S. f. (Théologie) cérémonie religieuse chez les Juifs et les Mahométans. Elle consiste à couper le prépuce des mâles qui doivent ou veulent faire profession de la religion judaïque ou musulmane. Voyez PREPUCE.

La circoncision a été et est encore d'usage parmi d'autres peuples, mais non comme un acte de religion : ces nations la pratiquent pour des fins et par des raisons différentes, comme nous le dirons après avoir parlé de cette cérémonie chez les Juifs et chez les Musulmants.

La circoncision a commencé au temps d'Abraham, à qui Dieu la prescrivit comme le sceau de l'alliance que Dieu avait faite avec ce patriarche. Voici le pacte que vous observerez, lui dit le Seigneur (Genèse, c. XVIIe Ve 10.) entre moi et vous, et votre postérité après vous. Tous les mâles qui sont parmi vous seront circoncis ; afin que cela soit une marque de l'alliance entre moi et vous. L'enfant de huit jours sera circoncis, tant les enfants libres et domestiques, que les esclaves et les étrangers qui seront à vous. L'enfant dont la chair ne sera pas circoncise, sera exterminé de mon peuple, parce qu'il a rendu inutîle mon alliance.

Ce fut l'an du monde 1208 qu'Abraham âgé pour lors de quatre-vingt-dix-neuf ans, reçut cette loi, en conséquence de laquelle il se circoncit lui-même, et donna à son fils Ismaèl, et à tous les esclaves de sa maison la circoncision, qui depuis ce temps a été une pratique héréditaire pour ses descendants. Dieu en réitera le précepte à Moyse (Exode XIIe 44. 48. et Lévitiq. XIIe Ve 3.), et la circoncision fut depuis comme la marque distinctive des enfants d'Abraham d'avec les autres peuples, que les Juifs appelaient par mépris incirconcis, comme n'ayant point de part à l'alliance que Dieu avait faite avec Abraham. Tacite, hist. liv. V. reconnait expressément que la circoncision était une espèce de stigmate qui distinguait les Juifs des autres nations. Genitalia, dit-il, circumcidere instituêre, ut diversitate noscantur. C'est aussi ce que témoignent plusieurs autres ecclésiastiques, et entr'autres S. Jérôme sur l'épitre aux Galates : ne soboles dilecti Abraham caeteris nationibus misceretur, et paulatim familia ejus fieret incerta, gregem Israeliticum quoddam circumcisionis cauterio annotavit.

Celse et Julien qui cherchaient à détruire le Christianisme en sappant les fondements de la révélation judaïque, objectaient qu'Abraham était venu de Chaldée en Egypte, où il avait trouvé l'usage de la circoncision établi, et qu'il l'avait emprunté des Egyptiens ; et par conséquent qu'elle n'était pas le signe distinctif du peuple choisi de Dieu. Le chevalier Marsham et M. Leclerc ont ressuscité ce système, fondés sur quelques passages d'Hérodote et de Diodore de Sicile. Le premier de ces historiens, liv. II. chap. xxv. et xxvj. dit que les Egyptiens reçoivent la circoncision, coutume qui n'est connue que de ceux à qui ils l'ont communiquée (c'est-à-dire des Juifs) : il ajoute que les enfants de la Colchide l'ayant reçue des premiers, l'avaient transmise aux peuples qui habitent les rives du Thermodoon et du Parthenius, et que les Syriens et les Phéniciens la tenaient aussi des Egyptiens. Diodore de Sicîle dit à-peu-près la même chose.

Mais pourquoi tous ces peuples n'auraient-ils pas au contraire pratiqué la circoncision, à l'imitation des Juifs, quoique ce ne fût pas pour la même fin ? car 1°. le témoignage d'Hérodote sur les antiquités égyptiennes, est très-suspect ; et Manethon auteur égyptien lui reproche bien des faussetés à cet égard ; l'autorité de Moyse, en qualité de simple historien, vaut bien celle d'Hérodote et de Diodore de Sicile. 2°. Abraham qui avait voyagé et fait quelque séjour en Egypte, en sortit sans être circoncis ; ce ne fut que par un ordre exprès de Dieu qu'il pratiqua sur lui-même et sur sa famille la circoncision ; et l'on a plus de vraisemblance à assurer que les Egyptiens reçurent la circoncision des enfants de Jacob et de leurs descendants, qui demeurèrent longtemps en Egypte, qu'à le nier, comme fait Marsham, sur la seule autorité de deux historiens très-postérieurs à Moyse, et qui devaient être infiniment moins bien instruits que lui des coutumes d'Egypte ; mais Marsham voulait trouver toute la religion des Juifs dans celle des Egyptiens, et tout lui paraissait démonstratif en faveur de cette opinion absurde et ruinée depuis longtemps. 3°. Il est certain que la pratique de la circoncision était fort différente chez les Juifs et chez les Egyptiens ; les premiers la regardaient comme un devoir essentiel de religion et d'obligation étroite pour les mâles seulement, sur lesquels on la pratiquait le huitième jour après leur naissance, sous les peines portées par la loi ; chez les autres, c'était une affaire d'usage, de propreté, de raison, de santé, même selon quelques-uns, de nécessité physique ; on n'en faisait l'opération qu'au treizième jour, souvent beaucoup plus tard, et elle était pour les filles aussi-bien que pour les garçons. 4°. Enfin l'obligation de circoncire tous les mâles n'avait jamais passé en loi générale chez les Egyptiens : S. Ambraise, Origène, S. Epiphane et Josephe attestent qu'il n'y avait que les Prêtres, les Géomètres, les Astronomes, les Astrologues et les savants dans la langue hiéroglyphique, qui fussent astreints à cette cérémonie, à laquelle, suivant S. Clément d'Alexandrie, stromat. liv. I. Pythagore en voyageant en Egypte voulut bien se soumettre, pour être initié dans les mystères des prêtres de ce pays, et apprendre les secrets de leur philosophie occulte.

Mais ce qui ruine entièrement le système de Marsham, c'est qu'Artapane cité dans Eusebe, préparat. évangel. liv. IX. chap. xxviij. assure que ce fut Moyse qui communiqua la circoncision aux prêtres égyptiens. D'autres pensent encore, avec beaucoup de vraisemblance, qu'elle ne fut en usage parmi eux que sous le règne de Salomon. Du reste ni alors, ni même longtemps après, le commun du peuple n'était pas circoncis parmi les Egyptiens, puisque Ezéchiel, ch. xxxj. Ve 18. et xxxij. Ve 19. et Jérémie, ch. IXe Ve 24. et 25. comptent ce peuple parmi les nations incirconcises. Abraham n'a donc point emprunté d'eux l'usage de la circoncision.

Chez les anciens Hébreux la loi n'avait rien prescrit de particulier, ni sur le ministre, ni sur l'instrument de la circoncision : le père de l'enfant ou un autre parent, ou un chirurgien, quelquefois même un prêtre, pouvait faire cette cérémonie. On se servait d'un rasoir ou d'un couteau. Séphora femme de Moyse circoncit son fils Eliézer avec une pierre tranchante, exod. IVe Ve 25. Josué en usa de même envers les Israélites qui n'avaient pas reçu la circoncision dans le désert, Jos. Ve vers. 2. c'était probablement de ces pierres faites en forme de couteaux, que les Egyptiens se servaient pour ouvrir les corps des personnes qu'ils embaumaient. Les Galles ou prêtres de Cybele se mutilaient avec une pierre tranchante ou un têt de pot cassé, ne le pouvant faire autrement sans se mettre en danger de la vie, si l'on en croit Pline, hist. nat. liv. XXXV. ch. XIIe

Chez les Juifs modernes le père doit faire circoncire son fils au huitième jour, et non auparavant ; mais bien après, si l'enfant est infirme ou trop faible pour soutenir l'opération. Voici les principales cérémonies qui s'y pratiquent. Il y a un parrain pour tenir et ajuster l'enfant sur ses genoux pendant qu'on le circoncit, et une marraine pour le porter de la maison à la synagogue, et pour le rapporter. Celui qui le circoncit s'appelle en hébreu mohel, c'est-à-dire circonciseur ; et cette fonction est en grand honneur parmi les Juifs. On reconnait ceux qui l'exercent ordinairement parce qu'ils ont les ongles des pouces fort longs, pour l'usage dont nous parlerons bientôt. Le père de l'enfant fait quelquefois l'office du mohel, et même dans sa maison, car il n'est pas toujours de nécessité qu'on aille à la synagogue. Quand la cérémonie se fait dans ce dernier lieu, au jour indiqué on place dès le matin deux sièges avec des carreaux de soie ; l'un de ces sièges est pour le parrain qui tient l'enfant ; l'autre demeure vide, et est destiné au prophète Elie, qui, comme se l'imaginent les Juifs, assiste invisiblement à toutes les circoncisions. Le mohel apporte les instruments nécessaires ; savoir un plat, un rasoir, des poudres astringentes, du linge, de la charpie, et de l'huîle rosat, et quelquefois une écuelle avec du sable, pour y mettre le prépuce coupé. On chante quelque cantique en attendant la marraine, qui apporte l'enfant sur ses bras accompagnée d'une troupe de femmes, dont aucune ne passe la porte de la synagogue. C'est-là que la marraine donne l'enfant au parrain, et aussi-tôt tous les assistants s'écrient baruth-haba, le bien venu. Le parrain s'assied et ajuste l'enfant sur ses genoux ; le mohel prend le rasoir, et dit : Béni soyez-vous, Seigneur, qui nous avez commandé la circoncision. En prononçant ces mots il prend avec des pinces d'argent ou avec ses doigts la grosse peau du prépuce, la coupe, puis avec ses ongles il déchire une autre peau plus déliée qui reste : il suce deux ou trois fois le sang qui abonde, et le rejette dans une tasse pleine de vin ; ensuite il met sur la plaie du sang-dragon, de la poudre de corail, et d'autres drogues pour étancher le sang ; puis il applique des compresses imbibées d'huîle rosat, et il enveloppe le tout. Il reprend ensuite la tasse, bénit le vin mêlé de sang, en mouille les lèvres de l'enfant, en disant ces paroles d'Ezéchielel, ch. XVIe vers. 4. Et j'ai dit : vis en ton sang. Il prononce une autre bénédiction pour l'enfant, auquel il impose le nom qu'on souhaite. On récite après cela le pseaume 128, et l'on reporte l'enfant à la maison de ses parents. R. Léon de Modene, des cérémon. des Juifs. Voyez aussi le grand diction. de la bible de M. Simon, au mot circoncision ; et le dictionnaire de la bible du P. Calmet, sur le même mot.

La circoncision, dans l'antiquité, n'était cérémonie religieuse que pour les Juifs ; mais lorsque d'autres peuples qui la pratiquaient pour d'autres fins et d'autres raisons, comme nous l'avons dit, voulaient embrasser le Judaïsme, la réitérait-on ? Dom Calmet assure que quand les Juifs recevaient un prosélyte d'une nation où la circoncision était en usage, comme un samaritain, un arabe, un égyptien, s'il avait déjà reçu la circoncision, on se contentait de lui tirer quelques gouttes de sang de l'endroit où l'on donne la circoncision, et ce sang s'appelait le sang de l'alliance. Il ajoute que trois témoins assistaient à cette cérémonie, afin de la rendre plus authentique, qu'on y bénissait Dieu, et qu'on y récitait cette prière : O Dieu ! faites-nous trouver dans la loi les bonnes œuvres et votre protection, comme vous avez introduit cet homme dans votre alliance.

Les juifs apostats s'efforçaient d'effacer en eux-mêmes la marque de la circoncision. Le texte du premier livre des Macchabées, ch. j. vers. 16. l'insinue clairement : Fecerunt sibi praeputia, et recesserunt à testamento sancto ; et S. Paul, dans la prem. aux Corinth. ch. VIIe vers. 18. semble craindre que les Juifs convertis au Christianisme n'en usassent de même : Circumcisus si aliquis vocatus est, non adducat praeputium.

S. Jérôme, Rupert et Haimon nient la possibilité du fait, et croient que la marque de la circoncision est tellement ineffaçable, que rien n'est capable de supprimer cette marque dans la chair du circoncis. Selon eux, ce qu'on lit dans les Macchabées doit s'entendre des pères qui ne voulaient pas donner la circoncision à leurs enfants. S. Jérôme donne d'ailleurs une explication forcée du passage de saint Paul, qu'on peut voir dans le P. Lami, introduct. à l'Ecrit. sainte, liv. I. ch. j. p. 7. mais, ajoute ce dernier auteur, si l'autorité de l'Ecriture et de Josephe, liv. XII. ch. VIe des antiq. jud. ne suffisait pas, on pourrait ajouter celle des plus fameux médecins, qui prétendent qu'on peut effacer les marques de la circoncision. En effet Celse et Galien ont traité exprès cette matière ; et Bartholin, de morb. biblic. cite Aeginete et Fallope, qui ont enseigné le secret de couvrir les marques de cette opération. Buxtorf le fils, dans sa lettre à Bartholin, confirme ce fait par l'autorité même des Juifs.

Quoi qu'il en sait, la circoncision telle qu'on la recevait, avait pour effet naturel de distinguer les Juifs des autres peuples : mais outre cela elle avait divers effets moraux ; elle servait à rappeler aux Juifs qu'ils descendaient du père des croyans, du père du Messie selon la chair ; elle servait à les rendre imitateurs de la foi de ce grand homme, et à croire au Messie qui lui avait été promis ; elle était un symbole de la circoncision du cœur, selon Moyse. deuteron. xxx. vers. 6. et même selon Philon, de circumcisione, elle obligeait le circoncis à l'observation de toute la loi, Galat. ch. Ve vers. 3. enfin elle était la figure du baptême. Mais malgré les éloges excessifs que lui donnent les rabbins, M. Fleuri, dans les mœurs des Israélites, observe que les Juifs n'avaient point de sentiment unanime sur la nécessité de la circoncision ; les uns la regardant comme un devoir essentiel, les autres comme un simple devoir de bienséance.

Les Théologiens la considèrent comme un sacrement de l'ancienne loi, en ce qu'elle était un signe de l'alliance de Dieu avec la postérité d'Abraham : Propter hoc, dit S. Thomas, in lib. IV. sentent. dist. 1. quaest. j. art. 2. ad. IVe quaest. quia in Abraham fides primò habuit quasi notabilem quantitatem, ut propter fidei religionem ab aliis separaretur ; ideo ei signaculum, sive sacramentum fidei determinatum fuit, scilicet circumcisio. Mais quelle grâce ce sacrement conférait-il, et comment la conférait-il ?

S. Augustin a prétendu que la circoncision remettait le péché originel aux enfants. Voici ses paroles, liv. IV. de nuptiis et concupiscent. cap. IIe Ex quò instituta est circumcisio in populo Dei, quod erat tunc signaculum justitiae fidei ad significationem purgationis valebat, et parvulis originalis veterisque peccati. C'est ce qu'il répète dans ses livres contre Pélage et Caelestius, contre Julien et contre la lettre de Petilien. S. Gregoire le grand n'est pas moins formel dans ses traités de morale sur Job : Quod apud nos valet gratia baptismatis, dit-il, liv. IV. ch. IIIe hoc egit apud vetères vel pro parvulis sola fides, vel pro majoribus virtus sacrificii, vel pro iis qui ex Abrahae stirpe prodierunt mysterium circumcisionis. Le vénérable Bede, S. Fulgence, S. Prosper, embrassent la même doctrine, ainsi que plusieurs théologiens distingués, tels que le maître des sentences, qui dit expressément, Fuit circumcisionis sacramentum idem conferents remedium contra peccatum, quod nunc baptismus praestat. Alexandre de Halès, Scot, Durand, S. Bonaventure et Estius, pensent de même : ces deux derniers ont même été jusqu'à avancer que la circoncision conférait la grâce ex opère operato, comme parle l'école, c'est-à-dire de la même manière que la confèrent les sacrements de la loi nouvelle.

Quelque respectables que soient toutes ces autorités, elles ne sont cependant pas infaillibles ; et le sentiment le plus commun des Théologiens est, après S. Thomas, que la circoncision n'avait point été instituée pour servir de remède au péché originel. 1°. Le texte de la genese cité au commencement de cet article, ne donne la circoncision que comme un signe d'alliance entre Dieu et son peuple, et nullement comme un remède à la tache originelle. 2°. S. Paul écrivant aux Romains, enseigne expressément qu'Abraham reçut le signe de la circoncision, qui était comme le sceau de la justice qu'il avait eue avant que d'être circoncis : Et signum accepit circumcisionis justitiae fidei, quae est in praeputio. Rom. IVe vers. 11. 3°. Tous les Peres, avant S. Augustin, ont soutenu unanimement que la circoncision n'avait point la vertu d'effacer le péché originel : Abraham, dit S. Justin, dans son dialogue avec Tryphon circumcisionem accepit in signum non ad justitiam, quemadmodum et scripturae et res ipsae nos fateri cogunt.... et quod genus mulièbre circumcisionis carnalis capax non est ; satis id ostendit in signum datam circumcisionem istam, non ut justitiae opus. S. Irenée, liv. IV. ch. XVIe s'exprime ainsi : Circumcisionem non quasi justitiae consummatricem, sed in signo eam dedit Deus, ut cognoscibîle perseveret genus Abrahae. Et Tertullien dans son ouvrage contre les Juifs, ch. IIe Si circumcisio purgat hominem, Deus Adam incircumcisum cum faceret, cur eum non circumcidit, vel postquam deliquit, si purgat circumcisio ? S. Cyprien, liv. I. contre les Juifs, ch. VIIIe saint Chrysostome, homélie xxvij. sur la gènes. S. Ambraise, épit. 72. S. Epiphane, héres. VIIIe Théodoret, Théophilacte, Oecuménius, enfin une foule de commentateurs et de théologiens, sont de ce sentiment : les principales raisons dont ils l'appuient sont 1°. que le péché originel étant commun aux deux sexes, il n'eut été ni de la sagesse ni de la bonté de Dieu de priver le sexe féminin du remède à ce péché : 2°. pourquoi les Juifs auraient-ils interrompu l'usage de la circoncision pendant les quarante ans qu'ils voyagèrent dans le désert, où il est probable que plusieurs moururent sans l'avoir reçue ? pourquoi eut-il fallu attendre au huitième jour, les enfants ne pouvaient-ils pas être surpris par la mort dans cet intervalle ? 3°. ni Philon le juif, ni les rabbins anciens et modernes qui affectent d'exalter la circoncision, ne lui ont jamais attribué la vertu d'effacer le péché originel.

L'autorité de S. Augustin n'est donc ici d'aucun poids : il lisait ou dans les Septante ou dans l'ancienne vulgate : tout enfant mâle dont la chair n'aura pas été circoncise le huitième jour, sera exterminé de son peuple, parce qu'il a violé mon alliance. Mais ces mots, le huitième jour, ne se lisent ni dans l'hébreu ni dans notre vulgate qui est faite sur l'hébreu. 2°. S. Augustin croyait que ces mots, sera exterminé de son peuple, signifiaient sera condamné à l'enfer ; et dans l'usage de l'Ecriture ; et selon le sentiment commun des interpretes, ils signifient simplement, ou être puni de mort, ou être enlevé de ce monde par une mort précipitée, ou être séparé du corps des Israélites, ou être privé des grâces et des prérogatives attachées à l'alliance de Dieu avec Abraham. 3°. C'est de cette dernière alliance qu'il s'agit uniquement dans ces mots, il a violé mon alliance, et non de celle que Dieu avait faite avec nos premiers pères, et que nous avons tous violée dans la personne d'Adam, comme se le persuadait S. Augustin, faute d'attention au texte du chap. XVIIe de la gen. où le mot pactum, alliance, est répeté jusqu'à huit fais, mais toujours rélativement aux engagements que Dieu imposait à Abraham.

Quoique la circoncision ne remit pas le péché originel, elle conférait quelques grâces, mais moins abondantes, moins efficaces que les grâces de la loi évangélique. Elle ne les conférait pas néanmoins par sa propre force, mais par les mérites et les bonnes dispositions de ceux qui la recevaient ou qui l'administraient, ex opère operantis, comme on parle dans l'école, et non pas ex opère operato, ainsi que ceux de la loi nouvelle ; c'est la doctrine du concîle de Florence et du concîle de Trente. Voyez la dissert. de Dom Calmet sur les effets de la circoncision, à la tête de son commentaire sur l'épitre aux Romains.

L'origine et l'usage de la circoncision chez d'autres peuples que les Hébreux, est facîle à démontrer ; mais tous l'ont tirée d'Abraham et de ses descendants. Ismaèl chassé de la maison de ce patriarche, la communiqua au peuple dont il fut le père, c'est-à-dire aux Ismaélites et aux Arabes ; et de ceux-ci elle a été transmise aux Sarrasins, aux Turcs, et à tous les peuples qui professent la doctrine de Mahomet. Les Phéniciens et les Syriens la pratiquaient aussi. Sanchoniathon cité par Eusebe, préparat. évangél. liv. I. dit que Saturne qui est nommé Israèl par les Phéniciens n'ayant qu'un fils nommé Jeud, l'immola sur un autel qu'il avait dressé à son père dans le ciel : et qu'ayant pris la circoncision, il contraignit tous ses soldats d'en faire de même. De-là est venu parmi les Phéniciens la coutume qu'avaient les princes d'immoler leur fils dans les plus pressantes nécessités de l'état ; et de-là vient aussi apparemment l'usage de la circoncision parmi ce peuple. Ce récit est visiblement l'histoire d'Abraham altérée par des fables, comme on en rencontre beaucoup de semblables dans les fragments de Sanchoniathon, qu'Eusebe nous a conservés. Les Iduméens, quoique descendus d'Abraham et d'Isaac, ne se firent circoncire que depuis que Jean Hircan les eut subjugués et forcés à recevoir la circoncision, comme Josephe le raconte, antiq. jud. liv. XIII. ch. XVIIe

Les Turcs ont une manière de circoncire différente de celle des Juifs ; car après avoir coupé la peau du prépuce, ils n'y touchent plus, au lieu que les Juifs déchirent en plusieurs endroits les bords de la peau qui restent après la circoncision : c'est pourquoi les Juifs circoncis guérissent plus facilement que les Turcs. Ceux-ci avant la circoncision pressent aussi la peau à plusieurs reprises avec des petites pinces, pour l'engourdir et diminuer la douleur : ils la coupent ensuite avec un rasoir, puis ils mettent sur la plaie quelques poudres qui la guérissent. Mais comme ils ne croient pas cette cérémonie nécessaire au salut, ils ne la font à leurs enfants que quand ceux-ci ont atteint l'âge de 7 ou 8 ans. On voit dans les mémoires de l'Etoîle sous l'année 1581 qu'Amurat III. voulant faire circoncire son fils ainé âgé d'environ quatorze ans, envoya un ambassadeur à Henri III. pour le prier d'assister à cette cérémonie, qui devait se célébrer à Constantinople au mois de Mai de l'année suivante. Les ligueurs, et surtout leurs prédicateurs, prenaient occasion de cette ambassade d'appeler Henri III. le roi turc, et lui reprochaient qu'il était parrain du fils du grand-seigneur.

Les Persans ne circoncisent leurs enfants qu'à treize ans, ainsi que les Arabes, en mémoire d'Ismaèl qui ne fut circoncis qu'à cet âge. Ceux de Madagascar coupent la chair à trois différentes reprises, et font beaucoup souffrir les enfants : celui des parents qui se saisit le premier du prépuce coupé, l'avale. Herrera parle d'une espèce de circoncision en usage chez les Mexicains, quoiqu'ils n'eussent aucune connaissance du Judaïsme ni du Mahométisme : elle consistait à couper le prépuce et les oreilles aux enfants si-tôt qu'ils étaient nés. En réchappait-il beaucoup de cette opération ?

A l'égard de la circoncision des femmes, elle n'a jamais été en usage chez les anciens Hébreux, non plus que chez les Juifs modernes, mais seulement chez les Egyptiens, et dans quelques endroits de l'Arabie et de la Perse. S. Ambraise, lib. II. de Abraham. cap. XIe avance indéfiniment que les Egyptiens donnent la circoncision aux hommes et aux femmes au commencement de la quinzième année ; et Strabon, liv. XVII. dit aussi que les femmes égyptiennes reçoivent la circoncision. M. Huet dit à ce sujet des choses assez curieuses, dans une note latine sur Origène que nous transcrirons ici : Circumcisio foeminarum fit resectione (imo clitoridis), quae pars in Australium praesertim mulieribus it a excrescit, ut ferro sit coercenda. Ita tradunt medici insignes, Paulus Aegineta, lib. VI. cap. lxx. Aetius, tetrab. IVe ser. 4. cap. ciij. quorum hic ita pergit. Quapropter Aegyptiis visum est, ut antequam exuberet (pars illa corporis) amputetur, tum praecipuè cum virgines nubiles sunt elocandae..... Quod igitur necessitate primum invectum est, religioni post modum usurpatum fuit : quod et aliqui de virili circumcisione opinati sunt. Porro hanc consuetudinem circumcidendarum mulierum hodieque retinere Aegyptios, ferunt ii qui regiones illas lustraverunt, ignemque ad compescendam partis hujus luxuriem adhiberi, scribit Belon. lib. III. observ. cap. xxviij. Morem hunc servare foeminas in Persiâ, et cophtas etiam in Aethiopiâ, Christi licet nomen professas. Leo Africanus, lib. VIII. narrat Mahummedi lege id praescribi, quamvis in Aegypto tantum et Syriâ obtineat ; munusque id obire vetulas quasdam per vicos Cairi ministerium suum venditantes.

Paul Jove et Munster disent que la circoncision est en usage chez les sujets du Prête-Jean ou les Abyssins, même pour les femmes ; que c'est pour elles une marque de noblesse ; mais qu'on ne la donne qu'à celles qui prétendent descendre de Nicaulis reine de Saba, celle qui vint voir Salomon. Il est fort probable que c'est des anciens Egyptiens ou des Arabes que les peuples d'Afrique ont reçu la circoncision.

Les Juifs modernes ne font point recevoir cette marque à leurs filles ; mais au commencement du mois, après que la mère est relevée de ses couches, elle Ve à la synagogue ; là le chantre dit une bénédiction en faveur de la petite fille, et lui impose le nom que le père ou la mère désirent. Chez les juifs d'Allemagne cette cérémonie ne se fait point à la synagogue, mais au logis de l'accouchée, où le chantre se rend pour cet effet. (G)

CIRCONCISION de Notre-Seigneur Jesus-Christ, fête qui se célèbre dans l'Eglise romaine en mémoire de la circoncision du Sauveur, qui n'étant pas venu, comme il le dit lui-même, pour enfreindre la loi, mais pour l'accomplir, voulut bien s'y soumettre en ce point. On croit communément que ce fut dans Bethléem, et selon saint Epiphane, dans la grotte ou il était né. Il reçut dans cette cérémonie le nom de Jesus, c'est-à-dire, Sauveur. Luc, c. XIe Ve 21.

On appelait autrefois cette fête l'octave de la Nativité, et elle ne fut établie sous le nom de circoncision que dans le VIIe siècle, et alors seulement en Espagne. En France, le premier de Janvier, jour auquel elle tombe, était un jour de pénitence et de jeune pour expier les superstitions et les dereglements auxquels on se livrait en ce temps-là, et qui étaient un reste du paganisme. A ces divertissements profanes qui furent entièrement abolis, suivant l'avis de la faculté de Théologie de Paris, en 1444, on a substitué une fête solennelle qu'on célèbre par toute l'Eglise, et qui est aussi la véritable fête du nom de Jesus. (G)