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Catégorie : Physique
S. m. (Physique) machine par le moyen de laquelle on renouvelle l'air dans les lieux où ce renouvellement est nécessaire.

Le premier projet d'une semblable machine fut lu dans une assemblée de la société royale de Londres, au mois de Mai 1741. Au mois de Novembre suivant M. Triewald, ingénieur du roi de Suède, écrivit à M. Mortimer, secrétaire de la société royale, qu'il avait inventé une machine propre à renouveller l'air des entreponts les plus bas des vaisseaux, et dont la moindre pouvait, en une heure de temps puiser 36172 pieds cubiques d'air.

Cet ouvrage, imprimé par ordre du roi de Suède, et récompensé d'un privilège exclusif accordé à l'auteur, porte que la machine qui en fait le sujet, est également propre à pomper le mauvais air des vaisseaux et des hôpitaux. La même idée est venue, à-peu-près dans le même temps à deux personnes fort éloignées l'une de l'autre.

Le célèbre M. Halles, un des grands physiciens de ce siècle, et l'un des mieux intentionnés pour le bien public, a inventé un ventilateur d'un usage presque universel. M. Demours, médecin de Paris, en a traduit en français la description. Paris, in-12. 1744.

Le ventilateur de M. Halles est composé de deux soufflets carrés de planches, qui n'ont point de panneaux mobiles, comme les soufflets ordinaires, mais seulement une cloison transversale, que l'auteur nomme diaphragme, attachée d'un côté par des charnières au milieu de la boite, à distance égale des deux fonds ou panneaux, et mobîle de l'autre, au moyen d'une verge de fer vissée au diaphragme, laquelle verge est attachée à un levier, dont le milieu porte sur un pivot ; de manière que lorsqu'un des diaphragmes baisse, l'autre hausse, et ainsi alternativement. A chaque soufflet il y a quatre soupapes, tellement disposées, que deux s'ouvrent en-dedans, deux en-dehors. Deux donnent entrée à l'air, et deux sont destinées à sa sortie. Il est aisé de concevoir que celles qui donnent entrée à l'air s'ouvrent en-dedans, et les autres en-dehors. La partie de chaque soufflet où se trouvent les soupapes qui servent à la sortie de l'air, est enfermée dans une espèce de coffre placé au-devant des soufflets, vis-à-vis l'endroit ou les endroits, où l'on veut introduire l'air nouveau, ce qui se fait par le moyen de tuyaux mobiles adaptés au coffre, qu'on allonge tant qu'on veut, en y ajoutant de nouveaux, et par conséquent que l'on conduit où l'on veut.

Il ne faut être ni médecin, ni physicien pour connaître la nécessité de la bonne constitution de l'air et de son renouvellement. Investis de toutes parts par ce fluide actif et pénétrant, qui s'insinue au-dedans de nous-mêmes par différentes voies, et dont le ressort est si nécessaire au jeu de nos poumons et à la circulation de nos liqueurs, pourrions-nous ne nous pas ressentir de ses altérations ? L'humidité, la chaleur, les exhalaisons dont il se charge diminuent son ressort, et la circulation du sang s'en ressent. Rien n'est donc plus avantageux que de trouver le moyen de corriger ces défauts. S'ils sont préjudiciables aux personnes en santé, combien ne sont-ils pas plus nuisibles à celles qui sont malades, et surtout dans les hôpitaux ? Aussi se sert-on du ventilateur avec succès dans l'hôpital de Winchester. Pour peu qu'on ait fréquenté les spectacles, on sait les accidents auxquels les spectateurs sont exposés, lorsque les assemblées y sont nombreuses, soit par rapport à la transpiration qui diminue le ressort de l'air, ou aux lumières qui l'échauffent. L'expédient d'ouvrir les loges, le seul qu'on ait imaginé jusqu'aujourd'hui, est fort à charge à ceux qui les remplissent. Un ventilateur n'en entraînerait aucun, et en le faisant jouer de temps-en-temps, il produirait un effet si considérable, qu'en dix ou douze minutes, on pourrait, d'une manière insensible, renouveller entièrement l'air de la comédie française. Cet instrument peut procurer dans les salles des spectacles un autre avantage presque aussi utile. On peut, par son moyen, en échauffer l'air, sans avoir besoin des poêles, que bien des spectateurs ne peuvent supporter.

On peut introduire le ventilateur dans les mines les plus profondes, pour en pomper l'air mal sain. M. Halles distingue d'après les ouvriers qui travaillaient aux mines de Derbishire, quatre espèces de vapeurs qui s'élèvent des mines. La première, qui rend la flamme des lumières orbiculaire, et la fait diminuer par degrés ; cause des défaillances, des convulsions, des suffocations. La seconde est appelée odeur de fleur de pais. La troisième espèce se rassemble en manière de globe couvert d'une pellicule, qui, venant à s'ouvrir, laisse échapper une vapeur qui suffoque les ouvriers ; et la quatrième est une exhalaison fulminante, de la nature de celle de la foudre, laquelle venant à s'enflammer, produit par son explosion les effets de ce météore. Voyez EXHALAISON.

Il ne faut introduire l'air dans les hôpitaux, que d'une manière lente et imperceptible, et cela le plus près du platfond qu'il soit possible, en sorte que l'issue pour l'air mal sain soit aussi pratiquée dans le platfond.

La transpiration des plantes leur rendant l'air des serres aussi préjudiciable que l'est aux hommes un air chargé de leur transpiration, la même machine peut être employée pour les serres.

Comme on peut faire usage du ventilateur en tout temps, il mérite sans contredit la préférence sur la voile, dont on se sert ordinairement pour éventer les vaisseaux, parce qu'elle fait trop d'effet quand le vent est fort, trop peu dans le calme, et que l'on ne se sert pas de la voîle à éventer quand le vaisseau fait voile. Or on ne peut douter que les vapeurs abondantes de la transpiration, jointes à celles qui s'élévent de l'eau qui croupit toujours à fond de cale, avec quelque soin qu'on pompe, ne demandent un continuel renouvellement d'air ; mais ce renouvellement est encore bien plus nécessaire dans les vaisseaux neufs, où les exhalaisons de la seve rendent l'air renfermé bien plus à craindre. Il ne faut pourtant point s'attendre que l'eau croupissante ne donne point d'odeur, en se servant du ventilateur ; mais on peut y remédier en partie, en y jetant souvent de nouvelle eau de mer.

La principale objection qu'on fasse contre le ventilateur, est tirée du surcrait de travail qu'impose la nécessité de le faire jouer ; mais M. Halles prouve que quand il faudrait le faire agir continuellement, chacun de ceux de l'équipage n'aurait tous les cinq jours qu'une demi-heure de travail. Or cet inconvénient est-il comparable aux avantages qui en reviennent à tous ceux qui sont dans le vaisseau ? mais il s'en faut de beaucoup qu'on soit asservi à ce surcrait de travail pendant une demi-heure tous les cinq jours. Quel mal au-reste quand il serait plus considérable ? l'exercice est le préservatif du scorbut, et le scorbut la perte des matelots.

La nécessité de procurer du renouvellement d'air aux vaisseaux, n'est pas difficîle à prouver. Les vapeurs qui s'exhalent du corps humain, sont très-corruptibles, et ce sont elles qui causent souvent des maladies dans les prisons. Combien ne doivent-elles pas être plus nuisibles dans un vaisseau où il y a beaucoup plus de monde ? il sort suivant le calcul de M. Halles, plus d'une livre d'humidité par l'expiration, dans l'espace de vingt-quatre heures. Les expériences du même physicien prouvent que huit pintes d'air non renouvellé, se chargent de tant d'humidité en deux minutes et demie, qu'il n'est plus propre à la respiration. Or cinq cent hommes d'équipage transpireront par jour 4245 livres. On peut conclure de-là combien peu l'air chargé de ces vapeurs est propre à être respiré. Cependant la respiration est nécessaire à la circulation du sang et du chyle, en leur fournissant les principes actifs, qui leur sont nécessaires. Il est vrai que le vinaigre répandu dans les vaisseaux, des draps qu'on y étend après les en avoir imbibés, font un bon effet, en corrigeant les parties alkalines de la transpiration ; mais il n'est pas possible que le vinaigre les corrige toutes ; l'air perdra donc une partie de l'élasticité qui le rend si nécessaire à la respiration, et par conséquent c'est faire une chose nuisible à la santé, que de s'étudier avec tant de soin à avoir des chambres chaudes et bien closes.

Rien n'échappe aux attentions de M. Halles. La soute aux biscuits ne communiquant point avec les autres endroits du vaisseau, dont son ventilateur a renouvellé l'air, il en destine un petit, uniquement pour renouveller celui de la soute, et fait voir par l'expérience et le calcul, qu'une heure suffit pour introduire dans la soute un air entièrement nouveau. Il faut seulement prendre garde de choisir un temps sec et serein.

Comme l'introduction d'un air nouveau ne détruit pas les calendres, les vers et les fourmis qui sont en grand nombre dans les vaisseaux, surtout dans les pays chauds, le ventilateur vient encore au secours : on peut par son moyen introduire dans la soute des vapeurs de soufre enflammé. Il est encore aisé de concevoir que le ventilateur est également propre à entretenir la sécheresse de la poudre à canon ; mais un de ses principaux avantages est de purifier le mauvais air de l'archipompe du vaisseau, qui suffoque quelquefois ceux qui sont obligés d'y descendre.

On a imaginé bien des moyens de conserver le blé, pour l'empêcher de s'échauffer, et le préserver des insectes, mais il n'y en a aucun que le ventilateur ne surpasse. Il n'est question que d'y faire entrer de nouvel air, qui force celui qui a croupi entre les grains, de céder sa place à un plus frais ; pour cet effet, on latte le plancher de distance en distance, et l'on cloue sur les lattes une toîle de crin, ou des plaques de tole percées de trous, et en introduisant de l'air au-dessous des toiles ou toles, au moyen du ventilateur, on oblige l'air croupissant de céder la place à celui qu'on introduit. Si l'on a dessein de faire mourir les insectes, lesquels, ce qu'il faut remarquer, s'engendrent d'autant moins que le grain est tenu plus frais, on y fait passer un air chargé des vapeurs de soufre allumé : on en fait autant pour préserver tous les autres grains des mêmes accidents ; et ce qu'il y a de très-remarquable, c'est qu'en introduisant de nouvel air pur, on emporte aisément l'odeur du soufre, la vapeur de ce minéral s'arrête à l'écorce, et n'altère le grain en aucune manière, comme plusieurs expériences le prouvent. Le ventilateur séche aussi très-promtement le blé mouillé, sans qu'il soit dur sur la meule, comme celui qui a été séché au fourneau. On peut faire usage de cet instrument dans les années humides, où la récolte n'a point été faite dans un temps favorable, ou lorsqu'on sera obligé d'avoir recours à l'eau pour emporter en lavant, la rouille ou la nielle qui infectent le grain. D'ailleurs le goût de relant que prend le blé, ne venant que de ce qu'il s'échauffe par l'humidité, en l'emportant au moyen du ventilateur, on le garantira de ce défaut qui n'est pas sans-doute indifférent pour la santé. La seule attention est d'introduire dans le blé un air sec, soit par sa disposition naturelle, soit que l'art vienne au secours, en le puisant dans quelque étuve, ou autre endroit échauffé. Le ventilateur a encore un avantage pour la conservation du blé, c'est qu'on est dispensé d'avoir des greniers si vastes, puisqu'on peut mettre le blé à une épaisseur beaucoup plus considérable que si l'on ne faisait point usage de cette machine. D'où suit un second avantage, c'est que l'état, ou chaque particulier, peut prévenir les disettes, en amassant des blés dans les années abondantes, sans courir risque de voir gâter les magasins. Tels sont les principaux usages du ventilateur, mais il y en a encore divers autres, qui ont bien leur mérite, et sur lesquels on peut consulter l'ouvrage même, ou du moins l'extrait qu'en a donné le Journal des savants, dans le mois de Novembre 1744. Cet article nous a été donné par M. FORMEY.




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