S. f. (Chirurgie) c'est la marque de la plaie qui reste après la guérison, et qui par sa blancheur, son lisse et son luisant, fait différer cette partie des téguments où était l'ouverture de la plaie, de la peau voisine.

Formation de la cicatrice. Le dernier période d'une plaie guérie est celui de la cicatrice ; les sucs qui ont réparé la perte de la substance, se répandent, se dessechent sur la superficie de la plaie, et forment cette petite pellicule calleuse appelée cicatrice, qui, sans être de la même espèce que les téguments emportés, supplée à leur défaut.

Les extrémités tendres et pulpeuses des vaisseaux rompus dans une plaie, s'allongent, se joignent, s'unissent ensemble par les lois de la nature, pour réparer ainsi la substance perdue du corps, et pour former l'incarnation ; ensuite les bords de la plaie qui étaient précédemment rouges et enflés, s'abaissent également : ils acquièrent une couleur d'un blanc tirant sur le bleu, semblable à celle des perles ; c'est de cette manière que commence à naître la cicatrice vers les bords, et qu'elle augmente peu-à-peu vers le centre, jusqu'à ce que la plaie soit entièrement refermée.

S'il n'y a pas eu beaucoup de substance de perdue, et qu'il n'y ait pas eu non plus beaucoup de pannicule adipeux, et de la peau de consommée par une trop forte suppuration, tout se consolide de façon, qu'à peine paroit-il quelque différence entre l'endroit de la plaie et la peau voisine ; et à peine cela peut-il s'appeler cicatrice.

Mais lorsqu'il y a une grande partie de chair d'enlevée, ou qu'il y a beaucoup de la membrane graisseuse qui est dessous, de consommé par la suppuration, l'endroit de la plaie paraitra pour lors plus tirant sur le bleu, plus solide, et souvent plus enfoncé que la peau voisine ; et c'est-là ce qu'on appelle proprement cicatrice, laquelle ne transpire point, et parait plus lisse que le reste de la peau. Cela se voit encore mieux lorsqu'il s'est formé une large cicatrice après l'abcession d'un grand morceau de chair, comme dans l'extirpation de la mammelle ou d'un grand stéatome ; la superficie de la plaie consolidée se montre alors luisante, immobile, identifiée avec les parties qui sont dessous.

Signes de la cicatrice naissante. Les bords de la plaie ou de l'ulcère qui doit se consolider, commencent à blanchir et à devenir plus fermes ; et cette blancheur s'avance insensiblement de tout le contour de la plaie vers son centre ; cependant il commence à naître çà et là dans la superficie ouverte de la plaie une pareille blancheur, qui, si elle s'étend également dans toute la superficie et sur le bord des lévres, forme une bonne cicatrice ; la plaie pure précédemment humide dans tous les points de la superficie, se seche dans les endroits où l'on découvre cette blancheur, principe de la cicatrice. C'est pourquoi les remèdes appelés cicatrisans ou épulotiques les plus recommandables, sont ceux qui dessechent modérément et qui fortifient. De-là vient qu'on applique ordinairement avec tant de succès les emplâtres faites de plomb ou des différentes chaux de ce métal, les poudres impalpables de colophone, d'oliban, de sarcocolle, etc. sur une plaie ou sur un ulcère qui tend à se cicatriser.

La beauté de la cicatrice que le chirurgien doit toujours tâcher de procurer, dépend particulièrement des trois conditions suivantes : 1°. si l'on a soin que les parties se trouvent, étant réunies, dans la même situation où elles étaient avant la blessure ; 2°. si la cicatrice ne surmonte pas l'égale superficie de la peau voisine ; 3°. si elle ne cave pas.

Moyens de procurer une belle cicatrice. On satisfera à cette première condition, si l'on fait ensorte, soit par le moyen d'emplâtres tenaces, de sutures, ou d'un bandage convenable, que les lèvres de la plaie soient l'une par rapport à l'autre dans la même situation où elles étaient en état de santé. On satisfera à la seconde, si par une pression modérée on supplée à celle de la peau qui est détruite, de crainte que les vaisseaux privés de ce tégument, étant distendus par leurs liquides, ne surmontent la superficie de la peau ; car lorsqu'on néglige de le faire, ou qu'on applique sur la plaie des remèdes trop émolliens, ce bourrelet saillant fait une cicatrice difforme. 3°. On empêchera que la cicatrice ne cave, en procurant une bonne régénération. Or la cicatrice devient ordinairement cave, parce que la pression de la peau voisine pousse le pannicule adipeux dans l'endroit de la plaie, et le fait élever ; après quoi dégénérant en chair fongueuse, il est consumé par la suppuration, et ne renait plus ensuite.

On voit par-là que souvent on ne peut pas empêcher qu'il ne reste une cicatrice creuse et profonde, si la cause vulnérante, ou si une suppuration considérable qui s'en est suivie, a détruit la graisse. Dès qu'un abcès, dit Hippocrate, aph. 45. sect. VIIe de quelque espèce que ce puisse être, dure un an et davantage, l'os apostume, et il se fait des cicatrices fort creuses. Combien sont difformes et profondes les cicatrices que laissent après eux les ulcères vénériens, lorsqu'ils ont consumé le pannicule adipeux qui était au-dessous !

On comprend aisément par ce qu'on vient de dire, la raison pour laquelle le chirurgien doit éviter les caustiques, les styptiques, les astringens, s'il veut procurer une bonne cicatrice ; car tous ces remèdes ou détruisent les vaisseaux vivants, ou les resserrent de façon qu'ils ne transmettent plus de liqueur. Or les extrémités des vaisseaux, mortes ou obstruées, se sépareront nécessairement par la suppuration ; ce qui causera une perte de substance, la consomption de la graisse, et formera une cicatrice plus ou moins cave.

On voit aussi en même temps combien peut contribuer à la beauté de la cicatrice une égale pression qui empêche que les vaisseaux trop distendus ne s'élèvent. On ne doit pas néanmoins pour cela détruire la chair fongueuse chaque fois qu'elle boursouffle, mais seulement ses bords près des extrémités de la peau ; on y parviendra par de doux escarotiques, tels que la charpie trempée dans une légère dissolution de vitriol, ou le plus souvent par l'usage seul de la charpie seche et un bandage ferme ; ce qui suffira pour réduire au niveau la chair fongueuse, si on l'applique avant qu'elle ait acquis trop d'accroissement.

Observations de pratique. Dans les grandes plaies il est inutîle d'appliquer les remèdes corrosifs sur toute leur surface, parce que la chair fongueuse ne s'élève qu'à une certaine hauteur, lorsqu'elle est abandonnée à elle-même, et qu'elle s'y élève souvent, malgré le fréquent usage des corrosifs qui la détruisent. Or comme tout l'avantage qu'on peut recueillir de tels remèdes, est uniquement, pour procurer une belle cicatrice, d'applanir les bords de la plaie, on en viendra également à bout en se contentant de les tenir assujettis ; et on évitera beaucoup de peines que donnerait la répétition continuelle des escarotiques.

Il est remarquable que la perte d'une partie du corps ne saurait être réparée que par les fluides qui sont propres à cette partie ; et comme dans un os cassé, le calus est produit par les extrémités de la fracture, ainsi dans une plaie la cicatrice vient du bord de la circonférence de la peau. C'est pour cette raison qu'il est nécessaire de maintenir la surface de la plaie unie par des bandages compressifs, afin que l'élévation des chairs ne résiste pas aux fibres des vaisseaux de la peau qui tendent à recouvrir la plaie. Quand je dis que la perte d'une partie du corps doit nécessairement être réparée par les mêmes fluides qui composaient auparavant cette partie ; j'entends cela dans la supposition que la nouvelle formation soit de même substance que la partie blessée, comme le calus est par rapport à l'os, et la cicatrice par rapport à la peau : car généralement parlant, un vide ne se remplit que d'une espèce de chair, quoiqu'il y eut dans cet endroit, avant la blessure, différentes sortes de substances ; savoir de la membrane adipeuse, de la membrane des muscles, et celle du muscle même.

On voit par les détails précédents combien est vaine la promesse de ceux qui se vantent de pouvoir guérir toutes sortes de plaies sans cicatrice. Les chirurgiens prudents et expérimentés n'osent jamais, après une grande perte de substance ou une longue suppuration, assurer que la cicatrice ne sera pas difforme, et ils doivent toujours en avertir le blessé, dans la crainte que l'on n'attribue à la négligence du chirurgien la difformité de la cicatrice.

N'oublions pas de remarquer qu'il est à-propos de fomenter souvent la cicatrice avec l'esprit de romarin, de matricaire, ou autres semblables ; car tous ces esprits ont la propriété d'affermir les parties animales. Cet endroit reste longtemps plus débile, couvert seulement d'une pellicule mince, et plus aisé par conséquent à être offensé que les parties voisines. De-là vient qu'il est quelquefois nécessaire d'appliquer longtemps encore sur cet endroit, quoique déjà consolidé, une emplâtre douce préparée avec le plomb ou une peau mollette, de peur que le frottement des habits, l'air, ou quelque accident ne renouvelle la plaie.

On trouve à ce sujet une observation curieuse dans les mémoires d'Edimbourg, tome II. sur une portion du cerveau poussée par les efforts d'une toux violente, hors du crane, à-travers la cicatrice d'une plaie à la tête d'une fille âgée d'environ treize ans. Le chirurgien, après avoir guéri la plaie, avait eu soin de recommander à la malade de porter toujours sur la cicatrice une compresse de linge, et sur la compresse une plaque de plomb percée aux quatre extrémités d'autant de trous, où seraient passés des rubans de fil, deux desquels se lieraient sous la mâchoire inférieure, et les deux autres derrière la tête. La malade suivit l'ordonnance pendant deux mois ; mais ensuite elle cessa de se servir de cette plaque, et continua à se bien porter pendant sept autres mois ; après lequel temps elle fut attaquée d'une toux convulsive avec tant de violence dans le cours d'une nuit, que la cicatrice de sa plaie se déchira, et que le cerveau fut fort jeté hors des téguments, ce qui lui causa la mort au bout de cinq jours.

La cicatrice reste toujours. Concluons qu'il est nécessaire de consolider la cicatrice ; mais quand une fois la cicatrice est bien certainement consolidée, ne pourrait-on pas alors, par le secours de l'art, la corriger, l'effacer, la détruire, et rendre cette marque blanche qui reste dans l'endroit de la plaie guérie, entièrement pareille à la peau voisine ? Ce sont les dames qui font cette question : je leur réponds que cette marque blanche est ineffaçable, et qu'elle ressemble aux effets de la calomnie, dont après que les plaies qu'elle a faites sont refermées, les cicatrices demeurent toujours. Cet article est de M(D.J.)