S. m. (Histoire ecclésiastique) nom que l'on donnait anciennement au premier des diacres, ou à celui qui était leur chef. S. Augustin attribue ce titre à S. Etienne, parce que S. Luc le nomme le premier des sept diacres. Il n'y avait d'abord que les diacres qui pussent être élevés à cette dignité ; et si celui qui en était revêtu recevait l'ordre de prêtrise, il ne pouvait plus exercer la fonction d'archidiacre ; mais dans la suite on donna aussi ce titre à des prêtres, comme on le voit dans Hincmar, l'an 877.

L'archidiacre, dit M. Fleury dans son Institution au Droit ecclésiastique, tome I. partie I. ch. xjx. p. 168 et suiv. était dès les premiers temps le principal ministre de l'évêque pour toutes les fonctions extérieures, particulièrement pour l'administration du temporel : au-dedans même il avait soin de l'ordre et de la décence des offices divins. C'était lui qui présentait les clercs à l'ordination, comme il fait encore, qui marquait à chacun son rang et ses fonctions, qui annonçait au peuple les jours de jeune ou de fête, qui pourvoyait à l'ornement de l'église et aux réparations. Il avait l'intendance des oblations et des revenus de l'église, si ce n'était dans celles où il y avait des économes particuliers. Il faisait distribuer aux clercs ce qui était réglé pour leur subsistance, et avait toute la direction des pauvres, avant qu'il y eut des hôpitaux. Il était le censeur de tout le bas clergé et de tout le peuple, veillant à la correction des mœurs. Il devait prévenir ou apaiser les querelles, avertir l'évêque des désordres, et être comme le promoteur pour en poursuivre la réparation : aussi l'appelait-on la main et l'oeil de l'évêque. Ces pouvoirs, continue M. Fleury, attachés aux choses sensibles et à ce qui peut intéresser les hommes, mirent bientôt l'archidiacre au-dessus des prêtres, qui n'avaient que des fonctions purement spirituelles, jusque-là qu'ils en vinrent à mépriser les prêtres ; vanité contre laquelle S. Jérome s'éleva vivement. L'archidiacre n'avait toutefois aucune juridiction sur eux jusqu'au VIe siècle ; mais enfin il leur fut supérieur, et même aux archiprêtres : ainsi il devint la première personne après l'évêque, exerçant sa juridiction et faisant ses visites, soit comme déléguée, soit à cause de son absence, ou pendant la vacance du siège. Ces commissions devinrent enfin si fréquentes, qu'elles tournèrent en droit commun ; en sorte qu'après l'an 1000 les archidiacres furent regardés comme juges ordinaires, ayant juridiction de leur chef, avec pouvoir de déléguer eux-mêmes d'autres juges. Il est vrai que leur juridiction était plus ou moins étendue, selon les différentes coutumes des églises, et selon que les uns avaient plus empiété que les autres ; elle était aussi bornée par leur territoire, qui n'était qu'une partie du diocèse : car depuis qu'ils devinrent si puissants, on les multiplia, surtout en Allemagne, et dans les autres pays où les diocèses sont d'une étendue excessive ; celui qui demeura dans la ville prit le titre de grand archidiacre. Dès le IXe siècle il se trouve des archidiacres prêtres, et toutefois il y en a eu 200 ans après qui n'étaient pas même diacres ; tant l'ordre était dès-lors peu considéré en comparaison de l'office. On les a obligés à être au moins diacres ; et ceux qui ont charge d'ames, à être prêtres. C'est la disposition du concîle de Trente, Sess. XXIV. de Reform. c. XIIe

Les évêques se trouvant ainsi presque dépouillés de leur juridiction, travaillèrent après l'an 1200 à diminuer celle des archidiacres, leur défendant de connaître des causes des mariages, et des autres les plus importantes, et d'avoir des officiaux qui jugeassent en leur place. L'assemblée du clergé tenue à Melun en 1579, restreint à cet égard les droits auxquels prétendaient les archidiacres ; et divers arrêts, soit du conseil, soit du parlement, ont limité leur juridiction contentieuse. Thomassin, Discipline de l'Eglise, part. I. liv. I. ch. xxv. et xxxj. part. II. liv. I. chap. XIIIe part. III. liv. I. ch. XIIe et part. IV. liv. I. ch. xxv.

L'archidiacre est obligé de faire des visites dans son district, qu'on nomme archidiaconé. Il y connait des matières provisionnelles et qui se doivent juger sur le champ, mais pour la plupart de peu de conséquence. Il y a quelquefois plusieurs archidiacres dans une même cathédrale, qui ont chacun leur district, surtout dans les grands diocèses, et dans quelques-unes ils ont des places distinguées au chœur. En quelques diocèses, comme dans celui de Cahors, les archidiacres tiennent le premier rang après l'évêque et devant les doyens, ce qui s'observait autrefois en Angleterre. Il y avait anciennement un archidiacre de l'église romaine, et le pape Gelase II. avait exercé cette dignité avant que d'être élevé au souverain pontificat. Panvinus dit que Gregoire VII. supprima cet office, et établit en sa place celui de camérier, pour garder le trésor de l'église romaine. On lit néanmoins dans l'histoire qu'il y a eu depuis des archidiacres sous Urbain II. Innocent II. et Clement III. A l'égard des archidiacres cardinaux, ils ont été ainsi appelés, non qu'ils eussent le titre de cardinal de l'église romaine, mais du nom cardinalis, qui signifie principal. Dans l'église de Constantinople le grand archidiacre est du nombre des officiers, comme on peut le voir dans le catalogue des officiers de cette église, que le P. Goar a fait imprimer ; et c'est à lui à lire l'évangîle lorsque le patriarche célèbre la liturgie, ou il y commet un autre pour le lire en sa place. Du Cange, Glossar. latinit.

Le P. Morin observe que le titre d'archidiacre est devenu aujourd'hui un titre assez inutîle en quelques églises où l'on pourrait s'en passer. Leur principale fonction, dit-il, est d'examiner la dépense du revenu des églises, d'avoir l'oeil sur leur temporel, de faire rendre les comptes aux marguilliers des paroisses, et de voir s'il ne s'y commet point d'abus ; ce que peuvent faire, ajoute cet auteur, les évêques ou les grands vicaires dans le cours de leurs visites.

L'auteur des suppléments au dictionnaire de Moréri, traite assez au long et prouve par des faits la prétention que forment en quelques diocèses les archidiacres, du droit de dépouille ou de funérailles. Ils prétendent, dit-il, que lorsqu'un curé de leur archidiaconé est mort, ils ont droit d'avoir son lit, son breviaire, son surplis, son bonnet carré, et une année du revenu de la cure, qu'ils appellent l'année du déport. Dans d'autres endroits ils prennent aussi le cheval du défunt. M. Thiers, ajoute-t-il dans son traité de la dépouille des curés, soutient que ce droit est une pure exaction, et qu'il est contraire aux canons des conciles, aux decrets des papes, aux libertés de l'église gallicane, aux ordonnances de nos rais, aux lois et aux coutumes générales du royaume, et aux arrêts du parlement. Ce droit de déport était accordé aux archevêques ou évêques par des privilèges particuliers du pape, comme il parait par un bref de 1246, accordé à l'archevêque de Cantorberi ; et par la suite dans d'autres églises les archidiacres le partagèrent avec les évêques, à la charge de faire desservir le bénéfice pendant l'année du déport. Il subsiste encore en Normandie, où l'on tâcha inutilement de l'abolir dans le concîle de Rouen en 1522. Voyez DEPORT. Thomass. Discip. de l'Egl. part. IV. liv. IV. ch. xxxij. Supplément au dictionn. de Moréri, tom. I. lett. A. au mot ARCHIDIACRE.

Bingham remarque qu'anciennement l'archidiacre était choisi par l'évêque, auquel souvent il succédait ; que ses principaux offices étaient de servir l'évêque à l'autel, et au commencement de la communion de crier à haute voix au peuple, nemo contra aliquem, nemo in simulatione accedat ; d'administrer sous l'évêque les revenus de l'église ; de le soulager dans le ministère de la parole ; d'assister aux ordinations des moindres clercs, et de leur présenter les instruments de leur ordre ; d'infliger des peines canoniques aux diacres et autres clercs inférieurs. Il ajoute qu'on donnait à l'archidiacre les noms de corévêque et d', c'est-à-dire inspecteur ou visiteur. Quelques-uns croient que l'archidiacre avait inspection sur tout le diocèse, et d'autres sur quelque partie seulement. Habert regarde la dignité d'archidiacre comme d'institution apostolique ; d'autres en fixent l'origine vers le milieu du troisième siècle : et Saumaise a même prétendu, mais faussement, qu'elle était inconnue du temps de saint Jérome. Bingham, orig. ecclésiast. lib. II. cap. xxj. §. 1. 2. 34. et seq. (G)