subst. m. (Métaphysique) La question sur la nature de l'espace, est une des plus fameuses qui aient partagé les Philosophes anciens et modernes ; aussi est-elle, selon plusieurs d'entr'eux, une des plus essentielle, par l'influence qu'elle a sur les plus importantes vérités de Métaphysique.

Les Philosophes en ont donné des définitions fort différentes, et même tout opposées. Les uns disent que l'espace n'est rien sans les corps, ni même rien de réel en lui-même ; que c'est une abstraction de l'esprit, un être idéal, que ce n'est que l'ordre des choses entant qu'elles co-existent, et qu'il n'y a point d'espace sans corps. D'autres au contraire soutiennent que l'espace est un être absolu, réel, et distingué des corps qui y sont placés ; que c'est une étendue impalpable, pénétrable, non solide, le vase universel qui reçoit les corps qu'on y place ; en un mot une espèce de fluide immatériel et étendu à l'infini, dans lequel les corps nagent.

Le sentiment d'un espace distingué de la matière a été autrefois soutenu par Epicure, Démocrite, et Leucippe, qui regardaient l'espace comme un être incorporel, impalpable, ni actif ni passif. Gassendi a renouvellé de nos jours cette opinion, et le célèbre Locke dans son livre de l'entendement humain, ne distingue l'espace pur des corps qui le remplissent, que par la pénétrabilité.

Keill, dans son introduction à la véritable Physique, tous les disciples de Locke, ont soutenu la même opinion ; Keill a même donné des théorèmes, par lesquels il prétend prouver que toute la matière est parsemée de petits espaces ou interstices absolument vides, et qu'il y a dans les corps beaucoup plus de vide que de matière solide.

L'autorité de M. Newton a fait embrasser l'opinion du vide absolu à plusieurs mathématiciens. Ce grand homme croyait, au rapport de M. Locke, qu'on pouvait expliquer la création de la matière, en supposant que Dieu aurait rendu plusieurs parties de l'espace impénétrables : on voit dans le scholium generale, qui est à la fin des principes de M. Newton, qu'il croyait que l'espace était l'immensité de Dieu ; il l'appelle dans son optique le sensorium de Dieu, c'est-à-dire ce par le moyen de quoi Dieu est présent à toutes choses.

M. Clarke s'est donné beaucoup de peine pour soutenir le sentiment de M. Newton, et le sien propre sur l'espace absolu, contre M. Leibnitz qui prétendait que l'espace n'était que l'ordre des choses coexistantes. Donnons le précis des preuves dont les défenseurs de ces deux opinions se servent, et des objections qu'ils se font réciproquement.

Les partisans de l'espace absolu et réel appuient d'abord leur idée de tous les secours que l'imagination lui prête. Vous avez beau, disent-ils, anéantir toute matière et tout corps, vous concevez que la place que cette matière et ces corps occupaient subsiste encore, qu'on y pourrait remettre les mêmes choses, et qu'elle a les mêmes dimensions et propriétés. Transportez-vous aux bornes de la matière, vous concevez au-delà un espace infini, dans lequel l'univers pourrait changer sans cesse de place. L'espace occupé par un corps, n'est pas l'étendue de ce corps ; mais le corps étendu existe dans cet espace, qui en est absolument indépendant ; car l'espace n'est point une affection d'un ou de plusieurs corps, ou d'un être borné, et il ne passe point d'un sujet à un autre. Les espaces bornés ne sont point des propriétés des substances bornées, ils ne sont que des parties de l'espace infini, dans lequel les substances bornées existent. Ensuite ces mêmes philosophes font sentir la difficulté qu'il y aurait pour les corps, de se mouvoir dans le plein absolu, contre lequel ils font trois objections principales : la première prise de l'impossibilité du mouvement dans le plein ; la seconde, de la différente pesanteur des corps ; et la troisième, de la résistance par laquelle les corps qui se meuvent dans le plein, doivent perdre leur mouvement en très-peu de temps : mais l'examen de ces difficultés appartient à d'autres articles (V. PLEIN, VUIDE). Le reste des défenses et attaques dont se servent ceux qui maintiennent l'espace absolu, se trouve exposé dans le passage suivant ; il est tiré de la cinquième réplique de M. Clarke à M. Leibnitz ; le savant anglais parait y avoir fait ses derniers efforts sous ses étendards. " Voici, dit M. Clarke, voici ce me semble la principale raison de la confusion et des contradictions que l'on trouve dans ce que la plupart des philosophes ont avancé sur la nature de l'espace. Les hommes sont naturellement portés, faute d'attention, à négliger une distinction très-nécessaire, et sans laquelle on ne peut raisonner clairement ; je veux dire qu'ils n'ont pas soin de distinguer, quoiqu'ils le dû.sent toujours faire, entre les termes abstraits et concrets, comme sont l'immensité et l'immense. Ils négligent aussi de faire une distinction entre les idées et les choses, comme sont l'idée de l'immensité que nous avons dans notre esprit, et l'immensité réelle qui existe actuellement hors de nous. Je crois que toutes les notions qu'on a eues touchant la nature de l'espace, ou que l'on peut s'en former, se réduisent à celles-ci : l'espace est un pur néant, ou il n'est qu'une simple idée, ou une simple relation d'une chose à une autre, ou bien il est la matière de quelqu'autre substance, ou la propriété d'une substance.

Il est évident que l'espace n'est pas un pur néant ; car le néant n'a ni quantité, ni dimensions, ni aucune propriété. Ce principe est le premier fondement de toute sorte de science, et il fait voir la différence qu'il y a entre ce qui existe et ce qui n'existe pas.

Il est aussi évident que l'espace n'est pas une pure idée ; car il n'est pas possible de se former une idée de l'espace qui aille au-delà du fini, et cependant la raison nous enseigne que c'est une contradiction que l'espace lui-même ne soit pas actuellement infini.

Il n'est pas moins certain que l'espace n'est pas une simple relation d'une chose à une autre, qui résulte de leur situation ou de l'ordre qu'elles ont entr'elles, puisque l'espace est une quantité, ce qu'on ne peut pas dire des relations, telles que la situation et l'ordre. J'ajoute que si le monde matériel est ou peut être borné, il faut nécessairement qu'il y ait une espace actuel ou possible au-delà de l'univers.

Il est aussi très-évident que l'espace n'est pas la matière ; car en ce cas la matière serait nécessairement infinie, et il n'y aurait aucun espace qui ne résistât au mouvement, ce qui est contraire à l'expérience.

Il n'est pas moins certain que l'espace n'est aucune sorte de substance, puisque l'espace infini est l'immensité et non pas l'immense ; au lieu qu'une substance infinie est l'immense et non pas l'immensité ; comme la durée n'est pas une substance, parce qu'une durée infinie est l'éternité et non un être éternel ; mais une substance dont la durée est infinie, est un être éternel et non pas l'éternité.

Il s'ensuit donc nécessairement de ce qu'on vient de dire, que l'espace est une propriété de la même manière que la durée. L'immensité est une propriété de l'être immense, comme l'éternité de l'être éternel.

Dieu n'existe point dans l'espace ni dans le temps, mais son existence est la cause de l'espace et du temps.... qui sont des suites nécessaires de son existence, et non des êtres distincts de lui dans lesquels il existe ". Voyez TEMS, ETERNITE.

L'espace, disent au contraire les Leibnitiens, est quelque chose de purement relatif, comme le temps ; c'est un ordre de co-existens, comme le temps est un ordre de successions ; car si l'espace était une propriété ou un attribut, il devrait être la propriété de quelque substance. Mais l'espace vide borné que l'on suppose entre deux corps, de quelle substance sera-t-il la propriété ou l'affection ? dira-t-on que l'espace infini est l'immensité ? alors l'espace fini sera l'opposé de l'immensité, c'est-à-dire la mensurabilité ou l'étendue bornée : or l'étendue doit être l'affection d'un étendu ; mais si cet espace est vide, il sera un attribut sans sujet. C'est pourquoi en faisant de l'espace une propriété, on tombe dans le sentiment qui en fait un ordre de choses, et non pas quelque chose d'absolu. Si l'espace est une réalité absolue, bien loin d'être une propriété opposée à la substance, il sera plus subsistant que les substances. Dieu ne le saurait détruire, ni même changer en rien. Il est non-seulement immense dans le tout, mais encore immuable et éternel en chaque partie. Il y aura une infinité de choses éternelles hors de Dieu. Suivant cette hypothèse, tous les attributs de Dieu conviennent à l'espace ; car cet espace, s'il était possible, serait réellement infini, immuable, incréé, nécessaire, incorporel, présent par-tout. C'est en partant de cette supposition, que Raphson a voulu démontrer géométriquement que l'espace est un attribut de Dieu, et qu'il exprime son essence infinie et illimitée.

De toutes les démonstrations contre la réalité de l'espace, celle que l'on fait valoir le plus est celle-ci : si l'espace était un être absolu, il y aurait quelque chose dont il serait impossible qu'il y eut une raison suffisante. Ecoutons M. Leibnitz lui-même dans son troisième écrit contre M. Clarke : " L'espace est quelque chose d'absolument uniforme, et sans les choses qui y sont placées, un point de l'espace ne diffère absolument en rien d'un autre point de l'espace. Or il suit de cela (supposé que l'espace soit quelqu'autre chose en lui-même que l'ordre des corps entr'eux) qu'il est impossible qu'il y ait une raison pourquoi Dieu, gardant les mêmes situations des corps entr'eux, ait placé les corps dans l'espace ainsi et non pas autrement, et pourquoi tout n'a pas été pris à rebours, par exemple, par un échange de l'orient et de l'occident. Mais si l'espace n'est autre chose que cet ordre ou rapport, et n'est rien du tout sans les corps que la possibilité d'en mettre ; ces deux états, l'un tel qu'il est, l'autre pris à rebours, ne différeraient point entr'eux. Leur différence ne se trouve donc que dans la supposition chimérique de la réalité de l'espace en lui-même ; mais dans la vérité, l'un serait précisément la même chose que l'autre, comme ils sont absolument indiscernables, etc. "

M. Clarke répondit à ce raisonnement, que la simple volonté de Dieu était la raison suffisante de la place de l'univers dans l'espace, et qu'il n'y en avait point d'autre. On sent bien que les Leibnitiens ne se payèrent pas de cette raison, ce qui au fond ne prouve rien contre elle.

Voici, selon les Leibnitiens, comment nous venons à nous former l'idée de l'espace ; cet examen peut servir, selon eux, à découvrir la source des illusions que l'on s'est faites sur la nature de l'espace.

Nous sentons que lorsque nous considérons deux choses comme différentes, et que nous les distinguons l'une de l'autre, nous les plaçons dans notre esprit l'une hors de l'autre, ainsi nous voyons comme hors de nous tout ce que nous regardons comme différent de nous ; les exemples s'en présentent en foule. Si nous nous représentons dans notre imagination un édifice que nous n'aurons jamais vu, nous nous le représentons comme hors de nous, quoique nous sachions bien que l'idée que nous en avons existe en nous, et qu'il n'y a peut-être rien d'existant de cet édifice hors de notre idée ; mais nous nous le représentons comme hors de nous, parce que nous savons qu'il est différent de nous ; de même, si nous nous représentons idéalement deux hommes, ou que nous répétions dans notre esprit la représentation du même homme deux fais, nous les plaçons l'un hors de l'autre, parce que nous ne pouvons forcer notre esprit à imaginer qu'ils sont un et deux en même temps.

Il suit de-là que nous ne pouvons nous représenter plusieurs choses différentes comme faisant un, sans qu'il en résulte une notion attachée à cette diversité et à cette union des choses ; et cette notion nous la nommons étendue ; ainsi nous donnons de l'étendue à une ligne, entant que nous faisons attention à plusieurs parties diverses que nous voyons comme existant les unes hors des autres, qui sont unies ensemble, et qui sont par cette raison un seul tout.

Il est si vrai que la diversité et l'union font naître en nous l'idée de l'étendue, que quelques philosophes ont voulu faire passer notre âme pour quelque chose d'étendu, parce qu'ils y remarquaient plusieurs facultés différentes, qui cependant constituent un seul sujet, en quoi ils se trompaient : c'est abuser de la notion de l'étendue, que de regarder les attributs et les modes d'un être comme des êtres séparés, existants les uns hors des autres ; car ces attributs et ces modes sont inséparables de l'être qu'ils modifient.

Pour peu que l'on fasse attention à cette notion de l'étendue, on s'aperçoit que les parties de l'étendue, considérées par abstraction, et sans faire attention ni à leurs limites ni à leurs figures, ne doivent avoir aucune différence interne, elles doivent être similaires, et ne différer que par le nombre : car puisque pour former l'idée de l'étendue on ne considère que la pluralité des choses et leur union, d'où nait leur existance l'une hors de l'autre, et que l'on exclut toute autre détermination, toutes les parties étant les mêmes quant à la pluralité et à l'union, l'on peut substituer l'une à la place de l'autre, sans détruire ces deux déterminations de la pluralité et de l'union, auxquelles seules on fait attention ; et par conséquent deux parties quelconques d'étendue ne peuvent différer qu'entant qu'elles sont deux, et non pas une. Ainsi toute l'étendue doit être conçue comme étant uniforme, similaire, et n'ayant point de détermination interne qui en distingue les parties les unes des autres, puisque étant posées comme l'on voudra, il en résultera toujours le même être ; et c'est de-là que nous vient l'idée de l'espace absolu que l'on regarde comme similaire et indiscernable. Cette notion de l'étendue est encore celle du corps géométrique ; car que l'on divise une ligne, comme et en autant de parties que l'on voudra ; il en résultera toujours la même ligne en rassemblant ses parties, quelque transposition que l'on fasse entr'elles : il en est de même des surfaces et des corps géométriques.

Lorsque nous nous sommes ainsi formés dans notre imagination un être de la diversité de l'existance de plusieurs choses et de leur union, l'étendue, qui est cet être imaginaire, nous parait distincte du tout réel dont nous l'avons séparée par abstraction, et nous nous figurons qu'elle peut subsister par elle même, parce que nous n'avons point besoin, pour la concevoir, des autres déterminations que les êtres, que l'on ne considère qu'entant qu'ils sont divers et unis, peuvent renfermer ; car notre esprit apercevant à part les déterminations qui constituent cet être idéal que nous nommons étendue, et concevant ensuite les autres qualités que nous en avons séparées mentalement, et qui ne font plus partie de l'idée que nous avons de cet être, il nous semble que nous portons toutes ces choses dans cet être idéal, que nous les y logeons, et que l'étendue les reçoit et les contient comme un vase reçoit la liqueur qu'on y verse. Ainsi entant que nous considérons la possibilité qu'il y a que plusieurs choses différentes puissent exister ensemble dans cet être abstrait que nous nommons étendue, nous nous formons la notion de l'espace, qui n'est en effet que celle de l'étendue, jointe à la possibilité de rendre aux êtres coexistants et unis, dont elle est formée, les déterminations dont on les avait d'abord dépouillés par abstraction. On a donc raison, ajoutent les Leibnitiens, de définir l'espace l'ordre des coexistants, c'est-à-dire la ressemblance dans la manière de coexister des êtres ; car l'idée de l'espace nait de ce que l'on ne fait uniquement attention qu'à leur manière d'exister l'un hors de l'autre, et que l'on se représente que cette coexistence de plusieurs êtres produit un certain ordre ou ressemblance dans leur manière d'exister ; en sorte qu'un de ces êtres étant pris pour le premier, un autre devient le second, un autre le troisième, etc.

On voit bien que cet être idéal d'étendue, que nous nous formons de la pluralité et de l'union de tous ces êtres, doit nous paraitre une substance ; car entant que nous nous figurons plusieurs choses existantes ensemble, et dépouillées de toutes déterminations internes, cet être nous parait durable ; et autant qu'il est possible, par un acte de l'entendement, de rendre à ces êtres les déterminations dont nous les avons dépouillées par abstraction, il semble à l'imagination que nous transportons quelque chose qui n'y était pas, et alors cet être nous parait modifiable.

Il est donc certain, continuent les sectateurs de Leibnitz, qu'il n'y a d'espace qu'entant qu'il y a des choses réelles et coexistantes ; et sans ces choses il n'y aurait point d'espace. Cependant l'espace n'est pas les choses mêmes ; c'est un être qui en a été formé par abstraction, qui ne subsiste point hors des choses, mais qui n'est pourtant pas la même chose que les sujets dont on a fait cette abstraction ; car ces sujets renferment une infinité de choses qu'on a négligées en formant la notion de l'espace.

L'espace est aux êtres réels comme les nombres aux choses nombrées, lesquelles choses deviennent semblables et forment chacune une unité à l'égard du nombre, parce qu'on fait abstraction des déterminations internes de ces choses, et qu'on ne les considère qu'entant qu'elles peuvent faire une multitude, c'est-à-dire plusieurs unités ; car sans une multitude réelle des choses qu'on compte, il n'y aurait point de nombres réels et existants, mais seulement des nombres possibles : ainsi de même qu'il n'y a pas plus d'unités réelles qu'il n'y a de choses actuellement existantes, il n'y a pas non plus d'autres parties actuelles de l'espace que celles que les choses étendues actuellement existantes désignent ; et l'on ne peut admettre des parties dans l'espace actuel, qu'entant qu'il existe des êtres réels qui coexistent les uns avec les autres. Ceux donc, ajoutent nos Leibnitiens, qui ont voulu appliquer à l'espace actuel les démonstrations qu'ils avaient déduites de l'espace imaginaire, ne pouvaient manquer de s'engager dans des labyrinthes d'erreur dont ils ne sauraient trouver l'issue.

Telles sont les deux opinions contraires sur la nature de l'espace ; elles ont l'une et l'autre des partisans distingués parmi les Philosophes. Je finirai cet article par une remarque judicieuse d'un grand physicien, c'est M. Musschenbroeck, qui s'exprime ainsi : " A quoi bon toutes ces disputes sur la possibilité ou l'impossibilité de l'espace ? car il pourrait arriver qu'il serait seulement possible, et qu'il ne se trouverait nulle part dans le monde, et alors toutes ces difficultés ne deviendraient-elles pas inutiles ? Il en est de même à l'égard de tout ce que les Philosophes disent touchant la possibilité : plusieurs d'entr'eux perdent ici bien du temps, prétendant que la Philosophie est une science qui doit traiter de la possibilité : certainement cette science serait alors fort inutîle et assujettie à bien des erreurs. En effet quel avantage me reviendrait-il d'employer mon temps à la recherche de tout ce qui est possible dans le monde, tandis que je négligerais de chercher ce qui est véritable ? d'ailleurs notre esprit est trop borné pour que nous puissions jamais connaître ce qui est possible ou ce qui ne l'est pas ; parce que nous connaissons si peu de choses, que nous ne prévoyons pas les contrariétés qui pourraient s'ensuivre de ce que nous croirions être possible ".

Cet article est tiré des papiers de M. FORMEY, qui l'a composé en partie sur le recueil des Lettres de Clarke, Leibnitz, Newton, Amsterd. 1740, et sur les inst. de Physique de madame du Châtelet. Nous ne prendrons point de parti sur la question de l'espace ; on peut voir, par tout ce qui a été dit au mot ELEMENS DES SCIENCES, combien cette question obscure est inutîle à la Géométrie et à la Physique. Voyez TEMS, ETENDUE, MOUVEMENT, LIEU, VUIDE, CORPS, etc.

ESPACE, en Géométrie, signifie l'aire d'une figure renfermée ou bornée par les lignes droites ou courbes qui terminent cette figure.

L'espace parabolique est celui qui est renfermé par la parabole : de même l'espace elliptique, l'espace conchoïdal, l'espace cissoïdal sont ceux qui sont renfermés par l'ellipse, par la conchoïde, par la cissoïde, etc. Voyez ces mots ; voyez aussi QUADRATURE. Sur la nature de l'espace, tel que la Géométrie le considère, voyez l'article ETENDUE.

ESPACE, en Mécanique, est la ligne droite ou courbe que l'on conçoit qu'un point mobîle décrit dans son mouvement. (O)

ESPACE, (Droit civil) étendue indéfinie de lieu, en longueur, largeur, hauteur et profondeur.

On met au rang des immeubles l'espace, qui de sa nature est entièrement immobile. On peut le diviser en commun et particulier.

Le premier est celui des lieux publics, comme des places, des marchés, des temples, des théâtres, des grands chemins, etc. l'autre est celui qui est perpendiculaire au sol d'une possession particulière, par des lignes tirées tant du centre de la terre vers sa surface, que de la surface vers le ciel.

La possession de cet espace, aussi-loin qu'on peut y atteindre de dessus terre, est absolument nécessaire pour la possession du sol ; et par conséquent l'air qu'il renferme toujours, quoique sujet à changer continuellement, doit aussi être regardé comme appartenant au propriétaire, par rapport aux droits qu'il a d'empêcher qu'aucun autre ne s'en serve ou n'y mette rien qui l'en prive, sans son consentement : cependant en vertu de la loi de l'humanité, il est tenu de ne refuser à personne un usage innocent de cet espace rempli d'air, et de ne rien exiger pour un tel service.

Chacun a aussi le droit naturel d'élever un bâtiment sur son sol, aussi haut qu'il le veut ; il peut encore creuser dans son sol aussi bas qu'il le juge à propos, quoique les lois civiles de certains pays adjugent au fisc ce qui se trouve dans les terres d'un particulier à une profondeur plus grande que celle où peut pénétrer le soc de la charrue.

Il faut au reste observer les lignes perpendiculaires tirées de la surface du sol, tant en haut qu'en bas : ainsi comme mon voisin ne saurait légitimement élever un bâtiment qui, par quelque endroit, réponde directement à mon sol, quoiqu'il n'y soit pas appuyé, et qu'il porte sur des poutres prolongées en ligne horizontale ; de même je ne puis pas, à mon tour, faire une pyramide dont les côtés et les fondements s'étendent au-delà de mon espace, à moins qu'il n'y ait à cet égard quelque convention entre mon voisin et moi ; c'est à quoi, pour le bien public, les lois s'opposent : ces lois sont fort sages en général, et les hommes toujours insatiables et fort injustes en particulier. Article de M(D.J.)

ESPACE, en Musique, est cet intervalle qui se trouve entre une ligne et celle qui la suit immédiatement, en montant ou en descendant. Il y a quatre espaces entre les cinq lignes de la portée. Voyez PORTEE.

Guy Arétin ne posa d'abord des notes que sur les lignes ; mais ensuite, pour éviter la multiplication des lignes et ménager mieux la place, on en mit aussi dans les espaces. Voyez LIGNES. (S)

ESPACE. On appelle ainsi, dans l'usage de l'Imprimerie, ce qui sert à séparer dans la composition les mots les uns des autres : ce sont de petits morceaux de fonte de l'épaisseur du corps du caractère pour lequel ils sont fondus, et qui étant plus bas que la lettre, forment le vide qui parait dans l'impression entre chaque mot. Les espaces sont de différentes épaisseurs, il y en a de fortes, de minces et de moyennes, pour donner au compositeur la faculté de justifier. Voyez JUSTIFIER.