S. f. (Physique) est un corps fluide, humide, visible, transparent, pesant, sans gout, sans odeur, qui éteint le feu, lorsqu'on en jette dessus en une certaine quantité, etc. Voyez FLUIDE, FEU, etc. Nous disons que l'eau est fluide et humide, car ces deux qualités ne sont pas identiques : le mercure, par exemple, est fluide sans être humide, etc. Voyez HUMIDE.

Nous ne parlerons point ici de l'utilité de ce fluide : elle est assez connue. L'eau était un des quatre éléments des anciens, voyez ELEMENS ; et Thalès la regardait comme le principe de toutes choses. Cette opinion de Thalès était même plus ancienne que lui ; et M. l'abbé de Canaye a prouvé, dans une excellente dissertation, tome X. des mém. de l'académie des Belles-lettres, que le mot grec , dont les partisans de cette opinion se servaient pour désigner cette propriété prétendue de l'eau, signifie, non un principe purement mécanique et physique, mais une cause efficiente et primitive. Mais il ne s'agit point ici de ce que les philosophes anciens ou modernes ont pensé ou rêvé sur cette matière ; il s'agit de recueillir les faits les plus certains, et les propriétés physiques de l'eau les mieux connues.

On peut distinguer trois sortes d'eaux : eau de pluie, qui forme les mares, les citernes, et plusieurs lacs : eau de source, qui forme les fontaines, les puits, les rivières, etc. eau de mer, qui est bitumineuse, amère, salée, et impotable. De cette division, il s'ensuit que l'eau n'est jamais absolument pure. L'eau de pluie même, en traversant l'air, et l'eau de source en traversant les terres, se chargent nécessairement d'une infinité de parties hétérogènes. Voyez EAUX MINERALES. L'eau la plus pure est celle qui coule à-travers un sable bien net et sur des caillous. Ce sont les particules hétérogènes dont l'eau est remplie, qui se combinant avec les particules de certains corps, ou s'insinuant dans leurs pores, changent ces corps en pierre, le fer en cuivre, etc. Il y a lieu de croire que l'eau de mer contient quelque chose de plus que du sel ; car en jetant du sel dans de l'eau commune, on n'en fera jamais d'eau de mer. On purifie l'eau de diverses manières ; par filtration ou colature, voyez ces mots ; par congelation, parce que tout ce qu'il y a de spiritueux dans l'eau ne se gèlepas, et que la gelée sépare de l'eau la plus grande partie des corps hétérogènes qui s'y trouvent ; par l'évaporation, qui élève les parties aqueuses, et laisse tomber en-embas les parties grossières ; par clarification, en y mêlant des corps visqueux, comme des jaunes d'œuf, du lait, etc.

Si on met de l'eau pure dans des boules de métal que l'on soude ensuite, et qu'on veuille comprimer ces boules avec une presse, ou les aplatir à coups de marteau, on trouvera que l'eau ne peut être condensée, mais qu'elle suinte en forme de rosée par les pores du métal : c'est-là le phénomène si connu qui prouve l'incompressibilité de l'eau. On peut conclure de-là, selon M. Musschenbroeck, que les particules de l'eau sont fort dures : ce que le même physicien prouve encore par la douleur qu'on sent en frappant vivement la surface de l'eau avec la main, et par l'aplatissement des balles de fusil tirées dans l'eau.

Les parties de l'eau ont entr'elles beaucoup d'adhérence ; voyez ADHERENCE, COHESION, et les mém. de l'ac. de 1731 : c'est pour cela que des feuilles de métal appliquées sur la surface de l'eau, ne descendent point, parce que la résistance des particules de l'eau à être divisées, est plus grande que l'excès de pesanteur spécifique de ces feuilles sur celle d'un pareil volume d'eau. M. Musschenbroeck, article 607 de son essai de physique, rapporte une expérience qui prouve qu'un morceau de bois d'un pouce carré, est attiré par l'eau avec une force de 50 grains.

La pesanteur spécifique de l'eau est à celle de l'or, comme 1000 est à 19640, ou environ comme un à 19 3/5. Mais l'eau est un peu plus pesante d'environ 1/60 en hiver, qu'en été ; parce qu'en général la chaleur raréfie les corps. Voyez CHALEUR, DILATATION, etc. De-là il s'ensuit que l'eau a beaucoup plus de pores que de matière propre, au moins dans le rapport de 20 à 1, et probablement beaucoup au-delà. Voyez PORE, etc.

Les particules de l'eau, quoique très-fines, puisqu'elles pénètrent les métaux, ne peuvent presque pénétrer le verre. A l'égard du degré de finesse de ces parties et de leur figure, c'est ce que les Philosophes ne peuvent, et peut-être ne pourront jamais déterminer. L'eau échauffée se raréfie de la vingt-sixième partie de son volume, à compter du point d'où elle commence à se geler, jusqu'à ce qu'elle soit bouillante. Bacon a prétendu que l'eau bouillie s'évapore moins que celle qui ne l'est pas. L'eau s'évapore moins que l'eau-de-vie, mais plus que le mercure ; et l'eau courante, moins que l'eau dormante. La vapeur de l'eau échauffée a une grande vertu élastique. Voyez les mots EOLIPILE, DIGESTEUR, EBULLITION, FEU, VAPEUR, etc. Voyez aussi MACHINES HYDRAULIQUES, et POMPE. On trouve même que cette vapeur a une force supérieure à celle de la poudre à canon : c'est ce que M. Musschenbroeck prouve par une expérience, rapportée §. 873 de son essai de physique ; 140 livres de poudre ne font sauter que 30000 livres pesant ; au lieu qu'avec 140 livres d'eau changée en vapeur, on peut élever 77000 livres. Plus la vapeur est chaude, plus elle a de force. La cause de ce phénomène, ainsi que de beaucoup d'autres, nous est entièrement inconnue. La vapeur de l'eau, quoique comprimée par le poids de l'atmosphère, ne laisse pas de se dilater au point d'occuper un espace 14000 fois plus grand que celui qu'elle occupait, et par conséquent elle se dilate bien plus que la poudre, puisque cette dernière, suivant les observations les plus favorables à sa raréfaction, ne se raréfie que 4000 fois au-delà de son volume. Il ne faut donc pas s'étonner si la vapeur de l'eau s'insinue si aisément dans les pores des corps. Sur les phénomènes de l'ébullition de l'eau, voyez EBULLITION.

Lorsqu'on a pompé l'air de l'eau, si on y remet une bulle d'air, l'eau l'absorbe bien vite ; elle absorbera de même une seconde bulle, et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'elle soit tout à fait imprégnée d'air : mais cet air ne se change jamais en eau, puisqu'on peut toujours l'en retirer : comme aussi l'eau ne donne jamais d'autre air que celui qui s'y trouvait, ou qu'on y a mis. Il se trouve dans notre atmosphère divers fluides élastiques, qui s'insinuent aussi dans l'eau. L'eau pleine d'air ou sans air, est à peu-près de la même pesanteur spécifique ; mais l'eau pleine d'air est seulement un peu plus raréfiée : d'où M. Musschenbroeck conclut que l'air enfermé dans l'eau, est à peu-près aussi dense que l'eau. Sur les phénomènes chimiques de l'eau, voyez la suite de cet article ; voyez aussi DISSOLUTION, EVAPORATION, etc.

L'eau éteint le feu, selon M. Musschenbroeck, parce que les corps ne brulent qu'au moyen de l'huîle qu'ils renferment, que l'huîle brulante a une chaleur de plus de 600 degrés, et que l'eau ne pouvant avoir une chaleur de plus de 212 degrés, n'en peut communiquer à l'huile. Il en rapporte encore d'autres raisons, qu'on peut voir dans son ouvrage, et que nous ne prétendons point garantir ; d'autant plus que l'eau jetée en petite quantité sur un grand feu, l'augmente au lieu de l'éteindre ; et qu'il y a des corps en feu, comme la poix, l'huile, etc. qu'on ne peut refroidir par le moyen de l'eau.

Sur les phénomènes de l'eau glacée, voyez CONGELATION, GLACE, GELEE, et DEGEL.

M. Mariotte prétend que l'état naturel de l'eau est d'être glacée, parce que la fluidité de l'eau vient du mouvement d'une matière étrangère qui agite les parties de l'eau, et que le repos de cette matière produit la glace. Il faudrait pour que cette raison fût bonne, 1°. que l'on connut bien certainement la cause de la congelation, 2° que le repos fût un état plus naturel aux corps que le mouvement. Voyez l'essai de physique de M. Musschenbroeck, d'où nous avons extrait la plus grande partie de cet article. (O)

EAU, (Hydraulique) L'eau, de même que les autres liqueurs, se tient de niveau dans quelque position qu'on la puisse mettre, c'est-à-dire en égale distance du centre de la terre.

Les eaux viennent ordinairement de sources naturelles, de ruisseaux, ou de machines qui les élèvent des rivières, des puits, et des citernes.

" Excepté les minérales et les intercalaires, elles se distinguent en eaux naturelles, artificielles, courantes, plates, jaillissantes, forcées, vives, dormantes, folles, eaux de pluie ou de ravines.

Les eaux naturelles sont celles qui sortant d'elles-mêmes de la terre, se rendent dans un réservoir et font jouer les fontaines continuellement.

Les artificielles ou machinales sont élevées dans un réservoir par le moyen des machines hydrauliques.

On appelle eaux jaillissantes, celles qui s'élèvent en l'air au milieu des bassins, et y forment des jets, des gerbes, et des bouillons d'eau.

Les eaux plates sont plus tranquilles ; elles fournissent des canaux, des viviers, des étangs, des miroirs, et des pièces d'eau sans aucun jet.

Les eaux courantes, produites par une petite rivière ou ruisseau, forment des pièces d'eau et des canaux très-vivants.

Les eaux vives et roulantes sont celles qui coulent rapidement d'une source abondante, et que leur extrême fraicheur rend peu propres à la boisson.

Celles qui fournissent aux jets d'eau sont appelées forcées ; elles se confondent avec les jaillissantes.

Les eaux dormantes, par leur peu de mouvement sujettes pendant l'été à exhaler de mauvaises odeurs, sont peu estimées.

On appelle eaux folles, des pleurs de terre qui produisent peu d'eau, et sont regardées comme de fausses sources qui tarissent dans les moindres chaleurs.

Les eaux de pluie ou de ravine sont les plus legeres de toutes ; elles ne sont pas les plus claires, mais elles se clarifient et s'épurent dans les citernes et les étangs qu'elles fournissent " Théorie et pratique du Jardinage, pag. 323. Voyez HYDRAULIQUES, DEPENSE, etc. (K)

EAU, (Jardinage) L'eau ne sera point ici considérée comme élément, mais par rapport à sa bonne qualité pour la conservation des plantes et de la santé.

Elle doit être transparente, légère, insipide : on l'éprouve avec la noix de galle ; et on observera qu'el le mousse avec le savon, et ne laisse aucune tache sur une assiette bien nette.

Par rapport au jardinage, il faut expérimenter si les légumes y cuisent facilement ; il y a de certaines qualités d'eau, où ils durcissent plutôt que de cuire.

On doit encore en consulter le gout, eu égard aux fruits, étant certain qu'ils conservent, ainsi que les légumes, celui que l'eau y a communiqué, en se filtrant à-travers les terres.

Dans le cas où les sources et l'eau de rivière manquent, on a recours aux eaux de pluie ramassées dans des citernes : elle est la plus légère, et imprégnée du nitre de l'air : elle est plus féconde et plus pure.

Si on est réduit à l'eau de puits, il faut absolument pour en corriger la crudité, la laisser dégourdir ou attiédir aux rayons du soleil dans un bassin, dans des cuvettes, ou dans des tonneaux défoncés et enfouis dans la terre : on pourrait même y jeter un peu de colombine ou de crotin de mouton pour l'échauffer, avant que d'en arroser les plantes. (K)

EAU, (Chimie) cette substance appartient à la Chimie à plusieurs titres :

Premièrement, comme principe constituant des corps naturels et des composés et mixtes artificiels, et l'un des derniers produits de leur analyse absolue.

L'eau considérée sous cet aspect est un élément ou premier principe, un corps particulier, simple, pur, indivisible, inproductible, et incommutable, que je prents ici dans son être solitaire et distinct, en un mot le corpuscule primitif de cet aggregé que tout le monde connait sous le nom d'eau, et dont les propriétés physiques ont été exposées dans l'article EAU (Physique).

J'observe 1°. à propos de la doctrine des éléments ou premiers principes, adoptée ici formellement, que cette doctrine est directement opposée à l'opinion regnante, qui admet une matière première, homogène, commune, universelle ; mais qu'une pareille matière me parait un être purement abstrait, et dont on doit nier l'existence dans la Nature. Voyez le mot PRINCIPE.

J'observe 2°. à propos des qualités d'inproductible et d'incommutable accordées à l'eau, que le dogme qui fait de cette substance le principe universel de tous les corps, et qui suppose par conséquent sa commutabilité, n'est qu'une opinion fondée sur des spéculations et des expériences illusoires ; que l'histoire si connue du saule de Vanhelmont, qui parait avoir dû son accroissement et sa formation à l'eau seule ; celle de la citrouille élevée de la même manière par Boyle ; le fait beaucoup plus décisif du chêne élevé dans l'eau par notre célèbre académicien M. Duhamel ; les distillations répetées de l'eau, qui présentent toujours un petit résidu terreux : que tout cela, dis-je, ne prouve pas que l'eau puisse être changée en terre, fournir seule des sels et des huiles, etc. car il n'est pas difficîle de déterminer l'origine de la terre qui a formé les squeletes de ces végetaux, et qui a concouru à la production de leurs sels et de leurs huiles (V. VEGETATION) : que les savantes recherches dont M. Eller a composé son second mémoire sur les éléments (hist. de l'ac. roy. de Prusse, ann. 1746.), ne paraissent point assez décisives contre le sentiment que je défens : que c'est évidemment la vapeur de l'eau, comme telle, et non pas de l'eau changée en air, qui a fait descendre le mercure dans la jauge appliquée à une machine pneumatique, dans le récipient de laquelle ce savant médecin introduisit de l'eau en vapeur après l'avoir vuidé d'air : que c'est la vapeur de l'eau qui a constamment imposé, pour de l'air, à tous les physiciens qui ont cru que l'eau pouvait être changée en air ; que c'est la vapeur de l'eau, et point du tout un air produit par l'eau, ou même dégagé de l'eau, qui agit dans la pompe à feu. Voyez VAPEUR, POMPE A FEU.

Personne ne pense plus aujourd'hui que l'air puisse devenir de l'eau en se condensant ; que les gouttes d'eau qui paraissent sur les vites d'un appartement dans certaines circonstances, soient de l'air condensé ; que les fontaines soient dû.s à l'air condensé dans des concavités souterraines, etc. (voyez AIR, FONTAINE, et VAPEUR) : tout ceci sera traité dans une juste étendue à l'article PRINCIPE, où il trouvera sa place plus convenablement qu'ici, lorsque nous établirons dans cet article l'improducibilité et l'incommutabilité des élements ou premiers principes en général. Voyez PRINCIPE.

Je ferai encore une observation particulière sur les qualités de corps pur, simple, et existant solitairement, que j'attribue à l'eau principe : il faut remarquer que ce ne sont pas ici des considérations abstraites, mais que l'eau existe physiquement dans cet état de pureté et de division actuelle, absolue, et qu'on pourrait appeler radicale, et que toute combinaison réelle de ce corps suppose cette division et cette pureté. Voyez MENSTRUE et PRINCIPE.

L'idée que la saine Chimie nous donne de l'eau principe étant ainsi déterminée, voici l'histoire chimique de cette substance.

L'eau concourt comme principe essentiel à la formation des sels, des huiles, des esprits ardents, et de toutes les matières inflammables, de toutes les substances végétales et animales, et vraisemblablement des pierres proprement dites, et de tous les fossiles, excepté des substances métalliques.

L'eau constitue la base de toutes les humeurs animales ; de la seve et de tous les sucs végétaux, des vins, des vinaigres ; de la rosée, et de toutes les matières connues en Physique sous le nom de météores aqueux. L'eau est essentielle à toute fermentation. Voyez SEL, HUILE, ESPRIT, FLAMME, PIERRE, FOSSILE, SUBSTANCES ANIMALES, VEGETAL, SUBSTANCES METALLIQUES, HUMEUR, SEVE, VIN, VINAIGRE, ROSEE, PLUIE, NEIGE, GRELE, FERMENTATION.

Boerhaave, et plusieurs autres physiciens, disent que l'eau est cachée dans un grand nombre de corps où il est merveilleux de la trouver, et cela (car Boerhaave s'explique) parce que ces corps n'ont aucune des qualités extérieures de l'eau, qu'ils ne sont ni mous ni humides, mais au contraire très-secs et très-compactes, tels que le plâtre employé, le vieux mortier, les parties très-dures des animaux, les bois les plus durs gardés dans des lieux secs et chauds pendant des siècles entiers, etc. Ceci est admirable en effet, comme tous les phénomènes naturels sont admirables, comme l'existence de l'univers est admirable, mais non pas étonnant, unique, incroyable ; puisque c'est au contraire un fait dérivé très-naturellement de cette observation générale, que les principes constituans des corps ne sont jamais sensibles, tant qu'ils sont actuellement combinés, et que l'eau ne se manifeste pas plus par ses caractères sensibles dans l'esprit-de-vin rectifié, ou dans une huile, qui dans le tartre ou la stalactite, quoique les premières substances soient liquides et humides, et que les dernières soient seches et consistantes : en un mot, que l'eau puisse être renfermée dans des corps secs et durs, cela n'est un phénomène isolé, un objet d'admiration, stupendum, mirabile, (Boerhaave, el. chem. de aquâ, t. I. p. 314. ed. de Cavelier) que pour quiconque ne sait envisager un corps que sous l'image d'une masse revêtue de qualités sensibles, pour qui l'eau est toujours une substance molle et fluide (sous une certaine température), un corps physique, un aggregé. Nous insistons sur les inconvénients de cette mauvaise et très-peu philosophique acception, toutes les fois que l'occasion s'en présente, parce qu'on ne saurait trop rappeler aux amateurs de la chimie (lectori philochimico), que la façon de concevoir contraire, est absolument propre et nécessaire au chimiste. Voyez la partie dogmatique de l'article CHIMIE.

Nous disons donc, mais sans annoncer cette vérité par une formule d'admiration, que l'eau est un des matériaux de la composition de plusieurs corps très-secs et très-durs. Nous savons ceci très-positivement, soit parce que quelques-uns de ces corps se forment sous nos yeux, que nous disposons nous-mêmes leurs principes à la combinaison, comme lorsque nous gachons le plâtre, que nous préparons le mortier, etc. (voyez PLATRE, MORTIER) ; soit parce que nous savons retirer cette eau de ces produits de l'art, et de plusieurs corps naturels, par le moyen du feu, et que nous en retirons en effet du plus grand nombre des corps secs et solides, à la formation desquels nous avons avancé que l'eau concourait comme principe essentiel ; soit enfin parce que nous établissons par des analogies très-sévèrement déduites, l'origine de certains composés dont la Nature nous cache la formation, sur leur rapport avec d'autres corps dont l'eau est un principe démontré ; c'est ainsi que nous sommes fondés à admettre l'eau pour un des principes constituans de toutes les pierres qui ne sont pas produites ou altérées par le feu, par les phénomènes qui leur sont communs avec certaines substances salines. Voyez SEL et PIERRE.

Si l'on ne peut pas établir démonstrativement que l'eau fait dans ces corps consistants, la fonction d'une espèce de mastic, qu'elle est le vrai moyen d'union de leurs autres matériaux, qu'elle soutient et lie leur agrégation ; on peut au moins se représenter assez exactement, sous cette image, sa manière de concourir à la formation de ces corps. Quoi qu'il en sait, c'est à ce titre que nous l'employons dans la préparation du plâtre, du mortier, des colles, etc.

Secondement, l'eau appartient à la Chimie comme menstrue ou dissolvant. Voyez MENSTRUE.

L'eau est le dissolvant de tous les sels, des extraits des végétaux, des gommes, des mucilages, des corps muqueux, de certaines couleurs végétales telles que celle des fleurs de violette, du bois de Brésil, etc. d'une partie des gommes-résines, des esprits ardents, des savons, des sucs gélatineux et lymphatiques des animaux, et même de leurs parties solides, si on l'applique à ces dernières substances dans la machine de Papin. Voyez MACHINE DE PAPIN ou DIGESTEUR.

Quoique l'eau ne dissolve pas le corps entier des terres, cependant elle prend quelques parties dans la plupart des matières terrestres, et surtout dans les terres et pierres calcaires ; elle agit très-efficacement sur la chaux (V. CHAUX) ; elle se charge de beaucoup de parties des terres et pierres gypseuses, calcinées ou non calcinées ; elle a aussi quelque prise sur les chaux métalliques, et même sur les substances métalliques inaltérées, principalement sur le fer, le mercure, et l'antimoine, ce qui est prouvé par les vertus médicinales des décoctions de ces substances. Tous les métaux triturés avec l'eau, passent pour fournir un certain sel ; l'or même, le plus fixe des métaux, par une longue trituration avec l'eau pure, fournit un sel jaune, selon la prétention de plusieurs habiles chimistes. M. Pott propose le doute suivant sur l'origine de ce produit, de l'existence duquel on pourrait peut-être douter aussi légitimement : an hic effectus tantum diutino triturationis motui, sali etiam ut vocant insipido in aquâ contento attribuendus sit, adhuc haereo. (Pott, historia particular. corporum solutionis, §. 3.) Bécher dit que l'eau distillée un grand nombre de fois devient si corrosive, qu'elle dissout les métaux. Phys. subt. sect. V. cap. XIe L'auteur de la chimie hydraulique a des prétentions singulières sur cet effet de la trituration avec l'eau. Voyez HYDRAULIQUE, (Chimie).

Quoique l'eau ne dissolve pas proprement le soufre, les huiles, les baumes, les résines, les graisses, les beurres, les bitumes, etc. elle extrait pourtant quelque chose de toutes ces substances, et principalement des huiles par expression, des baumes, et des bitumes. Voyez HUILE.

Les pierres vitrifiables, comme le vrai sable, le caillou, etc. le bon verre, les émaux, les terres argilleuses bien cuites, le charbon, ne donnent absolument rien à l'eau.

Il faut observer sur ce que nous venons de dire de l'eau considérée comme menstrue, 1°. que selon la loi la plus générale de la dissolution (voyez MENSTRUE), l'eau ne dissout que des quantités déterminées de tous les corps consistants, que nous avons dit être entièrement solubles par ce menstrue ; elle s'en charge jusqu'à un terme connu dans l'art sous le nom de saturation, et au-delà duquel la dissolution n'a plus lieu, tout étant d'ailleurs égal. Voyez SATURATION.

Le sucre est de tous les corps connus celui que l'eau dissout en plus grande quantité ; une partie d'eau tient deux parties de sucre en dissolution sous la température moyenne de notre climat ; car la même quantité d'eau très-chaude en dissout bien davantage (voyez MENSTRUE, SIROP) La quantité de la plupart des sels requise pour saturer une certaine quantité d'eau, a été observée : Voyez SEL.

2°. Qu'on n'observe point une pareille proportion entre l'eau et les différents liquides avec lesquels elle fait une union réelle ; mais qu'au contraire une quantité d'eau quelconque se combine chimiquement avec une quantité quelconque d'un liquide auquel elle est réellement miscible. Un gros d'eau se distribue uniformément dans une pinte d'esprit-de-vin, et y éprouve une dissolution réelle, comme une pinte d'eau étend un gros d'esprit-de-vin, et contracte avec ce dernier liquide une union réelle ou chimique. En un mot, l'eau se mêle à tous les liquides solubles par ce menstrue, comme l'eau s'unit avec l'eau, l'huîle avec l'huile, etc. Quelques chimistes, du nombre de ceux qui ont considéré les phénomènes chimiques le plus profondément, ont fait du mélange dont nous parlons, une espèce particulière d'union, qu'ils ont distinguée de la dissolution ou union menstruelle : mais ce n'est pas ici le lieu d'examiner combien cette distinction est légitime. Voyez MENSTRUE.

C'est par la propriété qu'a l'eau de dissoudre certaines substances, qu'elle nous devient utîle pour les separer de divers corps auxquels elles étaient unies. C'est par-là qu'elle fournit un moyen commode pour retirer les sels lixiviels de parmi les cendres, le nitre des platras, les extraits des végétaux, etc. en un mot, qu'elle est un instrument chimique de l'analyse menstruelle, dont l'application est très-étendue. Voyez MENSTRUELLE (Analyse). C'est à ce titre qu'elle a mille usages oeconomiques et diététiques ; qu'elle nous sert à blanchir notre linge, à dégraisser nos étoffes, à nous préparer des bouillons, des gelées, des sirops, des boissons agréables comme orgeat, limonade, etc. qu'elle nous fournit plusieurs remèdes sous une forme commode, salutaire, et agréable. Voyez EAU, Pharmacie.

Il est essentiel de se ressouvenir que l'eau que le chimiste emploie à titre de menstrue doit être pure, et que celle que la Nature peut lui fournir ne l'est pas ordinairement assez pour les opérations qui demandent beaucoup de précision. La distillation lui offre un moyen commode et suffisant pour retirer de l'eau la moins chargée de parties étrangères, telle que l'eau de neige, d'en retirer, dis-je, une eau qu'il peut employer comme absolument pure. L'eau de neige distillée est donc l'eau pure des laboratoires ; l'eau de pluie, l'eau de rivière, et même une eau commune quelconque, acquiert aussi par la distillation un degré de pureté qui peut être pris pour la pureté absolue.

L'ordre d'affinité de l'eau et de quelques-unes des substances que nous avons nommées, est tel que l'acide vitriolique et l'alkali fixe doivent être placés au premier rang, sans qu'on puisse leur assigner un ordre entr'eux ; car lorsqu'on verse un de ces deux corps sur une eau chargée de l'autre, il agit sur ce dernier avec tant d'énergie, qu'il est impossible de distinguer s'il en opère la précipitation avant la dissolution, comme cela s'observe sensiblement de l'alkali versé sur une dissolution de cuivre.

L'acide vitriolique a plus de rapport avec l'eau, que tous les autres acides ; il le leur enleve, il les concentre. L'ordre de tous ces autres acides entr'eux, quant à leur affinité avec l'eau, n'est pas connu, et n'est peut-être pas connaissable.

Les esprits ardents (ordinairement représentés dans les expériences chimiques par l'esprit-de-vin) occupent le second rang, du moins par rapport à l'alkali fixe ordinaire qui les déphlegme.

Je dis, du moins par rapport à l'alkali fixe, pour ne rien établir sur l'acide vitriolique, duquel on ne sait pas en effet s'il y a plus de rapport avec l'eau que l'esprit-de-vin ; car on n'apprend rien sur ce point par les phénomènes de la préparation de l'éther vitriolique (voyez ÉTHER VITRIOLIQUE), et je crois que personne ne s'est encore avisé de mêler de l'acide vitriolique concentré, à de l'esprit-de-vin faible, pour s'instruire du degré d'affinité dont il s'agit.

Je dis en second lieu, l'alkali fixe ordinaire ; car l'ordre de rapport de l'alkali fixe, de soude, de l'eau, et de l'esprit-de-vin, n'a pas été observé que je sache, et il ne parait pas qu'il doive être le même que celui de l'alkali fixe ordinaire.

L'alkali volatil uni à l'eau est précipité par l'esprit-de-vin rectifié, comme il est évident par la production de l'offa de Vanhelmont. Voyez OFFA DE VANHELMONT.

Plusieurs sels neutres dissous dans l'eau, sont précipités par l'esprit-de-vin.

Plusieurs sels neutres unis à l'eau, sont précipités par l'alkali fixe, selon les expériences de M. Baron. (Voyez mém. étr. de l'acad. roy. des Scienc. vol. I.) Les sels neutres ont donc moins de rapport avec l'eau, que l'alkali fixe et que l'esprit-de-vin. Ils ont aussi avec ce menstrue une moindre affinité sans doute, que tous les acides minéraux ; mais ceci n'a pas été déterminé par des expériences, non plus que l'ordre d'affinité de toutes les autres substances solubles par l'eau.

Le chimiste qui se proposera d'étendre autant qu'il est possible, la table des rapports de M. Geoffroy, nous fournira sans doute toutes ces connaissances de détail, et il aura fait un travail très-utile.

Nous retirons dans les travaux ordinaires quelques utilités pratiques du petit nombre de connaissances que nous avons sur cette matière : nous réduisons sous une forme concrete, des sels neutres très-avides d'eau, par le moyen de l'esprit-de-vin ; nous concentrons l'acide nitreux par l'acide vitriolique ; nous déphlegmons l'esprit-de-vin par le sel de tartre. Voyez la table des rapports au mot RAPPORT ; voyez PRECIPITATION.

Traisiemement, le chimiste emploie l'eau comme instrument mécanique, ou, si l'on veut, physique ; il l'interpose entre le feu et certains corps auxquels il veut appliquer un feu doux, et renfermé dans l'étendue des degrés de chaleur dont ce liquide est susceptible. Cet intermède (que j'appellerai faux, voyez INTERMEDE) est connu dans l'art sous le nom de bain-marie (voyez FEU, Chimie). L'eau sert de la même façon dans la cuite des emplâtres qui contiennent des chaux de plomb. Voyez EMPLATRE.

L'eau est l'instrument essentiel de la pulvérisation philosophique, qu'on appelle aussi pulvérisation à l'eau. Voyez PULVERISATION.

Le lavage par lequel on sépare une poudre plus légère d'une poudre plus pesante, est encore une opération mécanique que le chimiste exécute par le moyen de l'eau. Voyez LAVAGE.

Il est aisé d'apercevoir que l'eau, dans les derniers usages que nous venons de rapporter, agit comme liquide, et non pas comme liquide tel ; et voilà pourquoi elle est dans ces cas un agent physique, et non pas un agent chimique. Voyez la partie dogmatique de l'article CHIMIE. (b)

Eau douce ou eau commune. L'eau que la nature nous présente sous la forme d'un corps aggregé, est encore un objet chimique, entant que les différentes substances dont elle est toujours mêlée, ne peuvent être découvertes et définies que par des moyens chimiques.

L'eau qui parait la plus pure, c'est-à-dire la plus limpide, la plus inodore et la plus insipide, celle que tout le monde connait sous le nom d'eau douce ou d'eau commune, n'est pas exempte de mélange, n'est pas un corps simple ou homogène. La distillation de la plus pure de ces eaux présente toujours un résidu au moins terreux.

Les Naturalistes et les Médecins distinguent les différentes espèces d'eau douce par divers caractères extérieurs, et surtout par leur lieu ou leur origine. Nous adoptons cette division, puisqu'en effet c'est du lieu et de l'origine des eaux que dépendent les différences qui les spécifient chimiquement.

Il faut remarquer que nous ne comptons point parmi les matières qui altèrent la simplicité de l'eau douce, celles qui la troublent, qui sont simplement confondues avec l'élement aqueux, qui en sont séparables par la filtration, comme on les sépare en effet des eaux qu'on destine à la boisson. Voyez FILTRE et FONTAINE DOMESTIQUE.

Les principales espèces d'eau douce, selon cette division, sont l'eau de pluie et de neige, l'eau de fontaine, l'eau de puits, l'eau de rivière, et l'eau croupissante.

Nous exposerons dans un instant la composition la plus ordinaire de chacune de ces eaux, d'après les connaissances positives que nous avons acquises sur cette matière par divers moyens chimiques ; savoir la distillation, l'évaporation, et l'application de certains réactifs. Mais nous ne rapporterons ici que les résultats des recherches faites sur les eaux par ces moyens, nous réservant d'exposer leur emploi, leur usage et leur manière d'agir, à l'article MINERALE, (Eau) ; car les eaux minérales étant plus manifestement et plus diversement composées que les eaux douces, les effets des moyens chimiques seront plus marqués, plus évidents, plus distincts.

La légèreté de l'eau est un signe de sa pureté. On détermine la gravité spécifique d'une eau, en la comparant à l'eau très-pure des Chimistes ; savoir l'eau distillée de pluie ou de neige, par le moyen de divers aréomètres. Voyez AREOMETRE.

Il est, outre ces moyens exacts, quelques signes auxquels on peut reconnaître la pureté des eaux ; et ces signes sont très-suffisans, quand il ne s'agit de la déterminer que relativement aux besoins ordinaires de la vie : les voici tels qu'ils sont rapportés dans Rieger, introductio ad notitiam rerum naturalium, d'après les anciens auteurs de Médecine, d'Histoire naturelle et d'Oeconomie rustique.

" Cette eau est bonne ou pure, qui étant roulée dans un vaisseau de cuivre, n'y laisse point de taches ; qui ayant bouilli dans un chauderon, et en ayant été versée par inclination, après qu'on l'y a laissée reposer un certain temps, n'a laissé au fond de ce vaisseau ni sable ni limon ; dans laquelle les légumes sont bientôt cuits ; dans le cours de laquelle il ne nait ni mousse ni jonc, et qui n'y laisse aucune espèce d'ordure ; qui ne donne point un mauvais teint à ceux qui en font leur boisson ordinaire, qui les laisse jouir au contraire d'une santé robuste, d'une couleur fraiche et vermeille ; qui n'affecte ni leurs jambes, ni leurs yeux, ni leur gorge. Une couleur parfaitement limpide, une insipidité parfaite, et un manque absolu d'odeur, sont encore des caractères essentiels à la bonne eau ; en sorte que Pline a eu raison de dire que la bonne eau devait être en quelque manière semblable à l'air.... Ajoutez à cela qu'elle dissout parfaitement le savon, qu'elle nettoie mieux le linge, qu'elle nourrit les meilleurs poissons, qu'elle tire mieux les teintures des diverses substances auxquelles on l'applique, comme le thé ; qu'elle est la plus propre à faire du bon mortier ; et qu'enfin on en prépare la plus excellente bière. Les eaux qui réunissent toutes ces propriétés, sont appelées légères, vives, douces, subtiles, molles, mites, lenes ; celles qui ont les qualités contraires, sont appelées dures, crues, pesantes "

Eau de pluie et de neige. L'eau de pluie est ordinairement très-pure, elle a été élevée dans l'atmosphère par une véritable distillation ; cependant, soit qu'elle ait volatilisé une partie des matières auxquelles elle était unie avant son élevation, soit qu'après avoir été parfaitement épurée par ce moyen, elle se soit chargée de nouveau de diverses substances répandues dans l'air, il est démontré par de bonnes expériences, que l'eau de pluie, dans le plus grand état de pureté où il paraisse possible de l'obtenir, contient encore quelques principes étrangers.

Si l'on veut recueillir de l'eau de pluie dans la vue de l'examiner chimiquement, il faut pourvoir avec les soins les plus scrupuleux à ce qu'elle ne puisse contracter pendant cette opération le moindre mélange, la moindre altération : on doit la recevoir dans des vaisseaux de verre auparavant rincés avec de l'eau distillée, et exposés immédiatement à la pluie, après que l'air a été suffisamment purgé par une pluie précèdente, dans un lieu écarté et découvert : on doit encore avoir soin d'enfermer cette eau dans des bouteilles de verre bien propres, dès qu'il a cessé de pleuvoir. C'est avec ces précautions que M. Marggraf a ramassé pendant l'hiver de 1751, l'eau de pluie sur laquelle ce savant chimiste a fait les expériences qu'il rapporte dans l'histoire de l'académie de Berlin, (année 1752) sous le titre d'Examen chimique de l'eau. Le résultat de cet examen, exécuté par le procédé le mieux entendu et le plus démonstratif, est que " cent mesures, chacune de trente-six onces d'eau de pluie, ont donné cent et quelques grains d'une terre blanche tirant sur le jaunâtre, et fort subtile, qui dans toutes ses relations et qualités ressemblait parfaitement à une véritable terre calcaire.... un vrai sel en forme de petite pique, tout à fait semblable au nitre, &.... quelques crystaux cubiques qui ne différaient en rien du sel commun de cuisine. Ces deux sels pesaient seulement quelques grains, et ils étaient d'une couleur brunâtre ; indice clair que cette eau, malgré toutes les précautions prises pour la recueillir, était cependant encore mêlée de particules visqueuses et huileuses ; ce qui ne pouvait guère être autrement, puisque notre air en toute saison de l'année est abondamment rempli de diverses exhalaisons, comme les pluies de l'été le font très-souvent connaître par leur seule odeur.... Les parties salines et terrestres qui sont contenues dans l'eau de pluie recueillie très-pure, se découvrent assez manifestement, si on fait pourrir l'eau de pluie en l'exposant à la chaleur du soleil.... Je l'y exposai pendant les mois de Mai, Juin, Juillet, Aout, jusqu'à la moitié de Sept. de l'année 1752, pendant lesquels mois il fit un temps assez chaud. Dans le commencement je n'observai aucun changement remarquable ; mais au bout d'un mois j'aperçus un mouvement intérieur et de l'agitation : il s'élevait de petites bulles, et on voyait un limon verdâtre, assez semblable à celui qui couvre la surface de l'eau lorsqu'on dit qu'elle fleurit. Ce limon s'augmentait de plus en plus, et s'attachait en partie au fond, en partie aux côtés du vase. Si donc les parties susdites de notre eau de pluie étaient exemptes de mélange, et surtout que cette eau ne contint point de parties mucilagineuses et huileuses, il n'y serait arrivé aucune putréfaction ; mais la lenteur avec laquelle cette putréfaction arrive, en comparaison de celle qu'éprouvent d'autres eaux plus impures, vient de ce qu'il ne s'y trouve qu'une très-petite quantité des parties susdites : car l'eau poussée par la concentration de la même eau de pluie, faite en distillant, ayant été pareillement exposée à une égale chaleur du soleil, ne laissa pas apercevoir le moindre mouvement, bien loin d'éprouver la putréfaction et la séparation des parties terrestres.

Cent mesures d'eau de neige recueillie avec les précautions dont nous venons de parler pour l'eau de pluie, fournirent à M. Marggraf, par les mêmes moyens, soixante grains d'une véritable terre calcaire, et quelques grains de sel qui tenaient plus du sel de cuisine que du sel nitreux ; en quoi il différait du sel extrait de l'eau de pluie, lequel avait plus de rapport avec le nitre. Toute la différence donc entre l'eau de pluie et l'eau de neige, n'est d'aucune importance, et se réduit à ce que l'acide de l'eau de pluie est plus nitreux, et qu'elle renferme plus de terre calcaire ; au lieu que l'eau de neige a plutôt un acide salin que nitreux, et contient une moindre quantité de terre calcaire. Au reste le peu de sel que j'avais tiré de l'eau de neige, était pareillement d'une couleur brunâtre ; ce qui est un indice qu'il y a aussi des parties mucilagineuses et huileuses. Ayant exposé mon eau de neige à la chaleur du soleil pendant l'été de cette année, il lui arriva exactement les mêmes accidents qu'à l'eau de pluie, et elle vint aussi à putréfaction ".

Vanhelmont rapporte, et c'est un fait très-connu à-présent, que l'eau la plus pure dont on approvisionne nos navires, éprouve sous la ligne une véritable putréfaction ; qu'elle devient roussâtre, ensuite verdâtre, et enfin rouge ; que dans ce dernier degré d'altération elle répand une puanteur insupportable, et qu'elle se rétablit ensuite d'elle-même en peu de jours. Le même phénomène observé par M. Marggraf sur l'eau de neige et sur l'eau de pluie, l'une et l'autre beaucoup plus pure que celle qu'on charge sur nos vaisseaux, rend le premier beaucoup moins singulier. La putrescibilité de nos meilleures eaux est toujours cependant une de leurs propriétés qui mérite le plus d'attention. Voyez PUTREFACTION.

Voilà des expériences exactes, qui établissent une grande analogie entre l'eau de pluie et l'eau de neige ; en sorte que l'on doit au moins douter que l'opinion qui fait regarder l'eau de pluie comme très-salutaire pour la boisson, et l'eau de neige très- insalubre au contraire ; que cette opinion, dis-je, soit suffisamment fondée : ou penser au moins que l'insalubrité, la prétendue dureté, crudité, etc. des eaux des neiges ou des glaces fondues, dépendent de certains accidents arrivés à la neige pendant qu'elle couvrait la surface de la terre, qu'elle était retenue surtout pendant de longs hivers sur le sommet des montagnes.

Au reste il est très-raisonnable de penser que la composition de la pluie et de la neige doivent varier dans les différents pays, dans les différentes saisons, par les différents vents, et par les autres circonstances qui modifient diversement l'état de l'athmosphère. M. Hellot recueillit au mois d'Aout 1735, dans des terrines isolées avec soin, de l'eau d'orage qui avait une odeur sulphureuse, et qui précipitait l'huîle de chaux, comme aurait fait un esprit de vitriol très-affoibli. M. Grosse a eu du tartre vitriolé, en faisant dissoudre du sel de tartre pur dans de l'eau d'orage qu'il avait ramassée à Passy en 1724. Voyez mémoire sur le phosphore de Kunckel, etc. à la fin ; mém. de l'académie royale des Sciences, année 1737.

L'eau de pluie et l'eau de neige se conservent très-bien, si on les ramasse avec les précautions rapportées à l'article CITERNE.

L'eau distillée de pluie ou de neige est inaltérable, si on l'expose même à la chaleur du soleil et à l'abord libre de l'air, selon l'expérience de M. Marggraf, que nous avons rapportée ci-dessus en passant, et dont nous faisons mention ici plus expressément, pour confirmer ce que nous avons avancé de la pureté de cette eau dans l'article EAU, (Chimie)

Eau de fontaine. Les variétés des eaux de fontaine sont très-considérables, parce que les entrailles de la terre que ces eaux parcourent, renferment une grande quantité de diverses matières dont l'eau peut se charger par une vraie dissolution. Si quelques-uns de ces principes sont contenus dans une eau de source en une proportion suffisante pour altérer sensiblement les qualités extérieures de l'eau pure, une pareille eau est appelée minérale, voyez MINERALE, (Eau) Si au contraire elle n'est altérée par aucun principe qui se manifeste par des caractères sensibles, tels que l'odeur, la saveur, la couleur, certains dépôts, des vertus médicinales évidentes, etc. elle est rangée parmi les eaux douces.

On trouve des eaux de fontaine qui sont autant ou plus pures que l'eau de neige : celles-ci naissent ordinairement dans les contrées où les pierres de la nature des grais, des quartz, des cailloux, sont dominantes. Les sources d'eau douce qui sortent d'un banc d'argîle pure, sont aussi communément assez simples. Les pays où l'on ne trouve que des pierres et des terres calcaires, comme marbre, pierres coquilleres, craie, marne, etc. fournissent au contraire des eaux chargées d'une terre de ce genre, qui s'y trouve en partie nue, et en partie combinée avec un peu d'acide vitriolique sous la forme de selenite. La raison de ceci, c'est que la terre vitrifiable et la terre argilleuse ne sont que peu solubles, peut-être même absolument insolubles, par l'élément aqueux et par l'acide dont il peut être chargé, au lieu que les terres calcaires sont soumises à l'action de ces menstrues.

Eau de puits. Il parait que l'eau de puits ne doit pas différer originairement de l'eau de fontaine, et que si on la trouve plus communément chargée de terre et de diverses substances salines, c'est qu'étant ramassée dans une espèce de bassin où elle est peu renouvellée, elle se charge de tout ce que l'eau qui vient de la surface de la terre, lui amène par une espèce de lixiviation, et des ordures que l'air peut lui apporter sous la forme de poussière. Cette conjecture est d'autant plus fondée, que c'est une ancienne observation que l'eau de puits devient d'autant plus pure, qu'elle est plus tirée.

L'eau des puits varie considérablement dans les différents pays, et dans les différents lieux du même pays ; nouvelle preuve que sa composition lui vient principalement des couches de terre supérieures à celle dans laquelle se trouvent les sources du tait. Quoi qu'il en sait, on trouve des puits qui fournissent une eau aussi pure que la meilleure eau de rivière, mais toujours avec la circonstance de les tirer sans interruption.

L'eau des puits de Paris est prodigieusement seleniteuse et chargée de terre calcaire ; dans quelques puits même, au point d'en être trouble. M. Marggraf a trouvé l'eau des puits de Berlin très-chargée de terre calcaire, et d'une petite portion de terre gypseuse : ces eaux lui ont fourni aussi du vrai sel marin et du nitre. Ce dernier produit mérite une considération particulière, relativement à une prétention sur l'origine du nitre, contredite par un fait rapporté dans les mémoires de l'académie royale des Sciences, et par celui-ci. Voyez NITRE.

Eau de rivière. La composition de l'eau de rivière, en exceptant toujours les matières qui la troublent après les inondations, est dû. 1°. aux principes dont se sont chargées, dans les entrailles de la terre, les diverses fontaines dont les rivières sont formées : 2°. aux matières solubles qu'elles peuvent détacher du fond même de leur lit : 3°. aux plantes qui végetent dans leur sein, et aux poissons qui s'y nourrissent : 4°. enfin aux diverses ordures, que les égouts et les fossés qui s'y dégorgent peuvent leur amener des lieux habités, des terres arrosées, etc.

Comme les eaux de fontaine pures sont plus ordinaires que celles qui sont très-terreuses, et que ces dernières se purifient vraisemblablement dans leur course, l'eau de rivière doit être peu chargée de matières détachées de l'intérieur de la terre ; elle varie davantage, selon la nature du terrain qu'elle parcourt. Celle qui coule sur un beau sable, sur des gros caillous, ou sur une couche de pierre vitrifiable, est très-pure. Celles qui, comme la Marne, coulent dans un lit de craie, ou dans un terrain bas et marécageux, comme la plupart des rivières de la Hollande et celles de la Marche de Brandebourg, selon Fréd. Hoffman ; celles-ci, dis-je, sont très-impures. La rapidité des rivières est encore une cause très-efficace de la pureté de leurs eaux, tant parce qu'elles s'épurent, qu'elles éprouvent une précipitation spontanée, une vraie décomposition par le mouvement intérieur de leurs parties, que parce que les rivières rapides ne sont point poissonneuses, et qu'il ne peut croitre que très-peu de plantes dans leur lit. Le Rhin, le Rhône, et presque toutes les grandes rivières du royaume, fournissent des eaux très-pures ; parce qu'elles coulent dans un beau lit, qu'elles sont rapides, et peu poissonneuses. Les rivières très-lentes et très-poissonneuses d'Hongrie, roulent une eau très-chargée de divers principes qui la disposent facilement à la corruption. Deux plantes dangereuses, l'hippuris et le conferva, ou mousse d'eau, s'étant extrêmement multipliées dans le lit de la Seine en l'année 1731, qui fut très-seche, il régna à Paris des maladies qui dépendaient évidemment de la qualité que ces plantes avaient communiquée à l'eau, selon l'observation de M. de Jussieu (Mém. de l'acad. roy. des Sc. ann. 1733). Toutes les immondices que les égouts des villes peuvent porter dans une grande rivière, ne l'altèrent pas au point qu'on l'imagine communément. L'eau de la Seine, prise au-dessous de l'hôtel-Dieu et de tous les égouts de Paris, et même dans le voisinage de ces égouts, et au-dessous des bateaux des blanchisseurs, n'est point sensiblement souillée ; la masse immense et continuellement renouvellée d'eau, dans laquelle ces ordures sont noyées, empêche qu'elles n'y soient sensibles : en un mot l'eau de la Seine, puisée sur le bord de la rivière, entre le pont-neuf et le pont-royal, sans la moindre précaution, est excellente pour la boisson et pour l'usage des arts chimiques ; et l'auteur des nouvelles fontaines domestiques a eu raison d'attribuer aux fontaines de cuivre, les dévoiements qu'éprouvent assez ordinairement, par la boisson de l'eau de la Seine, les étrangers nouvellement transplantés à Paris, au lieu d'en accuser l'impureté de cette eau.

Eau croupissante, stagnans. Le degré d'impureté auquel ces eaux -ci peuvent parvenir, n'a d'autres bornes que leur faculté de dissoudre, jusqu'à saturation, toutes les matières qu'elles peuvent attaquer, les plantes, les poissons, les insectes, les fumiers, et toutes les matières répandues sur la surface d'un terrain habité et cultivé. Leur état de composition se décele à la vue, à l'odeur, et au gout. Nous ne saurions entrer dans un plus grand détail sur cette matière. (b)

Eau salée, eau de la mer, des fontaines, et puits salans. Voyez MARIN (Sel), MER, PUITS SALANT, LINELINE.

Eaux minérales et médicinales, voyez MINERALES (Eaux).

EAU COMMUNE, (Pharmacie) l'eau sert d'excipient dans un très-grand nombre de préparations pharmaceutiques. Il est celui des potions, des apozèmes, des bouillons, des tisanes, etc. On la prescrit souvent dans les remédes magistraux, sans dose déterminée, ou en s'en rapportant à l'expérience de l'apothicaire. Aquae communis quantum satis, ou quantum sufficit, dit-on dans ce cas : formule qui s'abrège ainsi, Aq. C. Q. S. Dissolve, dit-on encore, ou coque in sufficienti quantitate aquae communis, qu'on abrège ainsi, in S. Q. Aq. C. C'est souvent de l'eau de fontaine que les Médecins demandent dans ces cas ; et on trouve communément dans les ordonnances aqua fontana, au lieu d'aqua communis ; mais l'eau commune pure de fontaine, de citerne, ou de rivière, est également bonne pour tous les usages pharmaceutiques.

L'eau a un usage particulier dans la cuite des emplâtres. Voyez EMPLATRE.

Elle est la base des émulsions, du plus grand nombre de sirops, etc. Voyez EMULSION et SIROP. (b)

EAU, (Médecine) L'eau douce, ou l'eau commune, appartient, à la Médecine à deux titres : premièrement, comme chose non-naturelle, ou objet diététique : secondement, comme un remède. Nous allons la considérer sous ces deux points de vue dans les deux articles suivants.

EAU COMMUNE, (Diète) Personne n'ignore les principaux usages diététiques de l'eau ; l'eau pure est la boisson commune de tous les animaux : et quoique les hommes l'aient chargée dès longtemps de diverses substances, comme miel, lait, extrait leger de quelques plantes, diverses liqueurs fermentées, etc. que plusieurs même lui aient absolument substitué ces dernières liqueurs, il est cependant encore vrai que l'eau pure est la boisson la plus générale des hommes.

Cette boisson salutaire a été de tout temps comblée des plus grands éloges par les Philosophes et par les Médecins ; la santé la plus constante et la plus vigoureuse a été promise aux buveurs d'eau, comme un ample dédommagement des plaisirs passagers que l'usage des liqueurs fermentées aurait pu leur procurer. La loi de la nature interpretée sur l'exemple des animaux, a fourni aux apologistes de l'eau un des arguments, sur lesquels ils ont insisté avec le plus de complaisance. Plusieurs médecins de ce siècle nous ont donné des explications physiques et mécaniques des bons effets de l'eau. Mais il est un autre ordre de médecins qui échangeraient volontiers ces savantes spéculations, contre une bonne suite d'observations exactes. Nous nous en tiendrons avec ceux-ci, à ce que nous apprend sur ce point important de diéte, un petit nombre de faits dont la certitude est incontestable.

Premièrement, nous n'avons aucun moyen d'apprécier au juste l'utilité de l'eau, considérée génériquement comme boisson, mise en opposition avec la privation absolue de toute boisson. Les exemples des gens qui ne boivent point, sont trop rares pour que nous puissions évaluer contradictoirement les effets absolus de l'eau dans la digestion, la circulation, la nutrition, les secrétions. Il est prouvé cependant par plus d'une observation, qu'on peut vivre et se bien porter sans boire.

Secondement : les buveurs d'eau, mis en opposition avec les buveurs de vin (selon la manière ordinaire de considérer les vertus diététiques de l'eau), jouissent plus communément d'une bonne santé que ces derniers. Les premiers sont moins sujets à la goutte, aux rougeurs des yeux, aux tremblements de membres, et aux autres incommodités, que l'on compte avec raison, parmi les suites funestes de l'usage des liqueurs spiritueuses. Voyez VIN, (Diète)

Les buveurs d'eau sont peu sujets aux indigestions ; l'eau est, selon la manière de parler vulgaire, le meilleur dissolvant des aliments. La plupart des personnes qui se portent bien, éprouvent après le repas, pendant lequel elles n'ont bu que de l'eau, cette légèreté de corps et cette sérénité paisible de l'âme, qui annoncent la digestion la plus facîle et la meilleure.

En mangeant des fruits ou des sucreries, il faut boire nécessairement de l'eau ; le palais même qui est le premier juge des boissons et des aliments, décide par un sentiment très-distinct en faveur de l'eau.

Les buveurs d'eau passent pour très-vigoureux avec les femmes, dans l'exercice vénérien ; mais peut-être ne se sont-ils fait une réputation à cet égard, que par la comparaison qu'on a faite de leur talent avec l'impuissance des hommes perdus d'ivrognerie. Voyez VIN, (Diète)

Au reste, il n'est personne qui n'aperçoive que ce sont moins ici les propriétés réelles de l'eau, que l'exemption des inconvénients qu'entraîne l'usage immodéré des liqueurs fermentées. Voyez l'article VIN, (Diète)

Il n'est pas vrai que les paysans des pays où les liqueurs vineuses manquent, soient plus forts et plus laborieux que ceux où ces liqueurs sont si communes, que le paysan en peut faire sa boisson ordinaire. Voyez VIN, (Diète) et CLIMAT, (Médecine)

En général, il vaut mieux boire l'eau froide que chaude. Dans le premier état, elle remplit mieux les vues de la nature, c'est-à-dire, qu'elle pourvait mieux au besoin que l'on cherche à satisfaire en buvant de l'eau ; elle apaise la soif, et ranime davantage, reficit ; elle plait à l'estomac sain, comme au palais. L'eau chaude, au contraire, ne desaltère point et ne ranime point ; elle ne plait point à l'estomac, non plus qu'aux organes du goût : les nausées et le vomissement qu'elle excite, quand elle est échauffée à un certain degré, en sont une preuve. Cette observation générale n'empêche point que dans certains cas particuliers, dans celui où se trouvent, par exemple, les personnes qui ont l'estomac trop sensible, ou pour exprimer un état plus évident, les personnes qui ont éprouvé que l'eau froide dérangeait leur digestion, ou même leur causait des coliques, des hoquets, etc. accidents qu'on observe quelquefois chez des femmes vaporeuses, et chez certains mélancoliques, on ne doive user d'eau chaude. Voyez COLIQUE, HOQUET, HISTERIQUE (Passion), MELANCOLIE, HIPPOCONDRIAQUE.

Il n'est pas si évident que, dans le cas des simples rhumes, où l'on est assez généralement dans l'usage de chauffer l'eau qu'on bait, cette pratique soit aussi nécessaire que dans le cas précédent. Dans le premier, elle est fondée sur un fait : dans le dernier, ce pourrait bien n'être que sur une prétention ; il sera cependant toujours prudent de boire chaud pendant qu'on est enrhumé, jusqu'à ce qu'il soit décidé par des bonnes observations, que la boisson de l'eau froide n'est pas dangereuse dans les rhumes. On a prétendu en Angleterre, qu'elle était curative. Voyez l'article suivant.

Au reste, en continuant à reclamer les observations, nous établirons que dans les sujets sains, la boisson de l'eau froide, et même à la glace, ne produit aucun mal connu ; et que l'usage habituel de l'eau chaude (ou des infusions théiformes qui sont la même chose, à quelque légère nuance d'activité près), affoiblit l'estomac, rend le corps lourd et paresseux, et l'esprit sans chaleur et sans force.

Ce que nous venons d'établir, ne détruit point cette sage loi diététique, qui défend de boire de l'eau froide quand le corps est très-échauffé par un exercice violent : mais dans ce cas même, la boisson de l'eau froide est sujette à peu d'inconvéniens, si l'on continue à s'échauffer après avoir bu. Les chasseurs des pays chauds, suans à grosses gouttes, boivent sans s'arrêter de l'eau des fontaines qu'ils trouvent sur leur chemin, et ils prétendent qu'ils ne s'en sont jamais trouvés mal. Il ne serait pourtant pas prudent de boire de l'eau trop froide, même avec cette précaution.

L'eau bue en trop grande quantité pendant les chaleurs de l'été, dispose à suer, et affoiblit singulièrement. Voyez CLIMAT, (Médecine) Plus on la bait chaude, plus elle produit ces effets.

L'eau la plus pure est la meilleure pour la boisson. Voyez ci-dessus, à l'article EAU DOUCE (Chimie), quelle est la plus pure des différentes eaux douces, et à quels signes on la reconnait. Nous n'en savons pas plus sur le choix des eaux, que ce qu'en ont écrit les anciens médecins. Nous sommes, avec raison ce semble, de l'avis de Celse sur cette matière. Voici comme il s'en explique. L'eau la plus légère, dit-il, (c'est-à-dire la meilleure à boire, levissima stomacho, minime gravis), est l'eau de pluie ; ensuite l'eau de source, de rivière, ou de puits ; celles que fournissent les neiges et les glaces fondues, viennent après celles-là. Les eaux de lac sont plus pesantes (sous-entendez à l'estomac) que celles-ci ; et les plus lourdes sont enfin les eaux d'étang ou de marais, ex palude.

Les eaux des neiges et des glaces fondues, passent pour la principale cause des goètres et des tumeurs écrouelleuses, auxquelles sont sujets les habitants des montagnes. Voyez GOETRE et ECROUELLES. Les eaux croupissantes, palustres, causent aux hommes qui les boivent les maux suivants, qu'Hippocrate a très-bien observés et décrits dans son traité, de aere, aquis et locis : toute eau qui croupit, dit ce père de la Médecine, doit être nécessairement chaude, lourde, et puante en été ; froide, et troublée par la neige et la glace (surtout par le dégel) en hiver ; ceux qui la boivent ont des rates amples et engorgées, et les ventres durs, resserrés, et chauds ; les clavicules, les épaules, et la face déprimées ; ils sont maigres, mangeurs, et altérés ; leurs ventres ne peuvent être évacués que par les plus forts médicaments ; ils sont sujets en été à des dissenteries, des cours de ventre et des fièvres quartes : ces maladies étant prolongées, disposent de pareils sujets à des hydropisies mortelles. En hiver, les jeunes gens sont sujets à des péripneumonies, et à des délires ; et les vieillards, à des fièvres ardentes, à cause de la dureté de leur ventre. Les femmes sont sujettes à des tumeurs oedémateuses ; elles conçoivent difficilement, et accouchent avec peine de foetus grands et bouffis : les enfants de ces pays sont sujets aux hernies ; les hommes aux varices et aux ulcères des jambes. Il est impossible que des sujets ainsi constitués, puissent vivre longtemps ; et en effet, ils vieillissent et meurent de bonne-heure, etc.

On a imaginé divers moyens de purifier les mauvaises eaux. Le meilleur et le plus praticable est de les faire bouillir après les avoir exposées à la putréfaction, et ensuite de les filtrer, ou de les laisser déposer par le repos. Voyez FONTAINE DOMESTIQUE. On peut aussi les faire bouillir, sans les avoir laissées pourrir ; mais la dépuration sera alors moins parfaite. Voyez PUTREFACTION.

L'application extérieure de l'eau est encore de notre sujet. L'immersion totale du corps dans l'eau est généralement connue sous le nom de bain. Voyez BAIN. L'habitude de laver tous les matins, ou dans d'autres intervalles réglés, les pieds, les mains, et la tête avec de l'eau froide, a été célébrée par plusieurs auteurs. Locke propose, dans son traité de l'éducation des enfants, de les y soumettre dès l'âge le plus tendre ; cet illustre Anglais s'appuie sur l'exemple de tous les peuples du Nord, où on nous assure que c'est une pratique absolument établie depuis longtemps. Les partisans de cet usage prétendent que non seulement il peut procurer au corps une vigueur peu commune, mais encore qu'il met presque absolument à l'abri de tous rhumes, fluxions, douleurs, et autres incommodités qui sont dû.s dans les sujets ordinaires, à leur sensibilité au froid, et à l'humidité de l'air, auxquels on est inévitablement exposé. Ces avantages sont très-grands assurément, et il parait assez raisonnable de ne pas les regarder comme des promesses vaines. Nous avons déjà, ce qui est beaucoup, une forte présomption qu'au moins cette méthode est sujette à peu d'inconvénients réels. Il est peu de personnes saines, qui ayant essuyé une longue pluie qui a percé leurs habits jusqu'au corps, aient été réellement incommodées par cet accident. L'habitude doit rendre l'application extérieure de l'eau froide, moins dangereuse encore sans contredit. On a poussé les prétentions plus loin, en faveur de l'application dont il s'agit ; on l'a érigée en remède de la faiblesse de tempérament actuelle, même chez les enfants.

Les femmes, pendant le temps des règles ou des vuidanges, ne doivent point tremper les pieds ou les mains dans l'eau froide, ni s'exposer d'aucune autre façon au contact immédiat de l'eau froide. On a Ve souvent ces évacuations s'arrêter par cette cause, avec tous les accidents dont ne sont que trop souvent suivies ces suppressions. Voyez REGLES et VUIDANGES. C'est cependant encore ici une cause de maladie, que l'habitude rend sans effet. Les femmes du peuple font leur ménage, lavent leur linge, etc. sans inconvénient, pendant leurs règles et pendant leurs vuidanges : mais leur exemple en ceci, comme sur tous les autres points de régime, ne conclut rien pour les personnes élevées délicatement, pour les corps qui ne sont pas familiarisés avec ces sortes d'épreuves.

Tout le monde sait que les personnes qui sont exposées par état à souffrir la pluie, à garder longtemps des habits mouillés sur le corps, à dormir sur la terre humide, quelquefois dans une vraie boue, ou même dans l'eau, etc. tels que les soldats, les pêcheurs de profession, les chasseurs passionnés, ceux qui travaillent sur les rivières, etc. que ces personnes disje, sont très-sujettes aux douleurs rhumatismales, et même à certaines paralysies. Voyez RHUMATISME et PARALYSIE.

Les ouvriers et les manœuvres, qui ont continuellement les jambes dans l'eau, sont particulièrement sujets à une espèce d'ulcères malins qui attaquent cette partie, et qui sont connus sous le nom de loups. Voyez LOUPS (Chirurgie).

EAU COMMUNE, (Matière médicale) Ce n'est rien que les éloges qu'on a accordés à la boisson ordinaire de l'eau pure, dans l'état de santé, en comparaison de ceux qu'on lui a prodigués à titre de remède ; elle a réuni les suffrages des Médecins de tous les siècles ; Avicenne et ses disciples ont été les seuls qui aient paru en redouter l'usage dans les maladies.

C'est contre cette crainte systématique, qui avait apparemment séduit quelques esprits au commencement de ce siècle, que Hecquet s'éleva avec tant de zèle et de bonne-foi. Personne n'ignore l'excès jusqu'auquel il poussa ses prétentions, plus systématiques encore, en faveur de la boisson de l'eau : la mémoire toute récente de sa méthode, et plus encore le portrait le plus ressemblant que nous a tracé l'ingénieux auteur de Gilblas, sous le nom du docteur Sangrado, rendent présente cette singulière époque de l'histoire de la Médecine, à ceux même qui ne connaissent point les écrits aussi bizarres que fanatiques de ce médecin. Fridéric Hoffman entreprit à peu-près dans le même temps d'établir, dans une dissertation faite à dessein, que l'eau était la vraie médecine universelle : mais ce célèbre médecin, peut-être plus blamable en cela, mais cependant moins dangereux qu'Hecquet, ne pratiqua point d'après ce dogme ; il employa beaucoup de remèdes, il eut même des secrets ; il ne fut qu'un panégyriste rationnel de sa prétendue médecine universelle. Quelques auteurs modernes, beaucoup moins connus, nous ont donné aussi des explications physiques et mécaniques des effets de l'eau. L'opinion du public, et surtout des incrédules en Médecine, est encore très-favorable à ce remède ; et enfin quelques charlatants en ont fait en divers temps un spécifique, un arcane.

En reduisant tous ces témoignages, et les observations connues à leur juste valeur, nous ne craindrons pas d'établir.

1°. Que la méthode de traiter les maladies aiguës par le secours de la boisson abondante des remèdes aqueux, des délayans dont l'eau fait le seul principe utîle (V. DELAYANT), est vaine, inefficace, et souvent meurtrière ; qu'elle mérite surtout cette dernière épithète, si on soutient l'action de la boisson par des fréquentes saignées ; que l'eau n'est jamais un remède véritablement curatif.

2°. Que la nécessité, et même l'utilité de la boisson dans le traitement des maladies aiguës, à titre de secours secondaire, disposant les organes et les humeurs à se prêter plus aisément aux mouvements de la nature, ou à l'action des remèdes curatifs ; que l'utilité de la boisson, dis-je, à ce titre n'est rien moins que démontrée ; qu'aucune observation claire et précise ne reclame en sa faveur ; et qu'on trouverait peut-être plus aisément des faits, qui prouveraient qu'elle est nuisible dans quelques cas.

3°. Que certaines méthodes particulières, nées hors du sein de l'art, et qui ont eu une vogue passagère dans quelques pays, telles que celle d'un ecclésiastique anglais nommé M. Hancock, et celle du P. Bernardo-Maria de Castrogianne capucin sicilien ; que ces méthodes, dis-je, ne sauraient être tentées qu'avec beaucoup de circonspection, et même de méfiance, par les Médecins légitimes. Le premier des deux guérisseurs que nous venons de nommer, donnait l'eau froide comme souverain fébrifuge ; et il prétend avoir excité, dans tous les cas où il a éprouvé ce remède, des sueurs abondantes qui prévenaient les fièvres qui auraient été les plus longues et les plus dangereuses, telles que la fièvre maligne, etc. si on donnait le remède à temps, c'est-à-dire dès le premier ou le second jour de la maladie, et qu'il l'enlevait même quelquefois lorsqu'elle était bien établie, c'est-à-dire si elle était déjà à son quatrième ou à son cinquième jour. Le capucin a guéri toutes les maladies aiguës et chroniques, en faisant boire de l'eau à la glace, et observer une diete plus ou moins sevère. M. Hancock guérissait par les sueurs ; le capucin avait grand soin de les eviter, il ne voulait que des évacuations par les selles. On trouvera ces deux méthodes exposées dans le recueil intitulé vertus de l'eau commune ; la première dans une dissertation fort sage et fort ornée d'érudition médicinale ; et la seconde avec tout l'appareil de témoignages qui annoncent le charlatanisme le plus décidé. Le remède anglais contre la toux, savoir quelques verres d'eau froide prise en se mettant au lit, qui est un rejeton du système du chapelain Hancock, dont quelques personnes font usage parmi nous, ne saurait passer pour un remède éprouvé.

4°. Les vertus réelles et évidentes de l'eau se réduisent à celles-ci : l'eau chaude est réellement un sudorifique léger et innocent ; les infusions théiformes, qui ne sont que de l'eau dont la dégoutante fadeur est corrigée, excitent doucement la transpiration de la peau et des poumons (voyez SUDORIFIQUE) ; elles sont stomachiques (voyez STOMACHIQUE). L'eau tiede fait vomir certains sujets par elle-même, et facilite l'action des vomitifs irritants dans tous les sujets (voyez VOMITIF) ; prise en abondance elle nettoie l'estomac des restes d'une mauvaise digestion, et remédie quelquefois aux indigestions, en faisant passer dans le canal intestinal la masse d'aliments qui irritait ou affaissait l'estomac. L'eau froide calme, du moins pour un temps, la chaleur de l'estomac et les légères ardeurs d'entrailles ; elle apaise la soif ; elle rafraichit réellement et utilement tout le corps, en certains cas, comme dans ceux où l'on a contracté une augmentation de chaleur réelle par l'action d'une chaleur extérieure, ou par l'usage des liqueurs fermentées ; elle remet très-efficacement l'estomac qui a été fatigué par un excès de vin, hesternâ crapulâ. Un ou deux verres d'eau fraiche pris deux heures après le repas, préviennent les mauvais effets des digestions fougueuses chez les personnes vaporeuses de l'un et de l'autre sexe (voyez PASSION HYSTERIQUE et MELANCOLIE HYPOCONDRIAQUE). Des personnes qui avaient l'estomac faible et noyé de pituite ou de glaires, se sont sort bien trouvées de l'habitude qu'elles ont contractée d'avaler quelques verres d'eau fraiche le matin à jeun.

Nous n'avons parlé jusqu'à présent que des effets de l'eau prise intérieurement ; ses usages extérieurs ne sont pas moins étendus, peut-être sont-ils plus réels, au moins plus efficaces. L'eau s'applique extérieurement sous la forme de bain. (voyez BAIN et ses diverses espèces, DEMI-BAIN, LOTION DES PIES, pediluvium, LOTION DES MAINS et DU VISAGE, aux articles BAIN et LOTION.

L'eau froide jetée avec force sur le visage, arrête les évanouissements (voyez EVANOUISSEMENT) ; elle produit quelquefois le même effet, au moins pour un temps, dans certaines hémorrhagies (voyez HEMOSTATIQUE) ; mais plusieurs autres liqueurs froides procureraient le même soulagement. (b)

EAUX DISTILLEES, (Chimie médicinale) Les eaux distillées dont il est ici question, sont le produit le plus mobîle de la distillation des végétaux et des animaux, celui qui se sépare de ces substances exposées au degré de chaleur de l'eau bouillante, et même à un feu inférieur à ce degré.

La base de ces liqueurs est de l'eau ; et même la partie qui n'est pas eau, dans celles qui sont le plus chargées de divers principes, est si peu considérable, qu'elle ne saurait être déterminée par le poids ni par la mesure.

Les différents principes qui peuvent entrer dans la composition des eaux distillées, sont 1°. la partie aromatique des plantes et des animaux : 2°. une certaine substance qui ne peut pas être proprement appelée odeur ou parfum, puisqu'elle s'élève des substances même que nous appelons communément inodores, mais qui se rend pourtant assez sensible à l'odorat pour fournir des caractères plus ou moins particuliers de la substance à laquelle elle a appartenu ; cette partie aromatique et cette substance beaucoup moins sensible, sont connues parmi les Chimistes sous le nom commun d'esprit recteur, que Boerhaave a remis en usage : 3°. les alkalis volatils spontanées des végétaux : 4°. la partie vive de plusieurs plantes, qui a imposé à Boerhaave et à ses copistes pour de l'alkali volatil, telle que celle de l'ail, de l'oignon, de la capucine, de l'estragon, etc. 5°. l'acide volatil spontanée que j'ai découvert dans le marum, et qu'on trouvera peut-être dans quelques autres plantes.

C'est pour l'usage médicinal que l'on prépare communément les eaux distillées, et l'on expose au feu les matières desquelles on les retire, dans un appareil tel qu'il est impossible de pousser la distillation au-delà de la production de ces eaux, qui sont l'unique objet de cette opération. L'artiste retire de cette méthode beaucoup de commodité, puisqu'il est toujours sur de son opération, sans qu'il soit obligé à gouverner son feu avec une attention pénible, et qui pourrait souvent être insuffisante.

Les produits qu'un plus haut degré de feu détacherait des sujets de l'opération dont il s'agit, mêlés, quoiqu'en petite quantité, à une eau distillée, la coloreraient, lui donneraient une odeur d'empyreume, altéreraient ses vertus médicinales, et la disposeraient à une altération plus prompte : voilà précisément les inconvénients qu'on évite dans le procédé que nous avons annoncé et que nous allons exposer.

On exécute cette opération dans deux appareils différents ; la manière de procéder par le premier appareil consiste à placer les matières à distiller dans une cucurbite de cuivre étamé, ou d'étain pour le mieux, à adapter cette cucurbite dans un bain-marie, à la recouvrir d'un chapiteau armé d'un réfrigérant, et à distiller par le moyen du feu appliqué au bain, jusqu'à ce que la liqueur qui passe soit trop peu chargée d'odeur ou trop peu sapide. V. les Pl. de Chim.

On peut exécuter aussi cette opération par l'application du feu nud, au moyen d'un ancien alembic appelé chapelle ou rosaire, voyez CHAPELLE. Boerhaave expose ses matières au feu nud ; voyez son premier procédé, el. chim. tom. II. et il est obligé de mesurer par le thermomètre le degré de chaleur qu'il emploie, ce qui est d'une pratique très-incommode.

Dans le second appareil on met les matières à distiller dans une cucurbite de cuivre étamé ; on verse sur ces matières une certaine quantité d'eau ; on recouvre la cucurbite d'un chapiteau armé de son réfrigérant, et on retire par le moyen du feu appliqué immédiatement à la cucurbite, une certaine quantité de liqueur déterminée par une observation transmise d'artiste à artiste, et conservée dans les pharmacopées. Voyez les Planches de Chimie.

On traite ordinairement par le premier procedé les fleurs odorantes, telles que les roses, les oeillets, la fleur d'orange, celle de muguet, de tilleul, etc. On distille toujours, selon le même procedé, le petit nombre de substances animales dont les eaux distillées sont en usage en Médecine ; savoir ; le miel, le lait, la bouse de vache, le frai de grenouilles, l'arriere-faix, le jeune bois de cerf, les limaçons, etc.

Les eaux distillées de cette première manière, sont connues dans quelques livres sous le nom d'eaux essentielles.

On distille aussi au bain-marie, et sans addition, les plantes cruciferes, telles que le cochlearia et le cresson, pour faire ce qu'on appelle les esprits volatils de ces plantes. On distille ces mêmes plantes par le même procédé, mais en ajoutant de l'esprit-de-vin pour faire leurs esprits volatils. On a coutume d'ajouter aussi un peu d'eau dans la distillation des fleurs d'orange au bain-marie.

On traite de la seconde manière toutes les autres substances végétales, dont on s'est avisé de retirer des eaux distillées, plantes fraiches et seches, fleurs, calices, semences, écorces, bois, racines, etc. et même la plupart de celles que nous venons de donner pour les sujets ordinaires de la distillation au bain-marie.

Les produits de cette dernière opération s'appellent proprement eaux distillées.

Il faut observer que lorsque ces dernières eaux sont bien préparées, et surtout lorsqu'elles ont été très-chargées des principes volatils des plantes par des cohobations répetées (voyez COHOBATION), elles ne retiennent que bien peu de l'eau étrangère qui a été employée dans leur distillation, et qu'elles sont comprises par conséquent dans la définition que nous avons donnée des eaux distillées en général, qui paraitrait, sans cette réflexion, ne convenir qu'aux eaux essentielles.

Les eaux essentielles, retirées des substances odorantes, sont cependant plus aromatiques et plus durables que celles qui sont retirées des mêmes substances par l'addition de l'eau. Cela vient, pour la partie aromatique, de ce que dans la première opération toute la partie aromatique du sujet traité passe avec l'eau essentielle ; au lieu que dans la seconde, une partie de ce principe reste unie à une huîle essentielle qui s'élève avec l'eau dans la distillation du plus grand nombre des plantes odorantes (voyez HUILE ESSENTIELLE). Les eaux distillées par la seconde méthode sont moins durables, parce que l'eau qu'on emploie à leur distillation, et le plus haut degré de feu qu'on leur applique, volatilisent une certaine matière mucilagineuse qui forme des espèces de réseaux ou nuages qui troublent après quelques mois la limpidité de ces eaux, et qui les corrompt à la fin, qui les fait graisser. Les eaux les plus sujettes à cette altération, sont celles qu'on retire des plantes très-aqueuses, insipides, et inodores ; telles sont l'eau de laitue, l'eau de pourpier, de bourache, de buglose, etc.

Voilà donc les principales différences des deux opérations : l'addition d'une eau étrangère et un feu plus fort, distinguent la dernière de la première. On verra à l'article FEU, qu'un corps exposé à la chaleur de l'eau, dans l'appareil que nous appelons bain-marie, ne prend jamais le même degré de chaleur que le bain, et par conséquent qu'il ne contracte jamais celui de l'eau bouillante.

Après avoir donné une idée générale de ces opérations, voici les observations particulières que nous croyons les plus importantes.

Premièrement, il importe très-fort pour l'exactitude absolue de la préparation, et plus encore pour son usage médicinal, que les vaisseaux qu'on emploie à la distillation des eaux dont il s'agit, ne puissent leur communiquer rien d'étranger, et surtout de nuisible. C'est pour se conformer à cette règle (qui n'est qu'une application d'une loi générale du manuel chimique), que nous avons recommandé de se servir de cucurbites d'étain autant qu'il était possible : il est plus essentiel encore que les chapiteaux soient faits de ce métal, que les principes les plus actifs élevés dans la distillation dont nous parlons n'attaquent point, du moins sensiblement, au lieu que le cuivre est manifestement entamé par plusieurs de ces principes. Voyez CHAPITEAU.

La pauvreté chimique ne permet pas de penser aux chapiteaux d'argent ou d'or, qui seraient sans contredit les meilleurs. Les alembics de verre, recommandés dans la pharmacopée de Paris pour la distillation des plantes alkalines, ne peuvent servir que pour un essai, ou dans le laboratoire d'un amateur, mais jamais dans celui d'un artiste qui exécute ces distillations en grand : car la fracture à laquelle ces vaisseaux sont sujets, la prodigieuse lenteur de la distillation dans les alembics dont on ne peut presque pas rafraichir les chapiteaux, l'impossibilité d'en avoir d'une certaine capacité ; tout cela, dis-je, rend cette opération à-peu-près impraticable. On a eu raison cependant de préferer les vaisseaux de verre aux vaisseaux de cuivre, malgré tous les inconvénients de l'emploi des premiers ; mais l'étain, comme nous l'avons déjà observé, n'est pas dangereux comme le cuivre, et il en a toutes les commodités.

2°. Si le réfrigérant adapté au chapiteau d'étain, ne condense pas assez au gré de l'artiste certains principes très-volatils, il a la ressource du serpentin ajouté au bec du chapiteau. Voyez SERPENTIN.

3°. Si les substances à distiller sont dans un état sec ou solide, il est bon de les faire macérer à froid ou à chaud, pendant un temps proportionné à l'état de chaque matière. Les bois et les racines seches doivent être rapés, les racines fraiches pilées ou coupées par rouelles ; les écorces seches, comme celles de canelle, concassées, etc. N. B. Que les bois, les racines, et les écorces se traitent par le second procédé.

4°. L'on doit avoir soin dans la distillation avec addition d'eau, de ne remplir la cucurbite que d'une certaine quantité de matière, telle que le plus grand volume qu'elle acquerra dans l'opération, n'excède pas la capacité de la cucurbite ; car si ces matières en se gonflant passaient dans le chapiteau, non-seulement l'opération serait manquée, mais même si le bec du chapiteau venait à se boucher, ce qui arrive souvent, dans ce cas le chapiteau pourrait être enlevé avec effort, et l'artiste être blessé ou brulé. Les plantes qu'on appelle grasses, et surtout celles qui sont mucilagineuses, font surtout risquer cet accident.

5°. Aucun artiste n'observe les doses d'eau prescrites dans la plupart des pharmacopées, et il est en effet très-inutîle d'en prescrire : la règle générale qu'ils se contentent d'observer, est d'employer une quantité d'eau suffisante, pour qu'il y ait au fond du vaisseau, sous la plante, le bois ou l'écorce traitée, toutes matières qui surnagent pour la plupart ; qu'il y ait, dis-je, au fond de la cucurbite trois ou quatre pouces d'eau, plus ou moins, selon la capacité du vaisseau, ou un ou deux pouces au-dessus des bois plus pesans que l'eau, comme gayac, etc.

6°. On ne voit point assez à quoi peut être bonne l'eau demandée dans la pharmacopée de Paris, dans les distillations exécutées par notre premier procédé : il semble qu'il vaudrait mieux la supprimer.

Les eaux distillées sont ou simples ou composées. Les eaux simples sont celles qu'on retire d'une seule substance distillée avec l'eau : les eaux composées sont le produit de plusieurs substances distillées ensemble avec l'eau.

Nous n'avons parlé jusqu'à présent que des eaux distillées proprement dites, c'est-à-dire de celles qui ne sont mêlées à aucun principe étranger, ou tout au plus à une petite quantité d'eau commune, qui est une substance absolument identique avec celle qui constitue leur base.

Il est outre cela dans l'art plusieurs préparations, soit simples soit composées, qui portent le nom d'eau spiritueuse, ou même d'eau simplement, et qui sont des produits de la distillation de diverses substances aromatiques avec les esprits ardents ou avec le vin ; telles sont l'eau de cannelle spiritueuse, l'eau de mélisse ou eau des carmes, l'eau de la reine d'Hongrie, etc. On prépare ces eaux comme les eaux distillées proprement dites : les règles de manuel sont les mêmes pour les deux opérations ; il faut seulement ne pas négliger dans la distillation des eaux spiritueuses, les précautions qu'exige la distillation des esprits ardents. Voyez VIN.

Au reste, toutes les préparations de cette espèce ne sont pas connues dans l'art sous le nom d'eau ; cette dénomination est bornée par l'usage à un certain nombre : plusieurs autres exactement analogues à celles-ci portent le nom d'esprit (voyez ESPRIT) ; ainsi on dit eau de cannelle et esprit de lavande, de thim, de citron ; eau vulneraire et esprit carminatif de Sylvius. N. B. qu'il faut se servir scrupuleusement de ces noms, quelque arbitraires qu'ils soient ; car si vous dites eau de lavande, par exemple, au lieu de dire esprit de lavande, vous désignerez une autre préparation très-arbitrairement nommée aussi, savoir la dissolution de l'huîle de lavande dans l'esprit de vin.

On trouvera un exemple de distillation d'une eau essentielle à l'article ORANGE, d'une eau distillée simple au mot LAVANDE, d'une eau distillée composée proprement dite au mot MENTHE, d'une eau spiritueuse simple au mot ROMARIN, d'une eau spiritueuse composée à l'article MELISSE. On fera d'ailleurs mention des différentes eaux distillées dans les articles qui traiteront en particulier des matières dont on retire ces eaux, ou qui leur donnent leur nom. Les eaux qui sont connues sous des noms particuliers tirés des vertus qu'on leur attribue, ou de quelque autre qualité, auront leur articles particuliers, du moins celles qui sont usuelles ou qui méritent de l'être ; car nous ne chargerons point ce Dictionnaire de la description d'une eau générale, d'une eau impériale, d'une eau prophylactique, d'une eau épileptique, d'une eau de lait alexitère, etc.

De tous les remèdes inutiles dont l'ignorance et la charlatanerie remplirent les boutiques des apothicaires, lors de la conquête que fit la Chimie, de la Médecine et de la Pharmacie, nul ne s'est multiplié avec tant d'excès que les eaux distillées. Les vues chimériques de séparer le pur d'avec l'impur, de concentrer les principes des mixtes, d'exalter leurs vertus médicinales qu'on crut principalement remplir par la distillation ; ces vues chimériques, dis-je, nous ont fourni plus d'eaux distillées parfaitement inutiles, que les connaissances réelles des propriétés de diverses plantes ne nous en ont procuré dont on ne saurait trop célebrer les vertus.

Les eaux distillées des plantes parfaitement inodores, sont privées absolument de toute vertu médicinale, aussi-bien que les eaux distillées des viandes, du lait, et des autres substances animales dont nous avons fait mention au commencement de cet article. Elles ne diffèrent de l'eau pure que par une saveur et une odeur herbacée, laiteuse, etc. et par la propriété de graisser, dont nous avons déjà parlé. Zwelfer a le premier combattu la ridicule confiance qu'on eut pour ces préparations, et surtout le projet de nourrir un malade avec de l'eau distillée de chapon (Voyez CHAPON, Diete et Matière médicale) ; et Gédéon Harvée a mis tous ces remèdes à leur juste valeur, dans l'excellente satyre qu'il a faite de plusieurs secours inutiles employés dans la pratique ordinaire de la médecine, sous le titre de Ars curandi morbos expectatione. Les Apothicaires de bon sens ne distillent plus la laitue, la chicorée, la pariétaire, la trique-madame, ni toutes ces autres plantes dont on trouve une longue liste dans la nouvelle pharmacopée de Paris, p. 182. Au reste si on pouvait se nourrir expectatione, comme on peut guérir expectatione, l'eau de chapon, dont la mode est passée, aurait bien pu être encore pendant quelques générations une grande ressource diététique, comme les eaux distillées inodores paraissent destinées à occuper encore pendant quelque temps un rang dans l'ordre des médicaments.

Les eaux distillées aromatiques sont cordiales, toniques, antispasmodiques, stomachiques, sudorifiques, emmenagogues, alexitères, et quelquefois purgatives, comme l'eau -rose (voyez ROSE.) Voyez ce que nous disons de l'usage particulier de chacune, connaissance plus positive que celle de toutes ces généralités, aux articles particuliers des différentes plantes odorantes employées en Médecine.

Les eaux distillées des plantes alkalines ou cruciferes de Tournefort, sont principalement employées comme antiscorbutiques ; elles ont aussi plusieurs autres usages particuliers, dont il est fait mention dans les articles particuliers : voyez surtout COCHLEARIA et CRESSON.

Les eaux distillées spiritueuses possèdent toutes les vertus des précédentes, et même à un degré supérieur ; et de plus elles sont employées dans l'usage extérieur, comme discussives, repercussives, vulnéraires, dissipant les douleurs : on les respire aussi avec succès dans les évanouissements legers, les nausées, etc.

Outre toutes ces acceptions plus ou moins propres du mot eau, on l'emploie encore dans un sens bien moins exact pour désigner plusieurs substances chimiques et pharmaceutiques : on connait sous ce nom des infusions, des décoctions, des dissolutions, des ratafiats, des préparations même dont l'eau n'est pas un ingrédient, telles que l'eau de Rabel, l'eau de lavande, etc. Les principales eaux chimiques ou pharmaceutiques très-improprement dites, sont les suivantes :

EAU ALUMINEUSE, n'est autre chose qu'une dissolution d'alun dans des eaux prétendues astringentes.

Prenez des eaux distillées de roses, de plantain et de renouée, de chacune une livre ; d'alun purifié trois gros : faites dissoudre votre sel, et filtrez : gardez pour l'usage.

EAUX ANTIPLEURETIQUES (les quatre) sont les eaux distillées de scabieuse, de chardon-beni, de pissenlit, et de coquelicot.

On peut avancer hardiment que de ces quatre eaux, trois sont absolument incapables de remplir l'indication que les anciens médecins se proposaient en les prescrivant ; savoir d'exciter la sueur. Ces trois eaux sont celles de scabieuse, de pissenlit, et de coquelicot. Ces eaux ne sont chargées d'aucune partie médicamenteuse des plantes dont elles sont tirées (voyez EAU DISTILLEE, SCABIEUSE, PISSENLIT, PAVOT ROUGE). L'eau distillée de chardon-beni (du moins celle du chardon-beni des Parisiens), a une vertu plus réelle. Voyez CHARDON-BENI.

Que peut-on espérer en général des premières et de la dernière dans le traitement de la pleurésie ? Ceci sera examiné à l'article Pleurésie. Voyez PLEURESIE.

EAU DE CAILLOUX : on appelle ainsi une eau dans laquelle on a éteint des cailloux rougis au feu. C'était autrefois un remède, aujourd'hui ce n'est rien.

EAU DE CHAUX (première et seconde) voyez CHAUX.

EAU DES CARMES ou DE MELISSE composée, voyez MELISSE.

EAU DE CASSE-LUNETTE, (Pharmacie) on a donné ce nom à l'eau distillée de la fleur de bluet. Voyez BLUET.

EAUX CORDIALES, (les quatre) les eaux qui sont connues sous ce nom dans les pharmacopées, sont celles d'endive, de chicorée, de buglose et de scabieuse. Ces eaux ne sont point cordiales ; elles sont exactement insipides, inodores et sans vertu. Voyez l'article EAUX DISTILLEES, vers la fin.

EAU-FORTE : c'est un des noms de l'acide nitreux en général. Les matérialistes et les ouvriers qui emploient l'acide nitreux, appellent eau-forte l'acide retiré du nitre par l'intermède du vitriol. Voyez NITRE.

EAU DE GOUDRON, c'est une infusion à froid du goudron. Voyez GOUDRON.

EAU MERCURIELLE : les Chirurgiens appelent, ainsi la dissolution de mercure par l'esprit de nitre, affoiblie par l'addition d'une certaine quantité d'eau distillée. Voyez MERCURE.

Il est essentiel d'employer l'eau distillée, pour étendre la dissolution du mercure dont il s'agit ici ; car il est très-peu d'eaux communes qui ne précipitent cette dissolution.

EAU-MERE : on appelle ainsi, en Chimie, une liqueur saline inconcrescible, qui se trouve mêlée aux dissolutions de certains sels, et qui est le résidu de ces dissolutions épuisées du sel principal par des évaporations et des crystallisations répetées. Les eaux-mères les plus connues sont celle du nitre, celle du sel marin, celle du vitriol, et celle du sel de seignette. Voyez NITRE, SEL MARIN, VITRIOL, SEL DE SEIGNETTE.

EAU DE MILLE-FLEURS, (Pharmacie) on appelle ainsi l'urine de vache, aussi-bien que l'eau que l'on retire par la distillation de la bouse de cet animal. Voyez VACHE.

EAU PHAGEDENIQUE : prenez une livre d'eau première de chaux récente, trente grains de mercure sublimé corrosif, mêlés et agités dans un mortier de marbre : c'est ici un sel mercuriel précipité. Voyez MERCURE.

EAU DE RABEL, ainsi nommée du nom de son inventeur, qui la publia vers la fin du dernier siècle.

Prenez quatre onces d'huîle de vitriol, et douze onces d'esprit de vin rectifié ; versez peu-à-peu dans un matras l'acide sur l'esprit-de-vin, en agitant votre vaisseau, et gardez votre mélange dans un vaisseau fermé, dans lequel vous pouvez le faire digérer à un feu doux.

L'eau de Rabel est l'acide vitriolique dulcifié. Voyez ACIDE VITRIOLIQUE, au mot VITRIOL.

EAU REGALE : le mélange de l'acide du nitre et de celui du sel marin, est connu dans l'art sous le nom d'eau régale. Voyez REGALE (Eau)

EAU SAPHIRINE, EAU BLEUE, ou COLLYRE BLEU, (Pharm. et mat. med. externe) Collyre, c'est-à-dire remède externe ou topique, destiné à certaines maladies des yeux. Voyez COLLYRE, TOPIQUE, MALADIE DES YEUX, sous le mot OEIL.

En voici la préparation, d'après la pharmacopée universelle de Lemery.

Prenez de l'eau de chaux vive filtrée, une chopine ; de sel ammoniac bien pulverisé, une dragme : l'une et l'autre mêlés ensemble, seront jetés dans un vaisseau de cuivre, dans lequel on les laissera pendant la nuit ; après quoi on filtrera la liqueur, qui sera gardée pour l'usage.

L'eau saphirine n'est autre chose qu'une eau chargée d'une petite quantité d'huîle de chaux, et d'un peu d'alkali volatil, coloré par le cuivre qu'il a dessous. Voyez SEL AMMONIAC et CUIVRE.

Cette eau est un collyre irritant, tonique et dessicatif. Voyez les cas particuliers dans lesquels il convient, à l'article MALADIE DES YEUX, sous le mot OEIL.

EAU VERTE ou EAU SECONDE : les ouvriers qui s'occupent du départ des matières d'or et d'argent, appellent ainsi l'eau -forte chargée du cuivre qu'on a employé à en précipiter l'argent. Voyez DEPART.

EAU-DE-VIE, produit immédiat de la distillation ordinaire du vin. Voyez VIN.

EAU VULNERAIRE, V. VULNERAIRE (Eau). (b)

EAU-DE-VIE, (Art mécanique) fabrication d'eau-de-vie. La chaudière dont on se sert pour cette distillation, est un vaisseau de cuivre en rond, de la hauteur de deux pieds et demi, et de deux pieds de diamètre ou environ, dont le haut se replie sur le dedans en talus montant, comme si elle devait être entièrement fermée, et où pourtant il y a une ouverture de neuf à dix pouces de diamètre, avec un rebord de deux pouces ou à-peu-près : on appelle l'endroit où la chaudière se replie avec son rebord, le collet. Cette chaudière contient ordinairement quarante veltes, à huit pintes de Paris la velte. Cette mesure est différente en bien des endroits où l'on fabrique de l'eau-de-vie. Il y a des chaudières plus grandes et plus petites.

Cette chaudière est placée contre un mur, à un pied d'élévation du sol de la terre, dans une maçonnerie de brique jointe avec du mortier de chaux et de sable, ou de ciment, qui la joint et la couvre toute entière jusqu'au bord du tranchant du collet, sauf le fond qui est découvert. Cette chaudière est soutenue dans cette maçonnerie par deux ou trois ances de cuivre, longues chacune de cinq pouces, et d'un pouce d'épaisseur, qui sont adhérantes à la chaudière. Cette maçonnerie prend depuis le sol de la terre ; et le vide qui reste depuis le sol de la terre jusqu'à la chaudière, s'appelle le fourneau. Ce fourneau a deux ouvertures, l'une dans le devant, et l'autre au fond : celle du devant est de la hauteur du fourneau, et d'environ dix à onze pouces de large : c'est par-là qu'on fait entrer le bois sous la chaudière. L'ouverture du fond est large d'environ quatre pouces en carré ; elle s'élève dans une cheminée faite exprès, par où s'échappe la fumée. Il y a à chacune de ces ouvertures, une plaque de fer que l'on ôte et que l'on replace au besoin, pour modérer l'action du feu : on en parlera ci-après.

C'est cette chaudière qui contient le vin, où il bout par l'action du feu que l'on entretient dessous. On ne remplit pas en entier la chaudière de vin, parce qu'il faut laisser un espace à l'élévation du vin, quand il bout, afin qu'il ne surmonte pas au-dessus de la chaudière. L'ouvrier (que l'on nomme un bruleur, ce sont ordinairement des tonneliers) qui travaille à la conversion du vin en eau-de-vie, sait l'espace qu'il doit laisser vide pour l'élévation du vin bouillant. La plupart de ces bruleurs, pour connaître ce vide, appliquent leurs bras au pli du poignet sur le tranchant du bord de la chaudière, et laissent pendre leur main ouverte et les doigts étendus dans la chaudière ; et lorsqu'ils touchent du bout du doigt le vin qui est dans la chaudière, il y a assez de vin, et il n'y en a pas trop.

Ce vide est toujours ménagé, quoiqu'on mette autre chose que du vin dans la chaudière ; car il faut savoir qu'après la bonne eau-de-vie tirée, il reste une quantité d'autre eau-de-vie (qu'on appelle seconde), qui n'a presque pas plus de force ni de goût que si on mêlait dans de bonne eau-de-vie 4/5 d'eau commune ; dans laquelle seconde pourtant il y a encore une partie de bonne eau-de-vie que l'on ne veut pas perdre, et que l'on retire en la faisant bouillir une seconde fois avec de nouveau vin dans la chaudière : on appelle cette seconde fais, une seconde chauffe ou une double chauffe, parce qu'ordinairement on remet dans la chaudière tout ce qui est venu de la première chauffe, soit bonne eau-de-vie ou seconde ; ainsi il faut moins de vin à cette double chauffe qu'à la première. Il y a des gens qui à toutes les chauffes mettent à part la bonne eau-de-vie qui en vient : on appelle cela lever à toutes les chauffes. Pour la seconde chauffe ils ne mettent que la seconde qui est venue de la première chauffe : il y a quelquefois jusqu'à 60 ou 70 pintes de seconde, plus ou moins, suivant la qualité du vin. On dira ci-après comment on connait qu'il n'y a plus d'esprit dans ce qui vient de la chaudière, et que ce qui y reste n'est bon qu'à être jeté dehors.

Lorsque la chaudière est remplie jusqu'où elle doit l'être, on met du feu sous le fourneau ; on se sert d'abord de bois fort combustible, comme du sarment de vigne, du bouleau ou autre menu bois, qui donnant plus de flamme que le gros bois, a une chaleur plus vive : on en met sous le fourneau, et on l'y entretient toujours vif, autant qu'il en faut pour faire bouillir cette chaudière ; on appelle cela, en termes de l'art, mettre en train. Quand la chaudière commence à bouillir, c'est-à-dire quand elle est assez chaude pour ne pouvoir plus y souffrir la main, on la couvre d'un autre vaisseau que l'on appelle un chapeau. Ce chapeau est un vaisseau de cuivre fait en cone aplati, dont la partie étroite entre dans le bord du collet de la chaudière, et s'y joint le plus juste qu'il est possible. Ce cone aplati et renversé, peut avoir douze à treize pouces. Le diamètre de la partie étroite est celui du collet de la chaudière, sauf la liberté d'entrer dans ce collet ; et le diamètre du haut peut avoir sept à huit pouces de plus. Il y a à ce chapeau une ouverture ronde, de quatre pouces de diamètre, à laquelle est joint et bien soudé un tuyau de cuivre qu'on appelle la queue du chapeau, d'environ deux pieds de long, qui Ve toujours en diminuant jusqu'à la réduction d'un pouce de diamètre au bout.

On couvre cette chaudière avec le chapeau : on appelle cela coiffer la chaudière, pour empêcher l'exhalaison de la fumée du vin, parce que c'est dans cette fumée que se trouve l'esprit du vin qui fait l'eau-de-vie. On fait en sorte qu'il ne reste entre le chapeau et le collet de la chaudière aucune ouverture par où la fumée puisse s'échapper ; et pour y réussir, après que le chapeau est entré et bien enfoncé dans le collet de la chaudière, on met de la cendre seche autour du collet, pour la fermer presque hermétiquement.

Ce tuyau ou cette queue de chapeau Ve se joindre dans un autre vaisseau de cuivre ou d'étain, que l'on appelle serpentine, parce qu'elle est faite en serpent replié. C'est un ustensîle fait de différents tuyaux adaptés et soudés les uns aux autres en rond et en spirale, qui n'en font qu'un. Ce tuyau peut avoir un pouce et demi de diamètre à son embouchure, et est réduit à un pouce à son extrémité ; il est composé de six à sept tournans en spirale, élevés les uns sur les autres d'environ six à sept pouces, en sorte que la serpentine, dans toute sa hauteur appuyée sur ses tournans, peut avoir trois pieds et demi ou environ. Ces tuyaux tournans sont assujettis par trois bandes de cuivre, ou du même métal dont est la serpentine, qui y sont jointes du haut en-bas pour en empêcher l'abaissement.

On unit la queue du chapeau à la serpentine, en faisant entrer le petit bout de la queue du chapeau dans l'ouverture du haut de la serpentine, où cette queue entre d'un pouce et demi ou environ : on lutte bien l'un et l'autre avec du linge et de la terre grasse bien unie, afin qu'il ne sorte point de fumée qui vienne de la chaudière.

Cette serpentine est, comme l'on doit le comprendre, éloignée du corps de la chaudière et de la maçonnerie qui l'environne, de l'espace de dix pouces ou environ : elle est placée dans un tonneau ou autre vaisseau de bois fait en forme de tonneau, que l'on appelle pipe en bien des endroits. Cette serpentine y est posée debout et à-plomb, penchant néanmoins tant-sait-peu sur le devant, pour faciliter l'écoulement de la liqueur qui y passe : elle y est assujettie ou par des pattes de fer, des crampons et des pièces de bois qui, sans l'endommager, peuvent la rendre immobîle et la tenir dans un état stable. Il y a à cette pipe trois trous ou ouvertures, l'un au haut, du côté de la chaudière, par lequel sort de la longueur d'un pouce le bout d'en-haut de la serpentine ; l'autre trou au bas, dans le devant de la pipe, par où sort de la longueur de trois pouces ou environ, le petit bout de la serpentine ; et un autre trou dans le derrière de la pipe, où l'on a ajusté une fontaine ou gros robinet. Lorsque la serpentine est bien posée dans la pipe, et que la pipe elle-même est bien assujettie en équilibre, on bouche bien les trois trous de la pipe : on calfeutre les deux premiers avec de l'étoupe ou de vieilles cordes effilées ou épluchées, autour du tuyau sortant de la serpentine ; et le troisième, qui est celui de derrière, doit être bien fermé par la fontaine que l'on y a fait entrer.

Pour savoir si la serpentine est bien posée et a assez de pente, on prend une balle de fusil qui ne soit pas d'un trop gros calibre, et on la laisse couler dans la grande ouverture de la serpentine ; elle doit rouler aisément, faire tous les tours de la serpentine, et sortir par le petit bout : alors elle est bien posée. Si la balle s'arrête dans la serpentine, ce qui peut quelquefois être causé par un grain de soudure des tuyaux, que le poèlier aura laissé échapper dans le dedans des tuyaux, en la soudant, ou parce que la serpentine n'est pas bien soudée : il faut faire sortir cette balle ; et pour y réussir, il faut mettre dans le trou de la serpentine la queue du chapeau renversé, c'est-à-dire son vide en-dehors, et jeter dans ce chapeau environ un seau d'eau, laquelle s'écoulant à force dans cette serpentine, entraînera avec elle la balle qui y est restée ; et si la pipe n'est pas droite ou posée comme il faut, il faut la rétablir, et remettre cette balle jusqu'à ce qu'elle passe.

Pour savoir s'il n'y a point de petits trous à la chaudière, au chapeau ou à la serpentine, il faut, pour la serpentine, la remplir d'eau avant de la mettre dans la pipe, boucher bien le trou d'en-bas avec un bouchon de liège qui ferme bien juste, et souffler par le gros bout avec un soufflet qui prenne bien juste : s'il y a quelque sinus, l'eau sortira par-là, attendu que le vent du soufflet la presse vivement : alors il faut faire souder cet endroit avant de la mettre dans la pipe ; s'il n'y a point de trou, on sentira que l'eau fait résistance au vent du soufflet : on le retire, parce que la serpentine est bien jointe et bien soudée. Pour le chapeau, il faut le mettre entre ses yeux et le jour, le vide du côté des yeux ; s'il y a des sinus, on les verra ; s'il n'y en a point, le chapeau est en bon état. Pour la chaudière on s'aperçoit qu'il y a un ou des trous, quand on voit dégoutter du vin dans le feu, ou quelqu'endroit de la maçonnerie mouillé : il faut alors demaçonner la chaudière, pour réparer le mal.

Quand tous les ustensiles sont en ordre, on remplit la pipe d'eau froide, n'importe de quel fond elle vienne, soit de rivière, de puits, de pluie, ou de mer : celle de mer est la moins bonne, parce qu'elle est plutôt chaude. Il faut que l'eau surmonte la serpentine d'environ un pied. Cette eau sert à rafraichir l'eau-de-vie qui sort bouillante de la chaudière, en s'élevant en vapeur vers les parois du chapeau, s'écoule par l'ouverture du chapeau, passe dans la queue de ce chapeau, et de-là dans les tours de la serpentine, et en sort par le petit bout, où elle est reçue dans un bassiot couvert, qui est dans un trou en terre au bas de la pipe, et où elle entre au moyen d'un petit vase de cuivre ou d'autre métal, qui est fait en forme d'un petit entonnoir plat, que l'on place sur le petit bout de la serpentine : cet entonnoir est percé à l'autre bout d'un trou, sous lequel il y a une petite queue ou douille, qui entre dans un trou fait exprès au bassiot, par où se vide l'eau-de-vie qui vient de la chaudière. On appelle le trou en terre où l'on place le bassiot, faux bassiot. On donne à ces ustensiles les noms qui sont en usage dans la province où l'on s'en sert.

On a dit que cette eau dans la pipe sert à rafraichir l'eau-de-vie avant qu'elle entre dans le bassiot ; car quand elle y entre chaude, elle est ordinairement âcre, ce qui lui vient des parties du feu dont elle est remplie en sortant de la chaudière ; et plutôt elle se décharge de ces parties ignées, et plus l'eau-de-vie est douce et agréable à boire, sans rien perdre de sa force : ainsi il est à-propos de rafraichir cette eau de la pipe de temps en temps, en y en mettant de nouvelle, afin qu'elle soit toujours froide s'il est possible : car plus l'eau-de-vie vient froide, et meilleure elle est. Il faut toujours de nouvelle eau à toutes les chauffes.

Ce bassiot est fait avec des douves, comme sont celles des tonneaux ; il est lié avec des cerceaux, comme on lie les tonneaux ; il est fermé ou foncé dessus et dessous pour la conservation, et empêcher l'évaporation de l'eau-de-vie qui y entre. Ce bassiot a deux trous sur son fond d'en-haut, qui ont chacun leur bouchon mobîle ; l'un des trous est celui où entre la queue du petit entonnoir, et l'autre sert pour sonder et voir combien il y a d'eau-de-vie de venue. Ce bassiot est jaugé à la jauge d'usage dans le pays, afin que l'on puisse savoir précisément ce qu'il contient. On sait ce qu'il y a dedans d'eau-de-vie, quoiqu'il ne soit pas plein ; on a pour cela un bâton fait exprès, sur lequel on a mesuré exactement les pots et veltes de liqueur que l'on y a mise, à mesure qu'on l'a jaugé, tellement que quand il n'y a dans le bassiot que quatre, cinq, six, sept pots plus ou moins de liqueur, en coulant le bâton dedans et l'appuyant au fond du bassiot, l'endroit où finit la hauteur de la liqueur qui est dans le bassiot, doit marquer sur le bâton le nombre des pots ou veltes qui y sont contenues, et cela par des marques graduées et numérotées, qui sont empreintes ou entaillées sur ce bâton. Ce bassiot doit être posé bien à-plomb et bien solide dans le faux bassiot. On sait que pour un pot il faut deux pintes, et que la velte contient quatre pots.

On a dit qu'au fourneau qui est sous la chaudière, il y avait deux ouvertures ; l'une pour y faire entrer le bois, et l'autre pour laisser échapper la fumée. Ces deux ouvertures ont chacune leur fermeture de fer ; celle de devant par une plaque de fer, avec une poignée, pour la placer ou l'enlever à volonté : on appelle cette plaque, une trappe. L'ouverture de la fumée a également sa fermeture, mais elle n'est pas placée à l'orifice du trou ; on sait que par ce trou, la fumée du feu monte dans la cheminée pour se répandre dans l'air ; la fermeture de ce trou est placée au-dessus de la maçonnerie de la chaudière, un peu sur le côté : en sorte que le tuyau de cette fumée, qui prend sous la chaudière, est un peu dévoyé, pour gagner le conduit de la cheminée. Cette fermeture consiste dans une plaque de fer, longue environ d'un pied, et large de quatre pouces et demi, ce qui doit boucher le tuyau de la cheminée : ainsi ce tuyau ne doit avoir que cela de largeur, et être presque carré ; on appelle cette fermeture, une tirette, parce qu'on la tire pour l'ôter, et on la pousse pour la remettre, c'est-à-dire pour ouvrir et fermer ce trou, qui répond au-dehors au-dessus de la chaudière par une fente, dans le mur du tuyau de la cheminée ; il ne faut pas néanmoins que cette tirette bouche tout à fait le tuyau de la cheminée, parce que pour l'entretien du feu, il faut qu'il s'en exhale un peu de fumée, sans quoi il serait étouffé sous le fourneau : ainsi il peut rester autour de la tirette une ligne ou deux de vide.

Ces deux plaques de fer servent pour entretenir le feu sous le fourneau dans un degré égal de chaleur ; et quand il n'y a pas assez d'air, on tire tant-sait-peu la tirette ; s'il y en a trop, on la pousse tout à fait : de façon que le feu qui est sous la chaudière, n'étant point animé par un air étranger, brule également, et entretient le bouillon de la chaudière dans une égale effervescence, ce qui fait que l'eau-de-vie vient toujours presque également et doucement ; ce qui contribue beaucoup à sa bonté.

Quand la chaudière est coiffée, on continue à mettre du menu bois sous le fourneau, jusqu'à ce que la vapeur qui sort du vin, et qui monte au fond du chapeau, soit entrée dans la serpentine, et soit sur le point de gagner les tours de la serpentine ; ce que l'on connait en mettant la main sur le bout de la queue du chapeau, du côté de la serpentine : s'il est bien chaud, c'est une preuve qu'il y a passé de la vapeur assez considérablement pour l'échauffer : alors on met du gros bois sous le fourneau ; ce sont des buches coupées de longueur, pour ne pasexcéder celle du fourneau, et ne pas empêcher que l'on n'en ferme bien l'ouverture avec la trappe ; on y met de ce gros bois autant qu'il en faut pour remplir le fourneau presqu'en entier, et assez suffisamment pour faire venir toute la bonne eau-de-vie ; car le fourneau une fois fermé, on ne doit plus l'ouvrir : on laisse cependant parmi ces buches assez de vide pour l'agitation de l'air. On appelle cela, garnir la chaudière. Lorsque le fourneau est rempli, on met la trappe pour en boucher l'ouverture d'entrée, et on pousse la tirette pour en fermer l'ouverture de la cheminée : ce que l'on n'avait pas fait, lorsque l'on mettait la chaudière en train ; l'eau-de-vie alors vient tranquillement, et le courant ne doit avoir qu'une demi-ligne ou environ de diamètre ; plus le courant est fin, et plus l'eau-de-vie est bonne. C'est au bruleur, comme conducteur de la chaudière, à voir comment ce courant vient : car quelquefois, surtout dans le commencement, il est trouble et gros, parce que l'on n'a pas garni et fermé les ouvertures assez tôt ; et le feu alors ayant trop d'activité, fait monter le vin de la chaudière par son bouillon, par l'ouverture du chapeau, qui passe ainsi dans la serpentine, et en sort de même : quand on a un ouvrier entendu et soigneux, cela n'arrive point ; mais si cela arrivait, il faudrait sur le champ jeter un peu d'eau froide sur le chapeau et sur la serpentine, pour arrêter et réprimer cette vivacité du feu : cela ordinairement ne dure qu'un bouillon, parce que le gros bois qu'on a mis dans le fourneau sous la chaudière, et la suppression de l'air par les fermetures des trous, amortit cette vivacité. S'il était entré de cette liqueur trouble dans le bassiot, il faudrait l'ôter en la vuidant, pour ne pas la laisser mêlée avec la bonne eau-de-vie, car cela la rendrait trouble et défectueuse. Lorsque c'est une première chauffe que l'on repasse une seconde fois dans la chaudière, cette liqueur trouble mêlée avec l'autre, n'y fait rien : car on remettra le tout dans la chaudière pour une seconde chauffe. L'on doit savoir que le grand nombre des bruleurs et de ceux qui font convertir leurs vins en eaux-de-vie, font deux chauffes pour une, la simple et la double ; la simple, c'est la première fois ; la double, c'est la seconde fais, dans laquelle on repasse tout ce qui est venu dans la première avec de nouveau vin, autant qu'il en faut pour achever de remplir la chaudière jusqu'au point où elle doit l'être. Supposé que l'on s'aperçoive que le bois ne brule point sous la chaudière par le défaut de sa qualité, et qu'il n'a pas assez d'air, il faut lui en donner en tirant un peu la tirette : cela le ranimera ; mais d'abord que l'on s'aperçoit que l'eau-de-vie vient mieux, et par conséquent que le bois brule mieux, il faut repousser cette tirette et fermer. Il ne faut presque jamais ôter la trappe pendant que l'eau-de-vie vient, on courait des risques de faire venir trouble : car le feu étant animé par l'air qui entre sous le fourneau, peut tellement prendre de l'activité, que le bouillon du vin en devienne trop élevé, et qu'il ne surmonte jusqu'au trou du chapeau, et de-là ne coule dans la serpentine. Il peut même arriver encore d'autres accidents plus funestes : car le bouillon du vin étant très-violent, peut faire sauter le chapeau de la chaudière, et répandre le vin qui prend feu alors comme la poudre, ou comme l'eau-de-vie même, ce qui peut mettre le feu dans la maison, bruler les personnes, et causer un incendie des plus fâcheux ; car le feu prenant dans la chaudière, il s'en élève une flamme que l'on ne peut éteindre qu'avec de très-grandes peines et beaucoup de danger, et tout ce qui se rencontre de combustible est incendié. Ce sont des malheurs qui arrivent quelquefois par l'ignorance, l'imprudence, ou la négligence de l'ouvrier bruleur ; c'est à quoi il faut bien prendre garde, et on y veille dès qu'on coiffe la chaudière, en assujettissant bien le chapeau, le calfeutrant bien avec de la cendre, et prenant dans la suite garde à ménager bien son feu : c'est pourquoi il faut bien visiter la serpentine et le chapeau, pour voir s'il n'y a point de trou ; car s'il y en avait un, quelque petit qu'il put être, cela causerait de la perte par l'écoulement de l'eau-de-vie, et exposerait aux accidents du feu, qu'il faut éviter.

Quand la chaudière est en bon train, que le bassiot pour la réception de l'eau-de-vie est bien posé, on laisse venir l'eau-de-vie tout doucement, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'esprit supérieur dans le vin ; car il faut savoir que dans le vin il y a trois sortes de choses, un esprit fort et supérieur, un esprit faible ou infirme, et une partie épaisse, compacte et flegmatique. L'esprit fort et supérieur, est celui qui forme l'eau-de-vie, qui est inflammable, évaporable, fort, brulant, savoureux, brillant comme du crystal, qui avec sa force a de la douceur, qui est agréable à l'odorat et au gout, quoique violent : cet esprit, quand le feu le détache par son activité des parties grossières qui l'enveloppent, forme une liqueur extrêmement claire, brillante, vive, et blanche ; ce que nous appelons eau-de-vie, la bonne et forte eau-de-vie. L'esprit faible et infirme, est celui qui s'exhale des parties épaisses, après que l'esprit fort comme plus subtil est sorti : cet esprit faible est assez clair, blanc, transparent ; mais il n'a pas, comme l'esprit fort, cette vivacité, cette inflammabilité, cette saveur, ce bon goût et cette bonne odeur qu'a l'esprit fort : cet esprit n'est dit faible et infirme, que parce qu'il est composé de quelques parties d'esprit fort, et de parties aqueuses et flegmatiques, lesquelles étant supérieures de beaucoup à celles de l'esprit fort, l'absorbent et le rendent tel qu'on vient de le dire ; et comme il y a encore dans ce mélange des particules de l'esprit fort que l'on veut avoir, et qui feront, comme le pur esprit fort, de bonne eau-de-vie, c'est ce qui fait qu'après la bonne eau-de-vie tirée, on laisse venir jusqu'à la fin cet esprit faible, pour le repasser dans une seconde chauffe. On appelle cet esprit faible, en terme de fabrication d'eau-de-vie, la seconde, c'est-à-dire la seconde eau-de-vie. La troisième partie du vin, qui est le reste du dedans de la chaudière, après que ces deux esprits en sont sortis, est une matière liquide, trouble et brune, qui n'a aucune propriété pour tout ce qui regarde l'eau-de-vie : aussi la laisse-t-on couler dehors par des canaux faits exprès, où elle se vide par un tuyau de cuivre long d'un pied et de deux pouces de diamètre, qui est joint et soudé à la chaudière sur le côté près le fond, afin que tout puisse se bien vider ; lequel tuyau est bien et solidement bouché pendant toute la chauffe. On appelle cette dernière partie du vin, la décharge, c'est-à-dire cette partie grossière qui chargeait les esprits du vin, et que le feu a séparée et divisée.

On laisse venir cette eau-de-vie dans le bassiot jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'esprit fort ; et pour le connaître, on a une petite bouteille de crystal bien transparente, longue de quatre à cinq pouces, d'un pouce de diamètre dans son milieu, et d'un peu moins dans ses extrémités : on l'appelle une preuve, parce qu'elle sert à éprouver ; avec laquelle bouteille on reçoit du tuyau même de la serpentine, cette eau-de-vie qui en vient ; on emplit cette bouteille jusqu'aux deux tiers ; et en mettant le pouce sur l'embouchure et frappant d'un coup ou deux ferme dans la paume de l'autre main, ou sur son genou, et non sur une matière dure, parce qu'on casserait la bouteille, on excite cette liqueur, qui devient bouillonnante, et qui forme une quantité de globules d'air dans le haut de cette liqueur : c'est par ce moyen et la disposition, grosseur, et stabilité de ces globules, que les connaisseurs savent qu'il y a encore, ou qu'il n'y a plus de cet esprit fort à venir ; et même avant qu'il soit tout venu, c'est-à-dire quand il est proche de sa fin, ces globules de la preuve commencent à n'avoir plus le même oeil vif, la même grosseur, la même disposition, et la même stabilité ; et quand tout cet esprit fort est venu, il ne se forme plus ou presque plus de globules dans la preuve ; et quoique l'on frappe comme ci-devant, elle ne forme plus qu'une petite écume, qui est presqu'aussi-tôt passée qu'aperçue. Les ouvriers d'eau-de-vie appellent cela, la perte ; ainsi on dit, la chaudière commence à perdre, ou est perdue, c'est-à-dire qu'il n'y a plus d'esprit fort et de preuve à venir : et ce qui vient ensuite est la seconde.

Quand on veut avoir de l'eau-de-vie très-forte, on lève le bassiot dès qu'elle perd ; on n'y laisse entrer aucune partie de seconde : on appelle cela, couper à la serpentine, ou de l'eau-de-vie coupée à la serpentine. Et pour recevoir ensuite la seconde, on place un autre bassiot où était le premier, qui reçoit cette seconde, comme le premier avait reçu la bonne eau-de-vie.

Mais comme cette eau-de-vie coupée à la serpentine n'est pas une eau-de-vie de commerce, où on ne la demande pas si forte ; quoiqu'on l'y reçoive bien, quand on la vend telle ; les bruleurs-marchands-vendeurs y laissent venir une partie de la seconde, qui tempere le feu et la vivacité de cette première eau-de-vie.

Il y a eu dans une province du royaume (l'Aunis) où l'on fabrique beaucoup d'eau-de-vie, des contestations au sujet de ce mélange de la seconde avec la bonne eau-de-vie, ou de l'eau-de-vie forte ; les acheteurs disaient qu'il y avait trop de seconde, et que cela rendait l'eau-de-vie extrêmement faible au bout de quelques jours, surtout après quelque transport et trajet sur mer ; les vendeurs de leur côté disaient que non, et qu'ils fabriquaient l'eau-de-vie comme ils avaient toujours fait, et que s'il y avait de la fraude, elle ne venait pas de leur part : en sorte que cela mettait dans ce commerce d'eau-de-vie des contestations qui le ruinaient ; chacun criait à la mauvaise foi, chacun se plaignait, et peut-être les deux parties avaient raison de se plaindre l'une de l'autre. Sur ces contestations, et pour rétablir et faire refleurir cette branche du commerce, le Roi, par les soins et attentions de M. de Boismont, intendant de la province, a interposé son autorité ; et par son arrêt du conseil du 10 Avril 1753, sa Majesté a ordonné, art. 1. que les eaux-de-vie seront tirées au quart, garniture comprise, c'est-à-dire que sur seize pots d'eau-de-vie forte il n'y aura que quatre pots de seconde. Pour entendre ceci, il faut se rappeler ce que l'on a ci-devant dit ; que la forte eau-de-vie venait dans le bassiot ; qu'elle était forte jusqu'à ce qu'elle eut perdu ; que pour savoir ce qui en était venu, et combien il y en avait dans le bassiot, on avait un bâton fait exprès, sur lequel il y avait des marques numérotées qui indiquaient la quantité de liqueur qu'il y avait dans le bassiot : ainsi supposant qu'en sondant avec le bâton, il marque qu'il y a de la liqueur jusqu'au n°. 20, cela veut dire qu'il y a vingt pots d'eau-de-vie dans le bassiot ; ainsi y ayant vingt pots d'eau-de-vie forte, on peut la rendre et la conserver bonne, marchande, et conforme à l'arrêt du conseil, en y laissant venir cinq pots de seconde, qui se mêlant avec les 20 pots d'eau-de-vie forte, en composent 25 : c'est ce qu'on appelle lever au quart, parce que le quart de 20 est 5, et que l'on ne lève le bassiot qu'après que ces 5 pots de seconde sont mêlés avec les 20 pots d'eau-de-vie forte : et ainsi soit qu'il y ait plus ou moins d'eau-de-vie forte de venue dans le bassiot, on prend le quart de ce qui est venu pour la laisser venir en seconde. Ces pots de seconde sont appelés la garniture, par l'arrêt du conseil.

Lorsque cette eau-de-vie est venue avec sa garniture, on lève le bassiot sur le champ pour y en placer un autre, afin de recevoir tout le reste de la seconde ; et l'on peut dès ce moment vider ce premier bassiot, et mettre cette bonne eau-de-vie dans un tonneau ou futaille, appelée barrique ou pièce ; et l'on peut dire qu'il y a dans cette barrique 25 pots de bonne eau-de-vie marchande, et faite conformément aux intentions du Roi.

Cette futaille, pièce, ou barrique, doit être fabriquée suivant le règlement porté par l'arrêt du conseil du 17 Aout 1743, rendu aux instances de M. de Barentin, intendant alors de la province, qui voulait soutenir ce commerce, où il voyait dès-lors naître des contestations qui le ruineraient infailliblement, si l'on n'allait au-devant par l'interposition de l'autorité souveraine ; ces futailles doivent donc être faites conformément à ce règlement, pour qu'elles puissent jauger juste et velter juste, en terme de commerce, ce qu'elles contiennent ; ce que l'on sait par le moyen d'une jauge ou velte numérotée et graduée suivant toutes les proportions géométriques, et approuvée par la police des lieux, laquelle velte l'on glisse diagonalement dans la barrique par la bonde d'icelle.

Il y a pour ce commerce d'eau-de-vie des courtiers auxquels on peut s'adresser : ces gens-là sont chargés de la part des marchands-commissionnaires, ou autres, de l'achat de cette liqueur ; et comme dans les contestations réglées par l'arrêt du conseil de 1753, les courtiers avaient été compris dans les plaintes respectives, le Roi par son édit a établi dans la ville de la Rochelle des agréeurs, pour l'acceptation et pour le chargement des eaux-de-vie : en sorte que sur le certificat des agréeurs à l'acceptation, les eaux-de-vie sont réputées bonnes ; et sur le certificat des agréeurs au chargement, les eaux-de-vie ont été embarquées et chargées bonnes, et cela afin de faire cesser les plaintes des marchands-commettants des provinces éloignées, qui se plaignaient qu'on leur envoyait de l'eau-de-vie trop faible.

C'est ainsi que se fabrique et se commerce l'eau-de-vie, qui a un flux et reflux continuel dans le prix.

Comme l'on veut conserver tout ce qui est esprit dans le vin que l'on brule, on fait l'épreuve à la fin de la chauffe, pour savoir s'il y a encore quelque esprit dans ce qui vient de la chaudière ; et pour cela l'ouvrier bruleur reçoit du tuyau de la serpentine dans un petit vase, un peu de la liqueur qui vient ; et une chandelle flambante à la main, il verse de cette liqueur sur le chapeau brulant de la chaudière, et presente la flamme de la chandelle au courant de cette liqueur versée : si le feu y prend, et qu'il y ait encore quelque peu de flamme bleuâtre qui s'éleve, c'est une marque qu'il y a encore de l'esprit dans ce qui vient, et on attend qu'il n'y en ait plus. Quand la flamme de la chandelle n'y prend point, ce n'est plus qu'un flegme inutîle : ainsi on lève le chapeau de la chaudière, et on laisse échapper par le tuyau qui est au-bas de la chaudière, toute la décharge, c'est-à-dire toute cette liqueur grossière, impure, et inutîle qui reste dans la chaudière, qui s'écoule dehors, ou dans des trous ou fossés faits exprès, où elle se perd dans les terres ; après quoi on recharge la chaudière avec de nouveau vin, on y met la seconde que l'on a reçue, et on fait la chauffe comme la première fais. Il faut 24 heures pour les deux chauffes, la simple et la double.

Lorsque l'on a deux chaudières, on les accole l'une contre l'autre ; mais il faut autant de façon à chacune, c'est-à-dire il faut les mêmes ustensiles, un fourneau à part, une cheminée à part, et une conduite et un gouvernement à part. Si on a plusieurs chaudières, on peut les construire dans le même endroit, mais toujours chacune doit être garnie de ses ustensiles particuliers.

Les termes dont on s'est servi pour la fabrication et le commerce de cette eau-de-vie, peuvent être différents dans les différentes provinces où l'on fait de l'eau-de-vie : mais le fond de la fabrique et du commerce, est toujours le même. Voyez l'article DISTILLATION, et la Planche du Distillateur.

EAUX-FORTES, (Chimic) dans la préparation du salpetre, et d'autres opérations de la même nature, on donne le nom d'eaux-fortes à celles qui sont très-chargées ou de sel, ou plus généralement des matières qui y sont en dissolution.

* EAUX SURES, (Teinture) eau commune, aigrie par la fermentation du son : c'est une drogue non colorante. On donne le même nom au mélange d'alun et de tartre, qui sert à éprouver les étoffes par le débouilli. Voyez DEBOUILLI et TEINTURE.

EAU DONNER, (Teinture) c'est achever de remplir la cuve qui ne jette pas du bleu, et y mettre de l'indigo pour qu'elle en donne.

EAUX AMERES DE JALOUSIE, (Histoire ancienne) il est parlé dans la loi de Moyse, d'une eau qui servait à prouver si une femme était coupable ou non d'adultère.

Voici comment on procédait : le prêtre présentait à la femme l'eau de jalousie, en lui disant : " Si vous vous êtes retirée de votre mari, et que vous vous soyez souillée en vous approchant d'un autre homme, etc. que le Seigneur vous rende un objet de malédiction, et un exemple pour tout son peuple, en faisant pourrir votre cuisse et enfler votre ventre ; que cette eau entre dans vos entrailles, pour faire enfler votre ventre et pourrir votre cuisse ". Et la femme répondra, ainsi sait-il. Le prêtre écrira ces malédictions dans un livre, et il les effacera ensuite avec l'eau amère. Lorsqu'il aura fait boire à la femme l'eau amère, il arrivera que si elle a été souillée, elle sera pénétrée par cette eau, son ventre s'enflera, et sa cuisse pourrira, etc. Que si elle n'a point été souillée, elle n'en ressentira aucun mal, et elle aura des enfants. Num. cap. Ve Voilà une pratique qui prouve certainement que Jehova n'était pas seulement le Dieu des Juifs, mais qu'il en était encore le souverain, et que ces peuples vivaient sous une théocratie. Chambers. (G)

EAU LUSTRALE, (Mythologie) ce n'était autre chose que de l'eau commune, dans laquelle on éteignait un tison ardent tiré du foyer des sacrifices. Cette eau était mise dans un vase, qu'on plaçait à la porte ou dans le vestibule des temples ; et ceux qui y entraient s'en lavaient eux-mêmes, ou s'en faisaient laver par les prêtres, prétendant avoir par cette cérémonie acquis la pureté de cœur nécessaire pour paraitre en présence des dieux. Dans certains temples il y avait des officiers préposés pour jeter de l'eau lustrale sur tous les passants ; et à la table de l'empereur, ils en répandaient quelques gouttes sur les viandes. Dans toute maison où il y avait un mort, on mettait à la porte un vase d'eau lustrale, préparée dans quelqu'autre lieu où il n'y avait point de mort : on en lavait le cadavre ; et tous ceux qui venaient à la maison du mort, avaient soin de s'asperger de cette eau, pour se préserver des souillures qu'ils croyaient contracter par l'attouchement ou par la vue des cadavres. Chambers. (G)

EAU-BENITE, (Histoire ecclésiastique) eau dont on fait usage dans l'Eglise romaine après l'avoir consacrée avec certaines prières, exorcismes et cérémonies. Celle qu'on fait solennellement tous les dimanches dans les paroisses, sert pour effacer les péchés véniels, chasser les démons, préserver du tonnerre, etc. c'est ce que dit le dictionnaire de Trévoux.

Les évêques grecs ou leurs grands vicaires font le 5 Janvier sur le soir l'eau-benite, parce qu'ils croient que Jesus-Christ a été baptisé le 6 de ce même mois ; mais ils n'y mettent point de sel, et ils trouvent fort à redire (on ne sait pas pourquoi) que nous en mettions dans la nôtre. On bait cette eau-benite, on en asperge les maisons, on la répand chez tous les particuliers ; ensuite le lendemain jour de l'épiphanie, les papas font encore de l'eau-benite nouvelle qui s'emploie à benir les églises prophanées et à exorciser les possédés.

Les prélats arméniens ne font de l'eau-benite qu'une fois l'année ; et ils appellent cette cérémonie le baptême de la croix, parce que le jour de l'épiphanie ils plongent une croix dans l'eau, après avoir récité plusieurs oraisons. Dès-que l'eau-benite est faite, chacun en emporte chez soi ; les prêtres arméniens, et surtout les prélats, retirent de cette cérémonie un profit très-considérable.

Il y avait parmi les Hébreux une eau d'expiation dont parle le chap. xjx. du livre des nombres. On prenait de la cendre d'une vache rousse, on mettait cette cendre dans un vase où l'on jetait de l'eau, avec laquelle on faisait des aspersions dans les maisons, sur les meubles, et sur les personnes qui avaient touché quelque chose d'immonde. Telle est apparemment l'origine de benir avec de l'eau, vers le temps de pâques, dans quelques pays catholiques, les maisons, les meubles, et même les aliments.

Enfin les Payens avaient aussi leur eau sacrée. Voyez l'article EAU LUSTRALE.

Il est assez vraisemblable, comme le prétend le P. Carmeli, que la connaissance qu'on avait des vertus de l'eau, engagea les hommes à s'en servir pour les cérémonies religieuses. Ils observent que cet élément entretenait, nourrissait et faisait végéter les plantes ; ils lui trouvèrent la propriété de laver, de nettoyer et de purifier les corps. Ils regardèrent en conséquence les fleuves, les rivières et les fontaines, comme des symboles de la divinité ; ils portèrent dès-lors jusqu'à l'idolatrie le respect qu'ils avaient pour l'eau, et lui offrirent un encens sacrilège. Enfin elle fut employée dans les rits sacrés presque par tous les peuples du monde ; et cet usage est venu jusqu'à nous. Il ne faut donc point douter que l'eau d'expiation des Juifs, l'eau lustrale des Payens, et l'eau-benite des Chrétiens, ne partent du même principe ; mais l'application en est bien différente, puisque nous ne sommes ni Juifs ni Payens. Article de M. le Chevalier DE JAUCOURT.