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Catégorie parente: Science de Dieu
Catégorie : Histoire ecclésiastique
S. f. (Histoire moderne et ecclésiastique) guerres entreprises par les chrétiens, soit pour le recouvrement des lieux saints, soit pour l'extirpation de l'hérésie et du paganisme.

Craisades entreprises pour la conquête des lieux saints. Les fréquents pélerinages que les chrétiens firent à la Terre-sainte, après qu'on eut retrouvé la croix sur laquelle le fils de l'homme était mort, donnèrent lieu à ces guerres sanglantes. Les pélerins, témoins de la dure servitude sous laquelle gémissaient leurs frères d'Orient, ne manquaient pas d'en faire à leur retour de tristes peintures, et de reprocher aux peuples d'Occident la lâcheté avec laquelle ils laissaient les lieux arrosés du sang de Jesus-Christ, en la puissance des ennemis de son culte et de son nom.

On traita longtemps les déclamations de ces bonnes gens avec l'indifférence qu'elles méritaient, et l'on était bien éloigné de croire qu'il viendrait jamais des temps de ténèbres assez profondes, et d'un étourdissement assez grand, dans les peuples et dans les souverains sur leurs vrais intérêts, pour entraîner une partie du monde dans une malheureuse petite contrée, afin d'en égorger les habitants, et de s'emparer d'une pointe de rocher qui ne valait pas une goutte de sang, qu'ils pouvaient vénérer en esprit de loin comme de près, et dont la possession était si étrangère à l'honneur de la religion.

Cependant ce temps arriva, et le vertige passa de la tête échauffée d'un pélerin, dans celle d'un pontife ambitieux et politique, et de celle-ci dans toutes les autres. Il est vrai que cet événement extraordinaire fut préparé par plusieurs circonstances, entre lesquelles on peut compter l'intérêt des papes et de plusieurs souverains de l'Europe ; la haine des chrétiens pour les musulmants ; l'ignorance des laïcs, l'autorité des ecclésiastiques, l'avidité des moines ; une passion desordonnée pour les armes, et surtout la nécessité d'une diversion qui suspendit des troubles intestins qui duraient depuis longtemps. Les laïcs chargés de crimes crurent qu'ils s'en laveraient en se baignant dans le sang infidèle ; ceux que leur état obligeait par devoir à les désabuser de cette erreur, les y confirmaient, les uns par imbécillité et faux zèle, les autres par une politique intéressée, et tous conspirèrent à venger un hermite Picard des avanies qu'il avait essuyées en Asie, et dont il rapportait en Europe le ressentiment le plus vif.

L'hermite Pierre s'adresse au pape Urbain II ; il court les provinces et les remplit de son enthousiasme. La guerre contre les infidèles est proposée dans le concîle de Plaisance, et prêchée dans celui de Clermont. Les seigneurs se défont de leurs terres ; les moines s'en emparent ; l'indulgence tient lieu de solde : on s'arme ; on se croise, et l'on part pour la Terre-sainte.

La croisade, dit M. Fleury, servait de prétexte aux gens obérés pour ne point payer leurs dettes ; aux malfaiteurs pour éviter la punition de leurs crimes ; aux ecclésiastiques indisciplinés pour secouer le joug de leur état ; aux moines indociles pour quitter leurs cloitres ; aux femmes perdues pour continuer plus librement leurs désordres. Qu'on estime par-là quelle devait être la multitude des croisés ?

Le rendez-vous est à Constantinople. L'hermite Pierre, en sandales et ceint d'une corde, marche à la tête de quatre-vingt mille brigands ; car comment leur donner un autre nom, quand on se rappelle les horreurs auxquelles ils s'abandonnèrent sur leur route ? Ils volent, massacrent, pillent, et brulent. Les peuples se soulèvent contr'eux. Cette croix rouge qu'ils avaient prise comme la marque de leur piété, devient pour les nations qu'ils traversent le signal de s'armer et de courir sur eux. Ils sont exterminés ; et de cette foule, il ne reste que vingt mille hommes au plus qui arrivent devant Constantinople à la suite de l'hermite.

Une autre troupe qu'un prédicateur Allemand appelé Godescal trainait après lui, coupable des mêmes excès, subit le même sort. Une troisième horde composée de plus de deux cent mille personnes, tant femmes que prêtres, paysans, écoliers, s'avance sur les pas de Pierre et de Godescal ; mais la fureur de ces derniers tomba particulièrement sur les Juifs. Ils en massacrèrent tout autant qu'ils en rencontrèrent ; ils croyaient, ces insensés et ces impies, venger dignement la mort de Jesus-Christ, en égorgeant les petits-fils de ceux qui l'avaient crucifié. La Hongrie fut le tombeau commun de tous ces assassins. Pierre renforça ses croisés de quelques autres vagabonds Italiens et Allemands, qu'il trouva devant Constantinople. Alexis Comnène se hâta de transporter ces enthousiastes dangereux au-delà du Bosphore. Soliman soudan de Nicée tomba sur eux, et le fer extermina en Asie, ce qui était échappé à l'indignation des Bulgares et des Hongrois, et à l'artifice des Grecs.

Les croisés que Godefroi de Bouillon commandait furent plus heureux ; ils étaient au nombre de soixante et dix mille hommes de pied, et de dix mille hommes de cheval. Ils traversèrent la Hongrie. Cependant Hugues frère de Philippe I. roi de France, marche par l'Italie avec d'autres croisés ; Robert duc de Normandie, fils ainé de Guillaume le Conquérant est parti ; le vieux Raimond comte de Toulouse passe les Alpes à la tête de dix mille hommes, et le Normand Boemond, mécontent de sa fortune en Europe, en Ve chercher en Asie une plus digne de son courage.

Lorsque cette multitude fut arrivée dans l'Asie mineure, on en fit la revue près de Nicée ; et il se trouva cent mille cavaliers et six cent mille fantassins. On prit Nicée. Soliman fut battu deux fais. Un corps de vingt mille hommes de pied et de quinze mille cavaliers assiégea Jérusalem, et s'en empara d'assaut. Tout ce qui n'était pas chrétien fut impitoyablement égorgé ; et dans un assez court intervalle de temps, les chrétiens eurent quatre établissements au milieu des infidèles, à Jérusalem, à Antioche, à Edesse, et à Tripoli.

Boemond posséda le pays d'Antioche. Baudouin frère de Godefroi alla jusqu'en Mésopotamie s'emparer de la ville d'Edesse ; Godefroi commanda dans Jérusalem, et le jeune Bertrand fils du comte de Toulouse s'établit dans Tripoli.

Hugues frère de Philippe I, de retour en France avant la prise de Jérusalem, repassa en Asie avec une nouvelle multitude mêlée d'Allemands et d'Italiens ; elle était de trois cent mille hommes. Soliman en défit une partie ; l'autre périt aux environs de Constantinople, avant que d'entrer en Asie ; Hugues y mourut presqu'abandonné.

Baudouin regna dans Jérusalem après Godefroi ; mais Edesse qu'il avait quittée ne tarda pas à être reprise, et Jérusalem où il commandait à être menacée.

Tel était l'état faible et divisé des chrétiens en Orient, lorsque le pape Eugène III. proposa une autre croisade. S. Bernard son maître la prêcha à Vezelai en Bourgogne, où l'on vit sur le même échafaud un moine et un souverain exhortant alternativement les peuples à cette expédition. Soixante et dix mille François se croisèrent sous Louis le jeune. Soixante et dix mille Allemands se croisèrent peu de temps après sous l'empereur Conrad III., et les historiens évaluent cette émigration à trois cent mille hommes. Le fameux Fréderic Barberousse suivait son oncle Conrad. Ils arrivent : ils sont défaits. L'empereur retourna presque seul en Allemagne ; et le roi de France revint avec sa femme, qu'il répudia bien-tôt après pour sa conduite pendant le voyage.

La principauté d'Antioche subsistait toujours. Amauri avait succédé dans Jérusalem à Baudouin, et Gui de Lusignan à ce dernier. Lusignan marche contre Saladin, qui s'avançait vers Jérusalem dans le dessein de l'assiéger. Il est vaincu et fait prisonnier. Saladin entra dans Jérusalem ; mais il en usa avec les habitants de cette ville de la manière la plus honteuse pour les chrétiens, à qui il sut bien reprocher la barbarie de leurs pères. Lusignan ne sortit de ses fers qu'au bout d'un an.

Outre la principauté d'Antioche, les chrétiens d'Orient avaient conservé au milieu de ces desastres Joppé, Tyr, et Tripoli. Ce fut alors que le pape Clément III. remua la France, l'Angleterre, et l'Allemagne en leur faveur. Philippe Auguste régnait en France, Henri II. en Angleterre, et Fréderic Barberousse en Allemagne. Les rois de France et d'Angleterre cessèrent de tourner leurs armes l'un contre l'autre pour les porter en Asie ; et l'empereur partit à la tête de cent cinquante mille hommes. Il vainquit les Grecs et les Musulmants. Des commencements si heureux présageaient pour la suite les plus grands succès, lorsque Barberousse mourut. Son armée réduite à sept à huit mille hommes, alla vers Antioche sous la conduite du duc de Souabe son fils, se joindre à celle de Lusignan. Ce jeune prince mourut peu de temps après devant Ptolémaïs, et il ne resta pas le moindre vestige des cent cinquante mille hommes que son père avait amenés. L'Asie mineure était un gouffre où l'Europe entière venait se précipiter ; des flottes d'Anglais, de Français, d'Italiens, d'Allemands, qui avaient précédé l'arrivée de Philippe Auguste et de Richard Cœur de lion, n'avaient fait que s'y montrer et disparaitre.

Les rois de France et d'Angleterre arrivèrent enfin devant Ptolémaïs. Presque toutes les forces des chrétiens de l'Orient s'étaient rassemblées devant cette place. Elles formaient une armée de trois cent mille combattants. On prend Ptolémaïs. Cette conquête ouvre le chemin à de plus importantes, mais Philippe et Richard se divisent ; Philippe revient en France ; Richard est battu ; ce dernier s'en retourne sur un seul vaisseau, et il est fait prisonnier en repassant par l'Allemagne.

Telle était la fureur des peuples d'Europe, qu'ils n'étaient ni éclairés ni découragés par ces désastres. Baudouin comte de Flandres rassemble quatre mille chevaliers, neuf mille écuyers, et vingt mille hommes de pied ; ces nouveaux croisés sont transportés sur les vaisseaux des Vénitiens. Ils commencent leur expédition par une irruption contre les chrétiens de la Dalmatie : le pape Innocent III. les excommunie. Ils arrivent devant Constantinople, qu'ils prennent et saccagent sous un faux prétexte. Baudouin fut élu empereur ; les autres alliés se dispersèrent dans la Grèce et se la partagèrent ; les Vénitiens s'emparèrent du Péloponnèse, de l'île de Candie, et de plusieurs places des côtes de la Phrygie ; et il ne passa en Asie que ceux qui ne purent se faire des établissements sans aller jusques-là. Le règne de Baudouin ne fut pas de longue durée.

Un moine Breton, nommé Erloin, entraina une multitude de ses compatriotes. Une reine de Hongrie se croisa avec quelques-unes de ses femmes. Elle mourut à Ptolémaïs d'une maladie épidémique, qui emporta des milliers d'enfants conduits dans ces contrées par des religieux et des maîtres d'écoles. Il n'y a jamais eu d'exemple d'une frénésie aussi constante et aussi générale.

Il ne restait aux chrétiens d'Orient, rien de plus considérable que l'état d'Antioche. Le royaume de Jérusalem n'était qu'un vain nom dont Emery de Lusignan était décoré, et que Philippe Auguste transféra à la mort d'Emery à un cadet sans ressource de la maison de Brienne en Champagne. Ce monarque titulaire s'associa quelques chevaliers. Cette troupe, quelques Bretons, des princes Allemands avec leurs cortéges, un duc d'Autriche avec sa suite, un roi de Hongrie qui commandait d'assez bonnes troupes, les templiers, les chevaliers de S. Jean, les évêques de Munster et d'Utrecht, se réunirent ; et il y avait là beaucoup plus de bras qu'il n'en fallait pour former quelque grande entreprise ; mais malheureusement point de tête. André roi de Hongrie se retira ; un comte de Hollande lui succéda avec le titre de connétable des croisés. Une foule de chevaliers commandés par un légat accompagné de l'archevêque de Bordeaux, des évêques de Paris, d'Angers, d'Autun, et de Beauvais, suivis par des corps de troupes considérables ; quatre mille Anglais, autant d'Italiens achevèrent de fortifier l'armée de Jean de Brienne : et ce chef parti presque seul de France, se trouva devant Ptolémaïs à la tête de cent mille hommes.

Ces croisés méditent la conquête de l'Egypte, assiègent Damiette, et la prennent au bout de deux ans. Mais l'ambition mal entendue du légat, plus propre à benir les armes qu'à les commander, fait échouer ces faibles succès. Damiette est rendue, et les croisés faits prisonniers de guerre sont renvoyés en Phrygie, excepté Jean de Brienne que Meledin garda en ôtage.

Jean de Brienne sorti d'ôtage, donna sa fille à l'empereur Fréderic II. avec ses droits au royaume de Jérusalem. Le politique habîle pressé par le pape Grégoire IX, que sa présence inquiétait en Europe, de passer en Asie, négocie avec le pape et le sultan Meledin ; s'en Ve plutôt avec un cortège qu'une armée prendre possession de Jérusalem, de Nazareth, et de quelques autres villages ruinés, dont il ne faisait pas plus de cas que le sultan qui les lui cédait, et annonce à tout le monde chrétien qu'il a satisfait à son vœu, et qu'il a recouvré les saints lieux sans avoir répandu une goutte de sang.

Thibaut, ce fameux comte de Champagne, partit aussi pour la Terre-sainte ; il fut assez heureux pour en revenir, mais les chevaliers qui l'avaient accompagné restèrent prisonniers.

Tout semblait tendre en Orient à une espèce de treve, lorsque Gengiskan et ses Tartares franchissent le Caucase, le Taurus et l'Imaus ; les Corasmins chassés devant eux, se répandent dans la Syrie, où ces idolâtres égorgent sans distinction et le musulman et le chrétien et le juif. Cette révolution inattendue réunit les chrétiens d'Antioche, de Sidon et des côtes de la Syrie, avec le soudan de cette dernière contrée et avec celui d'Egypte. Ces forces se tournent contre les nouveaux brigands, mais sans aucun succès ; elles sont dissipées ; et les chevaliers templiers et hospitaliers sont presqu'entièrement détruits dans une irruption des Turcs qui succéda à celle des Corasmins.

Les Latins étaient renfermés dans leurs villes maritimes, divisés, et sans espérance de secours. Les princes d'Antioche s'occupaient à dessoler quelques chrétiens d'Arménie ; les factions Persanes, Génoises et Venitiennes déchiraient l'intérieur de Ptolémaïs ; ce qui restait de templiers ou de chevaliers de S. Jean, s'entre-exterminaient avec acharnement ; l'Europe se refroidissait sur la conquête des lieux saints, et les forces des chrétiens d'Orient s'éteignaient, lorsque S. Louis médita sa croisade.

Il crut entendre dans un accès de léthargie, une voix qui la lui ordonnait, et il fit vœu d'obéir ; il s'y prépara pendant quatre ans. Lorsqu'il partit avec sa femme, ses trois frères et leurs épouses, presque toute la chevalerie de France le suivit ; il fut accompagné des ducs de Bourgogne et de Bretagne, et des comtes de Saissons, de Flandres et de Vendôme, qui avaient rassemblé tous leurs vassaux ; on comptait parmi ses troupes trois mille chevaliers bannerets. On marcha contre Melec-sala soudan d'Egypte. Un renfort de soixante mille combattants arrivés de France, se joignit à ceux qu'il commandait déjà. Que ne pouvait-on pas attendre de ces troupes d'élite sous la conduite d'un prince tel que Louis I X ? Toutes ces espérances s'évanouirent ; une partie de l'armée de S. Louis périt de maladie, l'autre fut défaite par Almoadan fils de Melec-sala, près de la Massoure, le comte d'Artais est tué, S. Louis et les comtes de Poitiers et d'Anjou sont faits prisonniers. Le monarque français paye sa rançon aux émirs qui gouvernèrent après la mort d'Almoadan, assassiné par une garde trop puissante que son père avait instituée ; se retire dans la Palestine, y demeure quatre ans, visite Nazareth, et revient en France avec le dessein de former une autre croisade.

Craisade entreprise pour l'extirpation des infidèles. Saint Louis, pour cette expédition plus malheureuse encore que la première, partit à-peu-près avec les mêmes forces ; son frère devait le suivre. Ce ne fut point la conquête de la Terre-sainte qu'il se proposa. Charles d'Anjou, usurpateur du royaume de Naples, fit servir la piété de saint Louis à ses desseins ; il détermina ce monarque à s'avancer vers Tunis ; sous prétexte que le roi de cette contrée lui devait quelques années de tribut ; et saint Louis conduit par l'espérance de convertir le roi de Tunis à la religion chrétienne, descendit sous les ruines de l'ancienne Carthage. Les Maures l'assiegent dans son camp désolé par une maladie épidémique, qui lui enlève un de ses fils né à Damiette pendant sa captivité ; il en est attaqué lui-même, et il en meurt. Son frère arrive, fait la paix avec les Maures, et ramène en Europe les débris de l'armée. Ainsi finirent les croisades que les Chrétiens entreprirent contre les Musulmants. Il ne nous reste plus qu'à dire un mot de celles qu'ils entreprirent contre les payens, et les uns contre les autres.

Craisade entreprise pour l'extirpation du paganisme. Il y en eut une de prêchée en Danemark, dans la Saxe et dans la Scandinavie, contre des payens du Nord, qu'on appelait Slaves ou Sclaves. Ils occupaient alors le bord oriental de la mer Baltique, l'Ingrie, la Livonie, la Samogetie, la Curlande, la Poméranie et la Prusse. Les chrétiens qui habitaient depuis Brême jusqu'au fond de la Scandinavie, se croisèrent contr'eux au nombre de cent mille hommes ; ils perdent beaucoup de monde ; ils en tuent beaucoup davantage, et ne convertissent personne.

Craisade entreprise pour l'extirpation de l'hérésie. Il y en eut une de formée contre des sectaires appelés Vaudais, des vallées du Piémont ; Albigeais, de la ville d'Alby ; bons-hommes, de leurs régularités ; et manichéens, d'un nom alors commun à tous les hérétiques. Le Languedoc était surtout infecté de ceux-ci, qui ne voulaient reconnaître de lois que l'évangile. On leur envoya d'abord des juges ecclésiastiques. Le comte de Toulouse, soupçonné d'en avoir fait assassiner un, fut excommunié par Innocent III. qui délia en même temps ses sujets du serment de fidélité. Le comte qui savait ce que peut quelquefois une bulle, fut obligé de marcher à main armée contre ses propres sujets, au milieu du duc de Bourgogne, du comte de Nevers, de Simon comte de Montfort, des évêques de Sens, d'Autun et de Nevers. Le Languedoc fut ravagé. Les évêques de Paris, de Lisieux et de Bayeux allèrent aussi grossir le nombre des croisés ; leur présence ne diminua pas la barbarie des persécuteurs, et l'institution de l'inquisition en Europe fut une fin digne de couronner cette expédition.

On voit par l'histoire abrégée que nous venons de faire qu'il y eut environ cent mille hommes de sacrifiés dans les deux expéditions de S. Louis.

Cent cinquante mille dans celle de Barberousse.

Trais cent mille dans celle de Philippe-Auguste et de Richard.

Deux cent mille dans celle de Jean de Brienne.

Seize cent mille qui passèrent en Asie dans les croisades antérieures.

C'est-à-dire que ces émigrations occasionnées par un esprit mal entendu de religion, coutèrent à l'Europe environ deux millions de ses habitants, sans compter ce qui en périt dans la croisade du Nord et dans celle des Albigeais.

La rançon de S. Louis couta neuf millions de notre monnaie. On peut supposer, sans exagération, que les croisés emportèrent à-peu-près chacun cent francs, ce qui forme une somme de deux cent neuf millions.

Le petit nombre de chrétiens métifs qui restèrent sur les côtes de la Syrie, fut bientôt exterminé ; et vers le commencement du treizième siècle il ne restait pas en Asie un vestige de ces horribles guerres, dont les suites pour l'Europe furent la dépopulation de ses contrées, l'enrichissement des monastères, l'apauvrissement de la noblesse, la ruine de la discipline ecclésiastique, le mépris de l'agriculture, la disette d'espèces, et une infinité de vexations exercées sous prétexte de réparer ces malheurs. Voyez les ouvrages de M. de Voltaire, et les discours sur l'histoire ecclésiastique de M. l'abbé Fleury, d'où nous avons extrait cet article, et où l'origine, les progrès et la fin des croisades sont peintes d'une manière beaucoup plus forte.

CROISADE ou CROISETTE, en termes d'Astronomie ; est le nom qu'on a donné à une constellation de l'hémisphère austral, composée de quatre étoiles en forme de croix. C'est par le secours de ces quatre étoiles que les navigateurs peuvent trouver le pôle antarctique. Voyez ETOILE et CONSTELLATION. (O)




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