S. m. (Arithmétique) caractère dont on se sert pour désigner les nombres. Les différents peuples se sont servis de différents chiffres ; on peut en voir le détail au mot CARACTERE. Les seuls en usage aujourd'hui, du moins dans l'Europe et dans une grande partie de la Terre, sont les chiffres arabes au nombre de dix, dont le zéro (o) fait le dixième. Le zéro s'est appelé pendant quelque temps du nom de chiffre, cyphra ; en sorte que ce nom lui était particulier. Aujourd'hui on donne le nom de chiffre à tous les caractères servant à exprimer les nombres ; et quelques auteurs refusent même le nom de chiffre au zéro, parce qu'il n'exprime point de nombre, mais sert seulement à en changer la valeur.

On doit regarder l'invention des chiffres comme une des plus utiles, et qui fait le plus d'honneur à l'esprit humain. Cette invention est digne d'être mise à côté de celle des lettres de l'alphabet. Rien n'est plus admirable que d'exprimer avec un petit nombre de caractères toutes sortes de nombres et toutes sortes de mots. Au reste on aurait pu prendre plus ou moins de dix chiffres ; et ce n'est pas précisément dans cette idée que consiste le mérite de l'invention, quoique le nombre de dix chiffres soit assez commode. Voyez BINAIRE et ÉCHELLES ARITHMETIQUES. Le mérite de l'invention consiste dans l'idée qu'on a eue de varier la valeur d'un chiffre en le mettant à différentes places ; et d'inventer un caractère zéro qui se trouvant devant un chiffre, en augmentât la valeur d'une dixaine. Voyez NOMBRE, ARITHMETIQUE, NUMERATION. On trouve dans ce dernier article la manière de représenter un nombre donné avec des chiffres, et d'exprimer ou d'énoncer un nombre représenté par des chiffres. (O)

CHIFFRE : c'est un caractère énigmatique composé de plusieurs lettres initiales du nom de la personne qui s'en sert ; on en met sur les cachets, sur les carrosses et sur d'autres meubles. Autrefois les marchands et commerçans qui ne pouvaient porter des armes, y substituaient des chiffres, c'est-à-dire les premières lettres de leur nom et surnom, entrelacées dans une croix ou autre symbole, comme on voit en plusieurs anciennes épitaphes. Voyez DEVISE.

Chiffre se dit encore de certains caractères inconnus, déguisés ou variés, dont on se sert pour écrire des lettres qui contiennent quelque secret, et qui ne peuvent être entendues que par ceux qui en ont la clé. On en a fait un art particulier, qu'on appelle Cryptographie, Polygraphie, et Stéganographie, qui parait n'avoir été que peu connu des anciens. Le sieur Guillet de la Guilletière, dans un livre intitulé Lacédémone ancienne et nouvelle, prétend que les anciens Lacédémoniens ont été les inventeurs de l'art d'écrire en chiffre.

Leurs scytales furent, selon lui, comme l'ébauche de cet art mystérieux : c'étaient deux rouleaux de bois d'une longueur et d'une épaisseur égales. Les éphores en gardaient un, et l'autre était pour le général d'armée qui marchait contre l'ennemi.

Lorsque ces magistrats lui voulaient envoyer des ordres secrets, ils prenaient une bande de parchemin étroite et longue, qu'ils roulaient exactement autour de la scytale qu'ils s'étaient réservée : ils écrivaient alors dessus leur intention ; et ce qu'ils avaient écrit formait un sens parfait et suivi, tant que la bande de parchemin était appliquée sur le rouleau : mais dès qu'on la développait, l'écriture était tronquée et les mots sans liaison, il n'y avait que leur général qui put en trouver la suite et le sens, en ajustant la bande sur la scytale ou rouleau semblable qu'il avait.

Polybe raconte qu'Encare fit, il y a environ deux mille ans, une collection de vingt manières différentes qu'il avait inventées, ou dont on s'était servi jusqu'alors pour écrire ; de manière qu'il n'y eut que celui qui en savait le secret, qui y put comprendre quelque chose. Tritheme, le capitaine Porta, Vigenere, et le père Nicéron, minime, ont fait des traités exprès sur les chiffres ; et depuis eux en a encore bien perfectionné cette manière d'écrire.

Comme l'écriture en chiffre est devenu un art, on a marqué aussi l'art de lire ou de démêler les chiffres, par le terme particulier de déchiffrer.

Le chiffre à simple clé, est celui où on se sert toujours d'une même figure pour signifier une même lettre ; ce qui se peut deviner aisément avec quelque application.

Le chiffre à double clé, est celui où on change d'alphabet à chaque mot, ou dans lequel on emploie des mots sans signification.

Mais une autre manière plus simple et indéchiffrable, est de convenir de quelque livre de pareille et même édition : et trois chiffres font la clé. Le premier chiffre marque la page du livre que l'on a choisi, le second chiffre en désigne la ligne, et le troisième marque le mot dont on doit se servir. Cette manière d'écrire et de lire ne peut être connue que de ceux qui savent certainement qu'elle est l'édition du livre dont on se sert ; d'autant plus que le même mot se trouvant en diverses pages du livre, il est presque toujours désigné par différents chiffres : rarement le même revient-il pour signifier le même mot. Il y a outre cela les encres secrètes, qui peuvent être aussi variées que les chiffres. Voyez DECHIFFRER. (G) (a)

CHIFFRE ou MARQUES des Marchands, (Commerce) On appelle ainsi des chiffres ou marques que les marchands, particulièrement ceux qui font le détail, mettent sur de petites étiquettes de papier ou de parchemin qu'ils attachent au chef des étoffes, toiles, dentelles et telles autres marchandises, qui désignent le véritable prix qu'elles leur coutent, afin de pouvoir s'y régler dans la vente. Voyez les dictionn. du Comm. et de Trév.