S. f. (Physique) On appelle ainsi le plus communément le passage de l'eau-à-travers un corps destiné à la purifier des immondices qu'elle renferme ; l'eau qui passe, par exemple, à-travers le sable, y devient pure et lympide de sale qu'elle était auparavant. On se sert aujourd'hui beaucoup pour cet effet de certaines pierres poreuses, voyez l'article FONTAINE. Selon Lister, on peut dessaler l'eau de la mer, en y mettant de l'algue (sorte de plante marine) voyez ALGUE ; et en la distillant ensuite à l'alembic. Selon M. des Landes, si on forme avec de la cire-vierge des vases qu'on remplisse d'eau de mer, cette eau filtrée à-travers la cire est dessalée par ce moyen. Enfin, selon M. Leutmann, si on filtre de l'eau de puits au-travers d'un papier gris, qu'on laisse ensuite fermenter ou pourrir cette eau, et qu'on la filtre de nouveau, elle sera plus pure que si on la distillait.

L'effet de la filtration se comprend assez : il n'est pas difficîle de concevoir que l'eau en traversant un corps solide d'un tissu assez serré, y dépose les parties les plus grossières qu'elle renferme : on a étendu le mot de filtration à tout passage d'un fluide à-travers un solide dans lequel il dépose quelques-unes de ses parties ; par exemple, à la séparation des différentes parties du sang dans les glandes du corps humain.

Si on mêle ensemble deux liqueurs dans un vase, et qu'on trempe dans ce vase un linge ou un morceau de drap imbibé d'une seule de ces deux liqueurs, il ne filtrera que cette liqueur, et ne donnera point passage à l'autre. Quelques physiologistes ont voulu expliquer par ce moyen la filtration ou séparation qui se fait des liqueurs animales dans les glandes. Selon eux, les reins, par exemple, sont imbibés dès le commencement de leur existence d'une liqueur semblable à l'urine, et par cette raison ne laissent passer que les parties du sang propres à former l'urine : nous ne donnons cette explication que pour ce qu'elle est, pour une conjecture ingénieuse et peu fondée (O)

FILTRATION (Med. physiol.) On se sert de ce terme pour exprimer l'action par laquelle les humeurs qui se séparent du sang, sont comme filtrées à-travers les orifices des vaisseaux secrétoires, voyez SECRETION.

On emploie aussi le mot de filtration, dans le même sens, à l'égard du chyle : en tant qu'il est séparé de la masse alimentaire dans les intestins, en pénétrant dans les veines lactées, comme à-travers un filtre, voyez DIGESTION, CHYLIFICATION. (d)

FILTRATION et FILTRE, terme de Chimie et de Pharmacie. La filtration est une opération fort usitée en Pharmacie et en Chimie, qui consiste à faire passer un liquide quelconque, qui contient des matières non dissoutes, à-travers un corps assez dense pour les retenir. L'instrument qui sert à faire la filtration, et qu'on appelle filtre, varie beaucoup : tantôt c'est un morceau de toile, de drap plus ou moins serré, qu'on appelle étamine ou blanchet ; tantôt c'est un papier ; quelquefois on se sert de sable, et c'est ce dernier que nous employons pour clarifier l'eau de la rivière, par le moyen de nos fontaines sablées ; il y a même une espèce de pierre qui est fort bonne pour cela ; elle est connue sous le nom de pierre d'éponge. On s'en sert quelquefois en place de fontaine sablée. La manière de se servir de l'étamine et du blanchet, qui ne diffèrent l'un de l'autre que parce que ce dernier est beaucoup plus serré que l'étamine, voyez ETAMINE et BLANCHET ; la manière de s'en servir, dis-je, est de les étendre lâchement sur un carrelet (voyez CARRELET), et de les y assujettir au moyen des quatre petites pointes qui se trouvent aux quatre angles de cet instrument, après quoi on pose ce carrelet sur une terrine ou autre vase de terre, de fayence ou d'étain, et on verse la liqueur que l'on veut filtrer sur l'étamine ou le blanchet. Les infusions, les décoctions, les potions purgatives ou médecines, les émulsions qui ne sont troublées que par des parties fort grossières, se filtrent à-travers l'étamine : les sirops au contraire, troublés par des parties très-fines, surtout si on n'a pas employé de beau sucre, ont besoin non-seulement d'être clarifiés avec le blanc-d'œuf, mais encore d'être filtrés à-travers le blanchet ; l'étamine n'étant pas assez serrée, laisserait passer quelque peu d'écume qui gâterait le sirop.

Il y a une autre sorte de filtre fait de drap serré, auquel on donne la figure d'un capuchon un peu long ; on l'appelle chausse d'Hippocrate ou à Hippocras. Ce filtre est aujourd'hui peu usité chez les Apothicaires, qui aiment mieux se servir du blanchet, qui est beaucoup plus commode et qui se lave plus facilement que la chausse. Voyez CHAUSSE.

La filtration par le papier se fait de deux façons ; la première, qui est celle qu'on emploie communément lorsqu'on a une grande quantité de liqueur à filtrer, est d'ajuster sur un carrelet, comme il a été dit ci-dessus pour le blanchet, un morceau de toîle forte et peu serrée, de mettre sur la toîle une feuille de papier non collé, que l'on appelle chez les Papetiers papier joseph ou papier gris ; le carrelet étant ainsi disposé, on le place sur une terrine ou tel autre vase convenable, et l'on verse dessus la liqueur que l'on veut filtrer, commençant à n'en mettre que fort peu pour faire prendre pli tout doucement au papier et au linge ; car si on en versait trop à la fois et trop vite, le papier pourrait se crever : quand on s'aperçoit que le linge et le papier se sont suffisamment étendus, on acheve de charger le filtre que l'on continue de remplir à mesure que la liqueur s'écoule ; c'est ainsi que dans les travaux en petit, les Chimistes filtrent les lexives, les dissolutions de sels, la liqueur qui contient le kermès minéral, etc. Nous dirons plus bas comment se fait la filtration en grand dans les travaux de la Halothecnie.

La seconde façon de se servir du papier pour filtrer, est de prendre un entonnoir de verre plus ou moins grand, de le poser sur un bocal de verre, connu sous le nom de poudrier, ou tel autre vase convenable, de l'y assujettir par le moyen d'un valet (voyez ENTONNOIR et VALET), de ranger tout-autour de la partie intérieure de l'entonnoir des pailles de grandeur proportionnée, et enfin de mettre sur ces pailles un morceau de papier gris ou joseph, qu'on plie sous la forme d'un sac conique, répondant à la capacité de l'entonnoir ; c'est dans ce papier que l'on verse la liqueur à filtrer. On emploie cette seconde façon toutes les fois que l'on veut filtrer des petites quantités de lexives, de dissolutions de sels, les teintures, les liqueurs, les ratafiats, etc. Ces derniers se filtrent aussi par le moyen d'un entonnoir, que l'on a garni à sa partie inférieure de coton, ou d'une éponge fine.

Nous ne parlerons point ici de la filtration à-travers le sable, à-travers la pierre d'éponge, ou à-travers l'éponge ordinaire, selon la méthode du sieur Ami, auteur des nouvelles fontaines, parce que ce moyen est plus économique que chimique. Voyez FONTAINE DOMESTIQUE. Nous indiquerons cependant ici, que si on voulait par hasard en Chimie, filtrer quelques liqueurs assez acides pour ronger le papier, on pourrait utilement employer un sable fin, que l'on saurait par expérience ne contenir aucune matière soluble, on en mettrait au fond d'un entonnoir de verre, et on ferait passer à-travers ce sable la liqueur en question. Quelques auteurs recommandent en ce cas du verre pilé, ce qui serait encore plus exact que le sable, pourvu qu'en le pilant, il ne s'y soit rien mêlé de soluble ; mais il est très-rare qu'on soit obligé d'avoir recours à ce filtre.

Outre les différentes manières de filtrer que nous avons décrites, et qui sont les plus usitées, il y en a encore une dont on se sert quelquefois, et qu'on appelle filtration à la languette : elle se fait de la manière suivante. On coupe des morceaux de drap pareil à celui dont on fait les blanchets, de la longueur d'un pied, plus ou moins, et de la largeur de deux ou trois travers de doigts : on les trempe dans de l'eau pour les bien imbiber, et on les exprime fortement, après quoi on en fait tremper un bout dans la liqueur que l'on veut clarifier, et on laisse pendre l'autre bout hors du vase jusqu'à deux ou trois pouces au-dessous de la surface de la liqueur ; si ce vaisseau est fort large, on met plusieurs de ces languettes, et on a soin qu'il y ait sous chaque bout un petit vase pour recevoir ce qui en dégouttera : la liqueur qui était dans le grand vaisseau montera le long des morceaux de drap comme dans un syphon, et tombera claire goutte-à-goutte dans les récipiens. Cette façon de filtrer est peu usitée, les morceaux de drap retiennent beaucoup de la liqueur, et par conséquent occasionnent de la perte ; ajoutez à cela que les feces ne se dessechent pas si bien que par les autres voies ci-dessus indiquées. Nous ne nous en servons donc plus, si ce n'est pour séparer les huiles qui nagent sur l'eau, auquel cas on substitue à la languette de drap une meche de coton trempée dans une huîle analogue à celle qu'on veut séparer.

Ce que nous avons dit jusqu'ici des différents filtres, et de la manière de s'en servir, n'a eu pour objet que la clarification des liqueurs, et la séparation des feces inutiles qui troublent, et qu'il faut rejeter : mais ces filtres ont encore un autre avantage ; ils sont des instruments propres à séparer des matières non dissoutes, d'avec un liquide qui les délayait et les tenait suspendues, et dont on n'a pas besoin : lorsqu'on veut par exemple dessécher un précipité quelconque, qui a été exactement lavé et édulcoré, on le verse sur un filtre de papier, soutenu d'un carrelet ou d'un entonnoir ; l'eau s'écoule, et la matière précipitée reste sur le papier, s'y égoutte parfaitement, et s'y rassemble en une masse que l'on peut facilement diviser par petits morceaux, et faire sécher selon l'art. Voyez DESSICATION. Cette espèce de filtration est presque toujours préliminaire à la dessication des précipités vrais ou faux (voyez PRECIPITE), des chaux métalliques, des terres, etc. qui ont eu besoin d'être lavées.

Quelques auteurs ont voulu mettre la filtration au nombre des distillations : Geber était de ce sentiment, mais qui est-ce qui n'en sent pas la différence ? Voyez DISTILLATION.

Filtration en grand. Dans les travaux de la Halothecnie (on appelle ainsi la partie de la Chimie qui traite les sels), où on a des quantités immenses de liqueurs à filtrer, on ne s'amuse pas à le faire avec les filtres, dont nous avons parlé ci-dessus, et qui ne conviennent que dans nos laboratoires, où nous n'avons jamais que des quantités médiocres de sels à clarifier : on a donc recours à une autre espèce de filtre beaucoup plus commode, beaucoup plus solide, et qu'on peut charger tout-à-la-fais d'une grande quantité de matière.

Tous ceux qui ont Ve faire la lessive, ont Ve cette filtration : en effet celle que font les Salpêtriers pour clarifier leur lessive, les gens qui s'occupent à faire la potasse pour clarifier la dissolution du sel alkali fixe qu'ils tirent des cendres, ne diffère point de la lexive ordinaire, qui est en usage pour le blanchissage du linge. Voyez SALPETRE et POTASSE. Si l'on avait, par exemple, une très-grande quantité de cendres à lexiver, c'est-à-dire dont on voulut tirer le sel alkali fixe, il faudrait, d'une seule et même opération, faire la dissolution et la filtration de ce sel, et c'est ce que font les ouvriers dont nous parlions tout-à-l'heure. On prendra un tonneau plus ou moins grand, selon la quantité de cendre que l'on veut lexiver ; on fera à la partie inférieure de ce tonneau, un trou d'un pouce environ de diamètre ; on remplira ce trou avec de la paille, que l'on assujettira avec une petite cheville de bois ; on placera ce tonneau sur un trépié ou autre machine, pour l'élever au point d'avoir l'aisance de mettre dessous un vase propre à recevoir la liqueur qui passera ; on emplira ce tonneau de cendres, ne laissant de vide que ce qu'il en faut pour tenir une petite quantité d'eau ; parce qu'on en remet de nouvelle à mesure qu'elle s'écoule : cette eau se charge du sel contenu dans les cendres, et vient couler claire le long de la paille qui est au bas du tonneau, dans le récipient ; on continue de remettre de nouvelle eau, si on s'aperçoit que celle qui est passée est saoulée de sel ; si non on la reverse elle-même sur les cendres, continuant cette manœuvre jusqu'à ce que les cendres soient épuisées de sel. Voyez SEL LIXIVIEL. (b)