S. m. (Chirurgie) tumeur phlegmoneuse, accompagnée d'une douleur très-vive, qui vient à l'extrémité des doigts, ou à la racine et aux côtés des ongles ; ce mot vient du terme grec, . Voyez PARONYCHIE.

Les chirurgiens modernes ont distingué quatre espèces de panaris qu'il est à propos de ne pas confondre, parce que chacune d'elles demande un traitement particulier.

La première espèce a son siège sous l'épiderme ; elle commence par former au coin de l'ongle une petite tumeur qui en fait le tour, et qui pour cela est appelée vulgairement tourniole ; quand il s'y forme du pus on lui donne issue en coupant l'épiderme avec des ciseaux ; cette opération n'est point-du-tout douloureuse, et n'a aucune suite fâcheuse : quelquefois l'inflammation détruit les adhérences naturelles de la racine de l'ongle, qui ne recevant plus de nourriture, est chassé au-dehors par un autre ongle que la nature produit.

La seconde espèce de panaris a son siège dans le corps graisseux qui entoure le doigt ; c'est un véritable phlegmon qui commence par une tumeur dure et peu douloureuse ; elle s'échauffe ensuite, s'enflamme, devient fort rouge, et excite une douleur pulsative très-aiguè qui se termine par la suppuration.

La troisième espèce de panaris a son siège dans la gaine des tendons fléchisseurs des doigts ; en recherchant la structure naturelle des organes affectés, on verra que tout y est un appareil de douleur par la quantité de nerfs qui s'y distribuent. Le pus se manifeste quelquefois près les articulations, et même dans la main par une fluctuation (voyez FLUCTUATION), qu'on ne sent point dans la longueur des phalanges, parce que la gaine des tendons et les bandes ligamenteuses sont d'un tissu fort serré. La douleur est très-violente et se fait sentir au principe du muscle ; par cette raison, lorsque le pouce est affecté, la douleur ne passe pas la moitié de l'avant-bras ; et quand cette espèce de panaris arrive aux quatre derniers doigts, on ressent de la douleur au condîle interne de l'humerus, à l'attache fixe des muscles fléchisseurs de ces doigts. L'inflammation se communique fort souvent et forme des abscès au-dessus du ligament annulaire dans les cellules graisseuses qui sont sous les tendons des muscles profond et sublime, et qui recouvrent le muscle carré pronateur, quelquefois même la continuité de la douleur et les accidents produisent des abscès à l'avant-bras, au bras, et même jusqu'au-dessous de l'aisselle.

La quatrième espèce de panaris est une maladie de l'os et du périoste ; on la reconnait à une douleur profonde et vive, accompagnée d'une tension et d'un gonflement inflammatoire, qui se borne assez communément à la phalange affectée, et qui ne passe guère le doigt. La fièvre, les insomnies, les agitations, et le délire accompagnent plus particulièrement la troisième et la quatrième espèce de panaris.

Les causes des panaris sont externes et internes, une piquure, un petit éclat de bois qui sera entré dans le doigt, une contusion, une brulure, l'irritation de quelques fibres qu'on aura tiraillés en arrachant quelques-unes des excraissances appelées vulgairement envies, sont les causes externes des panaris ; le virus vénérien, le scrophuleux, et le cancéreux, en sont quelquefois les causes internes.

Quoique les panaris diffèrent par leurs sieges et par leurs symptômes, ils présentent les mêmes indications curatives dans le commencement ; la saignée réitérée à proportion de la violence des accidents, la diète, les cataplasmes anodins, émolliens et résolutifs, et tout ce qui est propre à calmer l'inflammation, convient lorsque le mal n'a pas fait encore de progrès considérables : quelques personnes ont été guéries en trempant plusieurs fois le doigt dans de l'eau chaude, et l'y tenant aussi longtemps qu'il est possible. Rivière rapporte dans ses Observations deux cas assez singuliers de personnes attaquées de panaris, qui en furent guéris, l'une par résolution, et l'autre par suppuration en tenant le doigt dans l'oreille d'un chat. La chaleur modérée de cette partie, et la qualité de l'humeur cérumineuse qui exude des glandes peuvent ouvrir les pores du doigt, en relâcher les parties trop tendues par la constriction inflammatoire, et dissiper l'humeur qui y est arrêtée, ou bien en procurer une bonne et louable suppuration, si par l'état des choses la tumeur est disposée à cette terminaison.

Après avoir employé inutilement les remèdes anodins et résolutifs, on a recours aux maturatifs. Voyez MATURATIFS. Quand le panaris est de la seconde espèce, le pus se manifeste bien-tôt par une petite tumeur avec fluctuation, il faut en faire l'ouverture avec le bistouri ou la lancette. Voyez ABSCES. Quand le panaris est de la troisième espèce, il ne faut pas attendre que le pus se fasse apercevoir ; les accidents sont trop violents, et on risque beaucoup en différant l'ouverture. Il faut y déterminer le malade et le mettre en bonne situation, de manière qu'il ait le coude appuyé contre quelque chose de ferme : le malade ne pourra retirer sa main si le coude ne peut reculer. Alors on prend un bistouri avec lequel on fend le doigt et la gaine ; dès qu'on a pénétré jusqu'au tendon, on se sert d'une sonde cannelée fort déliée, qu'on introduit dans la gaine pour conduire le bistouri qui doit la débrider dans toute son étendue, tant supérieurement qu'inférieurement : l'ouverture qui suffit pour donner issue à la matière, n'est pas suffisante pour le traitement : il faut en outre couper les deux lèvres de l'incision pour que les pansements soient plus commodes et moins douloureux ; on panse la plaie en premier appareil avec de la charpie séche ; on applique des cataplasmes pour procurer la détente des parties et soulager le malade, et l'on en continue l'usage jusqu'à ce que les accidents soient passés et que la suppuration soit bien établie.

On se sert dans la suite des pansements d'un petit plumaceau trempé dans l'esprit de térébenthine qui s'applique immédiatement sur le tendon, et on fait suppurer les téguments par les remèdes digestifs. Il se fait souvent exfoliation du tendon, et le malade perd la flexion du doigt ; c'est un inconvénient de la maladie, et non la faute de l'opération ni de l'opérateur.

Lorsque l'on fait l'opération à temps, l'ouverture de la gaine arrête le progrès du mal ; mais si l'étranglement causé par les bandes ligamenteuses qui entrent dans la structure de cette partie n'a pas été détruit avant la formation du pus, il faut prolonger l'incision jusque dans le creux de la main quand il s'y est fait un abscès. S'il y avait du pus sur le muscle carré pronateur, il faudrait pour donner issue à la matière faire fléchir le poignet, et introduire sous le ligament annulaire, par l'ouverture de l'intérieur de la main, une sonde cannelée, au moyen de laquelle on fera une incision qui pénétrera entre les tendons fléchisseurs des doigts, jusqu'au foyer de l'abscès. On passe ensuite un seton de la main au poignet ; c'était la pratique de M. Thibaut, premier chirurgien de l'hôtel-dieu de Paris. Si les accidents continuaient et qu'on jugeât qu'ils vinssent de l'étranglement causé par le ligament annulaire commun, il faudrait le couper ; le chirurgien doit avoir dans ce cas la prudence d'avertir que le malade en demeurera estropié, et qu'il ne se détermine à faire cette opération que pour lui sauver la vie. Si les accidents venaient du tendon, on pourrait l'emporter entièrement. M. Petit a pratiqué cette opération avec succès, en coupant d'abord l'attache du tendon à la phalange, il le tirait ensuite de dessous le ligament annulaire, et le coupait dans son corps charnu.

Lorsque l'affection de la gaine et du tendon forme un panaris de la troisième espèce, ces parties sont quelquefois affectées consécutivement dans le panaris de la seconde espèce, lorsque l'ouverture n'en a pas été faite à propos. Si l'on tarde trop, le pus qui est sous la peau comme dans un abscès ordinaire, la perce ; la partie la plus séreuse dilacère et soulève l'épiderme, et forme une tumeur transparente qui ressemble au panaris de la première espèce. Lorsqu'on a enlevé l'épiderme, on aperçoit à la peau un petit trou par où le pus sort. Il faut y introduire une sonde cannelée, et à sa faveur ouvrir la tumeur dans toute son étendue, avec les attentions que nous avons décrites. Le séjour du pus a souvent altéré la gaine et le tendon, et il y a des panaris de la seconde espèce dont la matière est de si mauvais caractère qu'elle altère les os, d'où s'ensuit la perte des doigts.

Pour la quatrième espèce de panaris, on doit mettre en usage dans le commencement les secours indiqués généralement pour calmer l'inflammation ; si la tumeur suppure, on en fait l'ouverture ; on est souvent obligé de faire une incision de chaque côté du doigt ; il est bien rare que le malade conserve la phalange : cet os est si spongieux qu'il est presque toujours altéré jusque dans son centre ; il se sépare par la suppuration des ligaments, après quoi la plaie ne tarde pas à guérir ; pour abréger la cure, on peut faire l'amputation de la phalange ; mais cela étant un peu douloureux, la plupart des malades préfèrent la chute naturelle de l'os ; pour l'accélerer on panse avec la teinture de myrrhe et d'aloès, ou d'autres médicaments exfoliatifs. Voyez EXFOLIATION.

L'appareil après l'opération du panaris se fait en appliquant par-dessus de la charpie, dont on remplit et couvre l'incision, une petite compresse circulaire, une autre en croix de Malthe, compresse dont le plein est posé sur le bout du doigt, et dont les quatre chefs entourent le doigt en-dessus, en-dessous, et aux parties latérales ; on maintient le tout avec une petite bandelette roulée circulairement sur la partie en doloire. Voyez DOLOIRE. Dans les premiers temps on met le bras en écharpe, voyez ECHARPE, et sur la fin de la cure on met le doigt dans une espèce d'étui de peau ou de taffetas qu'on appelle un doigtier.

M. Astruc, auteur d'un traité des tumeurs et des ulcères, imprimé à Paris en 1759, chez Cavelier, prétend que les auteurs qui ont multiplié les espèces de panaris, n'ont connu ni la nature ni le siège de cette maladie. Il restreint cette dénomination au dépôt d'une très-petite quantité de lymphe roussâtre ou sanguinolente, qui se forme entre la racine de l'ongle et la couche cartilagineuse qui recouvre le périoste, et contre laquelle l'ongle est attaché ; ce léger commencement peut avoir les suites les plus dangereuses, par les accidents qui surviennent, si on ne les prévient pas à temps par la méthode de Fabricius Hildanus. Cet auteur rapporte dans ses Observations, qu'ayant été plusieurs fois appelé dans le commencement du panaris, il se hâtait de faire sur-le-champ une incision à la peau qui couvre la racine de l'ongle où était le mal ; qu'il y découvrait, après avoir raclé la racine de l'ongle, un ou deux petits points ou taches sur l'ongle, et que les ayant ouverts avec la pointe du bistouri, il en sortait une ou deux gouttes d'une lymphe rousse, ce qui procurait sur-le-champ la guérison du malade. Gui de Chauliac et Jean de Vigo regardaient le panaris comme une maladie mortelle. Celui-ci dit qu'il n'y connait point de plus grand remède que d'ouvrir le doigt promptement avant la parfaite maturation de l'abscès. Ambraise Paré s'applaudit d'avoir suivi ce précepte. Après avoir laissé couler le sang, il faisait tremper le doigt dans du vinaigre chaud, où l'on avait fait dissoudre de la thériaque. Il regardait le panaris comme une maladie causée par une humeur vénéneuse. M. Astruc dit que le panaris n'arrive jamais qu'aux gens de travail qui sont exposés à se piquer ou à se coigner les doigts, en sorte que la cause est toujours externe. En n'admettant pour vrai panaris que la tumeur aux environs de l'ongle, suivant la définition, on ne détruit point la vérité des faits et l'existence des maladies qui ont fait établir les différentes espèces que nous avons décrites dans cet article, et qu'il est indispensable de connaître et de savoir traiter. (Y)