un point plus important à déterminer ; c'est de trouver les moyens de prévenir l'inconvénient de cette saillie. Nous les donnerons à l'article SAILLIE. (Y)