S. f. termes de l’Histoire ecclésiastique. Ce mot est tiré du Grec ἀγαπὴ, amour, et on l’employait pour signifier ces repas de charité que faisaient entr’eux les premiers Chrétiens dans les Eglises, pour cimenter de plus en plus la concorde et l’union mutuelle des membres du même corps.

Dans les commencements ces agapes se passaient sans désordre et sans scandale, au moins les en bannissait-on sévèrement, comme il parait par ce que S. Paul en écrivit aux Corinthiens, Epit. I. ch. XIe Les Payens qui n'en connaissaient ni la police ni la fin, en prirent occasion de faire aux premiers fidèles les reproches les plus odieux. Quelque peu fondés qu'ils fussent, les pasteurs, pour en bannir toute ombre de licence, défendirent que le baiser de paix par où finissait cette assemblée se donnât entre les personnes de sexe différent, ni qu'on dressât des lits dans les églises pour y manger plus commodément : mais divers autres abus engagèrent insensiblement à supprimer les agapes. S. Ambraise et S. Augustin y travaillèrent si efficacement, que dans l'église de Milan l'usage en cessa entièrement, et que dans celle d'Afrique, il ne subsista plus qu'en faveur des clercs, et pour exercer l'hospitalité envers les étrangers, comme il parait par le troisième concîle de Carthage. Thomass. Discipl. de l'Eglise, part. III. ch. xlvij. n°. 1.

Quelques critiques pensent, et avec raison, que c'est de ces agapes que parle S. Paul dans l'endroit que nous avons déjà cité. Ce qu'ils ajoutent n'est pas moins vrai ; savoir, que la perception de l'Eucharistie ne se faisait pas dans les agapes mêmes, mais immédiatement après, et qu'on les faisait en mémoire de la dernière cène que Jesus-Christ célébra avec ses Apôtres, et dans laquelle il institua l'Eucharistie : mais depuis qu'on eut réglé qu'on recevrait ce Sacrement à jeun, les agapes précédèrent la communion.

D'autres écrivains prétendent que ces agapes n'étaient point une commémoration de la dernière cène de Jesus-Christ, mais une coutume que les nouveaux Chrétiens avaient empruntée du paganisme. Mos vero ille, ut referunt, dit Sédulius sur le chap. XIe de la première Epit. aux Corinth. de gentili adhuc superstitione veniebat. Et S. Augustin rapporte que Fauste le Manichéen reprochait aux fidèles qu'ils avaient converti les sacrifices des payens en agapes : Christianos sacrificia paganorum convertisse in agapas.

Mais outre que le témoignage de Fauste, ennemi des Catholiques, n'est pas d'un grand poids, son objection et celle de Sédulius ne sont d'aucune force, dès qu'on fait attention que les Juifs étaient dans l'usage de manger des victimes qu'ils immolaient au vrai Dieu, et qu'en ces occasions ils rassemblaient leurs parents et leurs amis. Le Christianisme qui avait pris naissance parmi eux, en prit cette coutume, indifférente en elle-même, mais bonne et louable par le motif qui la dirigeait. Les premiers fidèles, d'abord en petit nombre, se considéraient comme une famille de frères, vivaient en commun : l'esprit de charité institua ces repas, où régnait la tempérance : multipliés par la suite, ils voulurent conserver cet usage des premiers temps ; les abus s'y glissèrent, et l'Eglise fut obligée de les interdire.

On trouve dans les Epitres de S. Grégoire le Grand, que ce pape permit aux Anglais nouvellement convertis de faire des festins sous des tentes ou des feuillages, au jour de la dédicace de leurs églises ou des fêtes des Martyrs, auprès des églises, mais non pas dans leur enceinte. On rencontre aussi quelques traces des agapes dans l'usage où sont plusieurs églises cathédrales et collégiales, de faire le Jeudi-saint, après le lavement des pieds et celui des autels, une collation dans le chapitre, le vestiaire, et même dans l'église. Tertull. orig. Clem. Alex. Minut. Felix. S. Aug. S. Chrysost. S. Grég. Ep. 71. L. IX. Baronius, ad ann. 57. 377. 384. Fleury, Histoire ecclésiast. tome I. page 94. Liv. I.