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Catégorie parente: Physique particulière
Catégorie : Chirurgie
S. f. en Chirurgie, est l'opération de couper un membre ou autre partie du corps. Dans les cas de mortification on a souvent recours à l'amputation. Voyez MORTIFICATION, GANGRENE, SPHACELE. L'amputation d'un membre est une opération extrême à laquelle on ne doit avoir recours qu'après avoir employé tous les moyens possibles pour l'éviter. Elle est inévitable lorsque la mortification s'est emparée d'une partie, au point qu'il n'y ait plus aucune espérance qu'elle se revivifie. Les fracas d'os considérables, par coups de fusil, éclats de bombe et de grenade, et autres corps contondants, exigent l'amputation ; de même que la carie des os, qui ronge et consume leur substance, et les rend comme vermoulus.

Lorsque l'opération est résolue sur sa nécessité indispensable, il faut déterminer l'endroit où elle se fera. On a établi avec raison qu'on ne couperait du bras et de la cuisse que le moins qu'il serait possible. On coupe la jambe quatre travers de doigt au-dessous de la tubérosité antérieure du tibia ; non-seulement pour la facilité de porter une jambe de bois après la guérison, mais pour éviter de faire l'incision dans les tendons aponévrotiques des muscles extérieurs de la jambe, et pour ne point scier l'os dans l'apophyse, ce qui rend la cure longue et difficîle par la grande surface d'os qui serait alors découverte.

Quelques auteurs sont d'avis qu'on doit ménager la jambe de même que l'extrémité supérieure ; ils prescrivent en conséquence, que pour les maladies du pied, il faut conserver la jambe jusqu'au-dessus des malléoles, et faire porter un pied artificiel. Sollingen, fameux praticien de Hollande, en a inventé un (au rapport de Dionis), qu'il dit avoir tant de fermeté, qu'on peut marcher avec autant de facilité que si l'on avait un pied naturel. Cette heureuse invention ne nous ayant pas été transmise, nous sommes dans le cas de douter de ses avantages. Voyez JAMBE DE BOIS.

On peut extirper le bras dans son articulation supérieure, pour les maladies qui affectent la tête de l'humerus. On a donné à l'Académie de Chirurgie plusieurs Mémoires en projet sur la méthode d'extirper la cuisse dans l'article : mais cette operation n'a pas encore eu lieu, et parait absolument impraticable. On coupe les doigts dans les articles : quelques praticiens préfèrent de les couper dans le corps de la phalange avec des tenailles incisives.

Fabrice d'Aquapendente ne veut pas qu'on coupe un membre dans la partie saine ; mais dans la partie gangrenée, deux travers de doigt au-dessous du lieu où finit la mortification. L'opération se fait sans douleur ; on cautérise ensuite avec des fers rouges tout ce qui reste atteint de pourriture. Cette maxime n'est point suivie, elle est très-défectueuse ; car il est impossible de cautériser jusqu'à la partie saine exclusivement ; mais si la cautérisation n'est pas exacte, ce qui restera de gangrené communiquera facilement la pourriture aux parties saines, ce qui rendra l'opération inutile. Si le feu agit sur les parties saines, l'opération sera fort douloureuse ; on perd par-là l'avantage qu'on se promettrait. Outre la cruauté d'une pareille opération, on ne serait pas dispensé de la ligature des vaisseaux lors de la chute de l'escare. Tous ces inconvénients doivent faire rejeter cette opération, et semblent confirmer un axiome reçu en Chirurgie, que les amputations doivent se faire dans la partie saine. J'ose cependant assurer que je me suis quelquefois fort bien trouvé de suivre une route moyenne entre ces deux préceptes. J'ai fait avec succès plusieurs amputations dans la partie attaquée d'inflammation, qui sépare la partie saine de la gangrenée. Cette méthode est fondée sur la raison et sur l'expérience : lorsqu'on a emporté un membre, on doit tâcher de procurer la suppuration de la plaie, et on sait que l'inflammation est un état antécédent nécessaire à la suppuration ; on doit donc l'obtenir plus facilement en coupant le membre dans une partie déjà enflammée. On sait aussi qu'il ne se fait jamais de suppuration sans fièvre, et que la fièvre est causée par l'inflammation : la fièvre sera donc plus violente si l'on coupe le membre dans la partie saine, puisque sans calmer celle que produisait l'inflammation qui séparait le sain du gangrené, on en excite encore une nouvelle. (Voyez GANGRENE.) Lorsqu'on se détermine à faire l'amputation dans la partie enflammée, il faut avoir soin de débrider les membranes ou les aponévroses ; car par l'étranglement qu'elles causent, le moignon pourrait tomber en mortification, et on regarderait alors ce que nous venons de dire comme un précepte meurtrier, malgré les avantages décrits, auxquels se joint celui de conserver une plus grande partie du membre.

Avant que d'entreprendre l'opération, il faut disposer toutes les choses qui y sont nécessaires : le tourniquet, et tout ce qui en dépend, sera rangé sur un plat, avec les instruments, qui consistent en un grand couteau courbe pour l'incision circulaire des chairs, (Voyez COUTEAU), un couteau droit pour couper les chairs qui entourent les os, une compresse fendue pour retrousser les chairs, une scie pour scier les os (Voyez SCIE), et des aiguilles enfilées pour faire la ligature des vaisseaux (Voyez AIGUILLE). Sur un autre plat seront disposées les pièces de l'appareil, de façon qu'elles se présentent les unes après les autres dans l'ordre où l'on doit les employer : ce sont de la charpie brute, deux petites compresses carrées larges d'un pouce, une compresse ronde de la grandeur du moignon, une croix de Malte, trois compresses longuettes, et une bande d'une longueur convenable. Il est bon d'avoir toutes ces pièces doubles, en cas qu'on soit obligé de changer l'appareil ; il faut en outre être muni de quelques boutons d'alun crud et d'alun en poudre.

Tout étant prêt, on peut faire l'opération : il faut d'abord mettre le malade dans une situation commode pour lui, autant qu'elle peut l'être dans cette circonstance, et pour l'opérateur. Si l'on doit couper le bras ou la cuisse, le chirurgien se mettra extérieurement ; et si c'est la jambe ou l'avant-bras, il se placera à la partie interne, parce que dans cette situation il sciera plus facilement les os.

Les aides chirurgiens doivent être placés selon les fonctions dont ils seront chargés pendant l'opération, où il y a trois conditions essentielles à remplir. Il faut d'abord se rendre maître du sang par le moyen du tourniquet (voyez TOURNIQUET). Il faut en second lieu abattre le membre selon l'art ; et en dernier lieu, il faut faire la ligature des vaisseaux, et appliquer l'appareil.

Pour abattre le membre, il faut le faire soutenir au-dessus et au-dessous du lieu où se doit faire la section. Lorsque le membre est fracturé en plusieurs pièces, il doit être sur une planche ou dans une espèce de caisse ; sans cette précaution, le moindre mouvement causerait au malade des douleurs très-aiguès, aussi cruelles que l'opération. On peut mettre immédiatement au-dessus du lieu où l'on Ve faire l'incision, une ligature circulaire un peu serrée ; elle sert à affermir les chairs et diriger l'incision. Il faut avoir soin de retrousser la peau et les chairs avant l'application de cette ligature.

Le chirurgien, le genou droit en terre, et le bras droit passé sous le membre qu'il Ve amputer, reçoit de cette main le couteau courbe qu'un aide lui présente. Il en pose le tranchant sur le membre de façon que la pointe soit du côté de la poitrine le plus inférieurement qu'il est possible. Il pince avec le doigt index et le pouce de la main gauche le dos du couteau vers sa pointe : il est inutîle de poser fortement les quatre doigts de la main gauche sur le dos du couteau ; car ce n'est point en appuyant que les instruments tranchants sont capables de couper, mais en sciant, pour ainsi dire. Sur ce principe, qui est incontestable, on commencera l'incision circulaire en tirant le couteau inférieurement par l'action combinée des deux mains, et ensuite on coupera en glissant circulairement autour du membre ; quand on en est à la partie supérieure, le chirurgien se releve, et il continue de couper en faisant ce mouvement, en sorte qu'il acheve l'incision circulaire lorsqu'il est entièrement debout, avec cette attention de commencer le plus inférieurement que l'on peut ; on n'est pas obligé de reporter plusieurs fois le couteau, et d'un seul tour on fait l'incision.

Quelques praticiens font l'incision circulaire en deux temps : ils coupent la peau et la graisse deux travers de doigts au-dessous du lieu où ils se proposent de scier l'os ; ils font ensuite retrousser et assujettir les parties coupées pour continuer à leur niveau l'incision jusqu'à l'os. L'avantage de cette méthode est d'éviter que l'os ne déborde les chairs ; ce qui rendrait la cure fort longue, en mettant dans l'obligation de rescier la portion d'os qui fait éminence. Mais on pourrait sans rendre l'opération plus longue et plus douloureuse, obtenir cet avantage, en inclinant le tranchant du couteau vers la partie supérieure du membre, le faisant entrer obliquement de bas enhaut dans les chairs. J'ai fait plusieurs fois cette opération de cette manière : je laisse de cette première incision environ un pouce de chair autour de l'os, et je coupe encore obliquement avec un bistouri droit ce qui reste jusqu'au périoste exclusivement. Par cette méthode le bout de l'os est toujours caché dans les chairs, sans que le malade ait été obligé d'acheter cet avantage par un surcrait de douleurs ; et je ménage le tranchant de mon instrument pour une autre opération. C'est une attention qu'il faut avoir, surtout dans les armées, où il faut beaucoup opérer avec le même instrument.

Dès que l'incision circulaire est faite, on prend le couteau droit pour couper les chairs qui restent autour de l'os, ou dans l'entre-deux à la jambe et à l'avant-bras. On a soin d'inciser le périoste ; il est inutîle de le ratisser vers la partie inférieure, comme on le fait communément ; cela allonge l'opération sans produire aucun fruit. On retrousse les chairs avec la compresse fendue, et on prend ensuite la scie que l'on appuie sur l'os légèrement pour faire la première trace. On peut aller après à plus grands coups, mais toujours sans trop appuyer, de crainte d'engager les dents dans le corps de l'os. Quand on est sur la fin, il faut aller plus doucement pour ne point faire d'éclats. Celui qui soutient le membre doit avoir attention de ne pas le baisser, car il ferait éclater l'os ; ni de le relever, car il serrerait la scie comme dans un étau, et rendrait l'opération plus difficile. Lorsqu'il y a deux os, il faut faire en sorte de finir par le plus solide, de crainte d'occasionner des tiraillements et des dilacérations par la secousse de l'os le plus faible : ainsi à la jambe on fait les premières impressions sur le tibia, on scie ensuite les os conjointement, et on finit par le tibia. A l'avant-bras on finit par le cubitus. L'aide qui soutient doit appuyer fortement le péroné contre le tibia, ou le radius contre le cubitus, lorsqu'on scie ces parties.

Lorsque l'amputation est faite, il faut se rendre maître du sang : pour cet effet on lâche suffisamment le tourniquet afin de découvrir les principaux vaisseaux, et en faire la ligature, qui est le moyen le plus sur et sujet à moins d'inconvénients que l'application des caustiques (voyez CAUSTIQUE et HEMORRHAGIE). Dès qu'on a aperçu le vaisseau, on resserre le tourniquet : pour faire la ligature, on prend une aiguille courbe enfilée de trois ou quatre brins de fil dont on forme un cordonnet plat en le cirant. On entre dans les chairs au-dessous et à côté de l'extrémité du vaisseau, en piquant assez profondément pour sortir au-dessus et à côté. On en fait autant du côté opposé, de façon que le vaisseau se trouve pris avec une suffisante quantité de chairs dans l'anse du fil entre les quatre points parallèles : on fait d'abord un double nœud, nommé communément le nœud du chirurgien, que l'on fixe par un second nœud simple : s'il y a plusieurs vaisseaux considérables, on en fait la ligature. L'hémorrhagie des vaisseaux musculaires s'arrête par l'application de la charpie et la compression ; on pourrait tremper la charpie qu'on applique immédiatement sur ces vaisseaux, dans l'esprit-de-vin ou dans celui de terebenthine, pour en fermer l'orifice, et donner lieu à la formation du caillot. On peut aussi appliquer pour produire cet effet, des boutons d'alun ou de la poudre de ce minéral.

On couvre ensuite tout le moignon de charpie seche et brute, parce qu'elle s'accommode plus exactement à toutes les inégalités de la plaie, que si elle était arrangée en plumasseaux : on pose de petites compresses carrées vis-à-vis les vaisseaux ; on contient le tout avec une compresse ronde ou carrée dont on a abattu les angles, ce qui la rend octogone ; celle-ci doit être soutenue par une grande compresse en croix de Malte, dont le plein sera de la grandeur du moignon et de la compresse octogone, et dont les quatre chefs s'arrangeront sur les parties antérieure, postérieure, et latérales du moignon : on applique ensuite les trois longuettes, dont deux croisent le moignon, et la troisième qu'on nomme longuette circulaire à cause de son usage, contient les deux autres en entourant le bord du moignon. On fait ensuite un bandage qu'on nomme capeline, qui consiste en circulaires sur le membre, et en renversés pour couvrir le moignon, lesquels renversés sont contenus par des tours circulaires qui terminent l'application de la bande. On peut se dispenser de ce bandage qui exige une bande de six aunes de long ; ne faire que quelques circulaires pour contenir les compresses, et avoir un fond de bonnet de laine garni et armé de cordons pour en coèffer, pour ainsi dire, le bout du membre.

Tout cela étant achevé, on peut lâcher le tourniquet, afin de soulager le malade ; ou même l'ôter entièrement, après avoir mis le malade au lit. Il doit-y être couché le moignon un peu élevé, et un aide tenir ferme avec la main l'appareil pendant 12 ou 15 heures, crainte d'une hémorrhagie.

On peut lever l'appareil au bout de trois ou quatre jours, et panser la plaie avec un digestif convenable. On attend ordinairement trois ou quatre jours pour la levée de l'appareil, pour que la suppuration se détache : mais on peut humecter dès le second jour la charpie avec l'huîle d'hypericum.

Il est parlé dans l'histoire de l'académie royale des Sciences, année 1702, d'une méthode proposée à cette académie par M. Sabourin, chirurgien de Geneve, pour perfectionner l'opération de l'amputation. Tout le secret consiste à conserver un lambeau de la chair et de la peau qui descende un peu au-dessous de l'endroit où se doit faire la section, afin qu'il serve à recouvrir le moignon. L'avantage de cette méthode est qu'en moins de deux jours ce lambeau de chair se réunit avec les extrémités des vaisseaux coupés, et exempte par-là de les lier, ou d'appliquer les caustiques et les astringens ; méthodes qui sont toutes fort dangereuses, ou au moins fort incommodes. Ajoutez à cela que l'os ainsi recouvert ne s'exfolie point.

Cette opération qui est précisément la même que celle que Pierre Verduin, chirurgien d'Amsterdam, a imaginée et publiée en 1697, n'a pas eu tous les avantages que ses partisans s'en promettaient ; personne ne la pratique : les personnes curieuses d'en savoir plus au long le détail, peuvent en lire la description dans les traités d'opérations de M. de Garengeot. Cette méthode a donné lieu à l'opération à deux lambeaux de M. Ravaton chirurgien aide-major de l'hôpital royal de Landau, décrite dans le traité des opérations de M. le Dran, aussi bien que celle de M. Vermalle chirurgien de l'électeur Palatin. Ces opérations, qui consistent à fendre le moignon en deux endroits opposés, pour scier l'os de façon qu'il y ait un ou deux pouces de chair qui le recouvrent ; ces opérations, dis-je, sont plus douloureuses que la méthode que nous avons décrite. On se propose d'éviter l'exfoliation de l'os, dont l'expectative ne rend pas l'opération ordinaire plus dangereuse, car on attend avec patience ce qui ne fait courir aucun péril : enfin on veut guérir en peu de jours et éviter la suppuration. L'expérience démontre néanmoins que la suppuration sauve plus de la moitié des malades. On sait que plusieurs personnes sont mortes après la guérison parfaite d'une amputation, par l'abondance du sang, qui ne leur était point nécessaire, ayant alors moins de parties à nourrir. La suppuration peut empêcher cette formation surabondante des liqueurs, et les accidents subits qu'elle occasionnerait, comme on le voit quelquefois dans les amputations de cuisse, où les malades sont tourmentés de coliques violentes qui ne cedent qu'aux saignées, parce qu'elles sont l'effet de l'engorgement des vaisseaux mésentériques produit par l'obstacle que le sang trouve à sa circulation dans le membre amputé. Il y a cependant des observations qui déposent en faveur de ces opérations à lambeaux : mais je crois qu'on ne peut les pratiquer que pour les accidents de cause externe, et au bras par préférence.

M. le Dran, le père, maître chirurgien de Paris, a fait le premier l'amputation du bras dans l'article. On n'applique pas le tourniquet pour faire cette opération. Il n'est pas plus nécessaire de passer une aiguille de la partie antérieure à la postérieure du bras en côtoyant l'humerus, afin d'embrasser avec un fil ciré les vaisseaux et les lier avec la peau pour empêcher l'hémorrhagie ; la soustraction de cette aiguille diminue la douleur. On fait une incision demi-circulaire à la partie moyenne du muscle deltoïde jusqu'au périoste exclusivement. On soulève ce lambeau en le disséquant, jusqu'à ce qu'on ait découvert la tête de l'humerus. On incise la capsule ligamenteuse ; et tandis qu'un aide luxe supérieurement le bras en faisant sortir la tête de l'os, l'opérateur coupe les chairs le long de l'humerus avec un bistouri droit, et fait un lambeau triangulaire inférieurement. Il est le maître de lier les vaisseaux avant de les couper ; il n'y aurait pas d'ailleurs grand inconvénient à ne les lier qu'apres. Quelques chirurgiens prétendent même qu'il n'est point nécessaire de faire la ligature des vaisseaux, parce qu'en retroussant le lambeau inférieur, on leur fait faire un pli qui arrête l'hémorragie. Le premier appareil consiste en charpie, compresse, et bandage contentif. (Y)