S. f. (Physique) petite portion de fluide détachée du reste.

La forme sphérique que prennent les gouttes des fluides, n'a pas laissé que d'embarrasser les Philosophes. L'explication que l'on en donnait autrefois, était que la pression égale et uniforme du fluide environnant ou de l'atmosphère, obligeait les gouttes à prendre cette figure ; mais cette raison n'est plus recevable depuis que nous savons que le même phénomène a lieu dans le vide, comme en plein air.

Les philosophes Newtoniens l'attribuent à l'attraction, laquelle étant mutuelle entre les parties du fluide, les concentre, pour ainsi dire, et les rapproche les unes des autres aussi près qu'il est possible ; ce qui ne saurait arriver, sans qu'elles prennent une forme sphérique.

Voici comme s'explique sur ce sujet M. Newton : Guttae enim corporis cujusque fluidi, ut figuram globosam inducère conentur, facit mutua partium suarum attractio ; eodem modo quo terra mariaque in rotunditatem undique conglobantur, partium suarum attractione mutuâ, quae est gravitas. Opt. page 338. Voyez ATTRACTION.

En effet, si on imagine plusieurs corpuscules semblables qui s'attirent mutuellement, et qui par leur attraction se joignent les uns aux autres, ils doivent nécessairement prendre la figure sphérique, puisqu'il n'y a point de raison pourquoi un de ces corpuscules sera placé sur la surface de la goutte d'une autre manière que tout autre corpuscule, et que la figure sphérique est la seule que la surface puisse prendre pour que toutes les parties du fluide soient en équilibre. Quoique cette explication soit plausible, du-moins en admettant le principe de l'attraction, cependant il ne faut pas abuser de ce principe pour expliquer le phénomène de l'adhérence des particules fluides. Voyez ADHERENCE et COHESION. (O)

GOUTTE et GOUTTES, (Pharmacie). La goutte est la plus petite mesure des liquides.

Le poids d'une goutte est évalué par approximation à un grain. On conçoit que ce poids doit varier selon la pesanteur spécifique ou la tenacité de chaque liquide.

On prescrit par gouttes les liqueurs qu'on emploie à très-petite dose pour l'usage intérieur ; telles que les baumes, les huiles essentielles, les élixirs, les mixtures, les esprits alkalis volatils, certaines teintures.

Quelques liqueurs composées de cette classe, ont tiré de cet usage d'être ordonnées par gouttes le nom de gouttes. C'est sous ce nom que les mixtures magistrales qui agissent à très-petite dose, sont ordonnées communément, quoique l'on puisse déterminer par gros, et même par cuillerées, la quantité de ce remède excédent trente ou quarante gouttes.

C'est cette forme de remède qui est appelée dans Gaubius (method. concinnandi formulas medicament.) mixtura contracta ; et dans Juncker (consp. therap. gen.) mixtura concentrata.

On trouve dans les pharmacopées plusieurs compositions sous le nom de gouttes. Celle de Paris en renferme deux : savoir, les gouttes d'Angleterre anodynes, et les gouttes d'Angleterre céphaliques.

Gouttes d'Angleterre anodynes. Prenez d'écorce de sassafras, de racine de cabaret, de chacun une once ; de bois d'aloès demi-once ; d'opium choisi deux gros ; de sels volatils de crane humain et de sang humain, de chacun demi-gros ; d'esprit-de-vin rectifié une livre : digérez à une chaleur douce pendant vingt jours, décantez et gardez pour l'usage dans un vaisseau fermé.

L'opium est dans cette préparation environ une quarante-huitième partie du tout ; par conséquent il faut en donner deux scrupules ou environ cinquante gouttes, pour avoir un remède narcotique répondant à un grain d'opium.

Gouttes d'Angleterre céphaliques. Prenez de l'esprit volatil de soie crue avec son sel, quatre onces ; d'huîle essentielle de lavande un gros ; d'esprit-de-vin rectifié demi-once : faites digérer pendant vingt-quatre heures, et distillez doucement au bain-marie jusqu'à ce qu'il s'élève de l'huîle ; gardez pour l'usage. Voyez à l'art. suivant un procédé un peu différent.

Ce n'est ici proprement qu'un esprit volatil aromatique huileux ; il ne diffère de celui qu'on trouve sous ce nom générique dans la pharmacopée de Paris, qu'en ce que sa composition est beaucoup plus simple que celle de celui-ci, et qu'on y emploie un alkali volatil plus gras, celui de soie, au lieu de celui de sel ammoniac ; mais ces différences ne sont point essentielles quant aux vertus médicinales. V. ESPRIT VOLATIL AROMATIQUE HUILEUX. (b)

GOUTTES de Goddard, (Chimie) remède chimique qui a fait autrefois beaucoup de bruit, et qui a été fort vanté pour les vertus qu'on lui attribuait dans les faiblesses, l'assoupissement, la léthargie, l'apoplexie, et autres maladies aussi graves.

Goddard son inventeur exerçait la Médecine à Londres avec réputation sous le règne de Charles II. Ce prince eut bien de la peine à obtenir de lui son secret pour vingt-cinq mille écus ; mais enfin il le lui vendit cette somme par respect et par égard : c'est ce qui a fait donner à ce remède en France le nom de gouttes d'Angleterre, qu'on appelait dans le pays gouttes de Goddard.

Charles II. ne tarda pas à communiquer à ses médecins la composition des gouttes de Goddard ; cependant elle a été longtemps un mystère, connu seulement de quelques anglais qui le cachaient aux étrangers. Mais Lister célèbre par divers ouvrages, persuadé que cette jalousie de nation est ennemie du genre humain, découvrit la préparation à M. de Tournefort, qui l'a rendue publique. La voici.

Prenez de la soie crue, remplissez-en une cornue luttée ; donnez-y un feu doux, il en sortira un phlegme, un sel volatil, et une huîle qui se fige comme du beurre. Prenez quatre onces de sel volatil, une dragme d'huîle de lavande et huit onces d'esprit-de-vin ; mettez le tout dans une petite cornue de verre, adaptez-y un récipient, luttez les jointures ; placez-la sur le feu de sable, le sel passera d'abord en forme seche ; ensuite viendra l'esprit éthéré de lavande et de vin imprégné du sel volatil : voilà les gouttes de Goddard.

Ces gouttes ne sont donc que l'esprit volatil de soie crue, rectifié avec l'huîle essentielle de lavande ; et M. de Tournefort a trouvé par expérience qu'elles n'ont aucun avantage sur les préparations de la corne de cerf et du sel ammoniac, si ce n'est par une odeur plus supportable.

Cependant leur préparation nous apprend comment il faut faire les sels volatils huileux. En effet, au lieu de sel de la soie, on peut se servir de sel ammoniac et du tartre en parties égales. On met le mélange dans une cucurbite de verre ou de grès ; on y verse de bon esprit-de-vin jusqu'à ce qu'il surpasse la matière de quatre doigts ; on brouille les matières, on ajuste un chapiteau et un récipient à la cucurbite, on lutte les jointures, on pose le vaisseau sur le sable ; on lui donne un feu leger durant deux ou trois heures, il vient un sel et un esprit ; lorsqu'il ne sort plus rien, on délute les vaisseaux, on met le sel volatil dans une cucurbite ; sur une once, on verse deux dragmes de quelque essence aromatique, on remue la matière, on adapte un chapiteau à la cucurbite avec un récipient, on lutte les jointures, on pose cette cucurbite sur le sable ; on lui donne un petit feu, il s'élevera un sel volatil ; et alors vous laisserez refroidir le vaisseau pour retirer votre sel.

Ces sels volatils huileux passèrent dans les commencements pour des panacées, de sorte qu'on les multiplia de tous côtés. De-là vinrent plusieurs sortes de liqueurs ou de teintures qu'on appela indistinctement gouttes d'Angleterre, et que l'on confondit souvent au grand préjudice des malades, puisque les unes étaient de simples mélanges de sels ou esprits volatils et d'essences aromatiques, et les autres étaient des mélanges de teinture d'opium distillé, et de quelques esprits volatils. Or on sent bien que les opérations de ces deux différents remèdes, sous le même nom, devaient être très-différentes. Aujourd'hui les gouttes d'Angleterre ou de Goddard ont fait place à d'autres remèdes du même genre, sel d'Angleterre, teinture de karabé, esprit-de-sel ammoniac, et plusieurs autres semblables à qui l'on donne tous les jours de nouveaux noms pour renouveller leur débit ; et cette ruse ne manquera jamais de succès. (D.J.)

GOUTTE, parmi les Horlogers ; c'est une petite plaque ronde convexe d'un côté, et plate ou concave de l'autre ; on l'appelle aussi quelquefois goutte de suif. Dans une montre la goutte de la grande roue sert à la maintenir toujours contre la base de la fusée. Cette goutte est souvent carrée, pour qu'on puisse la prendre avec des pincettes, et l'enfoncer avec force sur l'arbre de la fusée. Elle est ordinairement noyée dans la petite creusure de la grande roue, qui est opposée à celle où est l'encliquetage. Voyez FUSEE, GRANDE ROUE, etc. Voyez nos Planches de l'Horlogerie, et leur explication. (T)