S. f. (Métaphysique) Des deux mots grecs , semblable, et , partie. Ce terme exprime l'opinion d'Anaxagore, qui prétendait que chaque tout dans la nature est composé de parties qui, avant leur union, étaient déjà de même nature que le tout. Voici comment Lucrèce l'exprime :

Nunc et Anaxagorae scrutemur homaeoromiam

Quam Graeci memorant, nec nostrâ dicère linguâ

Concedit nobis patrii sermonis egestas :

Sed tamen ipsam rem facîle est exponere verbis.

Principium rerum, quam dicit homaeoromiam,

Ossa videlicet ex pauxillis atque minutis

Ossibus, sic et de pauxillis atque minutis

Visceribus, viscus gigni, sanguenque creari

Sanguinis inter se multis cœuntibus guttis,

Ex aurique putat micis consistère posse

Aurum, et de terris terram concrescère, parvis ;

Ignibus ex ignem, humorem ex humoribus esse.

Caetera consimili fingit ratione putatque.

Lucret. de rerum nat. lib. I. Ve 830.

Suivant cette hypothèse ; un of est donc un composé de petits of ; les entrailles des animaux sont un composé de petites entrailles ; le sang n'est que le concours de petites gouttelettes de sang ; une masse d'or est un amas de parcelles d'or ; la terre un amas de petites terres ; le feu un assemblage de parcelles de feu. Il en est de même, selon lui, de tous les corps que nous voyons.

Ce qui a pu engager Anaxagore dans ce sentiment, c'est qu'il remarquait qu'une goutte d'eau, si divisée et si évaporée qu'elle put être, était toujours de l'eau, et qu'un grain d'or, partagé en dix mille petites portions, était dans les dix mille parcelles ce qu'il était en son entier. Anaxagore entrevoyait la vérité à cet égard ; et s'il avait borné son principe aux natures simples que l'expérience nous montre indestructibles, il aurait eu raison de n'admettre en ces natures que de nouveaux assemblages, ou des desunions passageres, et non de nouvelles générations. Mais il s'éloigne de la vérité en des points bien importants.

Sa première méprise est d'étendre son principe aux corps mélangés. Il n'en est pas du sang comme de l'eau. Celle-ci est simple, au lieu que le sang est un composé de différentes parcelles d'eau, d'huîle et de terre qui étaient dans la nourriture. Une seconde méprise est d'étendre le même principe aux corps organisés, comme si une multitude de petites entrailles pouvaient en quelque sorte aider l'organisation des entrailles d'un bœuf ou d'un chameau, et de l'un plutôt que de l'autre. Mais ce que j'appellerai une impiété plutôt qu'une méprise, est de penser que Dieu, pour créer le monde, n'eut fait que rapprocher et unir des matières déjà faites, en sorte qu'elles ne lui doivent ni leur être, ni leur excellence ; et que ce qu'il y a de plus estimable dans l'univers, je veux dire, cette diversité de natures actuellement inaltérables, a précédé la fabrique du monde, au lieu d'en être l'effet. Mais l'impiété de cette philosophie trouve sa réfutation dans le ridicule même qu'elle porte avec elle.

Vous demandez à Anaxagore quelle est l'origine d'un brin d'herbe : il vous répond en philosophe, qu'il faut remonter à l'homéomérie, selon laquelle Dieu n'a fait que rapprocher de petites herbes élémentaires qui étaient comme lui de toute éternité. Toutes choses, dit-il, étaient ensemble pêle-mêle (c'est ce qu'on peut appeler panspermie, ou mélange de toutes les semences) ; et l'esprit venant ensuite, en a composé le monde. (Diogen. Laert. lib. II. n°. 6.) Si quelqu'un me demandait de quelle laine et de quelle main est le drap que je porte ; au lieu de dire, c'est une laine de Ségovie, fabriquée par Pagnon, ou par Van-Robès ; serait-ce répondre juste que de dire : le drap était, et un tailleur en a pris des morceaux qu'il a cousus pour me faire un habit ? Mais il y a ici quelque chose de plus ridicule encore. Notre philosophe raisonne sur l'origine des corps mixtes et des corps organisés, comme celui qui voyant quelque rapport entre la figure d'un chat et d'un tigre, dirait qu'un tigre est composé de plusieurs petits chats, réunis pour en former un très-gros ; ou comme celui qui voulant nous apprendre l'origine des montres, nous dirait qu'un ouvrier ayant trouvé quantité de montres si petites qu'on ne les voyait pas, les avait amassées dans une boète, et en avait fait une montre qu'on put voir. Histoire du ciel, tom. II. pag. 114.