S. f. (Physique) n'est autre chose qu'un brouillard qui s'élève fort haut dans l'athmosphère.

Les nuées s'élèvent dans notre athmosphère à différentes hauteurs. On en voit quelquefois qui sont suspendues les unes au-dessus des autres, et qui paraissent fort distinctes, ce qui dépend surtout de la différence de leur pesanteur spécifique, qui les tient en équilibre avec un air plus ou moins dense. On connait qu'elles sont suspendues les unes au-dessus des autres par les différentes routes qu'elles prennent, étant portées les unes plus haut, les autres plus bas, sans se mêler ensemble. Il parait que les plus hautes nuées s'élèvent rarement au-dessus de la hauteur du sommet des plus hautes montagnes ; car on voit ordinairement de loin, que ces sommets s'élèvent au-dessus des nuées. 2°. Nous apprenons de divers observateurs qui ont été sur les plus hautes montagnes, qu'ils ont toujours Ve les nuées flotter au dessous d'eux, sans avoir jamais remarqué qu'elles se trouvassent au-dessus de leurs têtes. Riccioli a calculé que les plus hautes nuées ne s'élèvent jamais à la hauteur de 5000 pas. Peut-être y a-t-il cependant quelques exhalaisons subtiles qui montent beaucoup plus haut.

Les nuées changent continuellement de grandeur et de figure, car l'air dans lequel elles sont suspendues, n'est presque jamais calme. Elles diffèrent beaucoup en grandeur, car les unes sont petites, les autres fort grosses ; et on peut hardiment établir avec M. Mariotte, qu'il y en a qui ont un mille de longueur, et même un mille en carré. Il s'en trouve qui ont beaucoup d'épaisseur, ou beaucoup de diamètre en hauteur, comme on peut le conclure de la pluie qui en tombe. Il me souvient, dit M. Musschenbroeck, d'avoir observé que dans un temps d'orage, il tomba en pluie d'une nuée, un pouce d'eau en hauteur dans l'espace d'une demi-heure, d'où l'on peut conclure que cette nuée avait du moins 100 pieds d'épaisseur ; cependant toute la nuée ne tomba pas, mais il parut qu'il en était resté bien autant qu'il en était tombé en pluie.

Le vent fait quelquefois avancer les nuées avec une si grande rapidité, qu'elles font 2 à 3 lieues en une heure. Il arrive assez souvent qu'elles se mettent en pièces, et se dispersent de telle manière qu'elles disparaissent entièrement : de-là vient que le ciel est quelquefois serein et clair, lors même qu'il fait une violente tempête.

Les nuées se dissipent aussi, lorsque l'air dans lequel elles sont suspendues, devient plus pesant, car elles sont alors obligées de s'élever plus haut, pour être en équilibre avec un air plus raréfié, et alors à mesure qu'elles montent à-travers un air plus pur, qui en dissout quelques parties avec lesquelles il se mêle, elles diminuent et se dissipent insensiblement.

Les nuées paraissent de diverses couleurs, mais elles sont ordinairement blanches, lorsqu'elles réfléchissent la lumière telle qu'elle vient du soleil sans la séparer en ses couleurs. On voit aussi lorsqu'il tonne, des nuées brunes et obscures, qui absorbent la lumière qu'elles reçoivent et n'en réfléchissent presque rien. Les nuées paraissent rouges le matin lorsque le soleil se leve, et le soir lorsqu'il se couche ; et celles qui se trouvent plus proches de l'horizon, paraissent violettes, et deviennent bientôt après de couleur bleue. Ces couleurs dépendent de la lumière, qui pénètre dans les globules de vapeur transparentes, et qui venant à se réfléchir, sort par un autre côté, et se sépare en ses couleurs, dont la rouge vient d'abord frapper notre vue, ensuite la violette, puis la bleue, suivant la différente hauteur du soleil. Ces couleurs se forment à-peu-près de la même manière que celles de l'arc-en-ciel.

L'usage des nuées est fort considérable.

1°. Elles soutiennent et contiennent la matière dont la pluie est formée. En effet, comme elles se forment le plus au-dessus de la mer, et qu'elles sont ensuite emportées par les vents en différentes contrées, elles peuvent alors servir à humecter la terre, à l'aide de la pluie qui en tombe, et dont elles fournissent elles-mêmes la matière. Ce qui nous fait connaître la sagesse infinie du Créateur, qui a remédié par-là à un grand inconvénient ; car si les rivières et les lacs ne se débordaient pas, la terre ne manquerait pas de se dessécher et de devenir stérile, sans le secours des nuées et de la pluie, qui rendent par-tout la terre fertile.

2°. Les nuées couvrent la terre en différents endroits, et la défendent contre la trop grande ardeur du soleil qui pourrait la dessécher et la bruler. Par-là toutes les plantes ont le temps de préparer les sucs dont elles se nourrissent ; au-lieu qu'autrement elles se seraient développées beaucoup trop tôt par la chaleur du soleil, et plusieurs de leurs vaisseaux se seraient trop dilatés, ce qui les aurait mis hors d'état de pouvoir recevoir leur nourriture.

3°. Les nuées semblent être une des principales causes des vents libres qui soufflent de toutes parts, et qui sont d'une très-grande utilité.

Cet article est tiré en entier de l'essai de Physique de M. Musschenbroeck, pag. 749. et suiv.

NUEE, COLOMNE DE, (Critique sacrée) les Israèlites en sortant d'Egypte furent toujours conduits dans le désert par une colomne de nuée pendant le jour, laquelle devenait colomne de feu pendant la nuit. Cette colomne était d'ordinaire à la tête de l'armée des Israèlites ; mais quand ils furent arrivés sur le bord de la mer Rouge, elle vint se placer entre le camp des Israèlites et celui des Egyptiens, qui les poursuivaient. Cette nuée continua toujours depuis à suivre le peuple dans le désert : l'ange du Seigneur gouvernait les mouvements de cette nuée ; et elle servait de signal pour camper et décamper, en sorte que le peuple s'arrêtait dans l'endroit où elle se fixait, et ne partait que lorsqu'elle se levait. Ce récit de la colomne de nuée et de feu, se trouve dans l'Exode, ch. XIIIe Ve 20 et 21. ch. 40. Ve 34 et 35. et plus au long dans les Nombres, ch. ix. 15. 22.

Un critique moderne a fait un savant mémoire pour prouver que cette colomne de nuée et de feu ne doit pas être interprétée miraculeusement, et qu'elle ne désigne qu'un signal pour diriger la marche des Israèlites dans le désert. Comme la dissertation de ce critique est très-rare, et écrite dans une langue étrangère, on sera peut-être bien aise d'en trouver ici l'analyse.

Le critique anglais dont je parle, commence par observer que le style de l'ancien Testament est extrêmement hyperbolique, non-seulement dans les livres poétiques, mais aussi dans ceux qui sont écrits en prose. Tout ce qui est beau en son genre, est attribué à Dieu. Un puissant prince ou un patriarche, comme Abraham, est nommé un patriarche de Dieu ; Ninive est appelée une ville grande à Dieu ; une armée nombreuse, l'armée de Dieu ; de hautes montagnes, les montagnes de Dieu ; un profond sommeil, un sommeil du Seigneur ; une vive crainte, la crainte du Seigneur, etc. Ces préliminaires suffisent pour l'intelligence de quelques expressions qui se rencontrent dans le récit de Moïse sur la colomne de nuée et de feu ; qui conduisit l'armée des Israèlites dans le désert.

Dans les pays peuplés la route des armées est dirigée par des colomnes militaires, par des portes, des rivières, collines, villes, villages, châteaux, etc. Mais dans des déserts, il est nécessaire qu'un guide général précéde le gros d'une armée pour qu'elle ne s'égare pas, et qu'elle puisse savoir quand il saut camper, décamper, ou faire halte. Le feu est un signal qui peut servir à indiquer ces choses en tout temps. Par le moyen de ce signal, l'armée des Israèlites pouvait savoir parfaitement, s'il fallait qu'elle s'arrêta ou non ; et c'est ce signal qu'il faut entendre par la colomne de nuée et de feu, qui guidait le peuple juif dans le désert.

Comme la flamme et la fumée montent en haut, on leur a donné le nom de colomne, non-seulement dans l'Ecriture, mais dans les auteurs profanes ; il y en a de bonnes preuves dans Quinte-Curce, liv. V. ch. XIIIe Pline, liv. II. ch. xix. Lucrèce, lib. VI. Ve 425 et 432. Le prophète Ezéchiel, ch. VIIIe XIe ch. Xe iv. parle d'une nuée de parfum ; et pour citer encore un passage plus formel, on lit dans les Juges, ch. xx. xl. que la fumée commença à monter comme une colomne.

Lorsque les Israèlites sortirent d'Egypte, ils formaient une armée et marchaient en ordre de bataille, dit l'Exode en plusieurs endroits, ainsi que les nombr. ch. xxxiij. Ve 1. Leur première station fut à Ramesès ; la seconde à Succoth, la troisième à Etham : le pays ayant été jusques-là praticable, ils n'eurent besoin d'aucun signal pour diriger leurs marches. Mais le désert de la mer Rouge commençait à Etham, comme le dit l'Exode, 13. 18. et de l'autre côté était encore un désert affreux ; ainsi les Israèlites avaient alors un besoin indispensable d'un feu pour signal et pour guide. Ce feu était dans une machine élevée au haut d'une perche ; un officier le portait devant la première ligne de l'armée. Ce signal dirigeait d'autres signaux semblables, qu'on multipliait, suivant les besoins et le nombre de troupes. Quand le tabernacle fut fait, on plaça le principal signal de feu au haut de cette tente où Dieu était présent, par ses symboles et ses ministres.

Pendant que ce feu était au haut du tabernacle, les Israèlites continuaient de séjourner dans leur camp. Toutes les fois qu'on l'ôtait, soit de nuit, soit de jour, ils décampaient et le suivaient. Ce signal était en usage parmi d'autres nations, particulièrement chez les Perses. Alexandre emprunta d'eux cette coutume : il y a un passage de Quinte-Curce, l. V. ch. IIe tout à fait semblable à celui de Moïse. Ce passage est trop curieux pour ne le pas rapporter ici. Tuba, cum castra movère vellet Alexander, signum dabat, cujus sonus plerumque tumultuantium fremitu haud satis exaudiebatur. Ergo perticam (une perche) quae undique conspici posset, suprà praetorium statuit, ex quâ signum eminebat pariter omnibus conspicuum ; observabatur ignis noctu, fumus interdiu. Quinte-Curce, l. III. c. IIIe décrit la marche de Darius contre Alexandre ; l'on y peut voir que la marche des Israèlites et des Perses était fort semblable.

Clément d'Aléxandrie rapporte de Thrasibule, que rappelant de Philas les exilés à Athènes, et ne voulant pas être découvert dans la marche, prit des chemins qui n'étaient pas battus. Comme il marchait la nuit, et que le ciel était souvent couvert de nuages, une colomne de feu lui servait de guide. Ce fut à la faveur de ce phénomène, qu'il conduisit sa troupe jusqu'à Munychia, où cette colomne cessa de paraitre, et où l'on voit encore, dit Clément, l'autel du phosphore.

Ce père de l'église allégue ce fait, pour rendre probable aux Grecs incrédules, ce que l'Ecriture dit de la colomne qui conduisit les Israèlites. Voilà donc Clément d'Alexandrie qui ne faisait point un miracle de la colomne de nuée et de feu qui conduisait les Israèlites dans le désert.

" Elle vint, dit l'Ecriture, entre le camp des Egyptiens et celui des Israèlites. Aux uns, elle était obscurité ; et aux autres, elle éclairait de nuit " ; c'était un stratagème de marche pour tromper les Egyptiens, et ce stratagème a été mis en usage par d'autres peuples, ainsi qu'on peut le prouver par un exemple tout à fait semblable, tiré du 3e. l. de la Cyropédie de Xénophon. D'ailleurs, comme les Egyptiens ne furent point étonnés de cette nuée, il s'ensuit qu'ils ne la regardèrent pas pour être un phénomène extraordinaire et miraculeux.

Il est vrai que l'Ecriture dit, Exode XIIIe 20. et le Seigneur marchait devant eux ; mais ces paroles signifient seulement, que Dieu marchait devant les Israèlites par ses ministres. Les ordres de Moïse, d'Aaron, de Josué et autres, sont toujours attribués à Dieu, suprême monarque des Israèlites. Il est dit aux Nomb. 10. 12. que les Israèlites partirent, suivant le commandement du Seigneur, déclaré par Moïse : ces paroles montrent bien que Moïse disposait de la nuée.

Enfin, l'ange du Seigneur, dont il est ici parlé, était le guide de l'armée ; il se nommait Hobab beau-frère de Moïse, était né, avait vécu dans le désert, et par conséquent en connaissait toutes les routes. Aussi ses actions très-naturelles justifient que ce n'était point un vrai ange. Le mot hébreu traduit par ange, n'a pas une signification moins étendue, que celle du mot grec . Il est dit, par exemple, dans le second livre des Juges, 1. 5. qu'un ange du Seigneur monta de guilgal en bokim, etc. tous les interprêtes conviennent que cet ange du Seigneur qui monta de guilgal en bokim, n'était qu'un homme, un prophète ; mais il n'est pas besoin de nous étendre davantage sur ce sujet(D.J.)

NUEE, (Terme de Lapidaire) il se dit des parties sombres qui se trouvent assez souvent dans les pierres précieuses, qui en diminuent la beauté et le prix.