ou CHASTER, s. m. (Histoire moderne, Superstition) c'est le nom que les idolâtres de l'Indostan donnent à un livre dont l'autorité est très-respectée parmi eux, qui contient tous les dogmes de la religion des brames, toutes les cérémonies de leur culte, et qui est destiné à servir de commentaire au livre appelé vedam, qui est le fondement de leur croyance, et il était fait dans la vue de prévenir des disputes qui pouvaient s'élever au sujet de ce livre ; mais il n'a point produit cet effet, parce qu'il n'est guère possible d'empêcher les disputes entre les différentes sectes d'une religion absurde par elle-même. On le nomme shaster, shastrum, ou jastra, ce qui signifie science ou système : aussi donne-t-on ce même nom à plusieurs autres ouvrages, surtout sur la philosophie et sur l'astronomie, qui n'ont d'ailleurs aucun rapport avec la religion des Indiens. Il n'est permis qu'aux brahmanes et aux rajahs ou princes de l'Inde de lire le vedam, voyez VEDAM ; mais les prêtres des Baniants, appelés shuderers, peuvent lire le shaster quant au peuple, il ne lui est permis de lire que le livre appelé puran ou pouran, qui est un commentaire du shaster ; ainsi il ne leur est permis de puiser les dogmes de sa religion que de la troisième main.

Le shaster est divisé en trois parties, dont la première contient la morale des brahmanes ; la seconde contient les rites et les cérémonies de leur religion, et la troisième divise les Indiens en différentes tribus ou classes, et prescrit à chacune les devoirs qu'elle doit observer.

Les principaux préceptes de morale contenus dans la première partie du shaster sont 1°. de ne point tuer aucun animal vivant, parce que les animaux ont, selon les Indiens, une âme aussi-bien que les hommes ; 2°. de ne point prêter l'oreille au mal, et de ne point parler mal de soi-même ; de ne point boire du vin, de ne point manger de viande, de ne point toucher à rien d'impur ; 3°. d'observer les fêtes prescrites, de faire des prières et de se laver ; 4°. de ne point mentir, et de ne point tromper dans le commerce ; 5°. de faire des aumônes suivant ses facultés ; 6°. de ne point opprimer, ni faire violence aux autres ; 7°. de célébrer les fêtes solennelles, d'observer les jeunes, de se retrancher quelques heures de sommeil pour être plus disposé à prier ; 8°. de ne point voler, ni frauder personne de ce qui lui appartient.

La seconde partie du shaster a pour objet les cérémonies : elles consistent 1°. à se baigner souvent dans les rivières. En y entrant, les Baniants commencent par se frotter tout le corps avec de la boue ou du limon, après quoi ils s'enfoncent plus avant dans l'eau, et se tournent vers le soleil ; alors un brahmane ou prêtre adresse une prière à Dieu pour le prier de purifier l'âme de ses souillures ; les Baniants se plongent quelquefois dans la rivière, et ils croient par-là avoir obtenu le pardon de tous leurs péchés ; 2°. les Baniants se frottent le front d'une couleur rouge, qui est le signe qu'ils font partie du peuple de Dieu ; 3°. il leur est ordonné de faire des offrandes, des prières sous des arbres destinés à ces usages sacrés, et qu'ils doivent tenir en grande vénération ; 4°. de faire des prières dans les temples, de faire des offrandes aux pagodes ou idoles, de chanter des hymnes, et de faire des processions, etc. 5°. de faire des pélerinages à des rivières éloignées, et surtout au Gange, afin de s'y laver, et de faire des offrandes ; 6°. d'adresser leurs vœux à des saints qui ont chacun des départements particuliers ; 7°. il leur est ordonné de rendre hommage à Dieu, à la vue de la première de ses créatures qui s'offre à leurs yeux après le lever du soleil ; de rendre leurs respects au soleil et à la lune, qui sont les deux yeux de la divinité ; de respecter pareillement les animaux qui sont regardés comme plus purs que les autres, tels que la vache, le bufle, etc. parce que les âmes des hommes passent dans ces animaux : c'est pour cela que les Baniants frottent leurs maisons avec leur fiente, dans l'idée de les sanctifier par ce moyen.

La troisième partie du shaster établit une distinction entre les hommes, et les divise en quatre tribus ou classes : la première est celle des brahmanes, ou prêtres chargés de l'instruction du peuple ; la seconde est celle des kutteris ou nobles, dont la fonction est de commander aux hommes ; la troisième est celle des shudderis, ou des marchands, qui procurent aux autres leurs besoins à l'aide du trafic ; la quatrième classe est celle des vises, ou artisans. Chacun est obligé de demeurer dans la classe ou tribu dans laquelle il est né, et de s'en tenir aux occupations qui lui sont assignées par le shaster.

Suivant les brahmanes, le shaster fut donné par Dieu lui-même à Brama, qui par son ordre le remit aux brahmanes de son temps pour en communiquer le contenu aux peuples de l'Indostan, qui en conséquence se divisèrent en quatre tribus qui subsistent parmi eux jusqu'à ce jour.