S. f. (Philosophie et Mathématiques) est une espèce de méthode opposée à l'analyse. On se sert de la synthèse ou méthode synthétique, pour chercher la vérité par des raisons tirées de principes établis comme certains, et de propositions que l'on a déjà prouvées, afin de passer ainsi à la conclusion par un enchainement régulier de vérités connues ou prouvées.

Telle est la méthode que l'on a suivie dans les éléments d'Euclide, et dans la plupart des démonstrations mathématiques des anciens où l'on part des définitions et des axiomes, pour parvenir à la preuve des propositions et problêmes, et de ces propositions prouvées, à la preuve des suivantes.

Cette méthode s'appelle aussi méthode de composition, et elle est opposée à la résolution ou analyse, aussi le mot synthèse est formé des mots grecs , ensemble, et , position, de sorte que synthèse est la même chose que composition. Voyez COMPOSITION.

La méthode synthétique est par conséquent celle dont on se sert après avoir trouvé la vérité, pour la proposer ou l'enseigner aux autres. Voici ses principales règles.

Avant toutes choses, on doit expliquer les mots dans lesquels il peut y avoir la moindre obscurité. En effet, ce serait envain qu'on entreprendrait d'expliquer une chose à celui qui n'entendrait pas les mots qu'on emploie ; l'intelligence des mots se donne par les définitions ; il y en a une de nom, et une de chose ; dans l'une et dans l'autre, on se propose de déterminer une idée, soit qu'il s'agisse d'une idée que nous avons besoin d'exprimer par tel ou tel mot, comme dans la définition de nom ; ou qu'il soit question de l'idée d'une chose déterminée, ce qui a lieu dans la définition de chose. Cette idée doit être tellement déterminée, qu'on puisse la distinguer de toute autre, car c'est-là le but de la définition, qui ne doit contenir que cela pour éviter toute confusion ; mais il faut prendre garde de ne pas employer dans les définitions, des termes obscurs ; si cela ne peut s'éviter, il faut commencer par définir ces termes. Les définitions n'ont point lieu pour les idées simples ; tout ce qui a rapport à ces idées, ne saurait être expliqué à ceux qui ne les ont pas. Les explications des mots sont principalement nécessaires, quand il s'agit de choses ou de termes ordinaires, mais dont les notions ne sont pas exactement déterminées, quoiqu'il n'y ait rien de plus ordinaire que de négliger les définitions dans ces sortes d'occasions. Les mots d'être, de néant, de perfection, de volonté, de liberté, d'inertie, etc. ne sont pas entendus dans le même sens par tout le monde. Lorsqu'on a donné une définition, il ne faut pas employer le terme défini, dans un autre sens que celui qu'on lui a attribué dans la définition : défaut dont il est facîle de s'apercevoir, en substituant le défini à la place de la définition ; il n'est pas nécessaire de commencer par les définitions de tous les termes qu'il faut expliquer ; c'est assez qu'on explique les mots avant que de les employer, pourvu qu'on prenne garde à ne pas interrompre un raisonnement, en y faisant entrer une définition.

Après avoir expliqué les termes, il faut observer qu'il ne saurait y avoir de raisonnement dans lequel il n'y ait du moins deux propositions à considérer, de la vérité desquelles dépend celle du raisonnement : ainsi il est clair qu'on ne saurait rien prouver aux autres par des raisonnements, à-moins qu'ils ne soient persuadés de la vérité de quelques propositions : c'est par-là qu'il faut commencer ; mais pour qu'il n'y ait aucune difficulté à cet égard, il faut choisir des propositions dans lesquelles le sujet puisse être immédiatement comparé avec l'attribut, parce qu'alors tous ceux qui entendent les termes, ne sauraient avoir le moindre doute sur ces propositions. Une telle proposition s'appelle un axiome. Voyez AXIOME.

II. Il faut proposer clairement les axiomes dont on doit déduire les raisonnements que l'on a à faire. Il y a des propositions qui ne sont pas des axiomes, mais qu'on emploie comme tels, ce qui est nécessaire en bien des rencontres : on pourrait les appeler des axiomes relatifs, c'est-à-dire des propositions qui à la vérité ne sont pas claires par elles-mêmes, mais dont la certitude est parfaitement connue à ceux auxquels nous proposons nos raisonnements, de sorte qu'il serait inutîle de les démontrer. Il y a des sciences entières qui servent de fondement à d'autres, et on les suppose connues à ceux à qui on doit expliquer ces dernières : au reste, il n'importe gueres qu'un raisonnement soit déduit d'axiomes, dont la vérité se fait apercevoir immédiatement, ou d'axiomes relatifs : car dans l'un et l'autre cas, si le raisonnement est bien déduit, il ne saurait y avoir aucun doute sur la conclusion. Si les choses que nous devons expliquer concernent la pratique, il est nécessaire que celui à qui nous entreprenons d'enseigner cette pratique, puisse agir. Enseigner la pratique d'une chose, c'est expliquer comment il faut diriger certaines actions ; mais ces actions mêmes doivent être déterminées d'avance : c'est cette détermination qu'on appelle demande. Je demande que celui à qui j'entreprents d'enseigner la multiplication des nombres, puisse multiplier les nombres exprimés par un seul caractère, c'est-à-dire, en ait le produit imprimé dans sa mémoire. Je demande que celui à qui je dois enseigner la Géométrie, puisse tirer des lignes et tracer des cercles. L'on place ordinairement les demandes immédiatement après les axiomes ; mais ce n'est pas à dire que les axiomes et les demandes doivent précéder tous les raisonnements ; il suffit qu'on les place avant les raisonnements auxquels ils ont rapport, pourvu que d'ailleurs ils n'interrompent pas le fil de la démonstration. Aux définitions, aux axiomes, et aux demandes, on ajoute souvent des hypothèses : c'est ce qui se fait quand on entreprend d'expliquer ce qui doit résulter de la combinaison de certaines circonstances ; le raisonnement en ce cas est hypothétique, et il faut commencer par poser les circonstances ; tout cela étant fait, il faut en venir à traiter le sujet proposé, ce qui doit se faire par parties.

III. La division du sujet proposé doit être faite de telle manière que toutes les parties en puissent être traitées séparément. Le sens de cette règle est, qu'entre les parties, il faut qu'il y en ait une qui puisse être expliquée, sans que les autres entrent en considération ; et cette partie doit être la première : la seconde doit être choisie de même parmi les parties qui restent ; et ainsi des autres.

IV. La division que la nature du sujet indique, doit être préférée, et les parties les plus simples de ce sujet doivent être expliquées avant celles qui sont plus composées : cette règle est subordonnée à la précédente, c'est-à-dire n'a lieu qu'autant qu'elle s'accorde avec l'autre. Si j'entreprenais d'enseigner les éléments de Géométrie, voici la division et l'ordre que je devrais suivre, en ne faisant attention qu'à la dernière règle que je viens de proposer ; je devrais commencer par ce qui regarde les lignes, de-là passer aux triangles, et puis aux autres figures rectilignes ; enfin je devrais parler du cercle, etc. Mais quelle géométrie serait-ce que celle-là ? Ce qui regarde les lignes parallèles et perpendiculaires, doit être déduit de ce qu'on démontre des triangles, etc. C'est pourquoi quelque naturel que paraisse l'ordre que nous venons d'indiquer, il faut pourtant en suivre un autre : cependant on ne doit s'écarter de cette quatrième règle, qu'autant qu'elle ne saurait s'accorder avec la troisième. Il y a pourtant des occasions où il faut observer la quatrième règle, en violant la troisième : ce qui n'a lieu que lorsque le sujet n'admet pas de division qui s'accorde avec la troisième règle ; alors il faut commencer par supposer quelque proposition, qu'on ne peut démontrer que dans la suite. Après avoir exposé la division du sujet, il faut en traiter les diverses parties, en rangeant les propositions dans un ordre convenable, et en démontrant celles dont la vérité ne parait pas immédiatement, à moins qu'on ne les envisage comme déjà connues. Toute conclusion est déduite de deux prémisses, de la vérité desquelles dépend celle de la conclusion.

V. Il n'est permis d'admettre comme vraie, aucune proposition, à moins qu'elle ne soit déduite des axiomes, des demandes, des hypothèses, ou des propositions déjà prouvées ; excepté le seul cas indiqué tout-à-l'heure ; savoir, lorsque le sujet n'admettant point de division, on suppose quelque proposition sans preuve, en se réservant de la démontrer dans la suite. Il faut prendre garde aussi, en employant une hypothèse, de regarder comme absolument vraie, une conclusion qui n'est vraie qu'hypothétiquement.

VI. Toutes les propositions qui ne servent ni à démontrer, ni à éclaircir le sujet qu'on traite, doivent être rejetées. En négligeant d'observer cette règle, on ne saurait s'empêcher de tomber dans la confusion.

VII. Les propositions simples doivent précéder celles qui sont composées, et les propositions générales doivent être traitées avant les particulières. Il est quelquefois impossible d'observer cette règle, à cause qu'il arrive souvent qu'une proposition simple ne peut être déduite que d'une proposition composée, et qu'une proposition générale ne peut être expliquée avant que d'en avoir démontré quelque cas particulier ; dans ces occasions on doit négliger cette septième règle : c'est de quoi nous trouvons plusieurs exemples dans Euclide, auquel bien des gens ont reproché d'avoir péché contre l'ordre ; mais ceux qui lui ont fait de pareils reproches, n'ont pas fait attention à la subordination des règles qui regardent l'ordre des propositions.

VIII. Après chaque proposition il faut premièrement démontrer celles qui en sont des conséquences, ensuite celles qui y ont quelque rapport, en faisant précéder celles qui y ont la relation la plus étroite. Cette seconde partie de la huitième règle, doit être entendue de manière qu'elle ne doive avoir lieu que quand elle ne se trouve point en opposition avec la règle précédente. Euclide a eu raison de séparer la seizième, et la trente-deuxième proposition du premier livre de ses éléments, quoique dans l'une et l'autre proposition, il soit question de l'angle extérieur du triangle.

La difficulté qui se trouve à suivre toutes les règles de la synthèse, qui viennent d'être exposées, n'est pas fort considérable. Cependant avant que d'y être accoutumé, on pourra en faciliter la pratique, en observant les règles suivantes. D'abord on doit marquer, et bien déterminer ce que l'on a entrepris d'expliquer, en faisant une liste qui contienne toutes les propositions qui doivent être démontrées, exprimées en peu de mots, ou plutôt simplement indiquées, ensuite on doit rechercher les arguments par le moyen desquels on croit pouvoir prouver, avec le plus de facilité et de briéveté, les propositions dont il s'agit. Ces arguments contiennent de nouvelles propositions, qu'il faut ajouter aux autres : après cela on doit aussi marquer les principes dont ces dernières propositions peuvent être déduites ; soit immédiatement, soit par une suite de propositions déjà marquées sur la liste : enfin il faut indiquer les mots obscurs qui doivent être définis, aussi-bien que les demandes et les hypothèses, s'il en est question. Ces différents matériaux doivent être rédigés en ordre, suivant les règles qui viennent d'être prescrites ; et cela de manière qu'à l'égard de chacun de ces matériaux en particulier, on aperçoive la raison pour laquelle on lui assigne plutôt telle place que telle autre ; les choses ainsi disposées, il ne s'agit plus que d'expliquer les propositions qui auront été simplement indiquées ; ce qui pourra se faire, ou par un discours suivi, ou par des propositions séparées, suivant la méthode des mathématiciens.

Cet article, qui nous a été donné par M. Formey, est tiré de l'introduction à la philosophie de M. S'Gravesande, lib. part. II. ch. xxxvj.

SYNTHESE, s. f. (Grammaire) c'est une figure de construction que les Grammairiens appellent encore et même plus communément syllepse : mais comme il y a un trope particulier qui a déjà le nom de syllepse, et qu'il peut être nuisible à la clarté de l'enseignement de désigner par le même nom des objets totalement différents, ainsi que je l'ai déjà remarqué sous ce mot ; je donne uniquement le nom de synthèse à la figure dont il est ici question.

" Elle sert, dit M. du Marsais, (FIGURE ) lorsqu'au-lieu de construire les mots selon les règles ordinaires du nombre, des genres, des cas, on en fait la construction relativement à la pensée que l'on a dans l'esprit ; en un mot... lorsqu'on fait la construction selon le sens, et non pas selon les mots ".

1°. Les Grammairiens ne reconnaissent la synthèse que dans le genre, ou dans le nombre, ou dans tous les deux : dans le genre, comme daret ut catenis fatale monstrum, QUAE generosiùs perire quaerents, etc. Hor. dans le nombre, comme missi, magnis de rebus UTERQUE, legati : id. enfin dans le genre et dans le nombre tout-à-la-fais, comme pars in carcerem ACTI, pars bestiis OBJECTI. (Sall.) Mais aucun d'eux n'a parlé de synthèse dans les cas, et aucun n'aurait pu assurément en trouver d'exemples en quelque bon auteur que ce fût. C'est donc par inadvertance que M. du Marsais a compris le cas dans la définition qu'il donne ici de cette figure.

2°. Il me semble que ce grammairien ayant assigné avec tant de justesse et de vérité la différence qu'il y a entre construction et syntaxe (voyez CONSTRUCTION), il aurait dû regarder la synthèse comme une figure de syntaxe plutôt que comme une figure de construction ; puisque c'est, de son propre aveu, la loi de concordance qui est violée ici dans les mots, quoiqu'elle subsiste encore dans le sens. Or la concordance est l'un des objets de la syntaxe, et la construction en est un autre.

3°. Ce n'est au reste que relativement à la manière dont ce philosophe a envisagé la synthèse, que je dis qu'il aurait dû en faire une figure de syntaxe : car, par rapport à moi, c'est une véritable figure de construction, puisque je suis persuadé que ce n'est qu'une sorte d'ellipse. Les Grammairiens eux-mêmes semblent en convenir, quand ils disent qu'on y fait la construction selon le sens, et non pas selon les mots : cela veut dire que le corrélatif discordant en apparence, si l'on n'envisage que les mots exprimés, est dans une exacte concordance avec un autre mot non-exprimé, mais indiqué par le sens. Reprenons en effet les exemples de synthèse cités plus haut ; et l'on Ve voir que par de simples suppléments d'ellipse ils vont rentrer dans les règles, et de la construction analytique et de la syntaxe usuelle. La première se réduit à ceci, daret ut catenis Cleopatram, fatale monstrum, quae, etc. on voit que fatale monstrum est ajouté à l'idée de Cleopatram, qui était tout-à-la-fais sous-entendu et désigné par le genre de quae qui rentre parlà dans les vues de la concordance. Le second exemple se construit ainsi, missi legati, et uterque legatus missus de magnis rebus, cela est évident et satisfaisant. Enfin quand Salluste a écrit, pars in carcerem acti, pars bestiis objecti, c'est comme s'il avait dit : divisi sunt in duas partes ; ii, qui sunt prima pars, in carcerem acti sunt ; ii, qui sunt altera pars, bestiis objecti.

Il n'y a qu'à voir la manière dont les exemples de cette figure sont expliqués dans la méthode latine de P. R. (des fig. de constr. ch. iv.) et l'on ne pourra plus douter que, quoique l'auteur ne songeât pas explicitement à l'ellipse, il n'en suivit néanmoins les indications, et n'en envisageât les suppléments peut-être même à son insu. Or il est constant que, si l'on peut par l'ellipse rendre raison de toutes les phrases que l'on rapporte à la synthèse, il est inutîle d'imaginer une autre figure ; et je ne sais même s'il pourrait réellement être autorisé par aucun usage, de violer en aucune manière la loi de la concordance. Voyez IDENTITE.

Je ne veux pas dire néanmoins qu'on ne puisse distinguer cette espèce d'ellipse d'avec les autres par un nom particulier : et dans ce cas, celui de synthèse s'y accommode avec tant de justesse, qu'il pourrait bien servir encore à prouver ce que je pense de la chose même. , compositio ; RR. , cùm, et , pono : comme si l'on voulait dire, POSITIO vocis alicujus subintellectae CUM voce expressâ ; ce qui est bien le cas de l'ellipse. Mais au fond un seul nom suffit à un seul principe ; et l'on n'a imaginé différents noms, que parce qu'on a cru voir des principes différents. Nous retrouvons la chaîne qui les unit, et qui les réduit à un seul ; gardons-nous bien de les séparer. Si nous connaissons jamais les vérités, nous n'en connaitrons qu'une. (E. R. M. B.)

SYNTHESE, en Chirurgie, est un terme générique qui comprend toute opération, par laquelle on réunit les parties qui ont été séparées, comme dans les fractures, les plaies, par le moyen des sutures, etc. Voyez PLAIE REUNIE, SUTURE, FRACTURE. (Y)

SYNTHESE, s. f. synthesis, (Usages des Romains.) espèce de robe ample que prenaient les Romains au sortir du bain avant que de se mettre à table. C'était un habillement commode pour être à leur aise sur leurs lits : il différait du pallium des Grecs, était léger, flottant, et ne tenait presque à rien, comme il parait par les marbres antiques. Juvenal en parle, sat. IIe vers. 283. et Martial, l. XXXIV. épigr. 141. nous apprend que de son temps il y avait des personnes qui, par un air de luxe et de magnificence, en changeaient plusieurs fois pendant le festin. La couleur de la synthèse était blanche, et du-moins jamais noire, pas même dans le repas qu'on donnait aux funérailles. (D.J.)