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Catégorie : Physique
(Physique et Morale) il n'est pas possible d'écrire ce mot sans y joindre les belles réflexions du chancelier Bacon, sur les vicissitudes célestes et sublunaires.

La matière, dit ce grand homme, est dans un mouvement perpétuel, et ne s'arrête jamais. Elle produit les vicissitudes ou les mutations dans les globes célestes ; mais il n'appartient pas à nos faibles yeux de voir si haut. Si le monde n'avait pas été destiné de tout temps à finir, peut-être que la grande année de Platon aurait produit quelque effet, non pas en renouvellant les corps individus, car c'est une folie et même une vanité à ceux qui pensent que les corps célestes ont de grandes influences sur chacun de nous en particulier, mais en renouvellant le total et la masse des choses. Peut-être que les cometes influent un peu sur cette masse entière ; mais elles paraissent si rarement, et nous en sommes si loin, qu'il est impossible de faire des observations sur leurs effets. Des vicissitudes célestes, passons à celles qui concernent la nature humaine.

La plus grande vicissitude qu'on doit considérer parmi nous est celle des religions et des sectes ; car ces sortes de phénomènes dominent principalement sur l'esprit des hommes, et on les voit toujours en bute aux flots du temps.

Les changements qui arrivent dans la guerre roulent principalement sur trois points ; sur le lieu où la guerre se fait, sur la qualité des armes et sur la discipline militaire. Les guerres anciennement paraissaient venir principalement de l'orient à l'occident. Les Perses, les Assyriens, les Arabes, les Scythes qui tous firent des invasions étaient des Orientaux. Il est rare que ceux qui habitent bien avant vers le midi aient envahi le septentrion. On remarque une chose, que lorsqu'il y a dans le monde peu de nations barbares, et qu'au contraire presque toutes sont policées, les hommes ne veulent point avoir d'enfants, à-moins qu'ils ne prévaient qu'ils auront de quoi fournir à leur subsistance et à leur entretien. C'est à quoi regardent aujourd'hui presque toutes les nations, excepté les Tartares ; et en ce cas, il n'y a pas à craindre des inondations et des transplantations. Mais lorsqu'un peuple est très-nombreux et qu'il multiplie beaucoup, sans s'embarrasser de la subsistance de ses descendants, il est absolument nécessaire qu'au bout d'un ou de deux siècles il se débarrasse d'une partie de son monde, qu'il cherche des habitations nouvelles, et qu'il envahisse d'autres nations. C'est ce que les anciens peuples du Nord avaient accoutumé de faire, en tirant au sort entre eux pour décider quels resteraient chez eux, et quels iraient chercher fortune ailleurs.

Lorsqu'une nation belliqueuse perd de son esprit guerrier, qu'elle s'adonne à la mollesse et au luxe, elle peut être assurée de la guerre ; car de tels états pour l'ordinaire deviennent riches pendant qu'ils dégénèrent : et le désir du gain, joint au mépris qu'on a de ses forces, invite et anime les autres nations à les envahir.

Les armes fleurissent dans la naissance d'un état ; les lettres dans sa maturité, et quelque temps après les deux ensemble ; les armes et les lettres, le commerce et les arts mécaniques dans sa décadence. Les lettres ont leur enfance, et ensuite leur jeunesse, à laquelle succède l'âge mûr, plus solide et plus exact ; enfin elles ont une vieillesse ; elles perdent leur force et leur vigueur, il ne leur reste que du babil.

C'est ainsi que tout nait, s'accrait, change et dépérit, pour recommencer et finir encore, se perdant et se renouvellant sans cesse dans les espaces immenses de l'éternité. Mais il ne faut pas contempler plus au long la vicissitude des choses, de peur de se donner des vertiges. Il suffit de se rappeler que le temps, les déluges et les tremblements de terre sont les grands voiles de la mort qui ensevelissent tout dans l'oubli. (D.J.)




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