(Théologie) du grec , terme qui dans son origine et selon son étymologie, signifie caché.

En ce sens on nommait apocryphe tout écrit gardé secrètement et dérobé à la connaissance du public. Ainsi les livres des Sibylles à Rome, confiés à la garde des Decemvirs, les annales d'Egypte et de Tyr, dont les prêtres seuls de ces royaumes étaient dépositaires, et dont la lecture n'était pas permise indifféremment à tout le monde, étaient des livres apocryphes. Parmi les divines Ecritures un livre pouvait être en même temps, dans ce sens général, un livre sacré et divin, et un livre apocryphe : sacré et divin, parce qu'on en connaissait l'origine, qu'on savait qu'il avait été révélé : apocryphe, parce qu'il était déposé dans le temple, et qu'il n'avait point été communiqué au peuple ; car lorsque les Juifs publiaient leurs livres sacrés, ils les appelaient canoniques et divins, et le nom d'apocryphes restait à ceux qu'ils gardaient dans leurs archives. Toute la différence consistait en ce qu'on rendait les uns publics, et qu'on n'en usait pas de même à l'égard des autres, ce qui n'empêchait pas qu'ils ne pussent être sacrés et divins, quoiqu'ils ne fussent pas connus pour tels du public ; ainsi avant la traduction des Septante, les livres de l'ancien Testament pouvaient être appelés apocryphes par rapport aux Gentils ; et par rapport aux Juifs la même qualification convenait aux livres qui n'étaient pas insérés dans le canon ou le catalogue public des Ecritures. C'est précisément ainsi qu'il faut entendre ce que dit saint Epiphane, que les livres apocryphes ne sont point déposés dans l'arche parmi les autres écrits inspirés.

Dans le Christianisme, on a attaché au mot apocryphe une signification différente, et on l'emploie pour exprimer tout livre douteux, dont l'auteur est incertain et sur la foi duquel on ne peut faire fonds ; comme on peut voir dans saint Jérome et dans quelques autres pères Grecs et Latins plus anciens que lui : ainsi l'on dit un livre, un passage, une histoire apocryphe, etc. lorsqu'il y a de fortes raisons de suspecter leur authenticité, et de penser que ces écrits sont supposés. En matière de doctrine, on nomme apocryphes les livres des hérétiques et des schismatiques, et même des livres qui ne contiennent aucune erreur, mais qui ne sont point reconnus pour divins, c'est-à-dire qui n'ont été compris ni par la synagogue ni par l'Eglise, dans le canon, pour être lus en public dans les assemblées des Juifs ou des Chrétiens. Voyez CANON, BIBLE.

Dans le doute si un livre est canonique ou apocryphe, s'il doit faire autorité ou non en matière de religion, on sent la nécessité d'un tribunal supérieur et infaillible pour fixer l'incertitude des esprits ; et ce tribunal est l'Eglise, à qui seule il appartient de donner à un livre le titre de divin, en déclarant que le nom de son auteur peut le faire recevoir comme canonique, ou de le rejeter comme supposé.

Les Catholiques et les Protestants ont eu des disputes très-vives sur l'autorité de quelques livres que ces derniers traitent d'apocryphes, comme Judith, Esdras, les Macchabées : les premiers se sont fondés sur les anciens canons ou catalogues, et sur le témoignage uniforme des pères ; les autres sur la tradition de quelques églises. M. Simon, en particulier, soutient que les livres rejetés par les Protestants ont été certainement lus en Grec dans les plus anciennes églises, et même par les apôtres, ce qu'il infère de plusieurs passages de leurs écrits. Il ajoute que l'Eglise les reçut des Grecs Hellenistes, avec les autres livres de l'Ecriture, et que si l'église de Palestine refusa toujours de les admettre, c'est seulement parce qu'ils n'étaient pas écrits en hébreu comme les autres livres qu'elle lisait, non qu'elle les regardât comme apocryphes, c'est-à-dire supposés. A ce raisonnement les Protestants opposent l'autorité des écrivains de tous les siècles, qui distinguent précisément les livres en question, de ceux qui étaient compris dans le canon des Juifs.

Les livres reconnus pour apocryphes par l'église catholique, qui sont véritablement hors du canon de l'ancien Testament, et que nous avons encore aujourd'hui, sont l'oraison de Manassès, qui est à la fin des Bibles ordinaires, le IIIe et le IVe livres d'Esdras, le IIIe et le IVe des Macchabées. A la fin du livre de Job, on trouve une addition dans le grec qui contient une généalogie de Job, avec un discours de la femme de Job ; on voit aussi, dans l'édition grecque, un Pseaume qui n'est pas du nombre des CL. et à la fin du livre de la Sagesse, un discours de Salomon tiré du VIIIe chap. du IIIe livre des Rais. Nous n'avons plus le livre d'Enoch, si célèbre dans l'antiquité ; et selon saint Augustin, on en supposa un autre plein de fictions que tous les Peres, excepté Tertullien, ont regardé comme apocryphe. Il faut aussi ranger dans la classe des ouvrages apocryphes, le livre de l'assomption de Moyse, et celui de l'assomption ou apocalypse d'Elie. Quelques Juifs ont supposé des livres sous le nom des Patriarches, comme celui des générations éternelles, qu'ils attribuaient à Adam. Les Ebionites avaient pareillement supposé un livre intitulé l'échelle de Jacob, et un autre qui avait pour titre la généalogie des fils et filles d'Adam ; ouvrages imaginés ou par les Juifs, amateurs des fictions, ou par les hérétiques, qui, par cet artifice, semaient leurs opinions, et en recherchaient l'origine jusque dans une antiquité propre à en imposer à des yeux peu clairvoyans. Voyez ACTES DES APOTRES. (G)