(Mathématiques) c'est une suite de termes en proportion continue, c'est-à-dire dont chacun est moyen entre celui qui le précède et celui qui le suit. Voyez PROPORTION. Selon le genre de rapport qui règne entre ses termes, la progression prend le nom d'arithmétique ou de géométrique.

Progression arithmétique. On la désigne par ce caractère (÷) qu'on met en tête de la suite dont les termes sont distingués entr'eux par de simples points. ÷ 1. 3. 5. 7. etc. est une progression arithmétique ; où l'on voit que 3 est moyen proportionnel entre 1 et 5, 5 entre 3 et 7, etc. et que 2 est la différence constante de deux termes consécutifs quelconques.

Nommant p le premier terme et m la différence, toute progression arithmétique peut être représentée par celle-ci ÷ p. p + m. p + 2 m. p + 3 m. p + 4 m. etc.

Chaque terme n'étant que celui qui le précède augmenté de la différence, le second est le premier + la différence prise une fois ; le troisième, le premier + la différence prise deux fois ; et ainsi de suite : en sorte que chaque terme n'est que le premier + la différence prise autant de fois - 1, que le rang qu'il occupe dans la suite exprime d'unités ; ou, ce qui est la même chose, multipliée par la différence des quantiemes du premier terme et du terme cherché. Ce qui donne le moyen de trouver directement tel terme d qu'on voudra, pourvu qu'on sache le quantième il est, et qu'on connaisse d'ailleurs p et m. Si n est le quantième, on aura le terme même ou d = p + . D'où l'on tire, suivant le besoin, p = d - .

m =

Dans cette dernière égalité, le second membre est la différence des deux termes comparés, divisée par la différence de leurs quantiemes : et comme p et d sont indéterminés (puisqu'il est libre de faire commencer et de terminer la progression à quels termes on voudra), il résulte qu'on obtiendra toujours m ou la différence de la progression, en divisant la différence de deux termes quelconques par celle de leurs quantiemes.

Il suit que qui connait les deux premiers termes d'une progression, en connait la différence, et dès-là toute la progression. Il n'est pas même nécessaire que les deux termes connus soient les deux premiers ; ils peuvent être quelconques, pourvu qu'on sache leurs quantiemes. Car d'abord on aura la différence de la progression par la formule de m, en y substituant à (n - 1) la différence donnée des quantiemes des deux termes ; ensuite on aura le premier terme par celle de p, en y substituant à d celui qu'on voudra des deux termes donnés, et à n son quantième ; par exemple, si 4 et 16 sont les second et sixième termes d'une progression, la différence de celle-ci est = 12/4 = 3 . et p = 4 - 3. = 4 - = 4 - 3 = 1.

Si l'on compare les deux extrêmes d'une progression, soit avec deux autres termes quelconques également éloignés de l'un et de l'autre ; soit avec celui du milieu, quand le nombre en est impair : il est clair que les quatre termes comparés dans le premier cas et les trois dans le second, sont en proportion. D'où il suit (Voyez PROPORTION) que la somme des extrêmes est égale à celle de tous autres deux termes pris à distance égale de l'un et de l'autre, et de plus au double du terme du milieu, quand le nombre des termes est impair.

La somme des extrêmes multipliée par le nombre des termes, serait donc double de la somme entière de la progression. Pour avoir celle-ci avec précision, il faut donc multiplier, ou la somme des extrêmes par la moitié du nombre des termes, quand ce nombre est pair ; ou, s'il est impair, le nombre entier des termes par la moitié de la somme des extrêmes (qui dans ce cas est toujours paire, étant la somme de deux termes de même nom)... on prescrit communément en ce dernier cas de multiplier la somme entière des extrêmes par le nombre aussi entier des termes, puis de prendre la moitié du produit. Mais n'est-ce pas rendre gratuitement plus composée une opération qui de sa nature est simple ?

Si l'on suppose p = 0, l'expression de la progression en devient plus simple ; il n'y entre plus qu'une seule lettre, et elle se réduit à celle-ci :

0. m. 2 m. 3 m. etc. ou m x 0. m x 1. m x 2. m x 3. etc. Cette supposition n'a d'ailleurs rien qui choque ; l'essence de la progression subsiste toute entière, indépendamment de p. En effet une progression n'est telle qu'à raison de la différence qui règne entre ses termes : mais cette différence n'est point produite par p (grandeur constante et commune à tous les termes) ; elle ne l'est pas même par m, et pour la même raison ; elle ne l'est donc que par les coèfficiens variables de m. Et comme ces coèfficiens sont les nombres naturels 0. 1. 2. 3. etc. il suit qu'à proprement parler il n'y a de progression arithmétique que celle des nombres naturels ; c'est la progression exemplaire dont toutes les autres ne sont que des copies, ou des multiples déterminés par m. Ce qui n'empêche pas qu'il ne puisse s'y joindre une grandeur accessoire p, commune à tous les termes.

Quel que soit p ; si m ou la différence est positive, la progression est croissante ; et décroissante, si elle est négative : mais de l'une pour la faire devenir l'autre, si cela parait plus commode, il n'y a qu'à la renverser.

Si p et m ont des signes semblables, le même signe règne dans tout le cours de la progression ; s'ils en ont de contraires, la progression en admet aussi de différents. C'est d'abord celui de p, qu'elle conserve plus ou moins longtemps, selon le rapport de p à m : puis elle prend celui de m, pour ne le plus perdre. Les termes affectés du même signe s'y trouvent donc tous de suite du même côté ; à la différence de la progression géométrique, où les signes, quand elle en admet de différents, sont entremêlés et alternatifs.

Si p est l'origine d'une progression décroissante vers la droite, il peut l'être également d'une progression décroissante vers la gauche, dont la différence sera encore m. Toute progression a donc essentiellement deux branches, l'une croissante, l'autre décroissante, qui s'étendent en sens contraire, et toutes deux se perdent dans l'infini ; ou, si l'on veut, ce n'en est qu'une seule, croissante ou décroissante dans tout son cours, selon le côté duquel on voudra la prendre, mais qui n'a ni commencement ni fin. Ce que nous en pouvons connaître n'est qu'un point pris vers le milieu : c'est la figure du temps comparé à l'éternité.

Venons présentement à ce qui est de détail. En toute progression, on peut distinguer cinq principaux éléments.

Or de ces 5 éléments, 3 pris comme on voudra étant connus, on connait les deux autres : et comme cinq choses peuvent être combinées dix fois trois à trois, il en résulte autant de cas, pour chacun desquels on trouvera par ordre dans la table suivante la valeur des deux inconnues. La démonstration s'en peut déduire aisément du petit nombre de principes qui viennent d'être établis.

On ne peut faire de question résoluble par la progression arithmétique, qui ne soit résolue d'avance par quelqu'une de ces formules.

On peut comparer deux progressions, les ajouter, les soustraire ; et c'est quelquefois un moyen facîle de résoudre certaines questions plus compliquées. Au reste il suffit d'exécuter ces opérations sur les premiers termes et sur les différences des progressions proposées ; la nouvelle progression qui en résulte représente la somme ou la différence des deux premières.

La somme offre peu de choses à considérer ; nous nous bornerons donc à la différence, et nous la supposerons représentée par cette progression P. P + M. P + 2 M. etc. que pour cette raison nous nommerons la différentielle.

Telle est sa propriété, que chacun de ses termes exprime le rapport arithmétique des deux termes correspondants dans les deux progressions dont elle est la différentielle, et sa somme prise à quel terme on voudra celui de leurs sommes prises à ce même terme.

Quand on ôte une quantité d'une autre, il est naturel que ce soit la plus petite qu'on ôte de la plus grande ; mais c'est, quand il s'agit de progressions, sur quoi il est aisé de se méprendre : à moins que quelque circonstance particulière n'oblige d'en user autrement, c'est moins ce qu'elles sont qu'il faut considérer dans cette comparaison, que ce qu'elles peuvent devenir. La plus grande n'est donc pas celle précisément qui présente d'abord les plus grands termes, mais celle en général dont la différence est la plus grande. En effet, quelque avance que puisse avoir l'autre à raison de son premier terme (pourvu qu'il reste fini) ; celle-ci l'atteindra plus tôt ou plus tard, la surpassera ensuite, et toujours de plus en plus.

M sera donc toujours positif ; mais P peut être négatif, et c'est lorsque la plus grande différence se trouve dans l'une des deux progressions primitives jointe au plus petit premier terme.

Toutes les fois que P est négatif, 0 est un terme de la progression, exprimé ou sous-entendu. Il est exprimé si P est multiple de M, comme en cette progression (- 4. - 2. 0. 2. 4. &c.) Si P n'est pas multiple de M, comme en cette autre (- 4. - 1. 2. 5. &c.) ; 0 n'est pas un terme prononcé de la progression, mais il est toujours sous-entendu entre les deux termes consécutifs qui ont des signes contraires ; et pour le faire paraitre, il n'y aurait qu'à introduire entre chaques deux termes de la progression le nombre convenable de moyens proportionnels, ou, ce qui revient au même, réduire la différence.

Dans l'un et dans l'autre cas, le nombre des termes qui précèdent 0 est exprimé par P/M ; avec cette différence que dans le premier P/M est un entier, et que dans le second il est affecté d'une fraction.

Pour avoir le rang du terme de la progression différentielle où sa somme est 0 (& par une suite où les sommes des deux progressions comparées sont égales), il est clair qu'il n'y a qu'à prendre à la droite de 0 autant de termes positifs qu'il en a de négatifs à sa gauche, c'est-à-dire doubler P/M, et ajouter 1. Cette unité qu'on ajoute représente le terme 0 lui même, quand il est exprimé. S'il est sous-entendu, il est à observer que le reste que laisse la division de P par M à la gauche de 0, et son complément à l'unité vers la droite, sont chacun en particulier pris pour un terme dans la progression. On compte donc deux termes pour une seule unité du quotient. Pour que celui-ci puisse représenter le nombre des termes, il faut donc l'augmenter de l'unité. On a donc dans tous les cas (n = + 1).

Ce serait ici le lieu de donner des exemples : mais tous les livres élémentaires de mathématiques en sont pleins. Nous nous bornerons donc à un petit nombre, choisis entre ceux où l'application des formules de la table parait souffrir quelque difficulté.

Exemple I. Entre deux nombres donnés p et d, trouver un nombre quelconque r de moyens proportionnels arithmétiques.

Considérant p et d comme les extrêmes d'une progression, dont le nombre des termes sera conséquemment (r + 2), c'est-à-dire le nombre même des moyens à trouver + les deux extrêmes donnés. La question se rapporte au second article de la table, où l'on trouve m = . Mais n = r + 2 ; donc n - 1 = r + 1 ; donc m = . Or la différence trouvée, le reste suit.

Si c'est entre 1 et 13 qu'on demande trois moyens proportionnels... = = = 12/4 = 3: et la progression est

Exemple II. Deux voyageurs partent au même instant de deux termes opposés distants entr'eux de 135 lieues, et viennent à la rencontre l'un de l'autre, la marche du premier étant réglée par jour sur les termes correspondants de cette progression arithmétique (1. 5. 9. &c.), et celle du second sur les termes de cette autre (4. 7. 10. &c.) : on demande quel jour ils se rencontreront, et ce que chacun aura fait de chemin.

Les deux progressions concourant au même but, qui est de rapprocher les deux voyageurs, on voit que c'est par addition qu'il faut ici procéder. La somme des deux progressions est cette nouvelle (5. 12. 19. &c.) ; où l'on connait p = 5, m = 7, s = 135 : ce qui ramène la chose au cinquième article de la table. Le calcul donne, après les réductions n = 6... pour satisfaire à la seconde partie de la question, il n'y a plus qu'à faire (par l'article 4) les sommes particulières des deux premières progressions, où l'on connait p, m, n :

Exemple III. Les autres circonstances restant les mêmes, si l'on supposait que les voyageurs partent du même terme pour aller vers le même côté ; il est clair que le second prendra d'abord de l'avance, mais que le premier l'atteindra plus tôt ou plus tard : on demande le jour précis que cela arrivera.

La marche de l'un des voyageurs tend à procurer leur réunion, tandis que celle de l'autre tend à la retarder ; leur effet étant contraire, c'est donc la soustraction qu'il faut employer. Otant la seconde progression de la première, la différentielle est (- 3. - 2. - 1. &c.) D'ailleurs quand le premier voyageur atteindra le second, ils auront fait l'un et l'autre le même chemin, les sommes de leurs progressions respectives seront donc égales, et par une suite celle de la différentielle sera 0 ; c'est-à-dire qu'on connait dans celle-ci (P = - 3, M = 1, s = 0) ; ce qui ramène encore la question au cinquième article de la table. Ou bien on se servira de la formule particulière (n = + 1.) De l'une et de l'autre manière, on trouvera également n = 7 ; c'est-à-dire que le premier voyageur atteindra le second à la fin du septième jour, l'un et l'autre ayant fait 91 lieues.

Au lieu de comparer deux progressions, on peut comparer une progression avec une suite de termes non croissants et tous égaux entr'eux (a. a. a. &c.) : mais en considérant celle-ci (malgré la contradiction que renferme cette idée) comme une progression dont la difference serait 0, cette circonstance ne changera rien à la méthode qu'on vient d'employer pour résoudre la dernière question, ainsi qu'on Ve le voir.

Exemple IV. Des esclaves se sauvent dans une barque qui n'est équipée que de rames, et font chaque jour 12 lieues, en ayant 50 à faire pour se rendre au port ami le plus prochain. Un vaisseau les poursuit, dont la route contrariée d'abord par divers obstacles, puis secondée d'un vent qui devient de plus en plus favorable, est réglée par jour sur les termes correspondants d'une progression arithmétique dont le premier terme est 6 et la différence 5... Les esclaves seront-ils repris ? quel jour le seront-ils ? et à quelle distance du port ?

Appliquant, si l'on veut, la formule particulière (n = + 1) ; comme on a ici P = 12 - 6 = 6, et M = 5 - 0 = 5 : on trouve n = 12/5 + 1 = 3 + 2/5.... Les esclaves seront donc repris ; ils le seront aux 2/5 du quatrième jour, à 9 1/5 lieues du port qu'ils cherchent, n'ayant fait encore que 404/5 lieues. Car leur route est 12 x = 12 x 17/5 = 204/5 = 40 + 4/5 ; et c'est aussi la somme de la progression. Voyez le mémoire inséré à la fin de cet article.

Progression géométrique. On la désigne par ce caractère () qu'on met en tête de la suite, dont les termes sont distingués entr'eux par de simples points... 1. 2. 4. 8. etc. est une progression géométrique ; où l'on peut observer que 2 est moyen géométrique entre 1 et 4, 4 entre 2 et 8, etc. et que de deux termes consécutifs le second n'est que le premier multiplié par l'exposant (2) de la progression. L'analogie est si marquée et si soutenue entre les deux progressions, que ce qui a été dit de l'arithmétique, pourrait en quelque sorte suffire pour faire connaître la géométrique ; en observant qu'où celle là procede par addition et par multiplication, celle-ci procede respectivement par multiplication et par exaltation. Au-moins pour ne pas laisser perdre de vue cette étroite affinité qui peut jeter un grand jour sur l'une et sur l'autre, on affectera de suivre ici le même ordre et d'employer même, autant qu'il se pourra, les mêmes expressions qu'on a fait plus haut pour l'Arithmétique.

Nommant p le premier terme, et m l'exposant ; toute progression géométrique peut être représentée par celle-ci... p. p m. p m2. p m3. &c.

Chaque terme n'étant que celui qui le précède multiplié par l'exposant de la progression ou par m ; le second est le premier x par la première puissance de m ; le troisième, le premier x par la seconde puissance de m, et ainsi de suite : en sorte que chaque terme n'est que le premier x par la puissance de m, dont l'exposant est moindre d'une unité que le rang qu'il occupe dans la suite, ou, ce qui est la même chose, égal à la différence de son quantième à celui du premier terme. Ce qui donne le moyen de trouver directement tel terme d qu'on voudra, pourvu qu'on sache quel quantième il est, et qu'on connaisse d'ailleurs p et m. Si n est le quantième, on aura le terme même, ou d = p m(n - 1).

Dans cette dernière égalité, le second membre est le quotient du plus grand des deux termes comparés divisé par le plus petit, duquel on a extrait la racine désignée par la différence de leurs quantiemes ; et comme p et d sont indéterminés, il résulte qu'on obtiendra toujours m ou l'exposant de la progression, en divisant le plus grand de deux termes quelconques par le plus petit, et tirant du quotient la racine désignée par la différence de leurs quantiemes.

Il suit que qui connait les deux premiers termes d'une progression, en connait l'exposant, et dès - là toute la progression. Il n'est pas même nécessaire que les deux termes connus soyent les deux premiers ; ils peuvent être quelconques, pourvu qu'on sache leurs quantiemes. Car d'abord on aura l'exposant de la progression par la formule de m, en substituant à (n - 1) la différence donnée des quantiemes des deux termes ; ensuite on aura le premier terme par celle de p, en y substituant à d celui qu'on voudra des deux termes donnés, et à n son quantième. Si 63 et 567 sont les troisième et cinquiéme termes d'une progression, l'exposant de celle-ci est = 9 = 3 ; p = 63/32 = 63/9 = 7.

Si l'on compare les deux termes extrêmes, soit avec deux autres quelconques également éloignés de l'un et de l'autre, soit avec celui du milieu quand le nombre total en est impair ; il est clair que les quatre termes comparés dans le premier cas, et les trois dans le second, sont en proportion. D'où il suit (Voyez PROPORTION) que le produit des extrêmes est égal à celui de tous autres deux termes pris à distance égale de l'un et de l'autre, et de plus au quarre du terme du milieu, quand le nombre des termes est impair.

Il est démontré (Voyez PROPORTION) qu'en toute proportion et par une suite, en toute progression géométrique, la somme des antécédents est à celle des conséquents comme celui qu'on voudra des antécédents est à son conséquent ; comme le premier terme, par exemple, est au second : mais dans une progression tous les termes sont antécédents hormis le dernier (p mn - 1) ; tous sont conséquents hormis le premier (p) : nommant donc s la somme de tous les termes de la progression, la somme des antécédents peut être représentée par (s - p m n - 1), et celle des conséquents par (s - p) ; on a donc s - p m n - 1. s - p : : p. p m : : 1. m. Donc s m - p m n = s - p ; ou bien s m - s = p m n - p ; ou bien encore s = . Et c'est en effet l'expression générale de la somme de toute progression géométrique : ce qu'on pourrait encore prouver de cette manière.

Si l'on suppose p = 1, la formule () se réduit à = . Mais il a été démontré (art. EXPOSANT sur la fin) 1°. que donne toujours un quotient exact ; 2°. que ce quotient est formé de termes qui ont tous le signe +, et qui sont par ordre les puissances successives et décroissantes de m, depuis et y compris m (n - 1) jusqu'à m° inclusivement, c'est-à-dire dans un ordre renversé (ce qui ne fait rien à la somme) la progression qui a n pour nombre de ses termes, 1 pour premier terme, et m pour exposant. Sa somme est donc exactement représentée par , et par conséquent celle de toute autre progression qui aurait pour premier terme un nombre quelconque p, le sera pareillement par .

La supposition qu'on vient de faire de p = 1 rend plus simple l'expression de la progression ; elle devient (1. m. m2. m3. &c.) ou (m0. m1. m2. m3. &c.) en sorte qu'il n'y entre plus qu'une seule lettre, qui est l'exposant de la progression, à laquelle p, pris pour un nombre différent de m, n'est point essentiel... La suite des nombres naturels (0. 1. 2. 3. &c.) se retrouve donc encore ici : mais au lieu qu'ils étaient les coèfficiens de m dans la progression arithmetique, ils sont ici les exposans de ses puissances.

Si m = 1, il n'y a point de progression, mais une suite de termes tous égaux ; car 1 élevé à quelque puissance que ce sait, restant toujours 1, et 1 ne changeant point les grandeurs qu'il multiplie, les termes de la progression prétendue ne seraient tous que le premier répété.

Si m > 1, la progression est croissante.

Si m < 1, la progression est décroissante ; mais pour la rendre croissante, il n'y a qu'à la renverser.

Quant aux signes qui affectent les termes d'une progression géométrique, voici à quoi tout se réduit.

Quand m est positif, tous les termes ont le même signe, qui est celui de p.

Quand m est négatif, les signes sont alternatifs ; de sorte que le signe de p détermine celui des termes impairs.

On voit que pour avoir la somme d'une progression de cette dernière espèce, il la faut concevoir résolue en deux autres, formées, l'une des termes positifs, l'autre des négatifs, et qui aient pour exposant commun non plus simplement m, mais son carré m 2. On fera séparément la somme de chacune de ces progressions, et leur différence sera la somme de la progression entière. Elle aura le signe du dernier terme, si la progression est croissante ; et celui du premier, si elle est décroissante.

Si (m0) est l'origine d'une progression croissante vers la droite, il peut l'être également d'une décroissante vers la gauche, où ses exposans seront négatifs, m-1. m-2. etc. Toute progression géométrique comme arithmétique, peut donc se concevoir divisée en deux branches, l'une croissante, l'autre décroissante depuis p, qui s'étendent en sens contraire, et toutes deux se perdent dans l'infini. Ou, si l'on veut, ce n'en sera qu'une seule, croissante, ou décroissante dans tout son cours, selon le côté duquel on voudra la prendre, mais qui n'a ni commencement ni fin.

En toute progression géométrique on peut considérer cinq principaux éléments.

Or de ces cinq éléments, trois pris comme on voudra étant connus, on connait les deux autres ; ce qui forme dix cas, pour chacun desquels on trouvera par ordre dans la table suivante la valeur des deux inconnues. On y a exprimé n par les logarithmes, parce qu'il est toujours plus commode et quelquefois nécessaire d'y avoir recours.

Toutes les questions qui appartiennent à la progression géométrique sont résolues d'avance par quelqu'une de ces formules ; nous allons en faire l'application à quelques exemples choisis propres à procurer les éclaircissements nécessaires.

Exemple I. Entre deux nombres donnés p et d, trouver un nombre quelconque r de moyens proportionnels géométriques.

On connait directement les premier et dernier termes de la progression supposée, et indirectement le nombre des termes (r + 2.). La question se rapporte donc au second article de la table, où l'on trouve m = d/p = d/p : or l'exposant trouvé, le reste suit.

Que ce soit entre 2 et 54 qu'on demande deux moyens proportionnels ; m = 54/2 = 27 = 3. Et la progression est 2. 6. 18. 54.

Exemple II. Un barril est rempli d'un nombre c de pots de vin ; chaque jour un valet fripon en tire un pot par la clé, qu'il remplace d'un pot d'eau qu'il verse par le bondon : on demande combien, au bout d'un nombre n de jours, il restera de vin dans le barril.

Après le premier jour, la quantité de vin restante est... c - 1.

après le 2d. c - 1 - = = c - 1 x .

après le 3e. - = = c - 1 x .

On voit, sans qu'il soit besoin de pousser plus loin l'induction, qu'il règne ici une progression géométrique, où l'on connait p (c - 1), m (), et n : ce qui ramène la question au 4e article de la table. On y trouve le dernier terme (duquel seul il s'agit ici) ou d = p m n-1 = c - 1 x =

Si l'on suppose c = 20, et n = 4 ; la quantité de vin restante dans le barril à la fin du quatrième jour, sera 194/203 = 130321/8000 = 16 + 2321/8000.

c restant le même, si l'on demandait combien il faudrait répéter de fois ce manège, pour qu'il se trouvât dans le barril précisément autant d'eau que de vin, c'est-à-dire dix pots de l'une et dix pots de l'autre.

Alors on connaitrait p (19), d (10), et m (19/20). La question se résoudrait donc par le premier article de la table, et l'on trouverait n = + 1 = + 1 = -2787536/-222764 + 1 = 13 + 114368/222764 ; c'est-à-dire que du 14e pot il ne faudrait prendre (sait pour le vin qu'on tire, soit pour l'eau dont on le remplace) que la partie indiquée par la fraction.

Exemple III. Trouver la somme de la progression infinie (a/b. a/b2. a/b3. &c.) on suppose a < b.

Les trois éléments connus sont ici p (a/b), m (1/b), et n () ; ce qui ramène la question au quatrième cas de la table.... m étant une fraction plus petite que l'unité, rend la progression décroissante : mais on sait que pour la rendre croissante il n'y a qu'à la renverser ; ou plutôt il n'y a qu'à renverser la formule même qui donne la valeur de s, et l'appliquer sous cette forme. Elle deviendra s = ; où il n'y a nul compte à tenir dans le numérateur du second terme (p mn) = a/b x , quantité infiniment petite, puisque c'est une grandeur finie divisée par une autre infiniment grande. Substituant donc a/b au lieu de p, et 1 - 1/b ou , au lieu de 1 - m ; on aura s = a/b = a/b x = ; c'est-à-dire qu'en général en toute progression ainsi conditionnée, la somme est le premier terme même, dont le dénominateur a été diminué de l'unité.

Il suit que = 1/2

= 3/4

Desorte que pour avoir une progression infinie dont la somme soit un nombre quelconque entier ou rompu c, il n'y a qu'à en choisir le premier terme (a/b), tel que = c (ce qu'on peut faire d'une infinité de manieres), et d'ailleurs prendre 1/b pour l'exposant.

Exemple IV. Pour donner une idée des accroissements rapides que reçoit la somme d'une progression géométrique, au bout d'un nombre, même assez médiocre, de termes, en voici un exemple sur la progression double, dont la marche est une des plus lentes : il est tiré, quant à l'historique, de la Mathématique universelle du P. Castel.

L'inventeur du jeu des échecs (y est-il raconté plus au long) fut pressé par son roi qu'il avait comblé de gloire, de lui demander une récompense à son choix et proportionnée à la beauté de sa découverte. Après s'en être défendu longtemps, il se fit apporter un échiquier, et le montrant au prince : ordonnez, seigneur, lui dit-il, qu'il me soit délivré un grain de blé pour la première case, deux pour la seconde, quatre pour la troisième, et ainsi de suite en doublant toujours jusqu'à la soixante-quatrième. La demande au premier coup-d'oeil pourra paraitre très-modeste, et le roi lui-même en jugea ainsi : mais après un plus mûr examen, il se trouva qu'elle excédait de beaucoup ses facultés et celles des plus opulents monarques. Le calcul suivant en fournit la preuve.

1°. Suivant ce qui a été dit plus haut, la somme de toute progression est

: mais comme ici p = 1 et m = 2 ; p mn n'est que mn, et le dénominateur m - 1 = 2 - 1 = 1 peut être négligé. On a donc s = mn - 1 = 264 - 1 = 18. 446. 744. 073709. 551. 615.

2°. On s'est assuré qu'une petite marque d'un pouce cubique contient au plus 450 grains de froment. Il y a 1728 de ces mesures dans un pied cubique, qui fait le boisseau de plusieurs endroits et trois fois celui de Paris : le boisseau triple de celui de Paris contient donc 1728 x 450, ou 777600 grains.

3°. Supposons une enceinte carrée d'une lieue de tour (à 14400 pieds la lieue) convertie en grenier, et que le blé y soit entassé à la hauteur de 20 pieds ; chaque côté de l'enceinte sera de 3600 pieds, son aire de 3600 x 3600 = 12960000 pieds carrés, qui multipliés par la hauteur 20 donneront 259200000 pieds cubiques ou boisseaux, pour la contenance d'un pareil grenier. Mais chaque boisseau contient lui-même 777600 grains : le nombre des grains nécessaires pour remplir le grenier supposé est donc 259200000 x 777600, ou 201553920000000.

Il n'y a plus qu'à diviser le premier nombre 184 etc. par ce dernier ; le quotient fera connaître combien de pareils greniers seraient nécessaires pour contenir les grains en question. Or ce quotient est 91522, avec une fraction qu'on néglige ici, mais qui évaluée serait plus que suffisante pour faire la fortune de six mille honnêtes familles.

Qui voudrait apprécier en argent cette énorme quantité de blé, trouverait, à ne mettre le boisseau (tel même que nous l'avons supposé) qu'à 2 liv. de notre monnoye, que le prix de chaque grenier serait 518.400.000 liv. et comme il y en a 91522, ces deux nombres multipliés l'un par l'autre donneraient 47.445.004.800.000 liv. somme exorbitante et telle que les trésors reunis de tous les potentats du monde connu seraient éloignés d'y atteindre. Article de M. RALLIER DES OURMES.

PROGRESSION DES ANIMAUX, (Physique) la progression est ce transport par lequel les animaux passent d'un lieu à un autre, au moyen du mouvement qu'ils donnent à des parties différentes de leurs corps destinées à cet usage. Il y a plusieurs espèces de progressions dont les principales sont le marcher, le voler, et le nager.

1°. Le roulement dans les huitres ; 2°. le trainement dans les limaçons, les vers de terre, les sangsues, etc. 3°. le rampement dans les serpens, 4°. l'attraction dans les polypes et dans les séches, sont des progressions différentes de celles du marcher des quadrupedes, ou plutôt ne sont pas proprement des progressions.

En effet, le mouvement par lequel les huitres détachées des rochers, et les autres animaux enfermés dans des coquilles, sont transportés d'un lieu à un autre, n'est qu'un roulement causé par les vagues de l'eau qui les pousse.

L'allure du trainement des limaçons, des vers de terre, etc. est un mouvement qui n'est guère plus composé que celui des huitres dans son principe, quoiqu'il ait un effet plus diversifié.

Le rampement des serpens n'est différent de celui des vers de terre, qu'en ce que leur corps ne rentre pas en lui-même, mais qu'il plie pour se raccourcir.

L'allure des polypes se fait par des bras, qui s'attachent par le moyen de certaines parties qui leur tiennent lieu d'ongles.

Les animaux terrestres ont une progression plus parfaite et plus commode, parce qu'elle les fait tourner plus aisément et plus promptement de tous les côtés. Les instruments qui y servent, qui sont les pieds, ont aussi une structure beaucoup plus composée ; les ongles entr'autres y ont beaucoup de part, car ils servent pour affermir leurs pieds et empêcher qu'ils ne glissent ; les élans qui les ont fort durs, courent aisément sur la glace sans glisser.

Leurs pieds ne servent pas seulement pour marcher, mais aussi pour grimper, pour prendre la nourriture, pour travailler à leurs habitations ou à des ouvrages, comme les mouches à miel à bâtir leurs cellules.

Enfin les animaux qui ont quatre pieds s'en servent encore pour nager ; la plupart ne les remuent point d'autre manière pour nager que pour marcher, et ce mouvement des pieds soutient tout l'animal, par la raison que le pli qu'ils leur font faire en le levant, est cause qu'ils ne rencontrent pas tant d'eau que quand ils les rabaissent, parce qu'alors ils sont plus étendus. Les animaux qui ont des peaux entre les ongles des pieds, comme le castor et la loutre, frappent l'eau en abaissant les pieds d'une manière encore plus avantageuse pour soutenir leur corps sur l'eau, parce qu'ils les écartent et les élargissent, lorsqu'ils les abaissent, et qu'ils les resserrent et les étrécissent quand ils les relèvent. Voyez
NAGER.

Aristote nous a laissé un livre , ou sur le mouvement progressif des animaux. Petrus Alcyonius, Petrus de Alvernia, et Proculus y ont ajouté leurs commentaires. Franç. Bonanici a composé dix livres sur le même sujet ; ils ont été publiés à Florence en 1591, in-fol. D'autres ont encore traité cette matière ; mais le livre qui mérite le plus d'être lu, c'est celui de Joh. Alph. Borelli, de motu animalium. Il a paru à Rome en 1680, in - 4°. Lugd. Batav. 1710, et finalement à Naples en 1734, même format. Quant à la progression des insectes, nous en ferons un article séparé. (D.J.)

PROGRESSION DES INSECTES, (Histoire naturelle des Ins.) la progression ou le mouvement progressif des insectes, est le transport de ces espèces d'animaux d'un lieu à l'autre, soit dans l'eau, sur terre, ou dans l'air pour leurs divers besoins.

Cette grande variété qu'on remarque dans le mouvement des différents animaux, a paru mériter l'attention de plusieurs savants, mais ils n'ont pas assez approfondi les mouvements progressifs des insectes, et cependant ce sujet n'était pas indigne de leurs regards.

La progression des insectes est variée suivant l'élément qu'ils habitent. Autre est la manière dont se meuvent ceux qui vivent dans l'eau ; autre est la manière de ceux qui vivent sur la terre, et de ceux qui voltigent dans l'air. De plus chaque espèce a un mouvement qui lui est propre, soit dans l'eau, soit sur terre, soit dans l'air.

De la progression des insectes aquatiques. Les insectes aquatiques ne sont point bornés à un seul genre de mouvement progressif. Grand nombre marchent, nagent, et volent ; d'autres marchent et nagent ; d'autres n'ont qu'un de ces deux moyens de s'avancer. De ceux qui nagent la plupart nagent sur le ventre, et quelques-uns sur le dos. Pour nager plus vite, il y en a qui ont la faculté de se remplir d'eau, et de la jeter avec force par la partie postérieure, ce qui les pousse en avant par un effet semblable à celui qui repousse l'éolipile, ou fait voler une fusée ; d'autres ont les jambes postérieures longues et faites en forme de rames, dont ils imitent les mouvements.

De ceux qui marchent dans l'eau, il y en a qui marchent sur le ventre, d'autres sur le côté, et d'autres sur la tête et la queue. Les insectes de cette dernière sorte n'ont pas des jambes, ils ont un empatement à chaque extrémité du corps qui leur sert de pied, et par lequel ils savent s'attacher avec une force inconcevable aux corps où ils veulent se tenir. Quelques espèces de ce genre ont la faculté de s'allonger et de se raccourcir à un point qui passe l'imagination, ce qui leur fait faire des pas d'une longueur demesurée.

Plusieurs insectes aquatiques, à proprement parler, ne marchent ni ne nagent ; mais par un ondoyement progressif de dessous leur corps, ils savent s'en procurer l'effet. Il y en a même qui sans qu'on puisse en aucune manière s'apercevoir qu'ils fassent le moindre mouvement extérieur, glissent dans l'eau en tout sens et assez vite ; plusieurs de ceux-ci sont des protées, qui changent pour ainsi dire de forme quand il leur plait, et en revêtent quelquefois de si bizarres, qu'à moins que de les connaître on ne les prendrait jamais pour des animaux.

Voici d'autres diversités dans le mouvement des insectes aquatiques : on en voit qui nagent dans l'eau en ligne droite, remuant leur tête alternativement du côté droit et du côté gauche, tandis qu'ils remuent constamment la queue du côté opposé à celui de la tête, gardant toujours la figure de la lettre S. Il y en a qui nagent de côté et d'autre, avançant tantôt en ligne droite, et tantôt décrivant un cercle ou quelqu'autre courbe.

Le puceron aquatique a pour sa seule part trois différentes manières de nager. Il y a quelques insectes qui s'élancent dans l'eau de haut en bas, indifféremment, avec une rapidité prodigieuse, comme fait le grand scarabée aquatique.

On en trouve qui se meuvent avec une lenteur extrême, comme les étoiles marines, tandis que d'autres nagent si rapidement qu'on ne saurait les suivre à la vue. Quelques-uns s'attachent pour se reposer aux corps solides qu'ils rencontrent ; d'autres se suspendent dans l'eau même, c'est ce qu'exécute la nymphe du moucheron avec les poils de sa queue ; d'autres marchent sur la superficie de l'eau, ou attachent les fourreaux dans lesquels ils logent à quelques pièces de bois, pour s'empêcher d'aller à fond ; enfin les insectes aquatiques ont non-seulement des façons de nager différentes, mais quelques-uns même réunissent toutes les différentes façons de nager.

De la progression des insectes qui vivent sur terre. On voit sur la terre des insectes qui n'ont ni pieds ni ailes, et qui cependant se meuvent sans peine. Ils vont d'un lieu à un autre en serpentant par le secours des muscles de leurs anneaux, qui en se contractant rendent l'insecte plus court, et lui donnent le moyen de s'avancer, en dilatant les anneaux de la partie antérieure. On en voit qui avancent par une espèce de ressort en se courbant, c'est ce que font les vers du fromage. Ils approchent leur tête de la queue, et ensuite ils s'étendent subitement comme un arc qui vient à se relâcher, en sorte qu'ils sautent beaucoup plus haut qu'ils ne sont longs. Ce qui facilite le mouvement élastique de tels insectes, est qu'ils ont à la partie antérieure, des crochets par lesquels ils s'accrochent à leur partie postérieure en faisant des efforts comme pour se redresser lorsqu'ils se sont pliés en double ; ces crochets lâchent tout-à-coup prise, et causent ces élancements par lesquels l'insecte saute d'un lieu à un autre ; ce mouvement leur tient lieu des jambes et des muscles de la plupart des insectes qui sautent.

Les insectes terrestres qui ont des pieds ne marchent pas tous de la même manière. Les uns vont en ligne droite, et les autres courbent leur dos ; de cette dernière classe sont les chenilles arpenteuses. Il y en a qui courent de côté ; et dans ce rang sont les poux ailés des chevaux. D'autres tournent en cercle, de manière que leur corps en tournant demeure à-peu-près toujours également éloigné du centre ; comme aux chauves-souris. Quelques-uns ne se meuvent qu'en sautillant, et sont pourvus pour cela de jambes longues et de cuisses fortes ; de ce nombre sont les tepules et les puces.

On en voit qui marchent avec une extrême célérité. M. Delîle a observé un moucheron presque invisible par sa petitesse, qui parcourait plus de trois pouces en une demi-seconde, et faisait dans cet espace cinq cent quarante pas ; il en faisait par conséquent plus de mille en un de nos battements communs d'artères. Quelle souplesse ne faut-il pas pour remuer les pattes plus de cinq cent fois en une demi-seconde ! car les pattes de cet insecte pouvaient avoir de grandeur la quinzième partie d'une ligne. Il faisait donc dans l'espace d'une ligne quinze pas ou mouvements.

On voit au-contraire d'autres insectes terrestres dont la démarche est extrêmement lente ; telle est celle de la chenille du cerfeuil ; mais le mouvement progressif de certaines orties de mer est encore bien plus lent, à peine parcourent-elles l'espace d'un pouce ou deux dans une heure.

Plusieurs de ceux dont le corps est long, s'aident à marcher par le moyen de leur partie postérieure, qu'ils recourbent sous eux, et dont ils se servent pour se pousser en avant. On en connait qui frappent de la tête ; d'autres qui ruent du derrière ; les uns s'étendent lorsqu'ils prennent leur repos comme font la plupart des chenilles ; les autres se recoquillent alors, comme font les serpens quand ils veulent dormir.

De la progression des insectes qui volent dans l'air. Parmi les insectes qui sont obligés de chercher leur nourriture dans l'éloignement ; les uns ont deux ailes, d'autres quatre, et d'autres de petits balanciers qui leur servent comme de contre-poids. Ces petits balanciers, ou ces petites boules, sont placées sous la partie postérieure des ailes, et elles tiennent au corps par un filet fort mince, qui sert à l'animal pour les mouvoir selon qu'il en a besoin. Chez les uns elles sont toutes nues, et chez les autres elles sont couvertes. Leur usage est de tenir le corps en équilibre ; elles sont aux insectes ce que les contre-poids sont aux danseurs de corde, et les vessies remplies d'air aux nageurs. Si on leur coupe une de ces boules, on s'aperçoit qu'ils panchent plus d'un côté que de l'autre ; et si on les leur ôte toutes deux, ils n'ont plus ce vol léger et égal qu'ils avaient auparavant, ils ne savent plus se diriger, et ils font des culbutes.

La plupart des insectes n'ayant point de queue et de plumes comme les oiseaux, ont un vol fort inégal, et ne peuvent pas tenir leur corps en équilibre dans un élément si subtil, et qui cede aussi aisément. Swammerdam a pourtant trouvé une espèce de papillons qu'il faut excepter de cette règle générale ; il a une queue à l'aide de laquelle il dirige son vol comme il veut.

Enfin parmi les insectes qui volent, les uns s'élèvent dans l'air à une certaine distance de la terre, tandis que d'autres voltigent sans cesse à quelques lignes seulement de sa surface.

Réflexion sur la progression des insectes en général. Les membres de chaque insecte sont proportionnés au mouvement qu'ils doivent exécuter ; ceux qui glissent et rampent sur la terre, ont une humeur gluante dont ils sont abondamment pourvus ; ceux qui grimpent sur des corps polis, ont des petits crochets à leurs pattes ; ceux qui marchent ont des anneaux, des jambes, des pieds, adaptés à leur structure, à leur grosseur, à leurs besoins. Ceux qui fendent l'eau ont des queues, des poils, des nageoires, ou un corps aigu qui leur facilite ce mouvement : tel est le pou des poissons ; lorsqu'en nageant son côté plat se présente à l'opposite de l'endroit où il veut aller, il se trouve arrêté tout court, et il est obligé de se tourner pour reprendre son chemin. D'autres insectes aquatiques qui doivent changer de forme, ont des nageoires en guise de panaches, qui tombent quand l'insecte se métamorphose ; c'est ce qui arrive aux cousins.

Il y a encore quelques insectes qui paraissent pourvus d'un si grand nombre double de membres nécessaires à leur mouvement progressif, qu'il semble qu'en en arrachant un, il leur en reste encore assez ; cependant si on en fait l'expérience, on s'aperçoit que leur mouvement est retardé, et qu'ils ont de la peine à exécuter ce qu'un moment auparavant ils faisaient avec beaucoup de facilité ; c'est ce que raconte Séba dans son Thes. rer. nat. fol. 25, tab. 24. d'un mille-pié de l'Amérique. Il y a d'autres insectes à qui la privation de ces mêmes membres ne porte aucun préjudice, tant le mécanisme du corps de ces petits animaux nous est caché : concluons.

Le mouvement progressif des insectes varié en mille façons différentes, ne peut qu'élever nos pensées vers le Créateur ; l'exécution de ce mouvement par ces petits animaux, est un trait si grand de sa puissance, que nous ne saurions le comprendre. (D.J.)

PROGRESSION, s. f. (Rhétorique) c'est l'amplification d'une même idée qui marche dans une ou plusieurs phrases avec un accroissement de grandeur et de force ; tel est ce morceau de l'oraison funèbre de M. de Turenne par M. Fléchier.

" N'attendez pas, messieurs, que je représente ce grand homme étendu sur ses propres trophées ! que je découvre ce corps pâle et sanglant, auprès duquel fume encore la foudre qui l'a frappé ! que je fasse crier son sang comme celui d'Abel, et que j'expose à vos yeux les images de la religion et de la patrie éplorée ". Voilà trois membres d'une phrase qui font une progression ascendante d'images. Cette distribution qui sied si bien dans le style élevé, présente à l'esprit une sorte de pyramide qui a sa pointe et sa base, et forme une figure qui réunit à-la-fais la variété, la grandeur et l'unité. Cours de Belles-Lettres. (D.J.)