S. m. (Histoire moderne, Superstition) c'est un personnage fameux, qui est objet de la vénération, et même du culte des Siamais, des habitants de Laos, et du Pégu. Suivant les talapoins, ou prêtres siamais, le nom propre de cet homme est Kodom, et sommona signifie le solitaire ou le religieux des bois, parce que ce législateur, devenu l'idole des Siamais, était un sarmane ou sammane, de la côte de Malabar ou de Coromandel, qui leur apporta la religion qu'ils suivent aujourd'hui, et qui est prêchée par les talapoins ses disciples. On croit que cet homme, ou ce dieu, est le même que Poutisat ou Budda, nom qu'on lui donne en différentes parties de l'Inde : on présume aussi que c'est lui qui est adoré par une secte de Chinois qui l'appellent Shaka, ou She-kia. Quoi qu'il en soit de ces opinions, les prêtres siamais font une histoire non moins merveilleuse que ridicule, de leur législateur ; ils disent qu'il est né d'une fleur, sortie du nombril d'un enfant qui mordait le gros doigt de son pied, et qui lui-même n'était que la feuille d'un arbre nageant à la surface des eaux. Malgré cela, les Siamais ne laissent pas de donner à Sommona kodom, un père qui était roi de Tanka, ou de Ceylan, et une mère appelée Maha ou Marya, ou suivant d'autres, Man-ya. Ce nom a attiré l'attention des missionnaires chrétiens qui ont été à Siam ; il a fait croire aux Siamais que Jesus-Christ était un frère de Sommona-kodom, qu'ils appellent le méchant Thevetat, qui, selon ces aveugles idolâtres, est tourmenté en enfer, par un supplice qui a du rapport avec celui de la croix.

Sommona-kodom mourut, suivant les annales de Siam, 544 ans avant l'ère chrétienne ; les talapoins, dont le but principal est de tirer de l'argent du peuple, qu'ils séduisent, assurent que non-content d'avoir donné tout son bien aux pauvres, n'ayant plus rien, il s'arracha les yeux, et tua sa femme et ses enfants, pour les donner à manger aux talapoins. Ces charités si inouies dégagèrent le saint homme de tous les liens de la vie : alors il se livra au jeune, à la prière, et aux autres exercices qui mènent à la perfection ; il ne tarda point à recevoir la récompense de ses bonnes œuvres ; il obtint une force de corps extraordinaire, le don de faire des miracles, la faculté de se rendre aussi grand et aussi petit qu'il voulait, celle de disparaitre ou de s'anéantir, et d'en substituer un autre à sa place ; il savait tout, connaissait le passé et l'avenir ; il se transportait avec une promptitude merveilleuse, d'un lieu dans un autre, pour y prêcher ses dogmes. Suivant les mêmes traditions, ce prétendu prophète eut deux disciples, qui partagent avec lui la vénération et le culte des Siamais ; l'un d'eux pria un jour son maître d'éteindre le feu de l'enfer, mais il ne voulut en rien faire, disant que les hommes deviendraient trop mécans, si on leur ôtait la crainte de ce châtiment. Malgré sa sainteté, Sommona-kodom eut un jour le malheur de tuer un homme ; en punition de ce crime, il mourut d'une colique, qui lui vint pour avoir mangé de la viande de porc : avant de mourir, il ordonna qu'on lui érigeât des temples et des autels, après quoi il alla jouir du nireupan, c'est-à-dire, de l'état d'anéantissement dans lequel la théologie siamaise fait consister la félicité suprême ; là, il ne peut faire ni bien ni mal ; cela n'empêche point qu'on ne lui adresse des vœux. Les Siamais attendent la venue d'un second Sommona-kodom, prédit par le premier ; ils le nomment Pra-narotte ; il sera si charitable, qu'il donnera ses deux fils à manger aux talapoins ; action qui mettra le comble à ses vertus. Voyez la Loubere, hist. et descript. de Siam.