S. m. pl. (Histoire ecclésiastique) hérétiques qui refusaient d'admettre deux natures en Jésus-Christ, et qui tirèrent leur nom d'Eutychès, archimandrite ou abbé d'un monastère célèbre de Constantinople, et qui vivait dans le cinquième siècle.

L'aversion qu'Eutychès avait pour le Nestorianisme le précipita dans un excès opposé et non moins dangereux. On croit que quelques passages de S. Cyrille d'Alexandrie, qui soutint vivement l'unité de personne contre Nestorius, engagèrent Eutychès à soutenir l'unité de nature ; mais ces passages bien entendus ne lui sont nullement favorables, comme on peut voir dans M. Witasse, Traité de l'incarnation, part. II. quaest. VIe art. 1. sect. 3.

Cet hérésiarque soutint d'abord que le Verbe, en descendant du ciel, avait apporté son corps qui n'avait fait que passer dans celui de la sainte Vierge, comme par un canal ; ce qui approchait de l'hérésie d'Apollinaire. Mais il retracta cette proposition dans le synode de Constantinople, où sa doctrine fut d'abord condamnée par Flavien ; mais on ne put le faire convenir que le corps de Jesus-Christ fût de même substance que les nôtres ; au contraire, il parait qu'il n'en admettait qu'un phantastique, comme les Valentiniens et les Marcionites. Il n'était pas ferme et conséquent dans ses opinions, car il sembla qu'il reconnaissait en Jesus-Christ deux natures, même avant l'union hypostatique ; conséquence qu'il tirait apparemment des principes de la philosophie de Platon, qui suppose la préexistence des âmes : aussi Eutychès croyait-il que l'âme de Jesus-Christ avait été unie à la divinité avant l'incarnation. Mais il ne voulut jamais admettre de distinction de deux natures en Jesus-Christ après l'incarnation, disant que la nature humaine avait été alors absorbée par la nature divine, comme une goutte de miel qui, tombant dans la mer, ne périrait pas, mais serait engloutie. Voyez la dissertation du père Hardouin de sacramento altaris, dans laquelle cet auteur développe très-nettement tous les sentiments des Eutychiens.

Quoique cette hérésie eut été condamnée dans le synode qui fut tenu à Constantinople en 448, et dont nous avons déjà parlé, Eutychès ne laissa pas que de trouver des partisans et des défenseurs : soutenu du crédit de Chrysaphe, premier eunuque du palais impérial, de l'activité de Dioscore son ami, patriarche d'Alexandrie, et des fureurs d'un archimandrite syrien nommé Barsumas, il fit convoquer en 449 un concîle à Ephese, qui n'est connu dans l'Histoire que sous le nom de brigandage, à cause des violences qu'y exercèrent les Eutychiens, dont le chef y fut justifié ; mais son erreur fut examinée de nouveau et anathématisée dans le concîle général de Chalcédoine tenu en 451 : les légats du pape S. Léon qui y assistèrent, soutinrent que ce n'était point assez de définir qu'il y a deux natures en Jesus-Christ ; mais ils insistèrent fortement à ce que, pour ôter toute équivoque, on ajoutât ces mots, sans être changées, confondues, ni divisées.

Mais cette décision du concîle de Chalcédoine, quoiqu'elle fût l'ouvrage de plus de cinq à six cent évêques, n'arrêta pas les progrès de l'Eutychianisme : quelques évêques d'Egypte qui avaient assisté à ce concile, publièrent ouvertement à leur retour, que S. Cyrille y avait été condamné et Nestorius absous ; ce qui causa de grands désordres : plusieurs, par attachement à la doctrine de S. Cyrille, refusaient de se soumettre aux decrets du concîle de Chalcédoine, qu'ils y croyaient faussement opposés.

Cette hérésie qui fit de grands ravages dans tout l'Orient, se divisa à la longue en plusieurs branches. Nicéphore n'en compte pas moins de 12 ; les uns étaient appelés schematici ou apparentes, parce qu'ils attribuaient à Jesus-Christ un corps phantastique ; d'autres Théodosiens, du nom de Théodose, évêque d'Alexandrie ; d'autres Jacobites, du nom d'un certain Jacob ou Jacques, Jacobus, de Syrie ; cette branche s'établit elle-même en Arménie, où elle subsiste encore. Voyez JACOBITES.

Les autres principales sont celles des Théopaschites, qui prétendaient que dans la passion de J.C. c'était la divinité qui avait souffert ; les Acéphales, c'est-à-dire sans chef ; les Sévériens, ainsi nommés d'un moine appelé Sévère, qui monta sur le siège d'Antioche en 513 ; on les appela encore Corrupticoles et Incorrupticoles. Voyez ces mots. Les Séveriens se partagèrent encore en cinq factions, savoir les Agnoètes ou Agnoïtes ; les partisans de Paul, , c'est-à-dire les noirs, les angélites ; enfin les Adriates et les Cononites. Trévoux, Chambers, et l'Histoire ecclesias. (G)

EUTYCHIENS, s. m. pl. (Histoire ecclésiastique) était aussi le nom d'une autre secte d'hérétiques moitié Ariens et moitié Eunomiens, qui commença à paraitre à Constantinople dans le quatrième siècle.

Les Eunomiens à Constantinople disputaient alors vivement entr'eux, savoir si le fils de Dieu connait le jour et l'heure du jugement dernier ; les uns se fondaient principalement sur ce passage de l'évangîle de S. Matth. chap. xxjv. vers. 36. ou plutôt sur celui de S. Marc, chap. XIIIe vers. 32. où il est dit que le fils ne le connait pas, mais qu'il n'y a que le père. Eutychius ne fit pas difficulté de soutenir, même par écrit, que le fils connaissait le dernier jour : ce sentiment déplaisant aux savants du parti d'Eunomius, il se sépara d'eux, et se retira vers Eunomius qui était alors en exil.

Cet hérétique pensa comme Eutychius, que le fils n'ignorait rien de ce que le père sait, et le reçut à sa communion. Eunomius étant mort bien-tôt après, le chef des Eunomiens à Constantinople refusa d'admettre Eutychius, qui pour cette raison forma une secte particulière de ceux qui s'attachèrent à lui, et qui furent nommés eutychiens.

Ce même Eutychius avec un certain Theophronius contemporain de Sozomene, furent les auteurs de tous les changements que les Eunomiens firent dans l'administration du baptême : ils consistaient, selon Nicéphore, à le donner par une seule immersion, et à l'administrer, non pas au nom de la Trinité, mais en mémoire de la mort de Jesus-Christ.

Nicéphore appelle le chef de cette secte Eupsychius, et non Eutychius, et ses sectateurs Eunomiœupsychiens. Voyez EUNOMIOEUPSYCHIENS. Chamb. (G)