S. m. (Théologie) est le nom que l'on donne aux habitants de la terre que quelques-uns ont cru avoir existé avant Adam.

Isaac de la Pereyre fit imprimer en Hollande en 1655, un livre pour prouver l'existence des préadamites, qui lui donna d'abord un grand nombre de sectateurs ; mais la réponse que Desmarais, professeur en Théologie à Groningue, publia l'année suivante, éteignit cette secte dès sa naissance, quoique la Pereyre y eut fait une replique.

Cet auteur donne le nom d'Adamites aux juifs, comme étant sortis d'Adam ; et celui de Préadamites aux Gentils, supposant qu'ils existaient longtemps avant Adam.

La Pereyre voyant que l'Ecriture paraissait contraire à son système, eut recours à l'antiquité fabuleuse des Egyptiens et des Chaldéens, et à quelques rabbins mal-sensés, qui ont feint qu'il y avait eu un autre monde avant celui dont parle Moïse.

Il fut pris en Flandres par des inquisiteurs qui le traitèrent fort mal, mais il appela de leur sentence à Rome où il alla, et où il fut très-bien reçu du pape Alexandre VII. il y imprima une rétractation de son livre des préadamites, et s'étant retiré à Notre-Dame des Vertus, il y mourut converti.

Voici une idée générale du système de cet auteur ; selon lui, les premiers hommes sont ceux d'où sont sortis les Gentils, et Adam fut le père de la race choisie, de la nation juive. Moïse n'eut jamais l'intention de nous tracer l'histoire de tous les hommes, mais seulement du peuple hébreu et de ceux qui lui ont donné naissance, ne parlant des autres qu'autant qu'ils ont rapport aux affaires des Hébreux. Il dit de plus, que le déluge de Noè ne fut pas universel, et qu'il ne s'étendit que sur les pays où la race d'Adam se trouvait ; qu'Adam ayant désobéi à Dieu, introduisit le péché dans le monde et en infecta toute sa postérité, mais que les Gentils descendus des préadamites, n'ayant reçu ni la loi, ni aucun commandement de Dieu, ne tombèrent point dans la prévarication, quoique leur vie ne fût point exempte de crime ; mais ces crimes ne leur étaient point imputés. C'était pour ainsi dire des péchés matériels dont Dieu ne se tenait point offensé, à cause de l'ignorance de ceux qui les commettaient. Il fonde surtout cette dernière prétention sur ces paroles de l'épitre aux Romains, chap. Ve jusqu'à la loi il y avait des péchés dans le monde : or on n'imputait pas les péchés n'y ayant point de loi, d'où il forme ce raisonnement. Il faut entendre ici la loi qui fut donnée à Moïse, ou celle qui fut donnée à Adam. Si on l'entend de la loi de Moïse, il s'ensuivra qu'il y a eu des péchés avant et jusqu'à Moïse, mais que Dieu ne les imputait point, ce qui est faux, témoin la punition de Caïn, des Sodomites, etc. Si on l'entend d'une loi donnée à Adam, il y avait donc avant lui des hommes à qui les péchés n'étaient pas imputés.

On répond à cette difficulté, que la loi dont parle S. Paul est la loi donnée à Moïse, et la même dont il dit : Je n'ai connu le péché que par la loi ; car je ne saurais pas ce que c'est que la concupiscence, si la loi ne disait, tu ne convoiteras pas. Il est certain que c'est la loi de Moïse qui fait cette défense ; l'Apôtre ne dit pas qu'avant la loi de Moïse, il y avait des péchés que Dieu n'imputait pas, mais qu'avant la loi de Moïse il y avait des péchés dans le monde, et que l'on n'impute point de péché, lorsqu'il n'y a point de loi. Ces deux choses sont très-différentes et très-bien distinguées ; la première énonce un fait, et la seconde est un axiome ou un principe de droit. Si donc il y a eu avant Moïse des péchés imputés, il y a eu aussi une loi donnée à Adam. Ce qui justifie cette interprétation du passage de l'Apôtre, c'est que le texte grec porte , c'est-à-dire on impute et non pas on imputait. Mais en lisant même comme la vulgate, on imputait, on donne au même texte un sens qui n'est pas plus favorable à la Pereyre ; en disant qu'avant la loi de Moïse, il y avait au monde des péchés que l'on n'imputait pas, parce que c'étaient des péchés de pensée et de concupiscence, qui n'étaient pas encore défendus par cette loi ; car il est clair que dans S. Paul, il s'agit de la loi de Moïse.

Au reste, la Pereyre n'est pas le premier inventeur de ce système. S. Clément d'Alexandrie dans ses hypotiposes, croyait la matière éternelle, la métempsycose, et qu'il y avait eu plusieurs mondes avant Adam. Julien l'apostat était dans l'opinion qu'il y avait eu plusieurs hommes créés au commencement, et c'est aussi le sentiment de plusieurs orientaux, qui assurent qu'il y avait eu trois Adam créés avant celui que nous reconnaissons pour le premier homme. Les musulmants croient communément que les pyramides d'Egypte ont été élevées avant Adam, par Gian-bien-Gian, monarque universel du monde avant la création du premier homme ; et que quarante solimants ou monarques universels de la terre y ont régné successivement avant qu'Adam parut. D'Herbelot. Bibl. orient. pag. 311. et 820.