S. m. (Théologie) considéré en lui-même et quant à sa simple étymologie, signifie obligation, devoir, charge et fonction d'une mère : quasi matris munus ou munium.

A le prendre dans son sens théologique et naturel, il désigne l'union volontaire et maritale d'un homme et d'une femme, contractée par des personnes libres pour avoir des enfants. Le mariage est donc 1°. une union soit des corps, parce que ceux qui se marient s'accordent mutuellement un pouvoir sur leurs corps ; soit des esprits, parce que la bonne intelligence et la concorde doivent régner entr'eux. 2°. Une union volontaire, parce que tout contrat suppose par sa propre nature le consentement mutuel des parties contractantes. 3° Une union maritale, pour distinguer l'union des époux d'avec celle qui se trouve entre les amis ; l'union maritale étant la seule qui emporte avec elle un droit réciproquement donné sur le corps des personnes qui la contractent. 4°. L'union d'un homme et d'une femme, pour marquer l'union des deux sexes et le sujet du mariage 5°. Une union contractée par des personnes libres. Toute personne n'est pas par sa propre volonté, et indépendamment du consentement de toute autre, en droit de se marier. Autrefois les esclaves ne pouvaient se marier sans le consentement de leurs maîtres, et aujourd'hui, dans les états bien policés, les enfants ne peuvent se marier sans le consentement de leurs parents ou tuteurs, s'ils sont mineurs, ou sans l'avoir requis, s'ils sont majeurs. Voyez MAJEURS et MINEURS. 6°. Pour avoir des enfants : la naissance des enfants est le but et la fin du mariage.

Le mariage peut être considéré sous trois différents rapports, ou comme contrat naturel, ou comme contrat civil, ou comme sacrement.

Le mariage considéré comme sacrement, peut être défini l'alliance ou l'union légitime par laquelle un homme et une femme s'engagent à vivre ensemble le reste de leurs jours comme mari et épouse, que Jesus-Christ a institué comme le signe de son union avec l'Eglise, et à laquelle il a attaché des grâces particulières pour l'avantage de cette société et pour l'éducation des enfants qui en proviennent.

Le sentiment des Catholiques à ce sujet, est fondé sur un texte précis de l'apôtre saint Paul dans son épitre aux Ephésiens, ch. Ve et sur plusieurs passages des Peres, qui établissent formellement que le mariage des Chrétiens est le signe sensible de l'alliance de Jesus-Christ avec son Eglise, et qu'il confère une grâce particulière, et c'est ce que le concîle de Trente a décidé comme de foi, sess. 24, can. 1. On croit que Jesus-Christ éleva le mariage à la dignité de sacrement, lorsqu'il honora de sa présence les noces de Cana. Tel est le sentiment de saint Cyrille dans sa lettre à Nestorius ; de saint Epiphane, heres. 67. de saint Maxime, homél. 1. sur l'épiphanie ; de saint Augustin, tract. 9. sur saint Jean. Les Protestants ne comptent pas le mariage au nombre des sacrements.

On convient que l'obligation de regarder le mariage en qualité de sacrement n'était pas un dogme de foi bien établi dans le douzième et treizième siècles. Saint Thomas, saint Bonaventure et Scot n'ont osé définir qu'il fût de foi que le mariage fût un sacrement. Durand et d'autres scolastiques ont même avancé qu'il ne l'était pas. Mais l'Eglise assemblée à Trente a décidé la question.

Au reste, quand on dit que le mariage est un sacrement proprement dit de la loi de grâce, on ne prétend pas pour cela que tous les mariages que les Chrétiens contractent soient autant de sacrements. Cette prérogative n'est propre qu'à ceux qui sont célébrés suivant les lois et les cérémonies de l'Eglise. Selon quelques théologiens, il y a des mariages valides qui ne sont point sacrements, quoique Sanchez prétende le contraire. Un seul exemple fera voir qu'il s'est trompé. Deux personnes infidèles, mariées dans le sein du paganisme ou de l'hérésie, embrassent la religion chrétienne, le mariage qu'elles ont contracté subsiste sans qu'on puisse dire qu'il est un sacrement. La raison est qu'il ne l'était pas dans le moment de sa célébration, et qu'on ne le réhabilite point lorsque les parties abjurent l'infidélité. Les sentiments sont plus partagés sur les mariages contractés par procureur, on convient généralement qu'ils sont valides ; mais ceux qui leur refusent le titre de sacrement, comme Melchior Cano, lib. VIII. de loc. theologic. c. Ve remarquent qu'il n'est pas vraisemblable que Jesus-Christ ait promis de donner la grâce sanctifiante par une cérémonie à laquelle n'assiste pas celui qui devrait la recevoir, à laquelle il ne pense souvent pas dans le temps qu'on la fait. D'autres prétendent que ces mariages sont de vrais sacrements, puisqu'il s'y rencontre forme, matière, ministre de l'Eglise, et institution de Jesus-Christ ; que d'ailleurs l'Eglise en juge, et par conséquent qu'elle ne les regarde pas comme de simples contrats civils.

Les Théologiens ne conviennent pas non plus entr'eux sur la matière ni sur la forme du mariage considéré comme sacrement. 1°. L'imposition des mains du prêtre, le contrat civil, le consentement intérieur des parties, la tradition mutuelle des corps, et les parties contractantes elles-mêmes, sont autant de choses que différents scolastiques assignent pour la matière du sacrement dont il s'agit. 2°. Il n'y a pas tant de division sur ce qui constitue la forme du mariage : les uns disent qu'elle consiste dans les paroles par lesquelles les contractants se déclarent l'un à l'autre qu'ils se prennent mutuellement pour époux ; et les autres enseignent qu'elle se réduit aux paroles et aux prières du prêtre.

Sur ces diverses opinions il est bon d'observer 1°. que ceux qui assignent pour la matière du sacrement de mariage les personnes mêmes qui s'épousent en face d'église, confondent le sujet du sacrement avec la matière du sacrement. 2°. Que ceux qui prétendent que le consentement intérieur des parties, manifesté au-dehors par des signes ou par des paroles est la matière du sacrement de mariage, ne font pas attention qu'ils confondent la matière avec les dispositions qui doivent se trouver dans ceux qui se marient, ou, pour mieux dire, avec la cause efficiente du mariage. 3°. Que ceux qui soutiennent que la tradition mutuelle des corps est la matière du mariage, confondent l'effet de ce sacrement avec sa matière. 4°. Dire que le sacrement de mariage peut se faire sans que le prêtre y contribue en rien, c'est confondre le contrat civil du mariage avec le mariage considéré comme sacrement.

Le sentiment le plus suivi est que le sacrement de mariage a pour matière le contrat civil que les deux parties font ensemble, et pour forme les prières et la bénédiction sacerdotale. La raison en est que tous les missels, rituels, eucologes, que le P. Martenne a donnés au public, nous apprennent que les prêtres ont toujours béni les noces, cette bénédiction a toujours été regardée comme le sceau qui confirme les promesses respectives des parties. C'est ce qui a fait dire à Tertullien, lib. II. ad uxor. que les mariages des fidèles sont confirmés par l'autorité de l'Eglise. Saint Ambraise parle dans une de ces lettres de la bénédiction nuptiale donnée par le prêtre, et de l'imposition du voîle sur l'époux et sur l'épouse ; et le quatrième concîle de Carthage veut que les nouveaux mariés gardent la continence la première nuit de leurs nôces par respect pour la bénédiction sacerdotale.

De-là il s'ensuit que les prêtres sont les ministres du sacrement de mariage, qu'ils n'en sont pas simplement les témoins nécessaires et principaux, et qu'on ne peut dire avec fondement que les personnes qui se marient s'administrent elles-mêmes le sacrement, par le mutuel consentement qu'elles se donnent en présence du curé et des témoins. Tertullien dit que les mariages cachés, c'est-à-dire, qui ne sont pas faits en présence de l'Eglise, sont soupçonnés de fornication et de débauche, lib. de pudic. c. VIe par conséquent, dès les premiers temps de l'Eglise, il n'y avait de conjonctions légitimes d'hommes et de femmes qu'autant que les ministres de l'Eglise les avaient eux-mêmes bénies et consacrées. Dans tous les autres sacrements les ministres sont distingués de ceux qui les reçoivent. Sur quel fondement prétend-on que le mariage seul soit exempt de cette règle ? Le concîle de Trente a exigé la présence du propre curé des parties, et l'ordonnance de Blais a adopté la disposition.

La fin du mariage est la procréation légitime des enfants qui deviendront membres de l'Eglise, et auxquels les pères et mères doivent donner une éducation chrétienne.

MARIAGE, s. m. (Droit naturel) la première, la plus simple de toutes les sociétés, et celle qui est la pépinière du genre humain. Une femme, des enfants, sont autant d'otages qu'un homme donne à la fortune, autant de nouvelles relations et de tendres liens, qui commencent à germer dans son âme.

Par-tout où il se trouve une place où deux personnes peuvent vivre commodément, il se fait un mariage, dit l'auteur de l'esprit des lais. La nature y conduit toujours, lorsqu'elle n'est point arrêtée par la difficulté de la subsistance. Le charme que les deux sexes inspirent par leur différence, forme leur union ; et la prière naturelle qu'ils se font toujours l'un à l'autre en confirme les nœuds :

O Vénus, ô mère de l'amour !

Tout reconnait tes lais....

Les filles que l'on conduit par le mariage à la liberté, qui ont un esprit qui n'ose penser, un cœur qui n'ose sentir, des yeux qui n'osent voir, des oreilles qui n'osent entendre, condamnées sans relâche à des préceptes et à des bagatelles, se portent nécessairement au mariage : l'empire aimable que donne la beauté sur tout ce qui respire, y engagera bien-tôt les garçons. Telle est la force de l'institution de la nature, que le beau sexe se livre invinciblement à faire les fonctions dont dépend la propagation du genre humain, à ne pas se rebuter par les incommodités de la grossesse, par les embarras de l'éducation de plusieurs enfants, et à partager le bien et le mal de la société conjugale.

La fin du mariage est la naissance d'une famille, ainsi que le bonheur commun des conjoints, ou même le dernier séparément, selon Wollaston. Quoi qu'il en sait, celui qui joint la raison à la passion, qui regarde l'objet de son amour comme exposé à toutes les calamités humaines, ne cherche qu'à s'accommoder à son état et aux situations où il se trouve. Il devient le père, l'ami, le tuteur de ceux qui ne sont pas encore au monde. Occupé dans son cabinet à débrouiller une affaire épineuse pour le bien de sa famille, il croit que son attention redouble lorsqu'il entend ses enfants, pour l'amour desquels il n'épargne aucun travail, courir, sauter et se divertir dans la chambre voisine. En effet, dans les pays où les bonnes mœurs ont plus de force que n'ont ailleurs les bonnes lais, on ne connait point d'état plus heureux que celui du mariage. " Il a pour sa part, dit Montagne, l'utilité, la justice, l'honneur et la constance. C'est une douce société de vie, pleine de fiance et d'un nombre infini de bons, de solides offices, et obligations mutuelles : à le bien façonner, il n'est point de plus belle pièce dans la société. Aucune femme qui en savoure le gout, ne voudrait tenir lieu de simple maîtresse à son mari ".

Mais les mœurs qui dans un état commencent à se corrompre, contribuent principalement à dégoûter les citoyens du mariage, qui n'a que des peines pour ceux qui n'ont plus de sens pour les plaisirs de l'innocence. Ecoutez ceci, dit Bacon. Quand on ne connaitra plus de nations barbares, et que la politesse et les arts auront énervé l'espèce, on verra dans les pays de luxe les hommes peu curieux de se marier, par la crainte de ne pouvoir pas entretenir une famille ; tant il en coutera pour vivre chez les nations policées ! voilà ce qui se voit parmi nous ; voilà ce que l'on vit à Rome, lors de la décadence de la république.

On sait quelles furent les lois d'Auguste, pour porter ses sujets au mariage. Elles trouvèrent mille obstacles ; &, trente-quatre ans après qu'il les eut données, les chevaliers romains lui en demandèrent la révocation. Il fit mettre d'un côté ceux qui étaient mariés, et de l'autre ceux qui ne l'étaient pas : ces derniers parurent en plus grand nombre, ce qui étonna les citoyens et les confondit. Auguste avec la gravité des anciens censeurs, leur tint ce discours.

" Pendant que les maladies et les guerres nous enlèvent tant de citoyens, que deviendra la ville si on ne contracte plus de mariages ? la cité ne consiste point dans les maisons, les portiques, les places publiques : ce sont les hommes qui font la cité. Vous ne verrez point comme dans les fables sortir des hommes de dessous la terre pour prendre soin de vos affaires. Ce n'est point pour vivre seuls que vous restez dans le célibat : chacun de vous a des compagnes de sa table et de son lit, et vous ne cherchez que la paix dans vos dérèglements. Citerez-vous l'exemple des vierges vestales ? Donc, si vous ne gardiez pas les lois de la pudicité, il faudrait vous punir comme elles. Vous êtes également mauvais citoyens, soit que tout le monde imite votre exemple, soit que personne ne le suive. Mon unique objet est la perpétuité de la république. J'ai augmenté les peines de ceux qui n'ont point obéi ; et à l'égard des récompenses, elles sont telles que je ne sache pas que la vertu en ait encore eu de plus grandes : il y en a de moindres qui portent mille gens à exposer leur vie ; et celles-ci ne vous engageraient pas à prendre une femme et à nourrir des enfants ".

Alors cet empereur publia les lois nommées Pappia-Poppaea, du nom des deux consuls de cette année. La grandeur du mal paraissait dans leur élection même : Dion nous dit qu'ils n'étaient point mariés et qu'ils n'avaient point d'enfants. Constantin et Justinien abrogèrent les lois pappiennes, en donnant la prééminence au célibat ; et la raison de spiritualité qu'ils en apportèrent imposa bien-tôt la nécessité du célibat même. Mais, sans parler ici du célibat adopté par la religion catholique, il est dumoins permis de se récrier avec M. de Montesquieu contre le célibat qu'a formé le libertinage : " Ce célibat où les deux sexes se corrompant par les sentiments naturels même, fuient une union qui doit les rendre meilleurs pour vivre dans celle qui rend toujours pire. C'est une règle tirée de la nature, que plus on diminue le nombre des mariages qui pourraient se faire, plus on corrompt ceux qui sont faits ; moins il y a de gens mariés, moins il y a de fidélité dans les mariages, comme lorsqu'il y a plus de voleurs, il y a plus de vols ".

Il résulte de cette réflexion, qu'il faut rappeler à l'état du mariage les hommes qui sont sourds à la voix de la nature ; mais cet état peut-il être permis sans le consentement des pères et mères ? Ce consentement est fondé sur leur puissance, sur leur amour, sur leur raison, sur leur prudence, et les institutions ordinaires les autorisent seuls à marier leurs enfants. Cependant, selon les lois naturelles, tout homme est maître de disposer de son bien et de sa personne. Il n'est point de cas où l'on puisse être moins gêné que dans le choix de la personne à laquelle on veut s'unir ; car qui est-ce qui peut aimer par le cœur d'autrui, comme le dit Quintilien ? J'avoue qu'il y a des pays où la facilité de ces sortes de mariages sera plus ou moins nuisible ; je sais qu'en Angleterre même les enfants ont souvent abusé de la loi pour se marier à leur fantaisie, et que cet abus a fait naître l'acte du parlement de 1753. Cet acte a cru devoir joindre des formes, des termes et des gênes à la grande facilité des mariages ; mais il se peut que des contraintes pareilles nuiront à la population. Toute formalité restrictive ou gênante est destructive de l'objet auquel elle est imposée : quels inconvénients si fâcheux a donc produit dans la Grande-Bretagne, jusqu'à présent, cette liberté des mariages, qu'on ne puisse supporter ? des disproportions de naissance et de fortunes dans l'union des personnes ? Mais qu'importent les mésalliances dans une nation où l'égalité est en recommandation, où la noblesse n'est pas l'ancienneté de la naissance, où les grands honneurs ne sont pas dû. privativement à cette naissance, mais où la constitution veut qu'on donne la noblesse à ceux qui ont mérité les grands honneurs ; l'assemblage des fortunes les plus disproportionnées n'est-il pas de la politique la meilleure et la plus avantageuse à l'état ? C'est cependant ce vil intérêt peut-être, qui, plus que l'honnêteté publique, plus que les droits des pères sur leurs enfants, a si fort insisté pour anéantir cette liberté des mariages : ce sont les riches plutôt que les nobles qui ont fait entendre leurs imputations : enfin, si l'on compte quelques mariages que l'avis des parents eut mieux assortis que l'inclination des enfants (ce qui est presque toujours indifférent à l'état), ne sera-ce pas un grand poids dans l'autre côté de la balance, que le nombre des mariages, que le luxe des parents, le désir de jouir, le chagrin de la privation, peuvent supprimer ou retarder, en faisant perdre à l'état les années précieuses et trop bornées de la fécondité des femmes ?

Comme un des grands objets du mariage est d'ôter toutes les incertitudes des unions illégitimes, la religion y imprime son caractère, et les lois civiles y joignent le leur, afin qu'il ait l'authenticité requise de légitimation ou de réprobation. Mais pour ce qui regarde la défense de prohibition de mariage entre parents, c'est une chose très-délicate d'en fixer le point par les lois de la nature.

Il n'est pas douteux que les mariages entre les ascendants et les descendants en ligne directe, ne soient contraires aux lois naturelles comme aux civiles ; et l'on donne de très-fortes raisons pour le prouver.

D'abord le mariage étant établi pour la multiplication du genre humain, il est contraire à la nature que l'on se marie avec une personne à qui l'on a donné la naissance, ou médiatement ou immédiatement, et que le sang rentre pour ainsi dire dans la source dont il vient. De plus, il serait dangereux qu'un père ou une mère ayant conçu de l'amour pour une fille ou un fils, n'abusassent de leur autorité pour satisfaire une passion criminelle, du vivant même de la femme ou du mari à qui l'enfant doit en partie la naissance. Le mariage du fils avec la mère confond l'état des choses : le fils doit un très-grand respect à sa mère ; la femme doit aussi du respect à son mari ; le mariage d'une mère avec son fils renverserait dans l'un et dans l'autre leur état naturel.

Il y a plus : la nature a avancé dans les femmes le temps où elles peuvent avoir des enfants, elle l'a reculé dans les hommes ; &, par la même raison, la femme cesse plutôt d'avoir cette faculté, et l'homme plus tard. Si le mariage entre la mère et le fils était permis, il arriverait presque toujours que, lorsque le mari serait capable d'entrer dans les vues de la nature, la femme en aurait passé le terme. Le mariage entre le père et la fille répugne à la nature comme le précédent ; mais il y répugne moins parce qu'il n'a point ces deux obstacles. Aussi les Tartares qui peuvent épouser leurs filles, n'épousent-ils jamais leurs mères.

Il a toujours été naturel aux pères de veiller sur la pudeur de leurs enfants. Chargés du soin de les établir, ils ont dû leur conserver et le corps le plus parfait, et l'âme la moins corrompue, tout ce qui peut mieux inspirer des désirs, et tout ce qui est le plus propre à donner de la tendresse. Des pères toujours occupés à conserver les mœurs de leurs enfants, ont dû avoir un éloignement naturel pour tout ce qui pourrait les corrompre. Le mariage n'est point une corruption, dira-t-on ; mais, avant le mariage, il faut parler, il faut se faire aimer, il faut séduire ; c'est cette séduction qui a dû faire horreur. Il a donc fallu une barrière insurmontable entre ceux qui devaient donner l'éducation et ceux qui devaient la recevoir, et éviter toute sorte de corruption, même pour cause légitime.

L'horreur pour l'inceste du frère avec la sœur a dû partir de la même source. Il suffit que les pères et mères aient voulu conserver les mœurs de leurs enfants et leur maison pure, pour avoir inspiré à leurs enfants de l'horreur pour tout ce qui pouvait les porter à l'union des deux sexes.

La prohibition du mariage entre cousins-germains a la même origine. Dans les premiers temps, c'est-à-dire, dans les âges où le luxe n'était point connu, tous les enfants restaient dans la maison et s'y établissaient : c'est qu'il ne fallait qu'une maison très-petite pour une grande famille, comme on le vit chez les premiers Romains. Les enfants des deux frères, ou les cousins-germains, étaient regardés et se regardaient entr'eux comme frères. L'éloignement qui était entre les frères et sœurs pour le mariage, était donc aussi entre les cousins-germains.

Que si quelques peuples n'ont point rejeté les mariages entre les pères et les enfants, les sœurs et les frères, c'est que les êtres intelligens ne suivent pas toujours leurs lais. Qui le dirait ! Des idées religieuses ont souvent fait tomber les hommes dans ces égarements. Si les Assyriens, si les Perses ont épousé leurs mères, les premiers l'ont fait par un respect religieux pour Sémiramis ; et les seconds, parce que la religion de Zoroastre donnait la préférence à ces mariages. Si les Egyptiens ont épousé leurs sœurs, ce fut encore un délire de la religion égyptienne qui consacra ces mariages en l'honneur d'Isis. Comme l'esprit de la religion est de nous porter à faire avec effort des choses grandes et difficiles, il ne faut pas juger qu'une chose soit naturelle parce qu'une religion fausse l'a consacrée. Le principe que les mariages entre les pères et les enfants, les frères et les sœurs, sont défendus pour la conservation de la pudeur naturelle dans la maison, doit servir à nous faire découvrir quels sont les mariages défendus par la loi naturelle, et ceux qui ne peuvent l'être que par la loi civile.

Les lois civiles défendent les mariages lorsque, par les usages reçus dans un certain pays, ils se trouvent être dans les mêmes circonstances que ceux qui sont défendus par les lois de la nature ; et elles les permettent lorsque les mariages ne se trouvent point dans ce cas. La défense des lois de la nature est invariable, parce qu'elle dépend d'une chose invariable ; le père, la mère et les enfants habitent nécessairement dans la maison. Mais les défenses des lois civiles sont accidentelles ; les cousins-germains et autres habitant accidentellement dans la maison.

On demande enfin quelle doit être la durée de la société conjugale selon le droit naturel, indépendamment des lois civiles : je réponds que la nature même et le but de cette société nous apprennent qu'elle doit durer très-longtemps. La fin de la société entre le mâle et la femelle n'étant pas simplement de procréer, mais de continuer l'espèce, cette société doit durer du moins même, après la procréation, aussi longtemps qu'il est nécessaire pour la nourriture et la conservation des procréés, c'est-à-dire, jusqu'à ce qu'ils soient capables de pourvoir eux-mêmes à leurs besoins. En cela consiste la principale et peut-être la seule raison, pour laquelle le mâle et la femelle humains sont obligés à une société plus longue que n'entretiennent les autres animaux. Cette raison est que la femme est capable de concevoir, et se trouve d'ordinaire grosse d'un nouvel enfant longtemps avant que le précédent soit en état de pourvoir lui-même à ses besoins. Ainsi le mari doit demeurer avec sa femme jusqu'à ce que leurs enfants soient grands et en âge de subsister par eux-mêmes, ou avec les biens qu'ils leur laissent. On voit que par un effet admirable de la sagesse du Créateur, cette règle est constamment observée par les animaux mêmes destitués de raison.

Mais quoique les besoins des enfants demandent que l'union conjugale de la femme et du mari dure encore plus longtemps que celles des autres animaux, il n'y a rien, ce me semble, dans la nature et dans le but de cette union, qui demande que le mari et la femme soient obligés de demeurer ensemble toute leur vie, après avoir élevé leurs enfants et leur avoir laissé de quoi s'entretenir. Il n'y a rien, dis-je, qui empêche alors qu'on n'ait à l'égard du mariage la même liberté qu'on a en matière de toute sorte de société et de convention : de sorte que moyennant qu'on pourvoie d'une manière ou d'autre à cette éducation, on peut régler d'un commun accord, comme on le juge à propos, la durée de l'union conjugale, soit dans l'indépendance de l'état de nature, ou lorsque les lois civiles sous lesquelles on vit n'ont rien déterminé là-dessus. Si de-là il nait quelquefois des inconvéniens, on pourrait y en opposer d'autres aussi considérables, qui résultent de la trop longue durée ou de la perpétuité de cette société. Et après tout, supposé que les premiers fussent plus grands, cela prouverait seulement que la chose serait sujette à l'abus, comme la polygamie, et qu'ainsi, quoiqu'elle ne fût pas mauvaise absolument et de sa nature, on devrait s'y conduire avec précaution. (D.J.)

MARIAGE, matrimonium, conjugium, connubium, nuptiae, consortium, (Jurisprudence) considéré en général, est un contrat civil et politique, par lequel un homme est uni et joint à une femme, avec intention de rester toujours unis ensemble.

Le principal objet de cette société est la procréation des enfants.

Le mariage est d'institution divine, aussi est-il du droit des gens et en usage chez tous les peuples, mais il s'y pratique différemment.

Parmi les Chrétiens, le mariage est un contract civil, revêtu de la dignité du sacrement de mariage.

Suivant l'institution du mariage, l'homme ne doit avoir qu'une seule femme, et la femme ne peut avoir qu'un seul mari. Il est dit dans la Genèse que l'homme quittera son père et sa mère pour rester avec sa femme, et que tous deux ne feront qu'une même chair.

Lamech fut le premier qui prit plusieurs femmes ; et cette contravention à la loi du mariage déplut tellement à Dieu, qu'il prononça contre Lamech une peine plus sévère que celle qu'il avait infligée pour l'homicide ; car il déclara que la vengeance du crime de Lamech serait poursuivie pendant soixante-dix-sept générations, au lieu que par rapport à Caïn il dit seulement que celui qui le tuerait, serait puni sept fais.

Le droit civil défend la pluralité des femmes et des maris. Cependant Jules César avait projeté une loi pour permettre la pluralité des femmes, mais elle ne fut pas publiée ; l'objet de cette loi était de multiplier la procréation des enfants. Valentinien I. voulant épouser une seconde femme outre celle qu'il avait déjà, fit une loi, portant qu'il serait permis à chacun d'avoir deux femmes, mais cette loi ne fut pas observée.

Les empereurs romains ne furent pas les seuls qui défendirent la polygamie. Athalaric, roi des Goths et des Romains, fit la même défense. Jean Métropolitain, que les Moscovites honorent comme un prophète, fit un canon, portant que si un homme marié quittait sa femme pour en épouser une autre, ou que la femme changeât de même de mari, ils seraient excommuniés jusqu'à ce qu'ils revinssent à leur premier engagement.

Gontran, roi d'Orléans, fut excommunié, parce qu'il avait deux femmes.

La pluralité des femmes fut permise chez les Athéniens, les Parthes, les Thraces, les Egyptiens, les Perses ; elle est encore d'usage chez les Payens, et particulièrement chez les Orientaux : ce grand nombre de femmes qu'ils ont, diminue la considération qu'ils ont pour elles, et fait qu'ils les regardent plutôt comme des esclaves que comme des compagnes.

Mais il n'y a jamais eu que des peuples barbares qui aient admis la communauté des femmes, ou bien certains hérétiques, tels que les Nicolaïtes, les Gnostiques et les Epiphanistes, les Anabaptistes.

En Arabie, plusieurs d'une même famille n'avaient qu'une femme pour eux tous.

En Lithuanie, les femmes nobles avaient outre leurs maris plusieurs concubins.

Sur la côte de Malabar, les femmes des naires, qui sont les nobles, peuvent avoir plusieurs maris, quoique ceux-ci ne puissent avoir qu'une femme.

Dans certains pays, le prince ou le seigneur du lieu avait droit de coucher avec la nouvelle mariée la première nuit de ses noces. Cette coutume barbare qui avait lieu en Ecosse, y fut abolie par Malcome, et convertie en une retribution pécuniaire. En France, quelques seigneurs s'étaient arrogé des droits semblables, ce que la pureté de nos mœurs n'a pu souffrir.

Comme il n'y a rien de si naturel que le mariage, et si nécessaire pour le soutien des états, on doit toujours favoriser ces sortes d'établissements.

L'éloignement que la plupart des hommes avaient pour le mariage, soit par amour pour leur liberté, soit par la crainte des suites que cet engagement entraîne après soi, obligea dans certains temps de faire des lois contre le célibat. Voyez CELIBAT.

En France, les nouveaux mariés sont exemts de la collecte du sel pendant un an.

Quoique le mariage consiste dans l'union des corps et des esprits, le consentement des contractants en fait la base et l'essence, tellement que le mariage est valablement contracté, quoiqu'il n'ait point été consommé, pourvu qu'au temps de la célébration l'un ou l'autre des conjoints ne fût pas impuissant.

Pour la validité du mariage, il ne faut en général d'autre consentement que celui des deux contractants, à moins qu'ils ne soient en la puissance d'autrui.

Ainsi les princes et les princesses du sang ne peuvent se marier sans le consentement du roi.

Dans le royaume de Naples, les officiers ne peuvent pareillement se marier sans la permission du roi ; il est défendu aux évêques de souffrir qu'ils se fasse de pareils mariages dans leur diocese. Autrefois, en France, le gentilhomme qui n'avait que des filles perdait sa terre s'il les mariait sans le consentement de son seigneur ; et la mère en ayant la garde qui les mariait sans ce même consentement, perdait ses meubles. L'héritière d'un fief, après la mort de son père, ne pouvait pas non plus être mariée sans le consentement de son seigneur : cet usage subsistait encore du temps de saint Louis, suivant les établissements ou ordonnances qu'il fit.

Les enfants mineurs ne peuvent se marier sans le consentement de leurs père et mère.

Suivant le droit romain, observé dans tous les parlements de droit écrit, le mariage n'émancipe pas ; mais dans toutes les coutumes et dans les pays de droit écrit du ressort du parlement de Paris, le mariage opère une émancipation tacite.

Ceux qui n'ont plus leurs père et mère et qui sont encore mineurs, ne peuvent se marier sans avis de parents ; le consentement de leur tuteur ou curateur, ne suffit pas pour autoriser le mariage.

Pour la validité du mariage, il faut un consentement libre, c'est pourquoi le mariage ne peut subsister entre le ravisseur et la personne ravie.

On regarde comme un devoir de la part du père de marier ses filles, et de les doter selon ses moyens ; les filles ne peuvent cependant contraindre leur père à le faire.

Le mariage parmi nous est quelquefois précédé de promesses de mariage, et ordinairement il l'est par des fiançailles.

Les promesses de mariage se font ou par des articles et contrats devant un notaire, ou par des promesses sous seing privé.

Ces promesses pour être valables, doivent être accompagnées de plusieurs circonstances.

La première, qu'elles soient faites entre personnes ayant l'âge du puberté, et qui soient capables de se marier ensemble.

La seconde, qu'elles soient par écrit, soit sous seing privé ou devant notaire. L'art. VIIe de l'ordonnance de 1679 défend à tous juges, même d'Eglise, d'en recevoir la preuve par témoins.

La troisième, qu'elles soient réciproques et faites doubles entre les parties contractantes, quand il n'y en a point de minute.

La quatrième, qu'elles soient arrêtées en présence de quatre parents de l'une et l'autre des parties, quoiqu'elles soient de basse condition ; c'est la disposition de l'art. VIIe de l'ordonnance de 1679, ce qui ne s'observe néanmoins que pour les mariages de mineurs.

Quand une des parties contrevient aux promesses de mariage, l'autre la peut faire appeler devant le juge d'Eglise pour être condamnée à les entretenir.

Le chapitre litteris veut que l'on puisse contraindre par censures ecclésiastiques d'accomplir les promesses de mariage ; c'est une décision de rigueur et de séverité, fondée sur le parjure qu'encourent ceux qui contreviennent à leur foi et à leur serment ; et pour obvier à ce parjure, on pensait autrefois que c'était un moindre mal de contraindre au mariage ; mais depuis les choses plus murement examinées, l'on a trouvé que ce n'est point un parjure de résilier des promesses de mariage, on présume qu'il y a quelque cause légitime qu'on ne veut pas déclarer, et quand il n'y aurait que le seul changement de volonté, il doit être suffisant, puisque la volonté doit être moins forcée au mariage qu'en aucune autre action ; c'est pour ce sujet qu'ont été faites les decrétales praeterea et requisivit, par lesquelles la liberté est laissée toute entière pour contracter mariage, quelques promesses que l'on puisse alléguer.

Autrefois, dans quelques parlements, on condamnait celui qui avait ravi une personne mineure à l'épouser, sinon à être pendu ; mais cette jurisprudence dont on a reconnu les inconvéniens, est présentement changée, on ne condamne plus à épouser.

Il est vrai qu'en condamnant une partie en des dommages et intérêts pour l'inexécution des promesses de mariage, on met quelquefois cette alternative si mieux n'aime l'épouser, mais cette alternative laisse la liberté toute entière de faire ou ne pas faire le mariage.

Les peines apposées dans les promesses de mariage sont nulles, parce qu'elles ôtent la liberté qui doit toujours accompagner les mariages, on accorde néanmoins quelquefois des dommages et intérêts selon les circonstances ; mais si l'on avait stipulé une somme trop forte, elle serait réductible, parce que ce serait un moyen pour obliger d'accomplir le mariage, soit par l'impossibilité de payer le dédit, soit par la crainte d'être ruiné en le payant.

Les fiançailles sont les promesses d'un mariage futur qui se font en face d'Eglise ; elles sont de bienséance et d'usage, mais non pas de nécessité ; elles peuvent se contracter par toutes sortes de personnes, âgées du moins de sept ans, du consentement de ceux qui les ont en leur puissance. Voyez FIANÇAILLES.

Le contrat civil du mariage est la matière, la base, le fondement et la cause du sacrement de mariage, c'est pourquoi il doit être parfait en soi pour être élevé à la dignité de sacrement ; car Dieu n'a pas voulu sanctifier toute conjonction, mais seulement celles qui se font suivant les lois reçues dans la société civile, de manière que quand le contrat civil est nul par le défaut de consentement légitime, le sacrement n'y peut être attaché.

Le contrat ne produit jamais d'effets civils lorsqu'il n'y a point de sacrement : il arrive même quelquefois que le contrat ne produit point d'effets civils, quoique le sacrement soit parfait ; savoir, lorsque le contrat n'est pas nul par le défaut de consentement légitime, mais par le défaut de quelque formalité requise par les lois civiles, qui n'est pas de l'essence du mariage, suivant les lois de l'Eglise.

Toute personne qui a atteint l'âge de puberté, peut se marier.

Les lois avaient défendu mariage d'un homme de 60 ans et d'une femme de 50, mais Justinien leva cet obstacle, et il est permis à tout âge de se marier.

On peut contracter mariage avec toutes les personnes, à l'égard desquelles il n'y a point d'empêchement.

Ces empêchements sont de deux sortes ; les uns empêchent seulement de contracter mariage, lorsqu'il n'est pas encore célébré ; les autres, qu'on appelle dirimants, sont tels qu'ils obligent de rompre le mariage lors même qu'il est célébré. Voyez EMPECHEMENT.

L'ordonnance de Blais et l'édit de 1697 enjoignent aux curés et vicaires de s'informer soigneusement de la qualité de ceux qui veulent se marier ; et en cas qu'ils ne les connaissent pas, de s'en faire instruire par quatre personnes dignes de foi, qui certifieront la qualité des contractants ; et s'ils sont enfants de famille, ou en la puissance d'autrui, il est expressément défendu aux curés et vicaires de passer outre à la célébration des mariages, s'il ne leur apparait du consentement des père, mère, tuteur et curateur, sur peine d'être punis comme fauteurs de crime de rapt.

Il est aussi défendu par l'ordonnance de Blais à tous tuteurs d'accorder ou consentir le mariage de leurs mineurs, sinon avec l'avis et consentement de leurs plus proches parents, tant paternels que maternels, sur peine de punition exemplaire.

Si les parties contractantes sont majeurs de 25 ans accomplis, le défaut de consentement des père et mère n'opère pas la nullité du mariage ; mais les parties, quoique majeurs de 25 ans, sont obligées de demander par écrit le consentement de leurs père et mère, et à leur défaut de leurs ayeul et ayeule, pour se mettre à couvert de l'exhérédation, et n'être pas privés des autres avantages qu'ils ont reçus de leurs père et mère, ou qu'ils peuvent espérer en vertu de leur contrat de mariage ou de la loi.

Il suffit aux filles majeures de 25 ans de requérir ce consentement, sans qu'elles soient obligées de l'attendre plus longtemps : à l'égard des garçons, ils sont obligés d'attendre ce consentement jusqu'à 30 ans, autrement ils s'exposent à l'exhérédation et à toutes les peines portées par les ordonnances.

Néanmoins quand la mère est remariée, le fils âgé de 25 ans peut lui faire les sommations respectueuses.

Les enfants mineurs des père et mère qui sont sortis du royaume sans permission et se sont retirés dans les pays étrangers, peuvent en leur absence contracter mariage, sans attendre ni demander le consentement de leurs père et mère, ou de leurs tuteurs et curateurs, qui se sont retirés en pays étrangers, à condition néanmoins de prendre le consentement ou avis de six de leurs plus proches parents ou alliés, tant paternels que maternels ; et à défaut de parents, on doit appeler des amis. Cet avis de parents doit se faire devant le juge du lieu, le procureur d'office présent.

La déclaration du 5 Juin 1635 défend à toutes personnes de consentir sans la permission du roi que leurs enfants, ou ceux dont ils sont tuteurs ou curateurs, se marient en pays étranger, à peine des galeres perpétuelles contre les hommes, de bannissement perpétuel pour les femmes, et de confiscation de leurs biens.

Suivant les ordonnances, la publication des bans doit être faite par le curé de chacune des parties contractantes avec le consentement des père, mère, tuteur ou curateur : s'ils sont enfants de famille, ou en la puissance d'autrui, et cela par trois divers jours de fêtes avec intervalle compétent, on ne peut obtenir dispense de bans, sinon après la publication du premier, et pour cause légitime.

Quand les mineurs qui se marient demeurent dans une paraisse différente de celle de leurs père et mère, tuteurs ou curateurs, il faut publier les bans dans les deux paroisses.

On doit tenir un fidèle registre de la publication des bans, des dispenses, des oppositions qui y surviennent, et des main-levées qui en sont données par les parties, ou prononcées en justice.

Le défaut de publication de bans entre majeurs n'annulle pourtant pas le mariage.

La célébration du mariage pour être valable doit être faite publiquement en présence du propre curé ; c'est la disposition du concîle de Trente, et celle des ordonnances de nos rois ; et suivant la dernière jurisprudence, il faut le concours des deux curés.

Pour être réputé paraissien ordinaire du curé qui fait le mariage, il faut avoir demeuré pendant un temps suffisant dans sa paraisse ; ce temps est de six mois pour ceux qui demeuraient auparavant dans une autre paraisse de la même ville, ou dans le même diocese, et d'un an pour ceux qui demeuraient dans un autre diocese.

Lorsqu'il survient des oppositions au mariage, le curé ne peut passer outre à la célébration, à moins qu'on ne lui en apporte main-levée.

Outre les formalités dont on a déjà parlé, il faut encore la présence de quatre témoins.

Enfin c'est la bénédiction nuptiale qui donne la perfection au mariage ; jusques-là, il n'y a ni contrat civil, ni sacrement.

Les juges d'Eglise sont seuls compétens pour connaître directement des causes de mariage par voie de nullité, pour ce qui est purement spirituel et de l'essence du sacrement.

Cependant tous juges peuvent connaître indirectement du mariage, lorsqu'ils connaissent ou du rapt par la voie criminelle, ou du contrat par la voie civile.

Lorsque l'on appelle comme d'abus de la célébration du mariage, le Parlement est le seul tribunal qui en puisse connaître.

Le mariage une fois contracté valablement, est indissoluble parmi nous, car on ne connait point le divorce ; et quand il y a des empêchements dirimants, on déclare que le mariage a été mal célébré, en sorte qu'à proprement parler, ce n'est pas rompre le mariage, puisqu'il n'y en a point eu de valable.

La séparation même de corps ne rompt pas non plus le mariage.

L'engagement du mariage est ordinairement précédé d'un contrat devant notaire, pour régler les conventions des futurs conjoints.

Ce contrat contient la reconnaissance de ce que chacun apporte en mariage, et les avantages que les futurs conjoints se font réciproquement.

Dans presque tous les pays il est d'usage que le futur époux promet à sa future épouse un douaire ou autre gain nuptial, pour lui assurer sa subsistance après la mort de son mari ; autrefois les mariages se concluaient à la porte du moustier ou église ; tout se faisait sans aucun écrit, et ne subsistait que dans la mémoire des hommes ; de-là tant de prétextes pour annuller les mariages et pour se séparer.

On stipulait le douaire à la porte de l'église ; et c'est de-là que vient l'usage qui s'observe présentement dans l'église, que le futur époux, avant la bénédiction nuptiale, dit à sa future : Je vous doue du douaire qui a été convenu entre vos parents et les miens, et lui donne en signe de cet engagement, une pièce d'argent. Suivant le manuel de Beauvais, le mari dit en outre à sa femme : Je vous honore de mon corps, &c.

Il n'est pas nécessaire que le mariage ait été consommé pour que la femme gagne son douaire, si ce n'est dans quelques coutumes singulières, qui portent expressément, que la femme gagne son douaire au coucher ; comme celle de Normandie, celle de Ponthieu, et quelques autres ; on n'exige pourtant pas la preuve de la consommation ; elle est présumée dans ce cas, dès que la femme a couché avec son mari.

C'est au mari à acquitter les charges du mariage ; et c'est pour lui aider à les soutenir, que les fruits de la dot lui sont donnés.

Les seconds, troisiemes et autres mariages sont sujets à des lois particulières, dont nous parlerons au mot SECONDES NOCES.

Sur le mariage en général, voyez le Liv. V. du code de Paris, le tit. 1. jusqu'au 27. inclusivement ; le liv. IV. des decrétales ; les novelles 117. 140 ; l'édit d'Henri IV. de Février 1556 ; l'ordonnance d'Orléans, art. 3 ; l'ordonnance de Blais, art. 40. et suiv. l'édit de Melun, art. 25 ; l'édit d'Henri IV. de 1606, art. 12 ; l'ordonnance de Louis XIII. de 1629, art. 39. et 169 ; la déclaration de 1639 ; l'édit du mois de Mars 1697 ; les Mémoires du clergé, tome V ; les lois ecclésiastiques, de Hericourt ; la Bibliothèque canonique ; celle de Bouchel ; et celle de Jovet ; le dictionnaire de Brillon, au mot mariage ; et les auteurs qui ont traité du mariage, dont il donne une longue liste.

Il y a encore plusieurs observations à faire sur certains mariages, dont nous allons donner des notions dans les subdivisions suivantes.

MARIAGE ABUSIF, est celui dans la célébration duquel on a commis quelque contravention aux saints canons ou ordonnances du royaume, voyez ABUS, et ce qui a été dit ici du mariage en général.

MARIAGE ACCOMPLI signifie celui qui est célébré en face d'Eglise ; par le contrat de mariage les parties contractantes promettent se prendre en légitime mariage, et ajoutent ordinairement qu'il sera accompli incessamment. (A)

MARIAGE AVENANT en Normandie, est la légitime des filles, non mariées du vivant de leurs père et mère ; leur part se règle ordinairement au tiers de la succession, art. 256. de la cout. et en quelque nombre qu'elles soient, elles ne peuvent jamais demander plus que le tiers ; mais s'il y a plus de frères que de sœurs, en ce cas les sœurs n'auront pas le tiers, mais partageront également avec leurs frères puinés, art. 269. de la cout. parce que soit en bien noble ou en roture, soit par la coutume générale ou par la coutume de Caux, jamais la part d'une fille ne peut être plus forte, ni excéder la part d'un cadet puiné. Sur la manière dont le mariage avenant doit être liquidé, voyez Routier sur la cout. de Normandie, liv. IV. ch. iv. sect. iv. (A)

MARIAGE CACHE ou SECRET, est celui dans lequel on a observé toutes les formalités requises, mais dont les conjoints cherchent à ôter la connaissance au public en gardant entr'eux un extérieur contraire à l'état du mariage, soit qu'il n'y ait pas de cohabitation publique, ou que demeurant ensemble, ils ne se fassent pas connaître pour mari et femme.

Avant la déclaration du 26 Novembre 1639, ces sortes de mariages étaient absolument nuls à tous égards, au lieu que suivant cette déclaration, ils sont réputés valables quoad foedus et sacramentum.

Mais quand on les tient cachés jusqu'à la mort de l'un des conjoints, ils ne produisent point d'effets civils ; de sorte que la veuve ne peut prendre ni communauté, ni douaire, ni aucun des avantages portés par son contrat de mariage, les enfants ne succedent point à leurs père et mère.

On leur laisse néanmoins les qualités stériles de veuve et d'enfants légitimes, et on leur adjuge ordinairement une somme pour aliments ou une pension annuelle.

Les mariages cachés sont différents des mariages clandestins, en ce que ceux-ci sont faits sans formalités et ne produisent aucun effet civil ni autre. Voyez Soefve, tom. I. cent. iv. ch. xxvij. et tom. II. ch. lvij. et lxxj. Augeard, tom. I. ch. lj. et lx. et ci-après MARIAGE CLANDESTIN. (A)

MARIAGE CELEBRE, c'est lorsque l'homme et la femme qui sont convenus de s'épouser, ont reçu de leur propre curé la bénédiction nuptiale. Voyez MARIAGE CONTRACTE.

MARIAGE CHARNEL se dit par opposition au mariage spirituel ; on l'appelle charnel, parce qu'il comprend l'union des corps aussi-bien que celle des esprits. Voyez ci-après MARIAGE SPIRITUEL.

MARIAGE PER COEMPTIONEM, était une des trois formes de mariages usités chez les romains, avant qu'ils eussent embrassé la religion chrétienne, cette forme était la plus ancienne et la plus solennelle, et était beaucoup plus honorable pour la femme, que le mariage qu'on appelait per usum ou par usucapion.

On appelait celui-ci mariage per coemptionem, parce que le mari achetant solennellement sa femme, achetait aussi conséquemment tous ses biens ; d'autres disent que les futurs époux s'achetaient mutuellement ; ce qui est de certain, c'est que pour parvenir à ce mariage ils se demandaient l'un et l'autre ; savoir le futur époux à la future, si elle voulait être sa femme, et celle-ci demandait au futur époux s'il voulait être son mari ; et suivant cette forme, la femme passait en la main de son mari, c'est-à-dire, en sa puissance ou en la puissance de celui auquel il était lui-même soumis. La femme ainsi mariée était appelée justa uxor, tota uxor, mater-familias ; les cérémonies de cette sorte de mariage sont très-bien détaillées par M. Terrasson, dans son Histoire de la jurisprudence rom. Voyez aussi Loiseau, du déguerpissem. liv. II. ch. iv. n. 5. et Grégorius Tolosanus, in syntagm. juris, lib. IX. cap. Ve n. 24. de usucapion.

MARIAGE PAR CONFARREATION, per confarreationem, était aussi une forme de mariage usitée chez les Romains du temps du paganisme ; elle fut introduite par Romulus : les futurs époux se rendaient à un temple où l'on faisait un sacrifice en présence de dix témoins ; le prêtre offrait entr'autres choses un pain de froment et en dispersait des morceaux sur la victime ; c'était pour marquer que le pain, symbole de tous les autres biens, serait commun entre les deux époux et qu'ils seraient communs en biens, ce rit se nommait confarréation. La femme par ce moyen était commune en biens avec son mari, lequel néanmoins avait l'administration : lorsque le mari mourait sans enfants, elle était son héritière ; s'il y avait des enfants, la mère partageait avec eux : il parait que dans la suite cette forme devint particulière aux mariages des prêtres. Voyez Loiseau, du déguerpissem. liv. II. ch. iv. n. 5. Voyez Gregorius, in syntag. jur. liv. IX. ch. Ve n. 7. et M. Terrasson, Histoire de la jurisp. rom. (A)

MARIAGE CLANDESTIN, est celui qui est célebré sans y observer toutes les formalités requises pour la publicité des mariages, comme lorsqu'il n'y a pas le concours des deux curés, ou qu'il n'y a pas eu de publication de bans, ou du moins une dispense pour ceux qui n'ont pas été publiés.

Ces sortes de mariages sont nuls, du moins quant aux effets civils, ainsi les enfants qui en proviennent sont incapables de toutes successions directes et collatérales.

Mais la clandestinité ne fait pas toujours seule annuller un mariage, on le confirme quelquefois quoad faedus, ce qui dépend des circonstances, et néanmoins ces sortes de mariages ne produisent jamais d'effets civils. Voyez la biblioth. can. tom. II. page 78. (A)

MARIAGE DE CONSCIENCE, c'est un mariage secret ou dépourvu des formalités et conditions qui sont requises pour la publicité des mariages, mais qui ne sont pas essentielles pour la légitimité du contrat fait en face d'église, ni pour l'application du sacrement à ce contrat, on les appelle mariages de conscience, parce qu'ils sont légitimes devant Dieu, et dans le for intérieur, mais ils ne produisent point d'effets civils. Ces sortes de mariages peuvent quelquefois tenir un peu des mariages clandestins ; il peut cependant y avoir quelque différence, en ce qu'un mariage de conscience peut être célebré devant le propre curé, et même avec le concours des deux curés et avec dispense de bans ; c'est plutôt un mariage caché qu'un mariage clandestin.

Il y a aussi des mariages qui semblent n'être faits que pour l'acquit de la conscience, et qui ne sont point cachés ni clandestins, comme les mariages faits in extremis. Voyez MARIAGE IN EXTREMIS. (A)

MARIAGE CONSOMME, c'est lorsque depuis la bénédiction nuptiale les conjoints ont habité ensemble.

Le mariage quoique non-consommé n'en est pas moins valable, pourvu qu'on y ait observé toutes les formalités requises, et que les deux conjoints fussent capables de le consommer.

Un tel mariage produit tous les effets civils, tels que la communauté et le douaire ; il y a néanmoins quelques coutumes telles que celle de Normandie, qui par rapport au douaire, veulent que la femme ne le gagne qu'au coucher ; mais ces coutumes ne disent pas qu'il soit nécessaire précisément que le mariage ait été consommé.

Le mariage n'étant pas encore consommé, il est résolu de plein droit, quand l'une des deux parties entre dans un monastère approuvé et y fait profession religieuse par des vœux solennels, auquel cas celui qui reste dans le monde peut se remarier après la profession de celui qui l'a abandonné. Voyez le titre des décrétales, de conversione conjugatorum. (A)

MARIAGE CONTRACTE, n'est pas la convention portée par le contrat de mariage, car ce contrat n'est proprement qu'un simple projet, tant que le mariage n'est pas célebré, et ne prend sa force que de la célébration ; le mariage n'est contracté, que quand les parties ont donné leur consentement en face d'église, et qu'ils ont reçu la bénédiction nuptiale.

MARIAGE DISSOUS, est celui qui a été déclaré nul ou abusif ; c'est très-improprement que l'on se sert du terme de dissolution, car le mariage une fois valablement contracté est indissoluble ; ainsi par le terme dissous, on entend un prétendu mariage que l'on a jugé nul.

MARIAGE DISTINCT, DIVIS OU SEPARE, dans le duché de Bourgogne, signifie la dot ou mariage préfix, distinct et séparé du reste du bien des père et mère qui ont doté leurs filles, au moyen duquel mariage ou dot elles sont excluses des successions directes, au lieu qu'elles n'en sont pas excluses quand le mariage n'est pas divis, comme quand leur dot ou mariage leur est donné en avancement d'hoirie et sur la succession future. Voyez la cout. de Bourgogne, tit. des success. (A)

MARIAGE DIVIS. Voyez l'article ci-dessus.

MARIAGE OU DOT, ce que les père ou mère donnent en dot à leurs enfants en faveur de mariage est souvent appelé par abréviation le mariage des enfants. (A)

MARIAGE PAR ECHANGE, c'est lorsqu'un père marie sa fille dans une maison où il choisit une femme pour son fils, et qu'il subroge celle-ci à la place de sa propre fille pour lui succéder. Ces sortes de mariages sont principalement usités entre personnes de condition servile, pour obtenir plus facilement le consentement du seigneur ; il en est parlé dans la coutume de Nivernais, chap. XVIIIe art. xxxj. qui porte que gens de condition servîle peuvent marier leurs enfants par échange. Voyez le Gloss. de M. de Laurière au mot échange. (A)

MARIAGE ENCOMBRE, terme usité en Normandie pour exprimer une dot mal aliénée ; c'est lorsque la dot de la femme a été aliénée par le mari sans le consentement de la femme, ou par la femme sans l'autorisation de son mari. Le bref de mariage encombré dont il est parlé dans la coutume de Normandie, art. dxxxvij. équipole, dit cet article, à une reintégrande pour remettre les femmes en possession de leurs biens, moins que dû.ment aliénés durant leur mariage, ainsi qu'elles avaient lors de l'aliénation ; cette action possessoire doit être intentée par elles ou leurs héritiers dans l'an de la dissolution du mariage, sauf à eux à se pourvoir après l'an et jour par voie propriétaire, c'est-à-dire au pétitoire. Voyez Basnage et les autres Commentateurs sur cet article dxxxvij.

MARIAGE INCESTUEUX, est celui qui est contracté entre des personnes parentes dans un degré prohibé, comme les père et mère avec leurs enfants ou petits-enfants, à quelque degré que ce sait, les frères et sœurs, oncles, tantes, neveux et nièces, et les cousins et cousines jusques et compris le quatrième degré.

Il en est de même des personnes entre lesquelles il y a une alliance spirituelle, comme le parrain et la filleule, la marraine et le filleul, le parrain et la mère de l'enfant qu'il a tenu sur les fonts, la marraine et le père de l'enfant. Voyez INCESTE.

MARIAGE IN EXTREMIS, est celui qui est contracté par des personnes, dont l'une ou l'autre était dangereusement malade de la maladie dont elle est décédée.

Ces mariages ne laissent pas d'être valables lorsqu'ils n'ont point été précédés d'un concubinage entre les mêmes personnes.

Mais lorsqu'ils ont été commencés ab illicitis, et que le mariage n'a été contracté que dans le temps où l'un des futurs conjoints était à l'extrémité ; en ce cas ces mariages, quoique valables quant à la conscience, ne produisent aucuns effets civils, les enfants peuvent cependant obtenir des aliments dans la succession de leur père.

Avant l'ordonnance de 1639, un mariage célébré in extremis, avec une concubine, dont il y avait même des enfants, était valable, et les enfants légitimés par ce mariage, et capables de succéder à leurs père et mère ; mais l'art. VIe de cette ordonnance déclare les enfants nés de femmes que les pères ont entretenues, et qu'ils épousent à l'extrémité de la vie, incapables de toutes successions, tant directes que collatérales. (A)

FOR-MARIAGE. Voyez ci-devant à la lettre F le mot FOR-MARIAGE.

MARIAGE DE LA MAIN GAUCHE, c'est une espèce particulière de mariage qui est quelquefois pratiquée en Allemagne par les princes de ce pays ; lorsqu'ils épousent une personne de condition inférieure à la leur, ils lui donnent la main gauche aulieu de la droite. Les enfants qui proviennent d'un tel mariage sont légitimes et nobles, mais ils ne succedent point aux états du père, à moins que l'empire ne les réhabilite. Quelquefois le prince épouse ensuite sa femme de la main droite, comme fit le duc Georges-Guillaume de Lunebourg-à-Zell, qui épousa d'abord de la main gauche une demoiselle française, nommée Eléonore de Miers, du pays d'Aunis, et ensuite il l'épousa de la main droite. De ce mariage naquit Sophie-Dorothée, mariée à son cousin Georges, électeur d'Hanovre, et roi d'Angleterre, qui se sépara d'elle. Voyez le Tableau de l'empire Germanique, pag. 138. (A)

MARIAGE A LA GOMINE, on appelait ainsi les prétendus mariages que quelques personnes faisaient autrefois, sans bénédiction nuptiale, par un simple acte, par lequel les parties déclaraient au curé qu'ils se prenaient pour mari et femme : ces sortes d'actes furent condamnés dans les assemblées générales du clergé de 1670 et 1675 ; et par un arrêt du parlement du 5 Septembre 1680, il fut défendu à tous notaires de recevoir de pareils actes, ce qui fut confirmé par une déclaration du 15 Juin 1669. Voyez les Mémoires du clergé, tom. V. p. 720. et suiv. et l'Abrégé desdits mémoires, p. 851. (A)

MARIAGE A MORTGAGE, ce n'était pas un mariage contracté ad morganaticam, comme l'a cru M. Cujas sur la loi 26e. in fine, ff. de verb. oblig. c'était un mariage en faveur duquel une terre était donnée par le père ou la mère à leurs enfants, pour en percevoir les fruits jusqu'à ce qu'elle eut été rachetée. Pierre de Fontaines en son conseil chap. 15. n °. 14. dit que quand on a donné à la fille une terre en mariage, cela n'est pas contre la coutume, pourvu que cette terre revienne au père en cas de décès de la fille sans enfants ; mais que si l'on a donné à la fille des deniers en mariage, et une pièce de terre à mortgage pour les deniers ; que si la fille meurt sans enfants, la terre doit demeurer pour la moitié du nombre (de la somme) au mari ou à son héritier, selon ce qui a été convenu par le contrat. Voyez Boutillier, dans sa Somme, liv. I. tit. lxxviij. p. 458. Laisel dans ses Institutes, liv. III. tit. VIIe art. IIe et IIIe (A)

MARIAGE A LA MORGANATIQUE, ad morganaticam : on appelle ainsi en Allemagne les mariages dans lesquels le mari fait à la femme un don de noces, qui dans le langage du pays s'appelle morgengabe, de morgen qui veut dire matin, et de gabe qui signifie don, quasi matutinale donum. Depuis par corruption on l'a appelé morgingab ou morgincap, morghanba ou morghangeba, morganegiba, et enfin morganaticum, et les mariages qui étaient accompagnés de ce don, mariage à la morganatique. Suivant Kilianus, et le Speculum saxonicum, ce don se faisait par le mari le jour même des noces avant le banquet nuptial ; mais suivant un contrat de mariage qui est rapporté par Galland dans son Traité du franc aleu, ce don nuptial se faisait après la première nuit des noces, quasi ob praemium defloratae virginis. Ce don consistait dans le quart des biens présents et à venir du mari, du-moins tel était l'usage chez les Lombards. Voyez le Spicilege d'Achery, tome XII. page 153. et le Gloss. de Ducange au mot MORGAGENIBA. (A)

MARIAGE NUL, on appelle ainsi, quoiqu'improprement, une conjonction à laquelle on a voulu donner la forme d'un mariage, mais qui n'a point été revêtue de toutes les conditions et formalités requises pour la validité d'un tel contrat, comme quand il y a quelque empêchement dirimant dont on n'a point eu de dispense, ou qu'il n'y a point eu de publication de bans, ou que le mariage n'a point été célébré en présence du propre curé, ou par un prêtre par lui commis. On dit que cette expression mariage nul est impropre ; en effet, ce qu'on entend par mariage nul n'est point un mariage, mais une conjonction illicite et un acte irrégulier. Voyez ce qui a été dit du mariage en général, et l'article suivant. (A)

MARIAGE NUL QUANT AUX EFFETS CIVILS SEULEMENT, on entend par-là celui qui, suivant les lois ecclésiastiques, est valable quoad foedus et vinculum, mais qui, suivant les lois politiques, est nul quant au contrat civil. Il y a trois cas où les mariages sont ainsi valables quant au sacrement, et nuls quant aux effets civils ; savoir, 1°. lorsque le mariage a été tenu caché pendant toute la vie de l'un des conjoints ; 2°. les mariages faits in extremis, lorsque les conjoints ont vécu ensemble en mauvais commerce avant le mariage ; 3°. les mariages contractés par des personnes mortes civilement.

MARIAGES PAR PAROLES DE PRESENT : on entendait par-là ceux où les parties contractantes, après s'être transportées à l'église et présentées au curé pour recevoir la bénédiction nuptiale, sur son refus, déclaraient l'un et l'autre, en présence des notaires qu'ils avaient amenés à cet effet, qu'ils se prenaient pour mari et femme, dont ils requéraient les notaires de leur donner acte.

Ces sortes de mariages s'étaient introduits d'après le Droit canon, où l'on fait mention de sponsalibus quae de praesenti vel futuro fiunt, et où il est dit que les promesses de praesenti matrimonium imitantur, qu'étant faites après celles de futuro, tollunt ea, c'est-à-dire que celui qui s'est ainsi marié postérieurement par paroles de présent est préféré à l'autre, mais que les promesses de futuro étant faites après celles de praesenti ne leur dérogent et nuisent en rien. Ces promesses de futuro sont appelées fides pactionis, celles de praesenti, fides consensus.

Le Droit civil n'a point connu ces promesses appelées sponsalia de praesenti, mais seulement celles qui se font de futuro. Voyez M. Cujas sur le titre de sponsal. et matrim. liv. IV. Decretal. tit. j.

Cependant ces sortes de mariages n'ont pas laissé de se pratiquer longtemps en France, il y a même d'anciens arrêts qui les ont jugé valables, notamment un arrêt du 4 Février 1576, rapporté par Theveneau dans son Commentaire sur les ordonnances.

L'ordonnance de Blais, art. xliv. défendit à tous notaires, sous peine de punition corporelle, de passer ou recevoir aucunes promesses de mariage par paroles de présent.

Cependant, soit qu'on interpretât différemment cette ordonnance, ou que l'on eut peine à se soumettre à cette loi, on voyait encore quelques mariages par paroles de présent.

Dans les assemblées générales du clergé tenues en 1670 et 1675, on délibéra sur les mariages entre catholiques et huguenots faits par un simple acte, au curé par lequel, sans son consentement, les deux parties lui déclarent qu'ils se prennent pour mari et femme ; il fut résolu d'écrire une lettre à tous les prélats, pour les exhorter de faire une ordonnance synodale, portant excommunication contre tous ceux qui assisteraient à de pareils mariages, et que l'assemblée demanderait un arrêt faisant défenses aux notaires de recevoir de tels actes.

Les évêques donnèrent en conséquence des ordonnances synodales conformes à ces délibérations, et le 5 Septembre 1680, il intervint un arrêt de règlement, qui défendit à tous notaires, à peine d'interdiction, de passer à l'avenir aucuns actes par lesquels les hommes et les femmes déclareraient qu'ils se prennent pour maris et femmes, sur les refus qui leur seront faits par les archevêques et évêques, leurs grands-vicaires, ou curés, de leur conférer le sacrement de mariage, à la charge par lesdits prélats, leurs grands-vicaires, et curés, de donner des actes par écrit qui contiendront les causes de leur refus lorsqu'ils en seront requis.

Il se présenta pourtant encore en 1687 une cause au parlement sur un mariage contracté par paroles de présent, par acte du 30 Juillet 1679, fait en parlant à M. l'évêque de Saissons. L'espèce était des plus favorables, en ce qu'il y avait eu un ban publié et dispense des deux autres. La célébration du mariage n'avait été arrêtée que par une opposition qui était une pure chicane ; on avait trainé la procédure en longueur pour fatiguer les parties ; depuis le prétendu mariage le mari était mort ; il y avait un enfant. Cependant par arrêt du 29 Aout 1687, il fut fait défenses à la femme de prendre la qualité de veuve, et à l'enfant de prendre le titre de légitime ; on leur accorda seulement des aliments.

La déclaration du 15 Juin 1697, ordonna que les conjonctions des personnes qui se prétendront mariées en conséquence des actes qu'ils auront obtenus, du consentement réciproque avec lequel ils se seront pris pour mari et femme, n'emporteront aucuns effets civils en faveur des prétendus conjoints et des enfants qui en peuvent naître, lesquels seront privés de toutes successions directes et collatérales ; et il est défendu à tous juges, à peine d'interdiction, et même de privation de leurs charges, d'ordonner aux notaires de délivrer des actes de cette nature, et à tous notaires de les délivrer sous les peines portées par cette déclaration. Voyez les Mémoires du clergé, tome V. pag. 767. (A)

MARIAGE PRECIPITE est celui qu'une veuve contracte avant l'année révolue depuis le décès de son précédent mari.

On le regarde comme précipité, soit propter incertitudinem prolis, soit à cause des bienséances qu'une veuve doit observer pendant l'an du deuil. Voyez DEUIL et SECONDES NOCES. (A)

MARIAGE PRESOMPTIF, voyez ci-après MARIAGE PRESUME. (A)

MARIAGE PRESUME ou PRESOMPTIF, matrimonium ratum et praesumptum. On appelait ainsi les promesses de mariage de futuro, lesquelles étant suivies de la copule charnelle, étaient réputées ratifiées et former un mariage présumé.

Alexandre III. qui siégeait dans le XIe siècle, semble en quelque sorte avoir approuvé les mariages présumés, per consensum et copulam, au ch. XIIIe et XVe de sponsalib. et matrim. mais il parait aux endroits cités, que dans l'espèce il y a voit eu quelques solennités de l'Eglise observées, et que sponsalia praecesserant, c'étaient d'ailleurs des cas singuliers dont la décision ne peut donner atteinte au droit général.

En effet, Honorius III. qui siégeait dans le XIIe siècle, témoigne assez que l'on ne reconnaissait alors pour mariages valables que ceux qui étaient célébrés en face d'église, et où les époux avaient reçu la bénédiction nuptiale.

Ce fut Grégoire IX. successeur d'Honorius, qui décida le premier que les promesses de mariage futur, sponsalia de futuro, acquéraient le titre et l'effet du mariage lorsqu'elles étaient suivies de la copule charnelle.

Mais comme l'Eglise avait toujours détesté de tels mariages, que les conciles de Latran et ensuite celui de Trente, les ont déclarés nuls et invalides, et que les édits et ordonnances de nos rois les ont aussi déclarés non-valablement contractés : l'Eglise ni les tribunaux ne reconnaissent plus de telles conjonctions pour des mariages valables ; elles sont même tellement odieuses, que la seule citation faite devant l'official, in casu matrimonii rati et praesumpti, est toujours déclarée abusive par les parlements. Voyez Fevret, traité de l'abus, tome I. liv. 5. ch. IIe n. 36. et suiv. (A)

MARIAGE PAR PROCUREUR ; ce que l'on entend par ces termes n'est qu'une cérémonie qui se pratique pour les mariages des souverains et princes de leur sang, lesquels font épouser par procureur la princesse qu'ils demandent en mariage, lorsqu'elle demeure dans un pays éloigné de celui où ils font leur séjour.

Le fondé de procuration et la future épouse vont ensemble à l'église, où l'on fait toutes les mêmes cérémonies qu'aux mariages ordinaires. Il était même autrefois d'usage qu'après la cérémonie la princesse se mettait au lit, et qu'en présence de toute la cour le fondé de procuration étant armé d'un côté, mettait une jambe bottée sous les draps de la princesse. Cela fut ainsi pratiqué lorsque Maximilien d'Autriche, roi des Romains, épousa par procureur Anne de Bretagne ; et néanmoins au préjudice de ce mariage projeté, elle épousa depuis Charles VIII. roi de France, dont Maximilien fit grand bruit, ce qui n'eut pourtant point de suite.

Comme les sacrements ne se reçoivent point par procureur, ce que l'on appelle ainsi mariage par procureur n'est qu'une cérémonie et une préparation au mariage qui ne rend pas le mariage accompli : tellement que la cérémonie de la bénédiction nuptiale se réitère lorsque les deux parties sont présentes en personnes, ce qui ne se ferait pas si le mariage était réellement parfait. On peut voir dans le mercure de France de 1739, et autres mémoires du temps, de quelle manière se fit le mariage de Madame avec l'infant don Philippe, que M. le duc d'Orleans était chargé de représenter dans la cérémonie du mariage. La première cérémonie se fit dans la chapelle de Versailles. M. le cardinal de Rohan, grand aumônier de France, demanda au duc d'Orleans si, comme procureur de don Philippe infant d'Espagne, il prenait madame Louise Elisabeth de France pour sa femme et légitime épouse. Il fit pareille question à la princesse, et il est dit qu'il leur donna la bénédiction nuptiale. Néanmoins on trouve ensuite que la princesse étant arrivée à Alcala le 25 Octobre suivant, et ayant été conduite dans l'appartement de la reine, le patriarche des Indes lui donna et à l'infant don Philippe, dans la chambre de la reine, la bénédiction nuptiale en présence de leurs majestés et des princes et princesses de la famille royale. (A)

MARIAGE PROHIBE est celui qui est défendu par les canons ou par les ordonnances du royaume. (A)

MARIAGE appelé RATUM ET PRAESUMPTUM, Voyez MARIAGE PRESUME.

MARIAGE RECHAUFFE, c'est ainsi qu'en quelques provinces, comme en Berry, l'on appelle vulgairement les seconds mariages. Voyez Boenius consil. 40, et le glossaire de M. de Laurière, au mot mariage. (A)

MARIAGE REHABILITE, c'est lorsque le mariage est célébré de nouveau pour réparer ce qui manquait au premier pour sa validité. Le terme de réhabilitation semble impropre, en ce que les vices d'un mariage nul ne peuvent être réparés qu'en célébrant un autre mariage avec toutes les formalités requises : de manière que le premier mariage ne devient pas pour cela valable, mais seulement le second. Cependant un mariage qui était valable quant au for intérieur, peut être réhabilité pour lui donner les effets civils, mais il ne produit toujours ces effets que du jour du second mariage valablement contracté. Voyez les règles générales qui ont été expliquées en parlant des mariages en général. (A)

MARIAGE ROMPU s'entend ou d'un simple projet de mariage dont l'exécution n'a pas suivi, ou d'un prétendu mariage dont la nullité a été prononcée ou qui a été déclaré abusif. (A)

MARIAGE, SECOND, TROISIEME, ou autre subséquent, voyez ci-après au mot NOCES l'article SECONDES NOCES. (A)

MARIAGE SECRET, voyez MARIAGE CACHE.

MARIAGE SOLEMNEL. On entendait par-là chez les Romains celui qui se faisait per coemptionem, à la différence de celui qui se faisait seulement per usum, ou par usucapion. Parmi nous on entend par mariage solennel celui qui est revêtu de toutes les formalités requises par les canons et par les ordonnances du royaume. (A)

MARIAGE SPIRITUEL s'entend de l'engagement qu'un évêque contracte avec son église et un curé avec sa paraisse. En général le sacerdoce est considéré comme un mariage spirituel ; ce mariage est appelé spirituel par opposition au mariage charnel. Voyez cap. IIe extra de translatione episcop. Berault sur la coutume de Normandie, article 381, et le traité des matières bénéficiales de M. Fuet, pag. 254.

MARIAGE SUBSEQUENT. On entend par-là celui qui suit un précédent mariage, comme le second à l'égard du premier, ou le troisième à l'égard du second, et ainsi des autres. Le mariage subséquent a l'effet de légitimer les enfants nés auparavant, pourvu que ce soit ex soluta et soluto. Voyez BATARD, GITIMATIONTION. (A)

MARIAGE A TEMS. Le divorce qui avait lieu chez les Romains, eut lieu pareillement dans les Gaules depuis qu'elles furent soumises aux Romains ; c'est apparemment par un reste de cet usage qu'anciennement en France, dans des temps de barbarie et d'ignorance, il y avait quelquefois des personnes qui contractaient mariage pour un temps seulement. M. de Varillas trouva dans la bibliothèque du roi parmi les manuscrits, un contrat de mariage fait dans l'Armagnac en 1297 pour sept ans, entre deux nobles, qui se réservaient la liberté de le prolonger au bout de sept années s'ils s'accommodaient l'un de l'autre ; et en cas qu'au terme expiré ils se séparassent, ils partageraient par moitié les enfants mâles et femelles provenus de leur mariage ; et que si le nombre s'en trouvait impair, ils tireraient au sort à qui le surnuméraire échéerait.

Il se pratique encore dans le Tonquin que quand un vaisseau arrive dans un port, les matelots se marient pour une saison ; et pendant le temps que dure cet engagement précaire, ils trouvent, dit-on, l'exactitude la plus scrupuleuse de la part de leurs épouses, soit pour la fidélité conjugale, soit dans l'arrangement économique de leurs affaires. Voyez l'essai sur la polygamie et le divorce, traduit de l'anglais de M. Hume, inséré au mercure de Février 1757, p. 45. (A)

MARIAGE PAR USUCAPION ou PER USUM, était une forme de mariage usitée chez les Grecs et chez les Romains du temps du paganisme. Le mari prenait ainsi une femme pour l'usage, c'est-à-dire pour en avoir des enfants légitimes, mais il ne lui communiquait pas les mêmes privilèges qu'à celle qui était épousée solennellement. Ce mariage se contractait par la co-habitation d'un an. Lorsqu'une femme maîtresse d'elle-même avait demeuré pendant un an entier dans la maison d'un homme sans s'être absentée pendant trois nuits, alors elle était réputée son épouse, mais pour l'usage et la co-habitation seulement : c'était une des dispositions de la loi des douze tables.

Ce mariage, comme on voit, était bien moins solennel que le mariage per coemptionem ou par confarréation : la femme qui était ainsi épousée était qualifiée uxor, mais non pas mater-familias ; elle contractait un engagement à la différence des concubines, qui n'en contractaient point, mais elle n'était point en communauté avec son mari ni dans sa dépendance.

Le mariage par usucapion pouvait se contracter en tout temps et entre toutes sortes de personnes : une femme que son mari avait instituée héritière à condition de ne se point remarier, ne pouvait pas contracter de mariage solennel sans perdre la succession de son mari, mais elle pouvait se marier par usucapion, en déclarant qu'elle ne se mariait point pour vivre en communauté de biens avec son mari, ni pour être sous sa puissance, mais seulement pour avoir des enfants. Par ce moyen elle était censée demeurer veuve, parce qu'elle ne faisait point partie de la famille de son nouveau mari, et qu'elle ne lui faisait point part de ses biens, lesquels conséquemment passaient aux enfants qu'elle avait eus de son premier mariage. Voyez ci-devant l'article MARIAGE PER COEMPTIONEM, et les auteurs cités en cet endroit. (A)

MARIAGE des Romains, (Histoire romaine) le mariage se célébrait chez les Romains avec plusieurs cérémonies scrupuleuses qui se conservèrent longtemps, du-moins parmi les bourgeois de Rome.

Le mariage se traitait ordinairement avec le père de la fille ou avec la personne dont elle dépendait. Lorsque la demande était agréée et qu'on était d'accord des conditions, on les mettait par écrit, on les scellait du cachet des parents, et le père de la fille donnait le repas d'alliance ; ensuite l'époux envoyait à sa fiancée un anneau de fer, et cet usage s'observait encore du temps de Pline ; mais bien-tôt après on n'osa plus donner qu'un anneau d'or. Il y avait aussi des négociateurs de mariages auxquels on faisait des gratifications illimitées, jusqu'à ce que les empereurs établirent que ce salaire serait proportionné à la valeur de la dot. Comme on n'avait point fixé l'âge des fiançailles avant Auguste, ce prince ordonna qu'elles n'auraient lieu que lorsque les parties seraient nubiles ; cependant dès l'âge de dix ans on pouvait accorder une fille, parce qu'elle était censée nubîle à douze.

Le jour des noces on avait coutume en coèffant la mariée, de séparer les cheveux avec le fer d'une javeline, et de les partager en six tresses à la manière des vestales, pour lui marquer qu'elle devait vivre chastement avec son mari. On lui mettait sur la tête un chapeau de fleurs, et par-dessus ce chapeau une espèce de voile, que les gens riches enrichissaient de pierreries. On lui donnait des souliers de la même couleur du voile, mais plus élevés que la chaussure ordinaire, pour la faire paraitre de plus grande taille. On pratiquait anciennement chez les Latins une autre cérémonie fort singulière, qui était de présenter un joug sur le col de ceux qui se fiançaient, pour leur indiquer que le mariage est une sorte de joug : et c'est de-là, dit-on, qu'il a pris le nom de conjugium. Les premiers Romains observaient encore la cérémonie nommée confarréation, qui passa dans la suite au seul mariage des pontifes et des prêtres. Voyez CONFARREATION.

La mariée était vêtue d'une longue robe blanche ou de couleur de safran, semblable à celle de son voîle ; sa ceinture était de fine laine nouée du nœud herculéen qu'il n'appartenait qu'au mari de dénouer. On feignait d'enlever la mariée d'entre les bras de sa mère pour la livrer à son époux, ce qui se faisait le soir à la lueur de cinq flambeaux de bois d'épine blanche, portés par de jeunes enfants qu'on nommait pueri lauti, parce qu'on les habillait proprement et qu'on les parfumait d'essences : ce nombre de cinq était de règle en l'honneur de Jupiter, de Junon, de Vénus, de Diane, et de la déesse de Persuasion. Deux autres jeunes enfants conduisaient la mariée, en la tenant chacun par une main, et un troisième enfant portait devant elle le flambeau de l'hymen. Les parents faisaient cortege en chantant hymen, ô hyménée. Une femme était chargée de la quenouille, du fuseau et de la cassette de la mariée. On lui jetait sur la route de l'eau lustrale, afin qu'elle entrât pure dans la maison de son mari.

Dès qu'elle arrivait sur le seuil de la porte, qui était ornée de guirlandes de fleurs, on lui présentait le feu et l'eau, pour lui faire connaître qu'elle devait avoir part à toute la fortune de son mari. On avait soin auparavant de lui demander son nom, et elle répondait Caïa, pour certifier qu'elle serait aussi bonne ménagère que Caïa Caecilia, mère de Tarquin l'ancien. Aussi-tôt après on lui remettait les clés de la maison, pour marquer sa juridiction sur le ménage ; mais en même temps on la priait de s'asseoir sur un siège couvert d'une peau de mouton avec sa laine, pour lui donner à entendre qu'elle devait s'occuper du travail de la tapisserie, de la broderie, ou autre convenable à son sexe : ensuite on faisait le festin de nôces. Dès que l'heure du coucher était arrivée, les époux se rendaient dans la chambre nuptiale, où les matrones qu'on appelait pronubae accompagnaient la mariée et la mettaient au lit génial, ainsi nommé, parce qu'il était dressé en l'honneur du génie du mari.

Les garçons et les filles en quittant les époux leur souhaitaient mille bénédictions, et leur chantaient quelques vers fescennins. On avait soin cette première nuit de ne point laisser de lumière dans la chambre nuptiale, soit pour épargner la modestie de la mariée, soit pour empêcher l'époux de s'apercevoir des défauts de son épouse, au cas qu'elle en eut de cachés. Le lendemain des nôces il donnait un festin où sa femme était assise à côté de lui sur le même lit de table. Ce même jour les deux époux recevaient les présents qu'on leur faisait, et offraient de leur côté un sacrifice aux dieux.

Voilà les principales cérémonies du mariage chez les Romains ; j'ajouterai seulement deux remarques : la première que les femmes mariées conservaient toujours leur nom de fille, et ne prenaient point celui du mari. On sait qu'un citoyen romain qui avait seduit une fille libre, était obligé par les lois de l'épouser sans dot, ou de lui en donner une proportionnée à son état ; mais la facilité que les Romains avaient de disposer de leurs esclaves, et le grand nombre de courtisannes rendait le cas de la séduction extrêmement rare.

2°. Il faut distinguer chez les Romains deux manières de prendre leurs femmes : l'une était de les épouser sans autre convention que de les retenir chez soi ; elles ne devenaient de véritables épouses que quand elles étaient restées auprès de leurs maris un an entier, sans même une interruption de trois jours : c'est ce qui s'appelait un mariage par l'usage, ex usu. L'autre manière était d'épouser une femme après des conventions matrimoniales, et ce mariage s'appelait de vente mutuelle, ex coemptione : alors la femme donnait à son mari trois as en cérémonie, et le mari donnait à sa femme les clés de son logis, pour marquer qu'il lui accordait l'administration de son logis. Les femmes seules qu'on épousait par une vente mutuelle, étaient appelées mères de famille, matresfamilias, et il n'y avait que celles-là qui devinssent les uniques héritières de leurs maris après leur mort.

Il résulte de-là que chez les Romains le matrimonium ex usu, ou ce que nous nommons aujourd'hui concubinage, était une union moins forte que le mariage de vente mutuelle ; c'est pourquoi on lui donnait aussi le nom de demi-mariage, semi-matrimonium, et à la concubine celui de demi-femme, semi-conjux. On pouvait avoir une femme ou une concubine, pourvu qu'on n'eut pas les deux en même temps : cet usage continua depuis que par l'entrée de Constantin dans l'Eglise, les empereurs furent chrétiens. Constantin mit bien un frein au concubinage, mais il ne l'abolit pas, et il fut conservé pendant plusieurs siècles chez les chrétiens : on en a une preuve bien authentique dans un concîle de Tolede, qui ordonne que chacun, soit laïc, soit ecclésiastique, doive se contenter d'une seule compagne, ou femme, ou concubine, sans qu'il soit permis de tenir ensemble l'une et l'autre.... Cet ancien usage des Romains se conserva en Italie, non-seulement chez les Lombards, mais depuis encore quand les François y établirent leur domination. Quelqu'autres peuples de l'Europe regardaient aussi le concubinage comme une union légitime : Cujas assure que les Gascons et autres peuples voisins des Pyrénées n'y avaient pas encore renoncé de son temps. (D.J.)

MARIAGE LEGITIME, et NON LEGITIME, (Histoire et droit rom.) Les mariages légitimes des enfants chez les Romains, étaient ceux où toutes les formalités des lois avaient été remplies. On appelait mariages non légitimes ceux des enfants qui, vivant sous la puissance paternelle, se mariaient sans le consentement de leur père. Ces mariages ne se cassaient point lorsqu'ils étaient une fois contractés ; ils étaient seulement destitués des effets de droit qu'ils auraient eu s'ils eussent été autorisés par l'approbation du père : c'est ainsi que Cujas explique le passage du jurisconsulte Paul, dont voici les paroles : Eorum, qui in potestate patris sunt, sine voluntate ejus, matrimonia jure non contrahuntur, sed contracta non solvuntur. Mais il y a tout lieu de croire que le jurisconsulte romain parle seulement du pouvoir ôté aux pères de rompre le mariage de leurs enfants encore sous leur puissance, lors même qu'ils y avaient donné leur consentement. On peut voir là-dessus les notes de M. Schulting, page 300 de sa Jurisprudentia ante-Justinianea. Pour ce qui est de l'uxor injusta, dont il est parlé dans la loi 13. §. 1. dig. ad. leg. Juliani de adulter. Cujas lui-même semble s'être retracté dans un autre endroit de ses observations, où il conjecture qu'il s'agit dans cette loi, d'une femme qui n'a pas été épousée avec les formalités ordinaires, quae non solenniter accepta est, aquâ et igne observat. lib. VI. cap. XVIe : car chez les anciens Romains quand on avait obmis ces formalités, qui consistaient dans ce que l'on appelait confarreatio et coemptio, une fille, quoiqu'elle eut été menée dans la maison de celui qui en voulait faire sa femme, n'était pourtant pas censée pleinement et légitimement mariée ; elle n'était pas encore entrée dans la famille, et sous la puissance du mari, ce qui s'appelait in manum viri convenire : elle n'avait pas droit de succéder à ses biens, ou entièrement, ou par portion égale avec les enfants procréés d'eux : il fallait, pour suppléer à ce défaut de formalités requises, qu'elle eut été un an complet avec son mari, sans avoir découché trois nuits entières, selon la loi des XII. tables, qu'Aulu-Gelle, Noct. attic. lib. III. cap. IIe et Macrob. Saturnal. lib. I. ch. XIIIe nous ont conservée. Jusques-là donc cette femme était appelée uxor injusta, comme le président Brisson l'explique dans son Traité, ad leg. jul. de adulteriis ; c'est-à-dire qu'elle était bien regardée comme véritablement femme, et nullement comme simple concubine ; en sorte cependant, qu'il manquait quelque chose à cette union pour qu'elle eut tous les droits d'un mariage légitime. Mais tout mariage contracté sans le consentement du père, ou de celui sous la puissance de qui le père était lui-même, avait un vice qui le rendait absolument nul et illégitime, de même que les mariages incestueux, ou le mariage d'un tuteur avec sa pupille, ou celui d'un gouverneur de province avec une provinciale, etc. (D.J.)

MARIAGE DES HEBREUX, (Histoire des Juifs) Les mariages se firent d'abord chez les Hébreux avec beaucoup de simplicité, comme on peut le voir dans le livre de Tobie. 1°. Tobie demande en mariage Sara fille de Raguel ; on la lui accorde. 2°. Le père prenant la main droite de sa fille, la met dans la main droite de l'époux, ancienne coutume ou cérémonie dans les alliances. 3°. Le père écrit le contrat et le cachette. 4°. Un festin suit ces engagements. 5°. La mère mène la fille dans une chambre destinée aux époux. 6°. La mère pleure, et la fille aussi ; la mère, parce qu'elle se sépare de sa fille ; et la fille, parce qu'elle Ve être séparée de sa mère. 7°. Le père bénit les époux, c'est-à-dire, fait des vœux pour eux, cela était fort simple ; mais l'essentiel s'y trouve. Ces festins nuptiaux duraient sept jours, coutume ancienne. Dans la suite des temps les mariages des Juifs furent chargés de cérémonies. Voyez NOCES DES HEBREUX. (D.J.)

MARIAGE DES TURCS (Histoire moderne). Le mariage chez les Turcs, dit M. de Tournefort, qui en était fort bien instruit, n'est autre chose qu'un contrat civil que les parties peuvent rompre ; rien ne parait plus commode : néanmoins, comme on s'ennuyerait bien-tôt parmi eux du mariage, aussi bien qu'ailleurs ; et que les fréquentes séparations ne laisseraient pas d'être à charge à la famille, on y a pourvu sagement. Une femme peut demander d'être séparée d'avec son mari s'il est impuissant, adonné aux plaisirs contre nature, ou s'il ne lui paye pas le tribut, la nuit du jeudi au vendredi, laquelle est consacrée aux devoirs du mariage. Si le mari se conduit honnêtement, et qu'il lui fournisse du pain, du beurre, du riz, du bois, du café, du cotton, et de la soie pour filer des habits, elle ne peut se dégager d'avec lui. Un mari qui refuse de l'argent à sa femme pour aller au bain deux fois la semaine, est exposé à la séparation ; lorsque la femme irritée renverse sa pantoufle en présence du juge, cette action désigne qu'elle accuse son mari d'avoir voulu la contraindre à lui accorder des choses défendues. Le juge envoie chercher pour lors le mari, le fait bâtonner, s'il trouve que la femme dise la vérité, et casse le mariage. Un mari qui veut se séparer de sa femme, ne manque pas de prétextes à son tour ; cependant la chose n'est pas si aisée que l'on s'imagine.

Non-seulement il est obligé d'assurer le douaire à sa femme pour le reste de ses jours ; mais supposé que par un retour de tendresse il veuille la reprendre, il est condamné à la laisser coucher pendant 24 heures avec tel homme qu'il juge à propos : il choisit ordinairement celui de ses amis qu'il connait le plus discret ; mais on assure qu'il arrive quelquefois que certaines femmes qui se trouvent bien de ce changement, ne veulent plus revenir à leur premier mari. Cela ne se pratique qu'à l'égard des femmes qu'on a épousées. Il est permis aux Turcs d'en entretenir de deux autres sortes ; savoir, celles que l'on prend à pension, et des esclaves ; on loue les premières, et on achète les dernières.

Quand on veut épouser une fille dans les formes, on s'adresse aux parents, et on signe les articles après être convenu de tout en présence du cadi et de deux témoins. Ce ne sont pas les père et mère de la fille qui dotent la fille, c'est le mari : ainsi quand on a réglé le douaire, le cadi délivre aux parties la copie de leur contrat de mariage : la fille de son côté n'apporte que son trousseau. En attendant le jour des nôces, l'époux fait bénir son mariage par le prêtre ; et pour s'attirer les grâces du ciel, il distribue des aumônes, et donne la liberté à quelque esclave.

Le jour des nôces, la fille monte à cheval couverte d'un grand voile, et se promene par les rues sous un dais, accompagnée de plusieurs femmes, et de quelques esclaves, suivant la qualité du mari ; les joueurs et les joueuses d'instruments sont de la cérémonie : on fait porter ensuite les nippes, qui ne sont pas le moindre ornement de la marche. Comme c'est tout le profit qui en revient au futur époux, on affecte de charger des chevaux et des chameaux de plusieurs coffres de belle apparence ; mais souvent vides, ou dans lesquels les habits et les bijoux sont fort au large.

L'épouse est ainsi conduite en triomphe par le chemin le plus long chez l'époux, qui la reçoit à la porte : là ces deux personnes, qui ne se sont jamais vues, et qui n'ont entendu parler l'une de l'autre que depuis peu, par l'entremise de quelques amis, se touchent la main, et se témoignent tout l'attachement qu'une véritable tendresse peut inspirer. On ne manque pas de faire la leçon aux moins éloquents ; car il n'est guère possible que le cœur y ait beaucoup de part.

La cérémonie étant finie, en présence des parents et des amis, on passe la journée en festin, en danses, et à voir les marionettes ; les hommes se réjouissent d'un côté, et les femmes de l'autre. Enfin la nuit vient, et le silence succede à cette joie tumultueuse. Chez les gens aisés la mariée est conduite par un eunuque dans la chambre qui lui est destinée ; s'il n'y a point d'eunuque, c'est une parente qui lui donne la main, et qui la met entre les bras de son époux.

Dans quelques villes de Turquie il y a des femmes dont la profession est d'instruire l'épousée de ce qu'elle doit faire à l'approche de l'époux, qui est obligé de la deshabiller piece-à-pièce, et de la placer dans le lit. On dit qu'elle récite pendant ce temps-là de longues prières, et qu'elle a grand soin de faire plusieurs nœuds à sa ceinture, en sorte que le pauvre époux se morfond pendant des heures entières avant que ce dénouement soit fini. Ce n'est d'ordinaire que sur le rapport d'autrui qu'un homme est informé, si celle qu'il doit épouser est belle ou laide.

Il y a plusieurs villes où, le lendemain des noces, les parents et les amis vont dans la maison des nouveaux mariés prendre le mouchoir ensanglanté, qu'ils montrent dans les rues, en se promenant avec des joueurs d'instruments. La mère ou les parentes ne manquent pas de préparer ce mouchoir, à telle fin que de raison, pour prouver, en cas de besoin, que les mariés sont contens l'un de l'autre. Si les femmes vivent sagement, l'alcoran veut qu'on les traite bien, et condamne les maris qui en usent autrement, à réparer ce péché par des aumônes, ou par d'autres œuvres pies qu'ils sont obligés de faire avant que de se reconcilier avec leurs femmes.

Lorsque le mari meurt le premier, la femme prend son douaire, et rien de plus. Les enfants dont la mère vient de décéder, peuvent forcer le père de leur donner ce douaire. En cas de répudiation, le douaire se perd, si les raisons du mari sont pertinentes ; si-non le mari est condamné à le continuer, et à nourrir les enfants.

Voilà ce qui regarde les femmes légitimes : pour celles que l'on prend à pension, on n'y fait pas tant de façon. Après le consentement du père et de la mère, qui veulent bien livrer leur fille à un tel, on s'adresse au juge, qui met par écrit que ce tel veut prendre une telle pour lui servir de femme, qu'il se charge de son entretien, et de celui des enfants qu'ils auront ensemble, à condition qu'il la pourra renvoyer lorsqu'il le jugera à-propos, en lui payant la somme convenue, à proportion du nombre d'années qu'ils auront été ensemble. Pour colorer ce mauvais commerce, les Turcs en rejettent le scandale sur les marchands chrétiens, qui, ayant laissé leurs femmes dans leurs pays, en entretiennent à pension dans le Levant. A l'égard des esclaves, les Mahométans, suivant la loi, en peuvent faire tel usage qu'il leur plait ; ils leur donnent la liberté quand ils veulent, ou ils les retiennent toujours à leur service. Ce qu'il y a de louable dans cette vie libertine, c'est que les enfants que les Turcs ont de toutes leurs femmes, héritent également des biens de leur père ; avec cette différence seulement, qu'il faut que les enfants des femmes esclaves soient déclarés libres par testament ; si le père ne leur fait pas cette grâce, ils suivent la condition de leur mère, et sont à la discrétion de l'ainé de la famille. (D.J.)

MARIAGE. (Médec. Diete) Nous ne prenons ici le mariage que dans le point particulier de son exécution physique, de sa consommation, où les deux sexes confondus dans les embrassements mutuels, goutent les plaisirs vifs et permis qui sont augmentés et terminés par l'éjaculation réciproque de la semence, cimentés et rendus précieux par la formation d'un enfant.

Ainsi nous n'envisagerons le mariage que sous le point de vue où il est synonyme à coït ; et nous avons à dessein renvoyé à cet article présent tout ce que nous avions à dire sur cette matière ; parce que le mariage regardé comme convention civile, politique, religieuse, est suivant les mœurs, les préjugés, les usages, les lais, la religion reçue, le seul état où le coït soit permis, la seule façon d'autoriser et de légitimer cette action naturelle. Ainsi toutes les remarques que nous aurons occasion de faire ici sur le mariage, ne regarderaient chez des peuples qui auraient d'autres mœurs, d'autres coutumes, une autre religion, etc. que l'usage du coït ou l'acte vénérien. En conséquence nous comprenons le mariage dans la classe des choses non naturelles, comme une des parties de la diete ou de la gymnastique. On peut considérer dans le mariage ou le coït légitime, 1° l'excrétion de la semence, 2° le mécanisme de cette excrétion, 3° les plaisirs qui y sont attachés, 4° enfin, les suites particulières qu'elle a dans les femmes, savoir, la grossesse et l'accouchement : c'est de l'examen comparé de ces différentes considérations qu'on doit déduire les avantages ou les inconvénients du mariage.

I°. Toute secrétion semble, dans l'ordre de la nature, exiger et indiquer l'excrétion de l'humeur séparée ; ainsi l'excrétion de la semence devient, suivant ces mêmes lais, un besoin, et sa retention un état contre nature, souvent cause de la maladie, lorsque cette humeur a été extraite, préparée, travaillée par les testicules devenus actifs, et qu'elle a été perfectionnée par son séjour et son accumulation dans les vésicules séminales. Alors les parties organes de cette excrétion en marquent la nécessité par un accroissement plus prompt, par une demangeaison continuelle, par un feu secret, une ardeur qui les embrase, par des érections fréquentes involontaires. De-là naissent ces désirs violents, mais indéterminés, cet appetit naturel qu'on voudrait satisfaire ; mais quelquefois on n'en connait pas les moyens, souvent on n'ose pas les employer. Toutes ces sensations inaccoutumées attirent, occupent, absorbent l'esprit, en altèrent les fonctions ; plongent le corps dans un état de langueur insupportable, jusqu'à ce qu'instruit par la nature, on ait recours au remède spécifique en se mariant, ou que la pléthore de semence portée à un point excessif, n'en détermine l'excrétion ; mais il arrive quelquefois que, par un séjour trop long elle s'altère, se corrompt, et occasionne des accidents très-fâcheux. Les hommes plus libres, moins retenus, peut-être moins sensibles, sont moins incommodés que les femmes ; il est rare que leur esprit en soit dérangé. Le plus souvent on observe dans ceux qui gardent sévérement la continence, que des priapismes, des demangeaisons affreuses, des tumeurs dans les testicules, etc. accidents légers que l'évacuation de la semence fait cesser à l'instant.

Les filles dans qui les aiguillons sont plus précoces et plus pressants, les passions plus vives, la retenue plus nécessaire, sont bien plus incommodées de la trop longue rétention de la semence ; et ce qui me parait encore contribuer à augmenter le nombre et la gravité des symptômes qu'attire la privation du mariage, c'est que non-seulement elles désirent l'évacuation de leur semence ; mais en outre la matrice appete avec avidité la semence de l'homme ; et quand ces deux objets ne sont pas remplis, elles tombent dans ce délire chlorétique, également funeste à la santé et à la beauté, biens que le sexe regarde comme les plus précieux ; elles deviennent faibles, languissantes, mélancoliques, etc. D'autres fois au contraire, les impressions que la semence trop abondante et trop active fait sur les organes et ensuite sur l'esprit, sont si fortes, qu'elles l'emportent sur la raison. L'appetit vénérien parvenu à ce degré de violence, demande d'être satisfait ; il les jette dans ce délire furieux connu sous le nom de fureur utérine. Dès-lors emportées hors d'elles-mêmes, elles perdent de vue toutes les lois de la pudeur, de la bienséance, cherchent par toutes sortes de moyens à assouvir la violence de leur passion ; elles ne rougissent point d'attaquer les hommes, de les attirer par les postures les plus indécentes et les invitations les plus lascives. Tous les praticiens conviennent que les différents symptômes de vapeurs ou d'affections hystériques qui attaquent les filles ou les veuves, sont une suite de la privation du mariage. On peut observer en effet que les femmes, surtout bien mariées, en sont ordinairement exemptes ; et que ces maladies sont très-communes dans ces vastes maisons qui renferment un grand nombre de filles qui se sont obligées par devoir et par état de garder leur virginité. Le mariage est dans tous ces cas utile, ou même nécessaire pour prévenir tous ces accidents : il peut même, quand ils sont déjà formés, les dissiper ; et c'est souvent le seul secours dont l'efficacité soit assurée. Tous les martiaux, les fondants, les soporatifs sont ordonnés sans succès à une fille chlorétique. Les Médecins sont souvent obligés de faire marier ces malades, et le succès du remède constate la bonté du conseil. Il en est de même de ces filles qui sont dans les accès d'une fureur utérine ; c'est en vain qu'on les baigne, qu'on les gorge de tisanes nitrées, d'émulsions, leur délire ne peut s'apaiser que par l'excrétion de l'humeur dont l'abondance et l'activité l'ont déterminée. Il est mille occasions où le coït légitimé par le mariage n'est pas possible ; et la religion ne permet pas alors d'imiter l'heureuse témérité de Rolfink, qui ne voyant d'autre ressource pour guérir une fille dangereusement malade, que de procurer l'excrétion de la semence, au défaut d'un mari, il se servit dans ce dessein, d'un moyen artificiel, et la guérit entièrement.

Ce moyen ne sera peut-être pas gouté par des censeurs rigides, qui craient qu'il ne faut jamais faire un mal dans l'espérance d'un bien. Je laisse aux théologiens à décider, si dans pareils cas, une pollution qui ne serait nullement déterminée par le libertinage, mais par le besoin pressant, est un crime, ou s'il n'est pas des circonstances, où de deux maux, il faut éviter le pire. Il parait assez naturel que dans certains cas extrêmes, on fait céder toute autre considération à celle de rendre la santé.

Il parait par-là que le mariage, simplement considéré comme favorisant et déterminant l'excrétion de la semence, est très-avantageux à l'un et à l'autre sexe. C'est dans cet état seul où la santé peut être la plus complete , et où elle résulte de l'exercice, non-seulement possible, mais actuel de toutes les fonctions. Dans tous les temps, les lois politiques fondées sur celles de la nature, ont encouragé le mariage, par des récompenses ou des distinctions accordées à ceux qui en subissaient le joug, et par des punitions ou un déshonneur qu'elles attachaient à ceux qui s'y soustrayaient. La stérilité ou le célibat était chez les Juifs une espèce d'opprobre ; les célibataires étaient chez les anciens chrétiens, jugés indignes des charges de la magistrature. Les Romains couronnaient ceux qui avaient été mariés plusieurs fais. Et d'un autre côté, les Spartiates, peuples gouvernés par des lois dont la sagesse sera à-jamais célèbre, instituèrent une fête où ceux qui n'étaient point mariés étaient fouettés par des femmes : et de nos jours, le célibat n'est honoré que parce qu'il est devenu un point de religion. L'on a Ve cependant le mariage et la fécondité excités et récompensés par des pensions, par des diminutions d'impôts.

Mais comme l'excrétion de semence retenue peut être nuisible, de-même si elle est immodérée, elle devient la source de maladies très-sérieuses. Voyez MANUSTUPRATION. Le mariage influe à un tel point sur la santé, que s'il est modéré, il contribue beaucoup à la rendre florissante et à l'entretenir. Son entière privation n'est pas indifférente ; et son usage désordonné ou son abus a pareillement ses inconvénients ; il ne peut produire que des mauvais effets, lorsqu'il est célébré à la suite d'une maladie ; pendant la convalescence, après des pertes excessives, dans un état d'épuisement. Galien rapporte l'histoire d'un homme, qui commençant à se relever d'une maladie sérieuse coucha avec sa femme, et mourut la même nuit.

Sennert remarque très-judicieusement que le mariage, très-salutaire à une chlorétique, lui deviendra pernicieux, s'il y a chez elle un fond de maladie indépendant, s'il y a une lésion considérable dans les viscères. On peut assurer en général que le mariage est nuisible, lorsqu'il n'est pas déterminé par l'abondance ou l'activité de l'humeur séminale : c'est ce qui arrive principalement aux vieillards, et aux jeunes gens qui n'ont pas encore atteint l'âge de puberté. Tous les auteurs qui ont écrit sur cette matière, se sont mis à la torture pour tâcher de déterminer exactement l'âge le plus propre au mariage ; mais on trouve dans leurs écrits beaucoup de variétés. Les uns fixent ce terme à l'âge de quatorze ans ; d'autres, fondés sur quelques exemples rares de personnes qui ont eu des enfants à huit et dix ans, avancent ce terme ; il en est qui le reculent jusqu'à vingt-cinq ou trente ans. Ce désaccord qu'on observe dans ces différentes décisions, vient de la variété qu'il y a réellement dans la chose ; car il est très-certain que des personnes sont en état de se marier à un âge où d'autres sont aussi insensibles aux plaisirs de l'amour qu'incapables de les goûter. Le climat, le tempérament, l'éducation même, une idiosyncratie particulière, contribuent beaucoup aux différences. D'ailleurs il faut surtout dans les hommes, distinguer le temps où la secrétion de la semence commence à se faire, de celui où ils sont propres à soutenir les fatigues du mariage ; et dans ce cas, le trop de promptitude nuit toujours plus qu'un délai, même poussé trop loin. Dans les premiers temps de la puberté, la semence est encore aqueuse, sans force, et sans activité ; d'ailleurs repompée dans le sang, elle contribue à l'éruption des poils, à la force, à la vigueur mâle qui doit caractériser l'homme. Le temps auquel il peut la répandre sans danger et avec succès, n'est point fixé ; il n'y a même aucun signe assuré qui le dénote, si ce n'est la cessation de l'accroissement, le bon état des parties de la génération, les érections fréquentes, et les désirs violents. Il ne faut pas confondre ici les désirs ou l'appétit vénériens, qui naissent d'un véritable besoin, qui sont l'effet naturel d'une irritation locale, avec ces cupidités folles, ces passions desordonnées qui proviennent d'une imagination déréglée, d'un libertinage outré qu'on voit souvent dans des jeunes gens, trop instruits avant de sentir, et chez des vieillards qui tâchent de ranimer leurs feux languissants. Le temps de la nubilité est beaucoup mieux marqué dans les femmes : il est pour l'ordinaire plus précoce. L'évacuation menstruelle est le signe ardemment désiré qui désigne leur maturité ; et il n'y a point non plus de temps généralement fixé pour cette évacuation. Elle commence plutôt dans les climats chauds, dans les villes, dans les tempéraments vifs, bilieux, etc. que dans les climats froids, à la campagne, et dans les tempéraments mols, pituiteux, etc. Le temps qu'elles durent est à-peu-près le même dans tous les sujets ; de façon que celles qui ont commencé à être réglées tard, cessent de même. La cessation du flux menstruel est le signe assuré qui fait connaître que les femmes ne sont plus propres au mariage. Les hommes n'en ont d'autres marques que la flaccidité des parties qui en sont les instruments, et l'extinction des désirs ; ce qui arrive ordinairement lorsque le froid de la vieillesse vient glacer les membres, et que le corps desséché commence à décroitre ; mais la vieillesse vient plus ou moins promptement dans les différents sujets. C'est sans raison que quelques auteurs ont prétendu en déterminer le commencement à cinquante ou soixante ans ; on voit tous les jours des personnes épuisées par les débauches, avoir avant cet âge toutes les incommodités d'une vieillesse avancée ; tandis que d'autres ayant vécu dans la sobriété, satisfont avec modération à tous leurs besoins, et ne laissent pas d'être jeunes, quoique chargés d'années ; ils sont longtemps capables de donner, même dans l'âge qui chez quelques-uns est vieillesse décrépite, des marques incontestables de virilité. Il n'est pas rare de voir des séxagenaires avoir des enfants ; il y a même des exemples d'hommes qui sont devenus pères à quatre-vingt-dix et cent ans. Uladislas roi de Pologne fit deux garçons à l'âge de quatre-vingt-dix ans. Félix Platérus raconte que son grand-pere engendra à cent ans. Hoffman fait mention d'un homme qui à l'âge de cent deux ans a eu un garçon, et deux ans après une fille. Ces faits, quelque possibles qu'ils soient, sont toujours surprenans, et par-là même douteux, d'autant mieux qu'ils ne sont pas susceptibles de tous les genres de preuves, et qu'ils ne sont fondés que sur la fragîle vertu d'une femme mariée à un vieillard ; ils ne peuvent manquer de trouver des incrédules, persuadés que souvent on est entouré d'enfants dont on se croit le père. Ce qui peut cependant en augmenter la vraisemblance, c'est qu'on a Ve des femmes, déjà vieilles à l'âge de soixante ans, devenir enceintes et accoucher heureusement.

Ainsi on doit défendre le mariage aux hommes qui sont réellement vieux, à ceux qui n'ont pas atteint l'âge de puberté, à ceux en qui elle ne s'est pas manifestée par les signes exposés ; il est même plus prudent d'attendre encore quelques années ; il est rare qu'avant vingt ans un homme puisse sans danger subir le joug d'un mariage continué ; et à-moins de maladie, à vingt-cinq ans il peut en soutenir les fatigues prises avec modération. Une fille pourrait être mariée dès l'instant qu'elle a eu ses règles ; l'excrétion de la semence qui est très-petite ne l'affoiblit que très-peu ; mais il y a d'autres considérations tirées de l'état de grossesse et de l'accouchement, qui demandent du délai. Cependant si quelques accidents survenaient dépendants de la privation du mariage, il faudrait sans crainte des événements l'accorder aussi-tôt : rarement on est incommodé de ce que la nature demande avec empressement. Un médecin sage et prudent peut dans pareils cas trouver des expédiens, et les combiner de façon qu'il n'en résulte que de l'avantage.

II. Le mécanisme de l'excrétion de la semence, c'est-à-dire l'état de constriction, de resserrement, de saisissement général qui la précède, l'accompagne et la détermine, mérite quelques réflexions particulières : il est certain que toute la machine concourt à cette évacuation, tout le corps est agité de mouvements convulsifs ; et c'est avec raison que Démocrite a appelé le mariage dans le sens que nous le prenons, une épilepsie passagère ; il n'est pas douteux que cette concussion universelle ne soit très-propre à ranimer la circulation engourdie, à rétablir une transpiration dérangée, à dissiper certaines affections nerveuses ; elle porte principalement sur les nerfs et sur le cerveau. Les médecins observateurs rapportent plusieurs exemples de goutte, d'épilepsie, de passion hysterique, de maux d'estomac habituels, de veilles opiniâtres dissipées par le mariage ; et nous lisons dans Pline qu'un médecin avait éprouvé l'efficacité de ce secours dans le traitement et la guérison des fièvres quartes ; cependant il faut observer que la lassitude et la faiblesse suivent cet exercice, que le sommeil doux et tranquille qui succede, en est souvent l'effet, qu'on a Ve quelquefois l'épilepsie passagère de Démocrite continuer et devenir très-réelle. Un homme, au rapport de M. Didier, avait un violent paroxisme d'épilepsie toutes les fois qu'il remplissait le devoir conjugal. Cette vive émotion est très-funeste à ceux qui ont eu des blessures, qui ont souffert des hémorragies considérables : elle peut faire rouvrir les vaisseaux par lesquels l'hémorragie s'est faite, donner aux plaies un mauvais caractère, occasionner quelquefois des métastases dangereuses, etc. Fabrice de Hilden raconte qu'un homme à qui on avait coupé la main gauche, voulut lorsque la blessure fut presque guérie, prendre avec sa femme les plaisirs autorisés par le mariage : celle-ci instruite par le chirurgien, refuse de se prêter aux instances de son mari, qui dans les efforts qu'il fit pour la vaincre, ne laissa pas d'éjaculer : à l'instant la fièvre se déclare : il survient des délires, des convulsions, et le malade mourut au quatrième jour. Obs. chirurgicales, centurie Ve xxv.

III. Si les plaisirs du mariage ont quelqu'inconvénient, c'est d'exciter par cet attrait puissant à en faire un usage immodéré, et à tomber dans les accidents qui suivent une trop grande excrétion de semence : ainsi ces plaisirs sont une des premières causes des maladies qu'excite l'excès dans le mariage ; mais ils en sont en même temps l'antidote, et l'on peut assurer que plus les plaisirs sont grands, moins l'abus en est nuisible. Nous avons déjà remarqué après Sanctorius, dans un autre article, voyez MANUSTUPRATION, que cette joie pure, cette douce consolation de l'esprit qu'entraînent les plaisirs attachés au mariage, rétablissent la transpiration du cœur, servent infiniment à diminuer la faiblesse, la langueur qui sans cela suivraient l'excrétion de la semence, et contribuent beaucoup à la prompte réparation des pertes qu'on vient de faire ; il n'est pas douteux que les bons effets produits par le mariage ne dépendent principalement des plaisirs qu'on y goute, et du contentement inexprimable d'avoir satisfait une passion, un appétit qui faisait naître des désirs violents. Est-il possible de concevoir un état plus favorable à l'homme que celui du plaisir ? La sérénité est peinte sur son front, la joie brille dans ses yeux, son visage frais et coloré annonce une satisfaction intérieure ; tout le corps est agîle et dispos, les mouvements s'exécutent avec prestesse ; l'exercice de toutes les fonctions est facîle ; la transpiration est augmentée ; les mouvements du cœur sont libres et uniformes. Cette situation du corps n'est-elle pas le plus haut degré de santé ? n'a-t-on pas eu raison de regarder dans tous les temps ces plaisirs comme le remède le plus assuré contre la mélancolie ? Y a-t-il en effet rien de plus propre à dissiper la tristesse et la misantropie qui en sont les caractères ; c'est dans cette idée qu'on avait donné à la courtisanne Neèa le surnom d'Anticyre, île célèbre par sa fertilité en hellébore, parce qu'elle avait un secret plus assuré que ce remède fameux, dont l'efficacité avait été constatée par la guérison radicale de plusieurs mélancoliques.

Les personnes du sexe, plus sensibles aux impressions du plaisir, en ressentent aussi davantage les bons effets. On voit des chlorétiques languissantes, malades, pâles, défigurées, dès qu'elles sont mariées, sortir rapidement de cet état de langueur, acquérir de la santé, des couleurs, de l'embonpoint, prendre un visage fleuri, animé ; il y en a même qui naturellement laides, sont devenues après le mariage extrêmement jolies. L'hymen fit cette heureuse métamorphose dans la femme d'Ariston, qui suivant ce qu'en rapporte Pausanias, surpassait étant vierge, toutes les filles de Sparte en laideur, et qui dès qu'elle fut femme, devint si belle, qu'elle aurait pu disputer à Hélene le prix de la beauté. Georges Psaalmanaazar assure que cette métamorphose est assez ordinaire aux filles de son pays de l'île Formose ; les femmes qui ont gouté ces plaisirs en supportent bien plus impatiemment la privation que celles qui ne les connaissent pas par expérience. Saint Jerome et saint Thomas ont avancé gratuitement que les filles se faisant une idée trop avantageuse des plaisirs du mariage, les souhaitaient plus ardemment que les veuves. La fausseté de cette assertion est démontrée par une observation fréquente, qui fait voir que les accidents, les symptômes d'hystéricité sont plus multipliés, plus fréquents et plus graves chez les veuves que chez les filles ; on pourrait aussi fixer, s'il en était besoin, un argument de quelque poids, de la façon dont les unes et les autres se conduisent.

IV. Enfin la grossesse et l'accouchement sont les dernières choses qu'il y ait à considérer dans le mariage ; ce sont des suites qui n'ont lieu que chez les femmes ; quoique la grossesse soit d'abord annoncée et souvent accompagnée pendant plusieurs mois de beaucoup d'incommodités, il est rare qu'elle soit nuisible ; le cas le plus à craindre est celui des maladies aiguës qui peuvent se rencontrer dans ce temps ; Hippocrate a décidé mortelles les maladies aiguës qui surviennent aux femmes enceintes, et il est certain qu'elles sont très-dangereuses ; mais du reste tous les accidents qui dépendent de l'état même de grossesse, tels que les vomissements, les dégouts, les fantaisies, les veilles, etc. se dissipent après quelques mois, ou d'eux-mêmes ou avec une saignée ; et quand ils persisteraient jusqu'à l'accouchement, ils n'ont ordinairement aucune mauvaise suite ; on peut même avancer que la grossesse est plutôt avantageuse : les femmes qui paraissent les plus faibles, languissantes, maladives, sont celles souvent qui s'en trouvent mieux ; ces langueurs, ces indispositions se dissipent. On voit assez fréquemment des femmes qui sont presque toujours malades, hors le temps de leur grossesse ; dès qu'elles sont enceintes, elles reprennent la santé, et rien ne peut l'altérer, ni la suspension de l'évacuation menstruelle, ni le poids incommode de l'enfant ; ce qui parait vérifier, l'axiome reçu chez le peuple que la grossesse purge, et que l'enfant attire les mauvaises humeurs. D'un autre côté, les femmes stériles sont toujours valétudinaires, leur vie n'est qu'un temps d'indispositions. Il y a lieu de penser que le dérangement qui empêche la fécondité, y contribue aussi en quelque chose ; il n'en est pas de même de l'accouchement, qui dans l'état le plus naturel, ne laisse pas d'exiger un travail pénible, d'affoiblir considérablement, et qui peut par la moindre cause, devenir laborieux et amener un danger pressant. Les femmes qui ont fait beaucoup d'enfants sont plutôt vieilles, épuisées ; elles ne vivent pas longtemps, et sont assez ordinairement sujettes à beaucoup d'incommodités ; ce qui arrive bien plus surement si elles ont commencé trop jeunes à faire des enfants. D'ailleurs les accouchements sont encore dans ce cas-ci bien plus difficiles, les parties de la génération ne sont pas assez ouvertes, assez souples ; elles ne prêtent pas assez aux efforts que l'enfant fait pour sortir ; l'accouchement est bien plus laborieux, et les accidents qui le suivent plus graves. Cette seule raison suffit pour déconseiller le mariage aux personnes trop jeunes, à celles qui sont trop étroites. Il y a aussi des femmes encore moins propres au mariage, chez qui quelque vice de conformation rend l'accouchement extrêmement dangereux, ou même impossible. Telles sont les bossues, qui à cause de la mauvaise structure de la poitrine, ne peuvent pas faire les efforts suffisans pour chasser le foetus ; il n'est pas rare de les voir mourir succombant à ces efforts ; il en est de même des phtisiques, qui ont la respiration fort gênée, et peu propre à souffrir et à aider le mécanisme de l'accouchement. Ces personnes risquent non-seulement leur santé et leur vie en contractant le mariage, mais encore se mettent dans le cas de donner le jour à des malheureuses créatures, à qui elles transmettent leurs mauvaises dispositions, et à qui elles préparent par-là une vie des plus desagréables. Il arrive quelquefois que des femmes dont la matrice est mal conformée, deviennent enceintes ; mais quand le terme de l'accouchement est venu, le foetus ne trouve point d'issue, l'orifice de la matrice est de travers, tourné en arrière, de côté ; il ne répond point au conduit et à l'ouverture du vagin, ou bien il est entièrement fermé par quelque cicatrice ou par quelque indisposition naturelle. Il faut pour lors en venir à l'opération césarienne, cruelle ressource, mais indispensable, et préférable à l'expédient surement mortel de laisser le foetus dans la matrice, certâ desperatione potior est incerta salus : d'ailleurs on peut espérer de sauver l'enfant, et la vie de la mère qui éprouve cette opération, n'est pas entièrement désespérée ; autrement on abandonne la mère et l'enfant à une mort inévitable. Lorsque ces vices de conformation sont connus, ils doivent être des motifs assez pressants pour empêcher les femmes de se marier ; ce n'est ni dans l'excrétion de la semence, ni dans la grossesse qu'est le danger ; mais il est assuré à l'accouchement. Ainsi le mariage peut être très-salutaire à certains égards, et nuisible considéré dans d'autres ; on voit par-là de quelle importance il est d'en bien examiner et d'en comparer l'action, les effets et les suites dans les différents sujets pour en tirer des règles de conduite avantageuses. Il nous parait inutîle de chercher dans l'état de nourrice de nouvelles considérations, quoique l'allaitement de l'enfant paraisse exigé par la tendresse maternelle, conseillé par la nature, indiqué par la secrétion du lait, par les risques qu'on court à le dissiper, et la fièvre qui s'excite pour le faire perdre : c'est une chose dont on peut se dispenser, et nous voyons tous les jours les personnes riches se soustraire à ce devoir, moins par la crainte d'altérer leur santé, que dans la vue d'éviter les peines, les embarras, les veilles, que l'état de nourriture occasionne surement. On croit assez communément que les personnes délicates, qui ont la poitrine faible, ne peuvent pas nourrir sans s'incommoder ; c'est une règle assez reçue chez le peuple, que l'allaitement use, épuise, qu'il desseche la poitrine ; on peut assurer que de toutes les excrétions, c'est celle du lait qui affoiblit le moins. Cette humeur préparée sans dépense, presque point animalisée, peut être répandue même en très-grande quantité, sans que le corps s'en ressente aucunement ; et cela est surtout vrai pendant la première année qui se passe après l'accouchement. Lorsque le lait devient vieux, il est plus lymphatique, moins propre aux enfants nouveau-nés, son excrétion est plus forcée, et par conséquent plus sensible dans la machine. Je suis très-persuadé que des femmes qui continuent par l'appât du gain, trop longtemps, le métier de nourrices, risquent beaucoup de s'incommoder, et nuisent considérablement aux enfants qu'elles alaitent ; mais ce qui prouve encore mieux que l'état de nourrice contenu dans les justes bornes, n'a pour l'ordinaire aucun inconvénient, aucune suite facheuse, et qu'il est plutôt salutaire, c'est qu'on voit presque toujours les nourrices fraiches, bien portantes, ayant très-bon appétit, et jouissant de beaucoup d'embonpoint ; mais quand même il serait vrai que l'allaitement put altérer la santé, il ne pourrait pas être un motif suffisant pour empêcher un mariage, d'ailleurs salutaire, par la seule raison que les femmes n'y sont pas indispensablement asservies. (m)

MARIAGE, (Soierie) il se dit de deux fils tordus ensemble qui faisaient soraire.