S. f. (Métaphysique) c'est la supposition que l'on fait de certaines choses pour rendre raison de ce que l'on observe, quoique l'on ne soit pas en état de démontrer la vérité de ces suppositions. Lorsque la cause de certains phénomènes n'est accessible ni à l'expérience, ni à la démonstration, les Philosophes ont recours aux hypothèses. Les véritables causes des effets naturels et des phénomènes que nous observons, sont souvent si éloignées des principes sur lesquels nous pouvons nous appuyer, et des expériences que nous pouvons faire, qu'on est obligé de se contenter de raisons probables pour les expliquer. Les probabilités ne sont donc pas à rejeter dans les sciences ; il faut un commencement dans toutes les recherches, et ce commencement doit presque toujours être une tentative très imparfaite, et souvent sans succès. Il y a des vérités inconnues, comme des pays, dont on ne peut trouver la bonne route qu'après avoir essayé de toutes les autres : ainsi, il faut que quelques-uns courent risque de s'égarer, pour montrer le bon chemin aux autres.

Les hypothèses doivent donc trouver place dans les sciences, puisqu'elles sont propres à faire découvrir la vérité et à nous donner de nouvelles vues ; car une hypothèse étant une fois posée, on fait souvent des expériences pour s'assurer si elle est bonne. Si on trouve que ces expériences la confirment, et que non-seulement elle rende raison du phénomène, mais encore que toutes les conséquences qu'on en tire s'accordent avec les observations, la probabilité croit à un tel point, que nous ne pouvons lui refuser notre assentiment, et qu'elle équivaut à une démonstration. L'exemple des Astronomes peut servir merveilleusement à éclaircir cette matière ; il est évident que c'est aux hypothèses, successivement faites et corrigées, que nous sommes redevables des belles et sublimes connaissances, dont l'Astronomie et les sciences qui en dépendent sont à présent remplies. Par exemple, c'est par le moyen de l'hypothèse de l'ellipticité des orbites des planètes, que Kepler parvint à découvrir la proportionalité des aires et des temps, et celle des temps et des distances, et ce sont ces deux fameux théorèmes, qu'on appelle les analogies de Kepler, qui ont mis M. Newton à portée de démontrer que la supposition de l'ellipticité des orbes des planètes s'accorde avec les lois de la Mécanique, et d'assigner la proportion des forces qui dirigent les mouvements des corps célestes. C'est de la même manière que nous sommes parvenus à savoir que Saturne est entouré d'un anneau qui réfléchit la lumière, et qui est séparé du corps de la planète, et incliné à l'écliptique ; car M. Huygens, qui l'a découvert le premier, ne l'a point observé tel que les Astronomes le décrivent à présent ; mais il en observa plusieurs phases, qui ne ressemblaient quelquefois à rien moins qu'un anneau, et comparant ensuite les changements successifs de ces phases, et toutes les observations qu'il en avait faites, il chercha une hypothèse qui put y satisfaire, et rendre raison de ces différentes apparences ; celle d'un anneau réussit si bien, que par son moyen, non-seulement on rend raison des apparences, mais on prédit encore les phases de cet anneau avec précision.

Il y a deux excès à éviter au sujet des hypothèses, celui de les estimer trop, et celui de les proscrire entièrement. Descartes, qui avait établi une bonne partie de sa philosophie sur des hypothèses, mit tout le monde savant dans le goût de ces hypothèses, et l'on ne fut pas longtemps sans tomber dans celui des fictions. Newton et surtout ses disciples, se sont jetés dans l'extrémité contraire. Dégoutés des suppositions et des erreurs, dont ils trouvaient les livres de philosophie remplis, ils se sont élevés contre les hypothèses, ils ont taché de les rendre suspectes et ridicules, en les appelant le poison de la raison et la peste de la philosophie. Cependant, ne pourrait-on point dire qu'ils prononcent leur propre condamnation, et le principe fondamental du Newtonianisme sera-t-il jamais admis à titre plus honorable que celui d'hypothèse ? Celui-là seul qui serait en état d'assigner et de démontrer les causes de tout ce que nous voyons, serait en droit de bannir entièrement les hypothèses de la Philosophie.

Il faut que l'hypothèse ne soit en contradiction avec aucun des premiers principes qui servent de fondement à nos connaissances ; il faut encore se bien assurer des faits qui sont à notre portée, et connaître toutes les circonstances du phénomène que nous voulons expliquer.

L'écueil le plus ordinaire, c'est de vouloir faire passer une hypothèse pour la vérité elle-même, sans en pouvoir donner des preuves incontestables. Il est très-important pour le progrès des sciences, de ne se point faire illusion à soi-même et aux autres sur les hypothèses que l'on a inventées. La plupart de ceux qui depuis Descartes ont rempli leurs écrits d'hypothèses, pour expliquer des faits que bien souvent ils ne connaissaient qu'imparfaitement, ont donné contre cet écueil, et ont voulu faire passer leurs suppositions pour des vérités, et c'est-là en partie la source du dégoût que l'on a pris pour les hypothèses ; mais en distinguant entre leur bon et leur mauvais usage, on évite d'un côté les fictions et de l'autre on n'ôte point aux sciences une méthode très-nécessaire à l'art d'inventer, et qui est la seule qu'on puisse employer dans les recherches difficiles, qui demandent la correction de plusieurs siècles et les travaux de plusieurs hommes, avant que d'atteindre à une certaine perfection. Les bonnes hypothèses seront toujours l'ouvrage des plus grands hommes. Copernic, Kepler, Huygens, Descartes, Leibnitz, Newton lui-même, ont tous imaginé des hypothèses utiles pour expliquer les phénomènes compliqués et difficiles, et ce serait mal entendre l'intérêt des sciences que de vouloir condamner des exemples justifiés par des succès aussi éclatants en métaphysique ; une hypothèse doit être regardée comme démontrée fausse, si, en examinant la proposition qui l'exprime, elle est conçue dans des termes vides de sens, ou qui n'ont aucune idée fixe et déterminée, si elle n'explique rien, si elle entraîne après elle des difficultés plus importantes que celles qu'on se propose de résoudre, etc. Il y a beaucoup de ces hypothèses. Voyez le chap. Ve des Institutions de Phis. et surtout le traité des Systèmes de M. l'Abbé de Condillac.

HYPOTHESE, en Mathématiques, c'est une supposition que l'on fait, pour en tirer une conséquence qui établit la vérité ou la fausseté d'une proposition, ou même qui donne la résolution d'un problême. Il y a donc deux choses principalement à considérer dans une proposition mathématique, l'hypothèse et la conséquence ; l'hypothèse est ce que l'on accorde, ou le point d'où l'on doit partir, pour en déduire la conséquence énoncée dans la proposition, en sorte qu'une conséquence ne peut être vraie, en Mathématiques, à moins qu'elle ne soit tirée de l'hypothèse, ou de ce que les Géomètres appellent les données d'une question ou d'une proposition : quand une conséquence serait vraie absolument, si elle ne l'est pas relativement à l'hypothèse ou aux données de la proposition, elle passe et doit effectivement passer pour fausse en Mathématiques, puisqu'elle n'a pas été déduite de ce dont l'on était convenu ; on n'a donc pas pris l'état de la question, et par conséquent l'on a fait un parallogisme, que l'on appelle dans les écoles, ignorantia elenchi, ignorance ou oubli de ce qui est en question.

Dans cette proposition, si deux triangles sont équiangles, leurs côtés homologues sont proportionnels ; la première partie, si deux triangles sont équiangles, est l'hypothèse ; et la seconde, leurs côtés homologues sont proportionnels, est la conséquence. (E)

HYPOTHESE, (Médecine) ce mot grec est synonyme d'opinion. Voyez OPINION, SYSTEME, MEDECINE, NATURE, EXPERIENCE, OBSERVATION.