S. m. (Théologie et Histoire ecclésiastique) prière ou conjuration dont on se sert pour exorciser, c'est-à-dire chasser les démons des corps des personnes qui en sont possédées, ou pour les préserver du danger. Voyez DEMON.

Ce mot est tiré d'un mot grec qui signifie adjurare, conjurare, conjurer. Dans la plupart des dictionnaires on fait exorcisme et conjuration synonymes ; cependant la conjuration n'est proprement qu'une partie de l'exorcisme, et l'exorcisme est la cérémonie entière, la conjuration n'étant que la formule par laquelle on ordonne au démon de sortir.

Les exorcismes sont en usage dans l'église romaine ; on en peut distinguer d'ordinaires, qui ont lieu dans les cérémonies du baptême et dans la bénédiction de l'eau qui se fait tous les dimanches ; et d'extraordinaires qu'on fait sur les démoniaques, contre les maladies, les insectes, les orages, etc.

Si l'on en croit l'historien Josephe, Salomon avait composé des charmes et des exorcismes très-puissants contre les maladies ; mais le silence de l'Ecriture sur cet article, a plus de poids que l'autorité de Josephe. Ce qu'il y a de certain, c'est que l'usage des exorcismes est aussi ancien que l'Eglise, Jesus-Christ même, ses apôtres et ses disciples, et depuis les évêques, les prêtres et les exorcistes, l'ont pratiqué dans tous les siècles. M. Thiers, dans son traité des superstitions, rapporte différentes formules de ces exorcismes, et cite en particulier l'exemple de S. Grat, qui par le moyen des exorcismes, obtint de Dieu qu'il n'y aurait plus de rats dans le pays d'Aost, ni à trois milles à la ronde. Le même auteur pense qu'on peut encore aujourd'hui se servir des exorcismes pour une bonne fin, contre les rats, les souris, les chenilles, les sauterelles, le tonnerre, etc. mais il assure que pour cela il faut avoir le caractère requis et approuvé par l'Eglise ; se servir des mots et des prières qu'elle autorise, sans quoi ces exorcismes sont des abus et des superstitions.

Dans les temps où les épreuves avaient lieu, les exorcismes y entraient pour quelque chose, on exorcisait l'eau froide ou bouillante, le fer chaud, le pain, etc. avec lesquels devait se faire l'épreuve. Ces pratiques étaient fréquentes en Angleterre du temps d'Edouard III. le pain ainsi exorcisé se nommait corsned. Lendinbrock rapporte des exemples d'exorcismes avec le pain d'orge, d'autres avec le pain et le fromage qu'on faisait avaler à l'accusé tenu de se justifier. On croit que c'est de-là qu'est venue cette imprécation populaire : que ce morceau m'étrangle, si je ne dis pas la vérité. Voyez ÉPREUVE, ORDALIE, etc. Dictionnaire de Trévoux et Chambers.

On trouve aussi dans Delrio, disquisit. magic. les formules des exorcismes usités en pareil cas. (G)

EXORCISME MAGIQUE, (Divination) formule dont se servent les magiciens ou sorciers pour conjurer, c'est-à-dire attirer ou chasser les esprits avec lesquels ils prétendent avoir commerce.

Nous tirerons tout ce qu'on Ve lire sur cette matière du mémoire de M. Blanchard de l'académie des Belles-Lettres, concernant les exorcismes magiques, et qu'on trouve dans le XII. vol. des mémoires de cette académie.

" Agrippa, dit cet académicien, rapporte trois manières de conjurer les esprits ; la première naturelle, qui se fait par le moyen des mixtes avec lesquels ils ont de la sympathie ; la seconde qui est céleste, se fait par le moyen des corps célestes, dont on emploie la vertu pour attirer ou pour chasser les esprits ; la troisième qui est divine et la plus forte, se fait par le moyen des noms divins et des cérémonies sacrées : cette dernière conjuration ne lie pas seulement les esprits, mais aussi toutes sortes de créatures, les déluges, les tempêtes, les incendies, les serpens, les maladies épidémiques, etc.

Il y a outre cela des fumigations propres pour attirer les esprits, et il y en a d'autres pour les chasser ; il faut savoir les mêler et s'en servir à-propos. Les anciens magiciens ont cru que l'homme en vertu des sacrements qui lui sont propres, peut commander aux esprits, et les contraindre de lui obéir ; parce qu'en usant de ces instruments sacrés, il tient la place des dieux, et est en quelque sorte élevé à leur ordre. Comme ces instruments sacrés viennent des dieux qui les donnent aux hommes, il ne faut pas s'étonner s'ils ont une vertu qui les élève au-dessus des esprits. Le livret intitulé, enchiridion Leonis papae, a servi à gâter les esprits, quoiqu'il n'y ait rien que de bon, dit M. Blanchard, dans les oraisons qu'il contient ; mais la grande quantité de croix dont il est plein, marque de la superstition ".

L'auteur ajoute qu'il a lu dans cet ouvrage une conjuration pour se mettre à couvert de toutes les armes offensives, qui lui parait illicite, parce qu'elle confond témérairement les noms adorables de Dieu, et les instruments sacrés de la passion de Jesus-Christ, avec les noms des saints et les instruments de leur martyre.... On trouve dans le même livret des paroles attribuées à Adam, lorsqu'il descendit aux lymbes, et l'on prétend que tout homme qui les porte écrites sur lui, n'a rien à craindre dans quelque danger qu'il se trouve ; on assure même qu'en les mettant sur un bœuf ou sur un mouton, le boucher ne pourra les tuer.

Parmi les croix qui doivent accompagner les exorcismes magiques, il doit y en avoir de rouges, faites avec du sang de l'index ou du pouce, à certains temps de la Lune, à certaines heures de la nuit, à des jours marqués ; d'autres noires avec du charbon beni : toutes pratiques superstitieuses et condamnables. Il en est de même de la verveine, et de l'usage de la cueillir, en se tournant du côté de l'orient, en appuyant la main gauche sur l'herbe, en prononçant certaines paroles. Les cercles sont encore d'un grand usage dans toutes ces opérations : on les trace avec de la craie exorcisée : ils sont employés pour renfermer les esprits, afin qu'ils ne nuisent ni à l'opérateur, ni aux assistants. Tout le monde sait l'analogie de la figure circulaire avec l'unité qui est le symbole parfait de Dieu. La différence de ces cercles consiste dans les noms et les figures qui y sont ou différentes, ou indifféremment placées, et ce changement a ses raisons dans les proportions numériques.

On ne rapportera de tous ces exorcismes, que celui qui se fait sur le livre magique ; pièce suffisante pour faire juger que ces extravagances sont l'ouvrage de quelques théologiens ignorants et impies. En voici la formule :

" Je vous conjure tous, et je vous commande à tous tant que vous êtes d'esprits, de recevoir ce livre qui vous est dédié, afin qu'autant de fois qu'on le lira, vous ayez à paraitre sans délai, et en forme humaine douce et agréable, à ceux qui liront ce livre, en telle façon qu'il leur plaira, soit en général, soit en particulier, c'est-à-dire un ou plusieurs, au désir du lecteur, sans nuire ni faire aucun mal à qui que ce soit de la compagnie, ni au corps, ni à l'âme, ni à moi qui le commande ; qu'aussi-tôt que la lecture en sera faite, vous ayez à comparaitre, ou plusieurs, ou un en particulier, au choix de l'exorcisant, sans bruit, sans éclat, rupture, tonnerre ni scandale, sans illusion, mensonge ou fascination : je vous en conjure par tous les noms de Dieu qui sont écrits dans ce livre. Que si celui ou ceux qui seront appelés, ne peuvent apparaitre, ils seront tenus d'en envoyer d'autres, qui diront leur nom, et pourront faire leur même fonction et exercer leur pouvoir, et qui feront un serment solennel et inviolable d'obéir aux ordres du lecteur incontinent et aussi-tôt qu'il voudra, sans qu'il ait besoin d'autre secours, aide, ou force, et autorité. Venez donc au nom de toute la cour céleste, et obéissez au nom du père, du fils, et du saint-esprit. Ainsi sait-il. Levez-vous, et venez par la vertu de votre roi, et par les sept couronnes de vos rais, et par les chaînes sulphurées, sous lesquelles tous les esprits et démons sont arrêtés dans les enfers. Venez, et hâtez-vous de venir devant ce cercle, pour répondre à mes volontés, faire et accomplir tout ce que je désire. Venez donc, tant de l'orient que de l'occident, du midi et du septentrion, et de quelque part que vous soyez. Je vous en conjure par la vertu et par la puissance de celui qui est trois et un, qui est éternel et co égal, qui est un Dieu invisible, consubstanciel, qui a créé le ciel, la terre et la mer, et tout ce qu'ils contiennent, par sa parole ".

L'opinion commune, est que les exorcismes et les conjurations magiques sont conçues en des termes barbares et inintelligibles ; celui-ci n'est pas du nombre, on n'y voit que trop clairement le mélange des objets les plus respectables de notre religion avec les extravagances, pour ne rien dire de plus, de ces visionnaires. On attribue celui-ci à Arnaud de Villeneuve : seulement pour en entendre les dernières paroles, il est bon de savoir que les magiciens faisaient présider quatre de ces esprits aux quatre parties du monde ; c'étaient comme les empereurs de l'univers. Celui qui présidait à l'orient était nommé Lucifer, celui de l'occident Astharoth, celui du midi Leviathan, et celui du septentrion Amaimon, et il y avait pour chacun d'eux des exorcismes particuliers et un exorcisme général, que M. Blanchard n'a pas jugé à-propos de rapporter.

Comme les esprits ne sont pas toujours d'humeur à obéir, et sont rebelles aux ordres, on a tiré de la cabale un exorcisme plus absurde que tous les autres, qui donne des charges et des dignités aux démons ; qui les menace de les dépouiller de leurs emplois, et de les précipiter au fond des enfers, comme s'ils avaient une autre demeure. Il faut observer que, selon les magiciens, le pouvoir de chacun de ces esprits est borné ; qu'il serait inutîle de l'invoquer pour une chose qui ne serait pas de sa portée ; et qu'il faut donner à chacun pour sa peine, une récompense qui lui soit agréable : par exemple, Lucifer qu'on évoque le lundi dans un cercle, au milieu duquel est son nom, se contente d'une souris ; Nembroth reçoit la pierre qu'on lui jette le mardi ; Astharoth est appelé le mercredi, pour procurer l'amitié des grands, et ainsi de suite.

Au reste ces exorcismes des magiciens modernes sont tous accompagnés de profanations des noms de Dieu et de J. C. excès que n'ont pas même connu les payens, qui dans leurs conjurations magiques n'abusaient pas des noms de la divinité, ni des mystères de leur religion. Mém. de l'acad. des Inscript. tome XII. pag. 51. et suiv. (G)