S. m. (Histoire ecclésiastique) c'est dans l'Eglise romaine l'action d'encenser pendant l'office divin, à l'autel, au clergé, et au peuple.

On voit, dit M. Aubry, par les anciens ordres romains, que l'encens a été introduit comme un parfum pour purifier l'air et les personnes. L'on a commencé de s'en servir dans les temps où les fidèles obligés de se cacher, s'assemblaient en secret dans des lieux souterrains, humides et mal-sains ; l'haleine d'un si grand nombre de personnes renfermées produisait une mauvaise odeur, que l'on tâchait de dissiper par le moyen de l'encens, ou de quelques autres parfums : telle est l'origine de l'encens dans l'Eglise.

En effet, il serait aisé d'établir, que l'encensement n'est point une partie du culte, mais qu'il a été durant plusieurs siècles une simple purification de l'air et des personnes, occasionnée par la nécessité dans les lieux de leurs assemblées religieuses. Tertullien le dit positivement dans son apologétique, chap. xxx. il remarque encore dans un autre endroit, que les anciens chrétiens n'usaient point d'encens pendant l'office divin, et que l'on ne s'en servait que dans les funérailles : au témoignage de Tertullien, on pourrait joindre ceux d'Athénagore, de Lactance et autres pères, s'il s'agissait de confirmer cette vérité.

Quand le christianisme fut établi sur les ruines du paganisme, l'usage de l'encens continua dans les temples ; ce ne fut plus alors par le besoin absolu de la purification de l'air, des personnes et des lieux, moins encore pour honorer les hommes ; ce fut pour imiter l'exemple des mages, qui présentèrent de l'or et de l'encens à Notre-Seigneur, afin de lui marquer leurs respects et leur soumission ; l'on se servit aussi de ce moyen pour inviter les chrétiens à détacher leurs pensées de la terre, et à les porter au ciel avec la fumée de l'encens.

Mais ce qui n'était qu'un type dans la religion, et qu'un hommage d'oblation au Sauveur du monde, changea bien-tôt de nature, et devint une oblation honorifique aux princes de la terre et aux ministres de l'autel. Le premier exemple eut lieu en faveur des empereurs de Constantinople. Codin nous apprend que dans les fêtes solennelles, le patriarche encensait à deux différentes fois l'empereur, lorsqu'il assistait aux offices, et qu'il remettait après cela l'encensoir à son diacre, pour aller donner l'encensement au clergé.

Dans la suite des temps, les grands seigneurs pour se distinguer de la foule, affectèrent de s'attribuer l'encensement ; et voulant de plus en plus marquer leur rang et leur dignité dans l'Eglise même, ils exigèrent deux coups d'encensement, tandis qu'on n'en donnerait qu'un seul à tous les autres assistants pendant le sacrifice.

Voilà comme il est arrivé que le plus ou le moins de coups d'encensement désignent aujourd'hui la qualité de la personne encensée ; et l'on sait bien que les usages fondés sur l'orgueil et l'ambition ne s'abolissent guère : aussi l'honneur futîle de l'encensement produit tous les jours en France des procès que l'on juge ordinairement par les titres et les coutumes des lieux ; c'est pourquoi l'on ne manque point d'arrêts fort singuliers sur cette matière. Article de M. le Chevalier DE JAUCOURT.