S. f. (Philosophie) est un raisonnement qui contient la preuve claire et invincible de la vérité d'une proposition. Voyez VERITE, PROPOSITION, etc.

Une démonstration est un argument convainquant, par lequel on prouve que les deux premières propositions d'un syllogisme sont certaines ; d'où résulte nécessairement la certitude de la conclusion qu'on veut en tirer. Voyez SYLLOGISME.

Une démonstration est ordinairement composée de trois parties : l'explication, la préparation, et la conclusion.

Dans l'explication, on expose et on fait connaître les choses qui sont données ou accordées, et dont on se servira pour arriver à la démonstration.

Dans la préparation, on fait quelques remarques ou opérations préliminaires, nécessaires à la démonstration. Voyez PREPARATION.

Enfin dans la conclusion on établit par des arguments invincibles, la vérité de la proposition qu'on s'est proposé de prouver. Voyez CONCLUSION.

La méthode de démontrer des Mathématiciens, est la même que celle des Logiciens, pour tirer des conclusions des principes. En effet, les démonstrations des Mathématiques ne sont autre chose que des suites d'enthymèmes, ou de syllogismes dont on omet les prémisses, soit en les sous-entendant, soit en les rappelant par des citations. Pour qu'une démonstration soit parfaite, il faut que les prémisses de chaque syllogisme soient prouvées par de nouveaux syllogismes, jusqu'à ce qu'enfin on arrive en remontant à un syllogisme dont les prémisses soient ou des définitions, ou des axiomes. Voyez DEFINITION et AXIOME.

En effet, on pourrait prouver qu'on ne saurait faire une bonne démonstration, à moins qu'on ne suive exactement les règles des syllogismes. Clavius, comme l'on sait, a réduit en syllogisme la première proposition d'Euclide : d'autres ont mis sous une forme syllogistique les six premiers livres d'Euclide ; et d'autres enfin en ont fait autant pour toute l'Arithmétique.

Cependant bien des gens, même parmi les Mathématiciens, s'imaginent ordinairement que les démonstrations mathématiques ont des lois fort différentes de celles des syllogismes ; mais l'opinion contraire est soutenue avec raison par des auteurs du premier ordre. M. Leibnitz dit qu'une démonstration pour être bonne, doit être conforme aux règles de la Logique : et Wallis avoue que tout ce qu'on démontre dans les Mathématiques peut toujours se réduire en un ou plusieurs syllogismes : l'illustre M. Huygens remarque aussi que les parallogismes où l'on tombe dans les démonstrations, viennent souvent de ce qu'on manque à y observer les règles syllogistiques. Au reste, il ne faut pas conclure que la forme syllogistique doive être toujours employée dans les démonstrations de Géométrie : la forme enthymématique est plus commode, plus courte, et souvent plus claire.

Un problème est composé de trois parties : la proposition, la résolution, et la démonstration.

Dans la proposition, on expose ce qu'il faut prouver. Voyez PROPOSITION.

Dans la résolution, on expose en détail et par ordre les différents pas qu'il faut faire pour arriver à ce que l'on cherche. Voyez RESOLUTION.

Enfin, dans la démonstration, on prouve que les choses étant données telles qu'elles sont dans la proposition, on a trouvé ce que l'on demandait. Aussi on peut souvent changer un problème démontré en théorème, en prenant la résolution pour hypothèse, et la proposition pour thèse. Car tous les problèmes qui peuvent être démontrés ont cette propriété, que la chose prescrite dans la résolution étant faite, la chose demandée est faite aussi. Voyez PROBLEME.

Les philosophes de l'école divisent les démonstrations en deux espèces : les unes qu'ils appellent propter quod, et dans lesquelles on prouve un effet par la cause prochaine ; comme quand on prouve que la lune est éclipsée par l'interposition de la terre entre cette planète et le soleil : les autres qu'ils nomment quia, et dans lesquelles on prouve une cause par son effet éloigné ; comme quand on prouve que le feu est chaud, par ce qu'il brule ; ou que les planètes ne respirent point, parce que ce ne sont point des animaux (distinction et nomenclature frivole).

DEMONSTRATION AFFIRMATIVE, est celle où on procéde par une suite de propositions affirmatives et évidentes qui dépendent l'une de l'autre, pour arriver à la chose qu'on doit démontrer.

DEMONSTRATION APAGOGIQUE, est celle où l'on ne prouve point une chose directement, mais par l'absurdité et l'impossibilité qu'il y aurait de la nier. On l'appelle aussi pour cette raison réduction à l'impossible ou à l'absurde. C'est de cette manière qu'on démontre en Mathématique toutes les propositions qui regardent les incommensurables, et la plupart des propositions converses. Voyez INCOMMENSURABLE et CONVERSE.

DEMONSTRATION GEOMETRIQUE, est celle qui est appuyée sur des propositions géométriques. Voyez GEOMETRIQUE.

DEMONSTRATION MECHANIQUE, est celle où les raisonnements sont appuyés sur les règles des Mécaniques. Voyez MECHANIQUE, Chambers.

DEMONSTRATION à priori, disent les Scholastiques, est celle dans laquelle on prouve un effet par la cause, soit prochaine, soit éloignée, ou dans laquelle une conclusion est prouvée par quelque chose qui la précède, soit comme cause, soit comme antécédent seulement.

DEMONSTRATION à posteriori, est celle dans laquelle une cause est prouvée par ses effets, ou dans laquelle une conclusion est prouvée par quelque chose qui lui est postérieure, soit comme effet, soit comme conséquent seulement. Proprement démonstration à priori est une démonstration directe, tirée de la nature de la chose qu'on veut prouver ; démonstration à posteriori, est une démonstration indirecte, tirée de quelque circonstance étrangère, ou propriété secondaire. Ainsi démontrer qu'il y a un Dieu, en faisant attention à la nature de l'Etre infiniment parfait et à ses attributs, c'est démontrer l'existence de Dieu à priori, ou par des raisonnements tirés de la nature même du sujet : démontrer l'existence de Dieu par l'existence du monde et de l'univers, c'est la démontrer à posteriori ; cette dernière espèce de preuve est celle qui est le plus généralement admise. Les Philosophes, et même les Théologiens sont partagés sur les démonstrations à priori, et quelques-uns même les rejettent : toutes ces démonstrations, disent-ils, supposent l'idée de l'infini, qui n'est pas fort claire. Quoi qu'il en sait, peu importe que l'on soit partagé sur quelques preuves de cette vérité, pourvu qu'on l'admette. Au fond, les preuves sensibles en ce genre sont les meilleures. Aux yeux du peuple, et même du philosophe, un insecte prouve plus un Dieu que tous les raisonnements métaphysiques ; et aux yeux du même philosophe, les lois générales de la nature prouvent encore mieux l'existance de Dieu qu'un insecte : lois simples qui dérivent de la forme même imprimée par l'Etre suprême à la matière, qui ne changent jamais, et en vertu desquelles l'univers est assujetti à un mécanisme uniforme et réglé, résultant du premier mouvement que lui a donné l'intelligence souveraine. voyez COSMOLOGIE.

Dans les sciences naturelles (car je ne parle point ici des objets de la foi) il n'y a que les Mathématiques dont l'objet soit absolument susceptible de démonstration ; cela vient de la simplicité de cet objet, et des hypothèses sous lesquelles on le considere. Voyez DEMANDE. Dans les autres sciences, les preuves sont ou purement conjecturales, ou en partie démonstrations et en partie conjectures, par exemple, en Physique on a des démonstrations de la cause de l'arc-en-ciel, et on n'a que des conjectures sur la cause de la lumière. C'est que dans presque toutes les Sciences les premières causes sont inconnues, et les premiers principes obscurs ; il n'y a de clarté que dans les effets et les conséquences qu'on en tire.

C'est bien pis encore en Métaphysique, où à l'exception de quelques vérités primordiales, tout est obscur et sujet à dispute. Cependant on a Ve des auteurs employer dans ces matières la forme géométrique, comme si cette forme rendait plus certain ce qui ne l'est pas. Tel est le livre de l'action de Dieu sur les créatures, où l'on voit les termes de Géométrie à toutes les pages ; on est étonné que l'auteur n'y ait pas mis des figures. Pour juger de la force de ces prétendues démonstrations, on n'a qu'à lire l'article DEGRE, et le traité des systèmes de M. l'abbé de Condillac. Parmi ces démonstrations, l'auteur emploie le témoignage de Virgile, et de quelques autres auteurs anciens, comme si ces écrivains étaient des pères de l'Eglise. Voyez APPLICATION. (O)

DEMONSTRATION. s. f. (Médecine) Ce terme est aussi en usage parmi les Médecins, qui prétendent que les principes de leur science sont susceptibles de démonstration, c'est-à-dire que l'on peut en établir la vérité par des preuves certaines, évidentes et indubitables, tout comme de ceux des autres sciences physico-mathématiques.

" En effet, pour en être persuadé, dit M. Bouillet dans son supplément aux éléments de la Médecine pratique, il n'y a qu'à examiner sur quoi la Médecine est principalement fondée. On doit mettre au nombre des principes fondamentaux de cette science, tout ce que l'Anatomie aidée de la Géométrie, des Mécaniques, de l'Hydrodynamique, etc. nous a appris sur la structure, la situation, les liaisons, les mouvements et l'usage des parties du corps humain ; tout ce que des observations exactes et de mûres réflexions nous ont fait découvrir des fonctions vitales, animales et naturelles, soit dans l'état de santé, soit dans l'état de maladie ; tout ce que l'ouverture des cadavres nous a fait connaître de l'altération des humeurs et des parties solides, causée par les maladies ; enfin tout ce qu'une longue expérience et des essais réitérés nous ont prouvé des propriétés de certains remèdes.

On doit encore regarder comme des principes de l'art de guérir, la connaissance des signes par lesquels on distingue une maladie d'avec une autre, on en spécifie le caractère, on en découvre les causes, on en prédit l'évenement.

On ne saurait aussi disconvenir que les indications ou les raisons d'agir, que les Médecins tirent de la connaissance des fonctions, du caractère de chaque maladie, de ses causes, de ses symptômes, ne soient des règles sures et constantes.

Enfin tout ce qu'on vient de rapporter, doit passer pour de véritables principes dans l'esprit de ceux qui savent que la plupart des sciences n'en ont guère d'autres que ceux que les sens, l'expérience et le raisonnement ont fait découvrir ". Voyez MEDECINE, PRINCIPE. (d)