S. m. (Théologie) du grec , heureuse nouvelle. C'est le nom que les Chrétiens donnent aux livres canoniques du nouveau Testament, qui contiennent l'histoire de la vie, des miracles, de la mort, de la résurrection et de la doctrine de Jesus-Christ, qui a rapporté aux hommes l'heureuse nouvelle de leur réconciliation avec Dieu.

Les églises grecque et latine, et les sociétés protestantes ne reconnaissent que quatre évangiles canoniques ; savoir ceux de S. Matthieu, de S. Marc, de S. Luc, et de S. Jean.

S. Matthieu écrivit le premier l'évangîle vers l'an 41 de l'ère chrétienne, en hébreu ou en syriaque, qui était la langue vulgaire alors en usage dans la Palestine : on croit que ce fut à la prière des Juifs nouvellement convertis à la foi. S. Epiphane ajoute que ce fut par un ordre particulier des apôtres. Le texte original de S. Matthieu fut traduit en grec de très-bonne heure. Quelques auteurs ecclésiastiques attribuent cette version à S. Jacques, d'autres à S. Jean : ce qu'il y a de certain, c'est qu'elle est très-ancienne. La version latine ne l'est guère moins ; elle est exacte et fidèle, mais le nom de son auteur est inconnu. Le texte hébreu se conservait encore du temps de S. Epiphane et de S. Jérôme, et quelques savants ont prétendu qu'il s'est conservé parmi les Syriens ; cependant en comparant le syriaque qui subsiste aujourd'hui, avec le grec, il est aisé de se convaincre que le premier n'est qu'une traduction de celui-ci, comme le prouve M. Mille dans ses prolégomenes, pag. 1237 et suiv.

Quelques-uns ont conjecturé que S. Marc écrivit son évangîle en latin, parce qu'il le composa à Rome sur ce qu'il avait appris de S. Pierre, et pour satisfaire aux désirs des Chrétiens de cette Eglise : ce fut vers l'an 44 de Jesus-Christ. Cependant S. Augustin et S. Jérôme attestent que tous les évangiles, à l'exception de celui de S. Matthieu, avaient été écrits primitivement en grec ; et d'ailleurs du temps de S. Marc la langue grecque n'était pas moins familière à Rome que la latine. Au reste la dispute serait bientôt terminée, s'il était sur que les cahiers de l'évangîle de S. Marc qu'on conserve à Prague, et l'évangîle entier de cet apôtre, qu'on garde précieusement à Venise, sont l'original écrit de la main de S. Marc ; car le P. dom Bernard de Montfaucon, dans le journal de son voyage d'Italie, chap. IVe pag. 55 et suiv. atteste qu'après avoir soigneusement examiné ce dernier manuscrit, il a reconnu qu'il était écrit en caractères latins. Au reste, comme ce n'est qu'en 1355 que l'empereur Charles IV. ayant trouvé à Aquilée l'original de S. Marc écrit, disait-on, de sa main, en sept cahiers, il en détacha deux qu'il envoya à Prague ; et que l'original de Venise n'est conservé dans cette république que depuis l'an 1420, ainsi que M. Fontanini l'a prouvé dans une lettre au P. de Montfaucon, insérée dans le même journal, ces prétendus originaux ne décident rien contre l'antiquité et l'authenticité du texte grec, reconnue et attestée par les anciens pères.

S. Luc était originaire d'Antioche (où il fut converti par S. Paul), et par-là dès l'enfance exercé à parler et à écrire en grec, que le règne des Séleucides avait rendu la langue dominante dans sa patrie. Il s'attacha à S. Paul, qu'il suivit dans ses voyages ; ce qui a fait penser à Tertullien que saint Paul était le véritable auteur de l'évangîle qui porte le nom de S. Luc ; et à saint Grégoire de Nazianze, que saint Luc l'écrivit, se confiant sur le secours de S. Paul. D'autres ont prétendu qu'il l'écrivit sous la direction de S. Pierre. Mais on n'a aucune preuve positive de toutes ces assertions ; et S. Luc n'insinue nulle part que ces apôtres l'aient porté à écrire, ni qu'ils lui aient dicté son évangile. Estius et Grotius croient que S. Luc écrivit son évangîle vers l'an 63 de J. C. l'opinion la plus suivie et la mieux appuyée, est, qu'il l'écrivit en grec en faveur des églises de Macédoine et d'Achaïe, vers la 53e année de l'ère chrétienne. Son style est plus pur et plus correct que celui des autres évangelistes, quoiqu'on y rencontre des tours de phrase qui tiennent du syriaque sa langue maternelle, et même du génie de la langue latine, si l'on en croit Grotius dans ses prolégomenes sur cet évangéliste.

Les critiques ne sont pas d'accord sur l'année précise ni sur le lieu où saint Jean composa son évangile. Plusieurs ont avancé que ce fut à Ephese, après son retour d'exil dans l'île de Pathmos, une des Sporades dans la mer Egée, d'autres soutiennent que ce fut à Pathmos même. Plusieurs manuscrits grecs portent qu'il l'écrivit trente-deux ans après l'Ascension de Jesus-Christ ; d'autres lisent trente, et d'autres lisent trente-un ans : les uns en fixent l'époque sous l'empire de Domitien, les autres sous celui de Trajan. L'opinion la plus commune est que l'évangîle de S. Jean fut écrit après son retour de Pathmos, vers l'an 98 de Jesus-Christ, la première année de Trajan, soixante-cinq ans après l'Ascension du Sauveur, et que l'évangéliste était alors âgé d'environ quatre-vingt-quinze ans. Quoi qu'il en sait, aux instances de ses disciples, des évêques et des églises d'Asie, il se détermina à écrire son évangile, pour l'opposer aux hérésies naissantes de Cerinthe et d'Ebion, qui niaient la divinité du Verbe ; à l'incrédulité des Juifs, et aux idées des Platoniciens et des Stoïciens : quoique M. le Clerc et d'autres modernes croient qu'il avait emprunté de Platon ce qu'il dit du Verbe divin ; mais sa doctrine sur ce point est bien différente de celle des Platoniciens. Voyez PLATONICIENS.

S. Jean avait écrit son évangîle en grec, et on le conservait encore en original dans l'église d'Ephese au septième siècle, au moins au quatrième, ainsi que l'atteste Pierre d'Alexandrie. Les Hébreux le traduisirent bientôt en hébreu, c'est-à-dire en syriaque, et la version latine remonte aussi jusqu'à l'antiquité la plus reculée.

La canonicité de ces quatre évangiles est démontrée par le soin et la vigilance avec lesquelles les églises apostoliques en ont conservé des exemplaires originaux ou des copies authentiques ; par les décisions de différents conciles ; et notamment de celui de Trente ; par le concours unanime des pères et des auteurs ecclésiastiques, à n'en point reconnaître d'autres ; et enfin par la confession même des sectes séparées de l'Eglise romaine. Les Sociniens même les reconnaissent, quoiqu'ils tentent d'en altérer le sens par des interprétations arbitraires et forcées. Voyez SOCINIENS.

Les hérétiques, surtout dans les temps les plus reculés, ne se sont pas contentés de rejeter tous ou quelques-uns de ces évangiles, où se trouvait la réfutation de leurs erreurs ; mais ils en ont encore supposé de faux et d'apocryphes, qui fussent favorables à leurs prétentions. Au catalogue de ces évangiles apocryphes, nous joindrons sur chacun d'eux une observation abrégée, mais suffisante pour en donner une idée au commun des lecteurs.

Entre ces évangiles apocryphes et sans autorité, dont les uns sont venus jusqu'à nous, et les autres sont entièrement perdus, on compte :

1°. L'évangîle selon les Hébreux.

2°. L'évangîle selon les Nazaréens.

3°. L'évangîle des douze Apôtres.

4°. L'évangîle de S. Pierre.

Les critiques conjecturent que ces quatre évangiles ne sont que le même sous différents titres, c'est-à-dire l'évangîle de S. Matthieu, qui fut corrompu de bonne-heure par les Nazaréens hérétiques ; ce qui porta les Catholiques à abandonner aussi de bonne-heure l'original hébreu ou syriaque de S. Matthieu, pour s'en tenir à la version grecque, qu'on regardait comme moins suspecte, ou moins susceptible de falsification.

5°. L'évangîle selon les Egyptiens.

6°. L'évangîle de la naissance de la sainte Vierge : on l'a en latin.

7°. L'évangîle de S. Jacques, qu'on a en grec et en latin, sous le titre de protévangîle de S. Jacques.

8°. L'évangîle de l'enfance de Jesus : on l'a en grec et en arabe.

9°. L'évangîle de S. Thomas : c'est le même que le précédent.

10°. L'évangîle de Nicodème : on l'a en latin.

11°. L'évangîle éternel.

12°. L'évangîle de S. André.

13°. L'évangîle de S. Barthelemi.

14°. L'évangîle d'Apellés.

15°. L'évangîle de Basilide.

16°. L'évangîle de Cérinthe.

17°. L'évangîle des Ebionites.

18°. L'évangîle des Encratites, ou de Tatien.

19°. L'évangîle d'Eve.

20°. L'évangîle des Gnostiques.

21°. L'évangîle de S. Marcion : c'est le même que celui qui est attribué à S. Paul.

22°. L'évangîle de S. Paul : le même que celui de Marcion.

23°. Les petites et les grandes interrogations de Marie.

24°. Le livre de la naissance de Jesus, qu'on croit avoir été le même que le protévangîle de S. Jacques.

25°. L'évangîle de S. Jean, autrement livre du trépas de la sainte Vierge.

26°. L'évangîle de S. Matthias.

27°. L'évangîle de la perfection.

28°. L'évangîle des Simoniens.

29°. L'évangîle selon les Syriens.

30°. L'évangîle selon Tatien : le même que celui des Encratites. Voyez ENCRATITES.

31°. L'évangîle de Thadée, ou de S. Jude.

32°. L'évangîle de Valentin, c'est le même que l'évangîle de la vérité.

33°. L'évangîle de vie, ou l'évangîle du Dieu vivant.

34°. L'évangîle de S. Philippe.

35°. L'évangîle de S. Barnabé.

36°. L'évangîle de S. Jacques le majeur.

37°. L'évangîle de Judas Iscariote.

38°. L'évangîle de la vérité, qui est le même que celui de Valentin.

39°. Les faux évangiles de Leucius, de Seleucus, de Lucianus, d'Hesychius.

Tel est le catalogue des évangiles apocryphes, que M. Fabricius nous a donné dans son ouvrage intitulé codex apocryphus novi Testamenti. Il s'agit maintenant d'en tracer une notice abrégée d'après ce savant écrivain et d'après le P. Calmet, dans sa dissertation sur les évangiles apocryphes.

I°. Les quatre premiers évangiles apocryphes, savoir l'évangîle selon les Hébreux, l'évangîle des Nazaréens, l'évangîle des douze apôtres, et l'évangîle de S. Pierre, paraissent n'avoir été que l'évangîle même de S. Matthieu ; mais altéré par diverses particularités qu'y avaient inseré les chrétiens hébraïsans, et qu'ils disaient avoir apprises de la bouche des apôtres, ou des premiers fidèles. Les Ebionites le corrompirent encore par des additions et des retranchements favorables à leurs erreurs. Dès le temps d'Origène, cet évangîle ainsi interpolé ne passait plus pour authentique, et Eusebe le compte parmi les ouvrages supposés. Quelques pères en ont cité des passages, qui ne se trouvent ni dans le texte grec de S. Matthieu, ni dans le latin de la vulgate : par exemple, S. Jérôme sur l'épitre aux Ephésiens, en rapporte cette sentence, Ne soyez jamais dans la joie, sinon lorsque vous voyez votre frère dans la charité : S. Clément d'Alexandrie (Stromat. lib. I.) en cite ces paroles, Celui qui admirera régnera, et celui qui régnera se reposera. Origène sur S. Jean fait dire à Jesus-Christ, suivant l'évangîle des Hébreux : Ma mère, le S. Esprit m'a pris par un de mes cheveux, et m'a transporté sur la haute montagne du Thabor. S. Jérôme, liv. III. contre Pelage, ch. j. rapporte qu'on lisait dans le même évangile, que la mère de Jesus et ses frères lui disaient : Voilà Jean qui baptise pour la rémission des péchés, allons nous faire baptiser par lui. Mais Jesus leur répondit : Quel mal ai-je fait pour me faire baptiser par lui ? si ce n'est que cela même que je viens de dire ne soit un péché d'ignorance. D. Calmet rapporte encore dans le corps de son commentaire, un assez bon nombre d'autres passages tirés de cet évangile, que les chrétiens hébraïsans nommaient aussi l'évangîle des apôtres, prétendant l'avoir reçu du collège des apôtres. On l'appelait aussi l'évangîle des Nazaréens, parce qu'il était entre les mains des premiers Chrétiens nommés Nazaréens, de Nazareth, patrie de J. C. Ce nom qui n'avait d'abord rien d'injurieux, le devint ensuite parmi les Chrétiens mêmes, qui l'appliquèrent à une secte opiniâtrément attachée aux cérémonies de la loi, qu'elle croyait absolument nécessaires au salut. L'évangîle de S. Pierre était à l'usage des Docetes, hérétiques du IIe siècle, qui prétendaient que Jesus-Christ n'était né, n'avait souffert, et n'était mort qu'en apparence. Voyez DOCETES et NAZAREENS. Quelques pères font aussi mention d'un ouvrage adopté par Héracléon ami de Valentin, et intitulé la prédication de S. Pierre, qui parait avoir été le même que l'évangîle de S. Pierre. Il ne nous reste des quatre évangiles dont nous venons de parler, que des fragments cités par les pères et les interpretes. Le corps de ces ouvrages ne subsiste plus depuis très-longtemps.

II. L'évangîle selon les Egyptiens passe pour le plus ancien des évangiles purement apocryphes. Son existence est attestée par S. Clément pape, ep. IIe §. 12. S. Clément d'Alexandrie, stromat. lib. III. Saint Epiphane, heraes. 62. Saint Jérôme, proaem. in Matth. et d'autres écrivains ecclésiastiques. M. Grabe juge qu'il fut écrit par les chrétiens d'Egypte, avant que S. Luc eut écrit le sien ; et qu'il a en vue l'ouvrage des Egyptiens, lorsqu'à la tête de son évangîle il dit, que plusieurs avant lui avaient tenté d'écrire l'histoire des commencements du Christianisme. M. Mille prétend qu'il a été composé en faveur des Esseniens qui, selon lui, furent les premiers et les plus parfaits chrétiens de l'Egypte. Quoi qu'il en sait, voici quelques traits singuliers de cet ouvrage. S. Clément pape cite de cet évangile, qu'un certain homme ayant demandé à Jesus-Christ quand le monde devait finir, le Sauveur lui répondit : Lorsque deux ne seront qu'un, quand ce qui est au-dehors sera au-dedans, et lorsque l'homme et la femme ne seront ni mâle ni femelle. S. Clément d'Alexandrie ajoute, et lorsque vous foulerez aux pieds les habits de votre nudité. Au rapport de ce dernier auteur (stromat. lib. III.) on lisait dans le même évangile, que Salomé ayant demandé à Jesus-Christ : Jusqu'à quand les hommes mourront-ils ? Jesus lui répondit : Tant que vous autres femmes produirez des enfants. J'ai donc bien fait de n'avoir point d'enfants, repliqua Salomé ? Mais le Sauveur lui dit : Nourrissez-vous de toutes sortes d'herbes, à l'exception de celle qui est amère. Clément d'Alexandrie en cite encore ces paroles : Je suis venu pour détruire les œuvres de la femme, c'est-à-dire l'amour et la génération. Maximes dont les hérétiques des premiers temps, ennemis du mariage, et livrés aux excès les plus dénaturés, ne manquaient pas d'abuser. Cet évangîle est absolument perdu, à l'exception des fragments qu'on vient de lire.

III. L'évangîle de la naissance de la Vierge. On en connait jusqu'à trois ; et nous en avons encore deux entiers. Le principal est le protévangîle attribué à S. Jacques le mineur, évêque de Jérusalem. On l'a en grec et en latin. Le second est l'évangîle de la nativité de la Vierge, qu'on a en latin, et qui n'est qu'un abrégé du protévangile. Le troisième ne se trouve plus. Mais S. Epiphane (haeres. 26. n. 12.) en cite un trait fabuleux et très-remarquable : c'est que Zacharie père de Jean-Baptiste, étant dans le temple où il offrait l'encens, vit un homme qui se présenta devant lui avec la forme d'un âne. Etant sorti du temple, il s'écria : Malheureux que vous êtes, qu'est-ce que vous adorez ! Mais la figure qu'il avait vue lui ferma la bouche, et l'empêcha d'en dire davantage. Après la naissance de Jean-Baptiste, Zacharie ayant recouvré l'usage de la parole, publia cette vision ; et les Juifs pour l'en punir, le firent mourir dans le temple. C'est peut-être une pareille rêverie qui a fait penser à quelques payens, que les Juifs adoraient une tête d'âne ; comme le rapporte Tacite, lib. V. hist. Voyez cette conjecture développée par M. Morin, qui cite le trait rapporté par S. Epiphane, dans les mémoires de l'acad. des Inscriptions, tom. I. pag. 142. et suiv. Au reste, ces faux évangiles dont le protévangîle parait être l'original, sont très-anciens, puisqu'ils sont cités comme apocryphes par les pères des premiers siècles, et que Tertullien et Origène y font quelquefois allusion.

IV. L'évangîle de l'enfance de Jesus a été fort connu des anciens. C'est un recueil des miracles qu'on suppose opérés par Jesus-Christ depuis sa plus tendre enfance, dans son voyage en Egypte, et après son retour à Nazareth jusqu'à l'âge de douze ans. Nous l'avons en arabe, avec une version latine d'Henri Sikius. M. Cotelier en a aussi donné un fragment en grec. Voici quelques échantillons des fables et des absurdités que contient ce faux évangile. On y rapporte la naissance de Jesus-Christ, avec ces circonstances : que Joseph ayant couru à Bethléem chercher une sage femme, et étant revenu avec elle à la caverne où Marie s'était retirée, il la trouva accouchée, et l'enfant enveloppé de langes et couché dans la crêche : que la sage-femme, qui était lépreuse, ayant touché l'enfant, fut aussi-tôt guérie de la lépre : que l'enfant fut circoncis dans la caverne, et son prépuce conservé par la même femme dans un vase d'albâtre, avec des onguents précieux ; et que c'est ce même vase qui fut acheté par Marie la Pécheresse, qui oignit les pieds du Sauveur. On ajoute que Jesus fut présenté au temple, accompagné d'anges qui l'environnaient comme autant de gardes : que les mages étant venus à Bethléem, suivant la prédiction de Zoroastre, Marie leur donna une des bandes, avec lesquelles elle enveloppait le petit Jesus ; et que cette bande ayant été jetée dans le feu, en fut tirée entière et sans avoir été endommagée. Suivent la fuite de la sainte famille et son séjour en Egypte. Ce séjour dure trois ans, et est signalé par une foule de miracles qui ne sont écrits nulle part ailleurs ; tels que ceux-ci : une jeune épousée qui était devenue muette, recouvra la parole en embrassant le petit Jesus : un jeune homme changé en mulet, reprit sa première forme : deux voleurs nommés Titus et Dumacus, ayant laissé passer Joseph et Marie sans leur faire de mal, Jesus-Christ leur prédit que l'un et l'autre serait attaché en croix avec lui. De retour à Bethléem, il opère bien d'autres prodiges. Deux épouses d'un même mari avaient chacune un enfant malade : l'une s'adressa à Marie, en obtint une bandelette de Jesus, l'appliqua sur son fils, et le guérit. L'enfant de sa rivale mourut : grande jalousie entr'elles. La mère de l'enfant mort jette le fils de l'autre dans un four chaud ; mais il n'en ressent aucun mal : elle le précipite ensuite dans un puits, et on l'en retire sain et sauf. Quelques jours après, cette mégère tombe elle-même dans ce puits, et y périt. Une femme avait un enfant nommé Judas, possédé du démon ; c'est Judas Iscariote : on l'apporta près de Jesus, à qui le possédé mordit le côté, et fut guéri ; c'est ce même côté qui fut percé de la lance à la passion. Un jour, des enfants jouant avec Jesus, faisaient de petits animaux d'argîle ou de terre : Jesus en faisait comme eux ; mais il les animait, en sorte qu'ils marchaient, buvaient, et mangeaient. Ce miracle est rapporté dans l'alcoran, sura 3. et 5. et dans le livre intitulé toldos Jesu. Joseph allait avec Jesus par les maisons de la ville, travaillant de son métier de charpentier ou menuisier ; tout ce qui se trouvait trop long ou trop court, Jesus l'accourcissait ou l'allongeait suivant le besoin. Jesus s'étant mêlé avec des enfants qui jouaient, les changea en boucs, puis les remet en leur premier état. Un jour de sabbat Jesus fit une petite fontaine avec de la terre, et mit sur ses bords douze petits moineaux de même matière. On avertit Ananie que Jesus violait le sabbat ; il accourut, et vit avec étonnement que les petits moineaux de terre s'envolaient. Le fils d'Ananie ayant voulu détruire la fontaine, l'eau disparut, et Jesus lui dit que sa vie disparaitrait de même : aussi-tôt il sécha et mourut. On y raconte encore qu'un maître d'école de Jérusalem ayant souhaité d'avoir Jesus pour disciple ; Jesus lui fit diverses questions qui l'embarrassèrent, et lui prouvèrent que son disciple en savait infiniment plus que lui : ensuite Jesus récita seul l'alphabet ; le maître interdit l'ayant voulu frapper, sa main devint aride, et il mourut sur le champ. Enfin Jesus âgé de douze ans, parait au temple au milieu des docteurs, qu'il étonna par ses questions et ses réponses, non-seulement sur la loi, mais encore sur la Philosophie, l'Astronomie, et sur toutes sortes de sciences. Joseph et Marie le ramènent à Nazareth, où il demeure jusqu'à l'âge de trente ans, cachant ses miracles et étudiant la loi. Tel est le précis des principales choses contenues dans le texte arabe, traduit par Sikius. Le fragment grec traduit par M. Cotelier, diffère un peu quant à l'ordre des miracles et quant aux circonstances ; mais il renferme encore plus d'impertinences, et des contes plus ridicules.

V. L'évangîle de Nicodème n'a pas été connu des anciens, pas même de Paul Orose et de Grégoire de Tours, qui ne le citent jamais sous ce titre, quoiqu'ils citent les actes de Pilate, avec lesquels l'évangîle de Nicodème a beaucoup de conformité. De-là M. Fabricius, de apocryph. nov. Testam. p 215. conjecture avec beaucoup de vraisemblance, que ce sont les Anglais qui ont forgé l'évangîle de Nicodème tel que nous l'avons, surtout depuis qu'ils ont voulu faire passer Nicodème pour leur premier apôtre. En effet le latin dans lequel cet ouvrage est écrit est très-barbare, et de la plus basse latinité. Il rapporte toute l'histoire du procès, de la condamnation, de la mort et de la résurrection de Jesus-Christ, avec mille circonstances fabuleuses ; et il finit par ces termes : Au nom de la très-sainte Trinité ; fin du récit des choses qui ont été faites par notre Sauveur Jesus-Christ, et qui a été trouvé par le grand Théodose empereur, dans le prétoire de Pilate, et dans les écrits publics. Fait l'an XIe de Tibere, le XVIIe d'Hérode roi de Galilée, le 8. des calendes d'Avril, le 23. Mars de la ccij. olympiade, sous les princes des Juifs, Anne et Caïphe. Tout cela a été écrit en hébreu par Nicodème.

VI. L'évangîle éternel est encore plus moderne : c'est la production d'un religieux mendiant du XIIIe siècle ; elle fut condamnée par Alexandre IV. et brulée, mais secrètement, de peur de causer du scandale aux frères. Cet auteur qui avait tiré son titre de l'apocalypse, où il est dit, chap. XIVe 6. qu'un ange porte l'évangîle éternel et le publie dans toute la terre et à tous les peuples du monde, prétendait que l'évangîle de Jesus-Christ, tel que nous l'avons, serait aboli ou du moins abrégé, comme la loi de Moyse l'a été par l'évangile, quant à ses cérémonies et à ses lois judicielles.

VII. L'évangîle de S. André n'est connu que par le decret du pape Gélase, qui l'a relégué parmi les livres apocryphes.

VIII. L'évangîle de S. Barthelemi fut aussi condamné par le pape Gélase. Saint Jérôme et Bede en font mention. D. Calmet pense que ce n'était autre chose que l'évangîle de S. Matthieu, qui, selon Eusebe et quelqu'autres, avait été porté dans les Indes par S. Barthelemi, où Pantaenus le trouva et le rapporta à Alexandrie. Mais si c'eut été l'évangîle pur et non altéré de S. Matthieu, le pape Gélase l'aurait-il condamné ?

IX. L'évangîle d'Apellés est connu dans Saint Jérôme et dans Bede, non comme un évangîle nouveau, composé exprès par cet hérésiarque, mais, comme quelqu'un des anciens évangiles qu'il avait corrompu à sa fantaisie, pour soutenir et accréditer ses erreurs.

X. L'évangîle de Basilide était en effet un ouvrage composé par ce chef de secte, et intitulé de la sorte par un homme qui proposait sans détour ses visions et ses erreurs, sans vouloir les mettre à l'abri de quelque grand nom, comme faisaient les autres hérétiques, qui supposaient des évangiles sous le nom des apôtres. M. Fabricius conjecture que cet évangîle de Basilide n'était autre chose qu'une espèce de commentaire fait par cet hérésiarque sur les quatre évangiles, et distribué en vingt-quatre livres, dont on a quelques fragments dans le spicilège de M. Grabe. Basilide se vantait d'avoir appris sa doctrine de Glaucias interprete de S. Pierre, et la donnait par conséquent avec confiance comme la doctrine même du chef des apôtres.

XI. L'évangîle de Cérinthe est, selon S. Epiphane, haeres. 51. un de ceux qui avaient été écrits par les premiers chrétiens avant que Saint Luc écrivit le sien. Le même père semble dire ailleurs que Cérinthe se servait de l'évangîle de S. Matthieu, altéré sans-doute relativement à ses erreurs. Et dans un autre endroit, il rapporte que les Alogiens attribuaient à ce novateur l'évangîle de S. Jean. Mais l'erreur était grossière, puisque S. Jean n'écrivit son évangîle que pour combattre l'hérésie de Cérinthe. Il ne nous reste plus rien de l'évangîle de ce dernier. Voyez ALOGIENS.

XII. L'évangîle des Ebionites était l'évangîle de S. Matthieu, aussi altéré en plusieurs endroits, pour favoriser leur dogme contraire à la divinité de J. C. par exemple celui-ci, qu'après avoir été baptisé par Jean-Baptiste, Jesus-Christ étant sorti de l'eau, le saint-Esprit parut sur lui et entra en lui sous la forme d'une colombe ; alors on ouit une voix du ciel qui disait : Vous êtes mon fils bien-aimé, en qui j'ai mis ma complaisance : et encore, je vous ai engendré aujourd'hui. Il nous reste encore quelques autres fragments peu considérables de cet évangile, cité par S. Epiphane, haeres. 30. chap. XVe n°. 16 et 21. Voyez EBIONITES.

XIII. L'évangîle des Encratites n'était que les quatre évangiles fondus en un seul par Tatien ; et selon Théodoret, haeretic. fabul. lib. I. cap. xx. les catholiques des provinces de Syrie et de Cilicie s'en servaient aussi bien que les Encratites. Au reste il n'était pas reconnu par l'Eglise pour authentique. Voyez ENCRATITES.

XIV. L'évangîle d'Eve était en usage parmi les Gnostiques, et contenait beaucoup d'obscénités, dont on peut voir le détail dans S. Epiphane, haeres. 26. n. 2. 3. 5. 8. et 11. Voyez GNOSTIQUES.

XV. L'évangîle des Gnostiques était moins un livre particulier, qu'une collection de tous les évangiles faux et erronnés, composés avant eux ou par eux-mêmes : tels que les évangiles d'Eve, de Valentin, d'Apellés, de Basilide, de l'enfance de Jesus, &c.

XVI. L'évangîle de Marcion n'était que l'évangîle de Saint Luc, tronqué et altéré suivant la fantaisie de Marcion et de ses sectateurs. On a des exemples de ces altérations dans Tertullien, dans Saint Epiphane ; et D. Calmet les a remarquées exactement dans son commentaire sur les évangiles. Voyez MARCIONITES.

XVII. L'évangîle de Saint Paul est moins un livre réel et apocryphe, qu'une falsification de titre de la façon des Marcionites, qui attribuaient à Saint Paul l'évangîle de Saint Luc. L'erreur au reste eut été peu importante, s'ils n'eussent corrompu dans des matières essentielles l'évangîle même de Saint Luc, le seul qu'ils admettaient, mais défiguré à leur manière.

XVIII. Les Interrogations de Marie. Les Gnostiques avaient deux livres de ce nom ; l'un intitulé, les grandes Interrogations de Marie, l'autre, les petites Interrogations de Marie. Ces deux ouvrages étaient également un tissu d'infamies écrites par ces fanatiques, dont le culte consistait principalement en impuretés monstrueuses.

XIX. Le livre de la Naissance du Sauveur était un ouvrage apocryphe que le pape Gélase condamna sous un même titre, avec celui de la Vierge et de la Sage-femme. Don Calmet conjecture que c'était à-peu-près le même que le protévangîle de S. Jacques, où l'on raconte la naissance du Sauveur, et l'épreuve que la Sage-femme voulut faire de l'intégrité de Marie après l'enfantement.

XX. L'Evangîle de S. Jean, ou le livre du trépas de la Vierge, est condamné dans le decret de Gelase, et se trouve encore en grec dans quelques bibliothèques : quelques manuscrits l'attribuent à S. Jacques, frère du Seigneur, et d'autres à S. Jean l'Evangéliste.

XXI. L'Evangîle de Saint Matthias est connu par les pères, qui n'en ont cité que le nom : on a aussi des actes apocryphes de S. Matthias, et des traditions ou maximes qu'on croit extraites du faux évangîle qui courait autrefois sous le nom de cet apôtre, et dont plusieurs anciens hérétiques, entr'autres les Carpocratiens, abusaient pour autoriser leurs erreurs. Voyez CARPOCRATIENS.

XXII. L'Evangîle de la perfection ; ouvrage obscène, production des Gnostiques, qui avaient le front de se donner ce nom, qui à la lettre signifie un homme parfait, quoiqu'ils fussent, par leurs dérèglements, les plus abominables de tous les hommes.

XXIII. L'Evangîle des Simoniens, ou des disciples de Simon le Magicien, était distribué en quatre livres ou tomes remplis d'erreurs et d'extravagances imaginées par ces hérétiques qui combattaient la création, la providence, le mariage, la génération, la loi, et les prophetes. C'est tout ce qu'on en sait par les constitutions apostoliques, liv. VI. ch. XVIIe et par la préface des canons arabiques du concîle de Nicée, tome II. concil. pag. 386. Voyez SIMONIENS.

XXIV. L'Evangîle selon les Syriens, dont l'existence a été attestée par S. Jérôme et par Eusebe, était probablement le même que l'évangîle des Nazaréens, ou l'évangîle hébreu de S. Matthieu, dont se servaient les Chrétiens de Syrie et des provinces voisines ; et nous avons déjà remarqué que ces deux évangiles n'étaient pas entièrement purs et sans altération.

XXV. L'Evangîle de Tatien était une espèce de concorde des quatre évangiles. Tatien, qui, après avoir été disciple de S. Justin, était tombé dans l'erreur, avait retranché les généalogies et tout ce qui prouvait que Jesus-Christ était né de la race de David selon la chair : cette altération ne se trouvant pas dans l'harmonie ou concorde qui porte le nom de Tatien, dans les bibliothèques des pères, montre que ce n'est point le véritable évangîle de Tatien, mais l'harmonie d'Ammonius d'Alexandrie. Tatien écrivit son évangîle en grec, et il est perdu. Théodoret en parle haeretic. fabular. lib. I. c. xx.

XXVI. L'Evangîle de Thadée ou de S. Jude, se trouve condamné dans le decret du pape Gelase : M. Fabricius doute qu'il ait jamais existé ; et l'on n'en connait aucun exemplaire.

XXVII. L'Evangîle de Valentin ou des Valentiniens, qui l'appelaient aussi l'évangîle de vérité, était un recueil de tous leurs dogmes, ou plutôt de leurs impertinences. Voici comme il débutait : l'âme, ou la pensée, d'une grandeur indestructible, ou indéfectible par son élévation, souhaite le salut aux indestructibles qui sont parmi les prudents, les psychiques, ou les animaux, les charnels et les mondains : je vais vous parler de choses ineffables, secrètes, et qui sont élevées au-dessus des cieux, qui ne peuvent être entendues ni par les principautés, ni par les puissances, ni par les sujets, ni par aucuns autres que par l'entendement immuable, etc. Tout le reste était du même ton emphatique. S. Epiphane nous a détaillé les rêveries des Valentiniens, haeres. 31. leur chef prétendait tenir sa doctrine de Theudas, ami de S. Paul. Voyez VALENTINIENS.

XXVIII. L'Evangîle de vie ou l'évangîle vivant, était à l'usage des Manichéens, sur le témoignage de Photius, cod. 85. Voyez MANICHEENS.

XXIX. L'Evangîle de S. Philippe : les Manichéens s'en servaient encore. Les Gnostiques en avaient aussi un sous le même titre. S. Epiphane, haeres. 26. n°. 13. en rapporte ce fragment, où l'on entrevait les abominations de ces hérétiques : le Seigneur m'a découvert ce que l'âme devait dire lorsqu'elle serait arrivée dans le ciel, et ce qu'elle devait répondre à chacune des vertus célestes. Je me suis reconnue et recueillie ; et je n'ai point engendré d'enfants au prince de ce monde, au démon ; mais j'ai extirpé ses racines : j'ai réuni les membres ensemble : je connais qui vous êtes, étant moi-même du nombre des choses célestes ; ayant dit ces choses, on la laisse passer : que si elle a engendré des enfants, on la retient jusqu'à ce que ses enfants soient revenus à elle, et qu'elle les ait retirés des corps qu'ils animent sur la terre. Voyez GNOSTIQUES.

XXX. L'Evangîle de S. Barnabé. Tout ce qu'on en sait, c'est qu'un ouvrage composé sous ce titre, apparemment par des hérétiques, est mis au nombre des livres apocryphes, et condamné comme tel par le pape Gelase.

XXXI. L'Evangîle de S. Jacques le Majeur. Il fut, dit-on, découvert en Espagne, en 1595, sur une montagne du royaume de Grenade, avec dix-huit livres écrits sur des plaques de plomb, dont quelques-unes étaient de cet apôtre ; entr'autres une messe des apôtres avec son cérémoniel, et une histoire évangélique. Le pape Innocent XI. condamna tous ces faux écrits en 1682.

XXXII. L'Evangîle de Judas Iscariote avait été composé par les Caïnites, pour soutenir leurs impiétés. Ils reconnaissaient un premier principe, ou une vertu supérieure à celle du créateur, et disaient que Caïn, les Sodomites, Coré, et Judas Iscariote lui-même, qui seul entre les apôtres avait connu ce mystère d'iniquitté, avaient combattu en faveur de ce premier principe, contre la vertu du créateur. On voit qu'ils n'étaient pas délicats sur le choix de leurs patriarches. Ce faux évangile, dont les anciens ont beaucoup parlé, est absolument perdu. Voyez CAÏNITES.

XXXIII. L'Evangîle de la vérité, est le même que celui de Valentin ou de ses disciples, dont nous avons parlé plus haut.

XXXIV. Les faux Evangiles de Leucius, Lucianus, Seleucus, et Hezychius, sont ou de simples corruptions des vrais évangiles, ou quelques-uns des évangiles apocryphes dont nous venons de rendre compte. M. Grabe, dans ses notes sur S. Irénée, liv. I. chapitre XVIIe dit qu'il a trouvé dans la bibliothèque du collège de Christ, à Oxford, un exemplaire du faux évangîle de Lucius ; et il en rapporte un fragment, qui contient l'histoire du maître d'école de Jérusalem, narrée dans l'évangîle de l'enfance de Jesus. Voyez ci-dessus, article IV.

Nous ne pouvons mieux terminer ce détail emprunté et abrégé de la dissertation de Don Calmet, sur les évangiles apocryphes, que par une réflexion qui est toute à l'avantage des quatre évangiles que l'Eglise catholique, et même les sectes chrétiennes, reconnaissent pour authentiques. Outre que ceux-ci ont pour eux le témoignage uniforme et constant d'une société toujours subsistante depuis plus de dix-sept siècles, intéressée à discerner et à conserver les monuments qui contiennent le dépôt de sa créance et de sa morale, et qu'elle n'a jamais manqué de réclamer contre l'introduction des faux évangiles, soit en les condamnant et les excluant de son canon, soit en les combattant par la plume des pères, soit en montrant la nouveauté de leur origine, soit en remarquant les caractères de supposition qui les distinguent des livres divinement inspirés, soit enfin en montrant l'opposition qui règne entre sa doctrine et les erreurs des évangiles apocryphes : il suffit de jeter de bonne foi les yeux sur les uns et sur les autres, pour se convaincre que la sagesse et la vérité ont présidé à la composition des livres saints admis par l'église, tandis que les faux évangiles sont évidemment l'ouvrage du fanatisme et du mensonge. Les mystères contenus dans les évangiles authentiques sont à la vérité au-dessus de la raison, mais ils ne sont ni extravagans ni indignes de la majesté de Dieu, comme les rêveries qu'on rencontre dans les évangiles apocryphes. Les miracles racontés par nos évangélistes ont tous une fin bonne, louable, et sainte, et moins encore la santé des corps que la sainteté des âmes, la conversion des pécheurs, la manifestation de la vérité. Les prodiges imaginés par les falsificateurs ne semblent faits que pour l'ostentation : les circonstances puériles et ridicules dont ils sont accompagnés, suffisent pour les décréditer. Enfin la doctrine des mœurs est si belle, si pure, si sainte dans les écrits des apôtres, qu'elle est l'objet de l'admiration de ceux mêmes qui la pratiquent le moins ; et la morale des faux évangélistes est marquée au coin de la débauche et de l'infamie. Ce parallèle seul suffirait à tout esprit sensé, pour décider, quand nous n'aurions pas d'ailleurs une certitude de traditions et de témoignages les plus respectables, pour constater l'origine et l'authenticité de nos évangiles. (G)

EVANGILE, (Histoire ecclésiastique) est aussi le nom que les Grecs donnent à leur livre d'office, où sont contenus, selon l'ordre de leur calendrier et de leur année ecclésiastique, les évangiles qu'ils lisent dans leurs églises, dont le premier est l'évangîle de S. Jean qu'ils lisent de suite, à la réserve de trois jours qu'ils prennent d'un autre évangile, et ils commencent cette lecture le dimanche de Pâques, lisant ce jour-là : in principio erat verbum, et ainsi de suite. Ils commencent le lendemain de la Pentecôte l'évangîle de S. Matthieu qu'ils continuent, à la réserve de quelques jours qu'ils prennent d'un autre évangéliste ; c'est ce qu'on peut voir traité assez au long par Allatius, dans sa I. Dissertation des livres ecclésiastiques qui sont en usage chez les Grecs. Chambers. (G)

* EVANGILES, adj. pris substantiv. (Mythologie) fêtes que les Ephésiens célébraient en l'honneur d'un berger qui leur avait indiqué les carrières d'où l'on tira les marbres qui furent employés à la construction du temple de Diane ; ce berger s'appelait Pixodore. On changea son nom en celui de l'Evangéliste ; on lui faisait tous les mois des sacrifices ; on allait en procession à la carrière. On dit que ce fut le combat de deux béliers qui donna lieu à la découverte de Pixodore : l'un de ces deux beliers ayant évité la rencontre de son adversaire, celui-ci alla si rudement donner de la tête contre une pointe de rocher qui sortait de terre, que cette pointe en fut brisée ; le berger ayant considéré l'éclat du rocher, trouva que c'était du marbre. Au reste, on appelait ailleurs évangiles ou évangélies, toutes les fêtes qu'on célébrait à l'occasion de quelque bonne nouvelle : dans ces fêtes, on faisait des sacrifices aux dieux ; on donnait des repas à ses amis, et l'on réunissait toutes les sortes de divertissements.

EVANGILE, (Jurisprudence) dans l'ancien style du palais, signifiait la vérification que les greffiers font des procès qu'ils reçoivent, pour s'assurer si toutes les pièces y sont. Le terme d'évangîle a été ainsi employé abusivement dans ce sens, pour exprimer une chose sur la vérité de laquelle on devait compter comme sur une parole de l'évangile. L'ordonnance de Charles IX. du mois de Janvier 1575, art. 4. à la fin, enjoint aux greffiers de donner tous les sacs des procès criminels, informations, enquêtes, et autres choses semblables, aux messagers, jurés, et reçus au parlement, et ajoute que pour l'évangile, lesdits greffiers auront sept sols 6 deniers tournois seulement ; et la cour, par son arrêt de vérification, ordonna que lesdits greffiers, ou leurs commis, seraient tenus de clorre et de corder tout-à-l'entour les sacs, et les sceller en sorte qu'ils ne puissent être ouverts, dont ils seront payés par les parties, pour les clorre, évangéliser, corder et sceller, à raison de 6 sols parisis pour chaque procès ; ainsi d'évangîle on a fait évangéliser ; on a aussi tiré de-là le mot évangéliste. Voyez ci-devant EVANGELISER et EVANGELISTE. (A)