S. m. terme de Chirurgie, est une tumeur dure, inégale, raboteuse et de couleur cendrée ou livide, environnée tout-autour de plusieurs veines distendues et gonflées d'un sang noir et limoneux, située à quelque partie glanduleuse ; ainsi appelée, à ce que quelques-uns prétendent, parce qu'elle est à-peu-près de la figure d'une écrevisse, ou, à ce que disent d'autres, parce que semblable à l'écrevisse elle ne quitte pas prise quand une fois elle s'est jetée sur une partie.

Dans les commencements elle ne cause point de douleur, et n'est d'abord que de la grosseur d'un pais-chiche : mais elle grossit en peu de temps et devient très-douloureuse.

Le cancer vient principalement à des parties glanduleuses et lâches, comme les mamelles et les émonctoires. Il est plus ordinaire aux femmes qu'aux hommes, et singulièrement à celles qui sont stériles, ou qui vivent dans le célibat. La raison pourquoi il vient plutôt aux mammelles qu'à d'autres parties, c'est que comme elles sont pleines de glandes et de vaisseaux lymphatiques et sanguins, la moindre contusion, compression ou piqûre peut faire extravaser ces liqueurs, qui par degrés, contractant de l'acrimonie, forment un cancer. C'est pourquoi les maîtres de l'art disent que le cancer est aux glandes, ce qu'est la carie aux os, la gangrene aux parties charnues.

Le cancer cependant vient quelquefois à d'autres parties molles et spongieuses du corps ; et on en a quelquefois Ve aux gencives, au ventre, au cou de la matrice, à l'urethre, aux lèvres, au nez, aux joues, à l'abdomen, aux cuisses, et même aux épaules.

On appelle loup, un cancer aux jambes ; et celui qui vient au visage ou au nez, noli me tangère. Voyez NOLI ME TANGERE.

On divise les cancers, selon qu'ils sont plus ou moins invétérés, en cancer occulte, et cancer ouvert ou ulcéré.

Le cancer occulte est celui qui n'a point encore fait tout le progrès qu'il est capable de faire, et qui ne s'est point encore fait jour.

Le cancer ulcéré se reconnait par ses inégalités et par quantité de petits trous, desquels sort une matière sordide, puante et glutineuse, pour l'ordinaire jaunâtre ; par des douleurs poignantes, qui ressemblent aux piqûres que feraient des milliers d'épingles ; par sa noirceur ; par l'enflure des veines de l'ulcère ; par la couleur noirâtre, le gonflement, et les varices.

Quelquefois les extrémités des vaisseaux sanguins sont rongées, et le sang en sort. Dans un cancer au sein, la chair est quelquefois consumée au point qu'on peut voir dans la cavité du thorax. Il occasionne une fièvre lente, un sentiment de pesanteur, fort souvent des défaillances, quelquefois l'hydropisie, et la mort à la fin.

La cause immédiate du cancer parait être un sel volatil excessivement corrosif, qui approche de la nature de l'arsenic, formé par la stagnation des humeurs, etc. On est quelquefois venu à bout de le guérir par le moyen du mercure et de la salivation. Quelques uns croient que le cancer ulcéré n'est autre chose qu'une infinité de petits vers qui dévorent la chair petit-à-petit. Le cancer passe avec raison pour une des plus terribles maladies qui puisse arriver. Ordinairement on le guérit par l'extirpation, quand la tumeur est encore petite, qu'elle n'est, par exemple, que de la grosseur d'une noix, ou tout au plus d'un petit œuf : mais quand il a gagné toute la mammelle, qu'il crève et devient ulcéré, on n'y peut remédier que par l'amputation de la partie.

Le cancer ulcéré est une maladie qui n'est pas méconnaissable : ses bords tuméfiés et renversés ; la sanie, semblable à celle d'une partie gangrenée, qui découle de ses chairs baveuses ; sa puanteur, et l'horreur qu'il fait au premier aspect, en annoncent le mauvais caractère. Mais il est important pour la pratique, qu'on établisse le diagnostic du cancer occulte commençant. Il y a une infinité de gens qui vantent des secrets pour la guérison des cancers naissants, et qui sont munis de témoignages et d'attestations des cures qu'ils ont faites, parce qu'ils donnent le nom de cancer à une glande tuméfiée qu'un emplâtre résolutif aurait fait disparaitre en peu de temps. Les nourrices et les femmes grosses sont sujettes à des tumeurs dures et douloureuses aux mamelles, qui se terminent ordinairement et fort heureusement par suppuration. Il survient souvent presque tout-à-coup des tumeurs dures aux mamelles des filles qui entrent dans l'âge de puberté, et elles se dissipent pour la plupart sans aucun remède. Le cancer naissant au contraire fait toujours des progrès, qui sont d'autant plus rapides, qu'on y applique des médicaments capables de délayer et de résoudre la congestion des humeurs qui se forment. On en peut faire trop-tot l'extirpation, par les raisons que nous exposerons ci-après. Il faut donc le connaître par des signes caractéristiques, afin de ne les pas confondre avec d'autres tumeurs qui demandent un traitement moins douloureux, et afin de ne pas jeter mal-à-propos les malades dans de fausses alarmes.

Le cancer des mammelles et de toute autre partie, est toujours la suite d'un skirrhe : ainsi toute tumeur cancéreuse doit avoir été précédée d'une petite tumeur qui ne change pas la couleur de la peau, et qui reste indolente, souvent plusieurs mois, et même plusieurs années sans faire de grands progrès. Lorsque le skirrhe dégenere en cancer, la douleur commence à se faire sentir, principalement lorsqu'on comprime la tumeur. On s'aperçoit ensuite qu'elle grossit, et peu de temps après elle excite des élancements douloureux, qui se font ressentir surtout dans les changements de temps, après les exercices violents, et lorsqu'on a été agité trop vivement par les passions de l'âme. La tumeur croit, et fait ensuite des progrès qui empêchent qu'on ne se trompe sur sa nature. Les élancements douloureux qui surviennent à une tumeur skirrheuse, sont les signes qui caractérisent le cancer. Ces douleurs ne sont point continues ; elles sont lancinantes ou pungitives ; elles ne répondent point au battement des artères comme les douleurs pulsatives, qui sont le signe d'une inflammation sanguine : il semble que la tumeur soit de temps à autre piquée et traversée, comme si on y enfonçait des épingles ou des aiguilles. Ces douleurs sont fort cruelles, et ne laissent souvent aucun repos, ce qui réduit les malades dans un état vraiment digne de pitié : elles sont l'effet de la présence d'une matière corrosive, qui ronge le tissu des parties solides. Les remèdes fondants et émolliens ne conviennent point à ces maladies, parce qu'en procurant la dissolution des humeurs qui forment le cancer, ils en accélèrent la fonte putride, et augmentent par-là considérablement les accidents.

On voit par ces raisons, qu'on ne peut pas trop promptement extirper une tumeur cancéreuse, même occulte. Après avoir préparé la malade par des remèdes généraux, (je suppose cette maladie à la mammelle), on la fait mettre en situation convenable ; elle doit être assise sur un fauteuil, dont le dossier soit fort panché. Je fais fort volontiers cette opération, en laissant les malades dans leurs lits. On fait tenir et écarter le bras du côté malade, afin d'étendre le muscle grand pectoral. Si la tumeur est petite, on fait une incision longitudinale à la peau et à la graisse qui recouvre la tumeur ; on la saisit ensuite avec une errine, voyez ERRINE, et en la disséquant avec la pointe du bistouri droit qui a servi à faire l'incision de la peau, on la détache des parties qui l'environnent, et on l'emporte. J'ai fait plusieurs fois cette opération, j'ai réuni la plaie avec une suture seche, et cela m'a réussi parfaitement.

Si la tumeur est un peu considérable, qu'elle soit mobîle sous la peau, et que le tissu graisseux ne soit point embarrassé par des congestions lymphatiques, on peut conserver les téguments : mais une incision longitudinale ne suffirait point ; il faut les inciser crucialement ou en T, selon qu'on le juge le plus convenable. On disseque les angles, et on emporte la tumeur ; on réunit ensuite les lambeaux des téguments ; ils se recollent, et on guérit les malades en très-peu de temps.

Lorsque la peau est adhérente à la tumeur, ou que les graisses sont engorgées, si l'on n'emporte tout ce qui n'est pas dans l'état naturel, on risque de voir revenir un cancer avant la guérison parfaite de la plaie, ou peu de temps après l'avoir obtenue : on l'impute alors à la masse du sang, que l'on dit être infectée de virus cancéreux ; virus, de l'existence duquel tout le monde n'est point persuadé. Le préjugé que l'on aurait sur ce point, pourrait devenir préjudiciable aux malades qui ne se détermineraient pas à se faire faire une seconde operation, de crainte qu'il ne vint encore un nouveau cancer. On a Ve des personnes qu'on a guéries parfaitement après s'être soumises à deux ou trois opérations consécutives. Le cancer est un vice local qui a commencé par un skirrhe, effet de l'extravasation et de l'épaississement de la lymphe : le skirrhe devient carcinomateux par la dissolution putride des sucs épanchés ; dès que les signes qui caractérisent cette dépravation se sont manifestés, on ne peut faire trop-tôt l'extirpation de la tumeur, pour empêcher qu'il ne passe de cette matière putride dans le sang, où elle causerait une colliquation qu'aucun remède ne pourrait empêcher. Le docteur Turner assure que deux personnes de sa connaissance perdirent la vie pour avoir gouté de la liqueur qui coulait d'un cancer à la mammelle. Malgré toutes les précautions que puisse prendre un habîle chirurgien, il peut y avoir encore quelque point skirrheux, qui échappant à ses recherches dans le temps de l'extirpation d'un cancer, seront le germe d'un nouveau, qu'il faudra ensuite extirper ; alors ce n'est point une régénération du cancer : c'est une maladie nouvelle, de même nature que la première, produite par un germe local qui ne succede point à celui du cancer précédent. On peut en faire l'extirpation avec succès ; ces cas exigent des attentions, et doivent déterminer à faire usage des délayans, des fondants, et des apéritifs tant internes qu'externes. J'ai Ve faire deux et même trois fois l'opération avec succès : si la masse du sang est atteinte de colliquation, on ne doit pas craindre la production d'un nouveau cancer ; on se dispense absolument de faire une opération, qui en ôtant la maladie, n'affranchirait pas la malade d'une mort certaine ; on se contente alors d'une cure palliative. L'expérience a prouvé l'utilité des préparations de plomb dans ces cas : on peut appliquer sur le cancer ulcéré des remèdes capables d'agir par inviscation sur les sucs dépravés ; les remèdes coagulants qui donneraient de la consistance aux sucs exposés à l'action de l'humeur putride, pourraient les mettre, du moins quelque temps, à l'abri de la dissolution. M. Quesnay persuadé que la malignité de l'humeur cancéreuse dépendait d'une dépravation alkaline, a pensé que les plantes qui sont remplies d'un suc acerbe, devaient modérer la férocité de cette humeur ; il a fait l'essai du sedum vermiculare dans quelques cas avec beaucoup de succès.

Lorsque le cancer occupe toute la mammelle, et que la masse du sang n'est point en colliquation, on peut amputer cette partie : pour faire cette opération, après les préparations générales, on met la malade en situation. Le chirurgien placé à droite, soulève la mammelle avec sa main gauche, et la tire un peu à lui ; il tient de l'autre main un bistouri avec lequel il incise la peau à la partie inférieure de la circonférence de la tumeur. Il introduit ses doigts dans cette incision pour soulever la tumeur et la décoller de dessus le muscle pectoral ; et avec son bistouri il coupe la peau à mesure qu'il disseque la tumeur. Il doit prendre garde de couper la peau en talud, pour ne pas découvrir les houpes nerveuses, ce qui rendrait les pansements très-douloureux ; s'il restait quelques pelotons graisseux affectés à la circonférence de la plaie ou vers l'aisselle, il faudrait les extirper. On panse la plaie avec de la charpie brute ; je suis dans l'usage de faire une embrocation tout autour de la plaie avec l'huîle d'hypericum ; je pose des compresses assez épaisses sur la charpie, et je contiens le tout avec le bandage de corps, que j'ai soin de fendre par une des extrémités pour en former deux chefs, dont l'un passe au-dessus, et l'autre au-dessous de la mammelle saine, afin qu'elle ne soit point comprimée. Voyez BANDAGE DE CORPS. Je ne lève l'appareil que le troisième ou quatrième jour, lorsque la suppuration le détache, et je termine la cure comme celle des ulcères. Voyez ULCERE.

L'on a fait graver quelques figures pour l'intelligence des choses qui viennent d'être dites, et pour qu'on puisse juger des anciennes méthodes de pratiquer l'opération du cancer.

Planche XXVIII. fig. 3. cancer occulte à la mammelle droite, et qui n'en occupait qu'une partie.

Fig. 4. La cicatrice qui reste après l'extirpation d'une pareille tumeur.

Fig. 5. Autre cancer qui occupe toute la mammelle, et dont on fait l'extirpation avec succès.

Fig. 6. Méthode que les anciens prescrivaient pour l'opération du cancer. Lorsqu'ils avaient passé deux fils en croix sous la tumeur, ils soulevaient la mammelle, et l'amputaient comme on voit Planche XX. fig. 1. cette méthode est absolument proscrite pour sa cruauté et ses imperfections.

Planche XX. fig. 2. Fourchette que l'on a cru pouvoir substituer aux points d'aiguille, pour soulever les tumeurs dont le volume est considérable.

Fig. 4. Autre instrument pour les petites tumeurs.

Fig. 3. Instrument tranchant comme un rasoir pour l'amputation de la mammelle.

Fig. 5. Nouvel instrument avec lequel on embrasse la mammelle, comme on voit fig. 6. la branche moyenne est d'acier et tranchante sur sa convexité.

Ces instruments ne peuvent servir qu'à une opération défectueuse. Les figures sont d'après M. Heister, dans ses Instituts de Chirurgie. (Y)

CANCER, (Astronomie) est un des douze signes du zodiaque : on le représente sur le globe sous la forme d'une écrevisse, et dans les ouvrages d'Astronomie, par deux figures placées l'une auprès de l'autre, et assez semblables à celles dont on se sert pour exprimer soixante-neuf en Arithmétique, 69. Voyez SIGNE, CONSTELLATION.

Ptolomée compte 13 étoiles dans le signe du cancer, Ticho, 15 ; Bayer et Hevelius, 29 ; Flamsteed, 71 au moins.

Tropique du CANCER, en terme d'Astronomie, est un des petits cercles de la sphère, parallèle à l'équateur, et qui passe par le commencement du signe du cancer. Ce tropique est dans l'hémisphère septentrional, et est éloigné de l'équateur de 23d 1/2. Voyez TROPIQUE. Voyez aussi SPHERE. (O)