S. m. (Physique générale) phénomène singulier du flux de la mer que l'on observe entre Macapa et le cap-Nord, dans l'endroit où le grand canal du fleuve se trouve le plus resserré par les iles, et surtout vis-à-vis de la grande bouche de l'Arawary, qui entre dans l'Amazone du côté du nord.

Pendant les trois jours les plus voisins des pleines et des nouvelles lunes, temps des plus hautes marées, la mer au lieu d'employer près de six heures à monter, parvient en une ou deux minutes à sa plus grande hauteur : on juge bien que cela ne se peut passer tranquillement. On entend d'une ou de deux lieues de distance un bruit effrayant qui annonce le pororoca ; c'est le nom que les Indiens de ces cantons donnent à ce terrible flot. A mesure qu'il approche, le bruit augmente, et bientôt l'on voit s'avancer une masse d'eau de 12 à 15 pieds de haut, puis une autre, puis une troisième, et quelquefois une quatrième qui se suivent de près, et qui occupent toute la largeur du canal ; cette lame chemine avec une rapidité prodigieuse, brise et rase en courant tout ce qui lui résiste. On a Ve en plusieurs endroits des marques de ses ravages, de très-gros arbres déracinés, des rochers renversés, la place d'un grand terrain récemment emporté. Partout où elle passe, le rivage est net comme s'il eut été balayé. Les canots, les pirogues, les barques même n'ont d'autre moyen de se garantir de la fureur de la barre (c'est ainsi qu'on nomme le pororoca à Cayenne), qu'en mouillant dans un endroit où il y ait beaucoup de fond.

M. de la Condamine a examiné avec attention en divers endroits toutes les circonstances de ce phénomène, et particulièrement sur la petite rivière de Guama, voisine du Para. Il a toujours remarqué qu'il n'arrivait que proche de l'embouchure des rivières, et lorsque le flot montant et engagé dans un canal étroit rencontrait en son chemin un banc de sable, ou un haut fond qui lui faisait obstacle ; que c'était-là et non ailleurs que commençait ce mouvement impétueux et irrégulier des eaux, et qu'il cessait un peu au-delà du banc, quand le canal redevenait profond, ou s'élargissait considérablement. Il faut supposer que ce banc soit à-peu-près de niveau à la hauteur où atteignent les eaux vives, ou les marées de nouvelle et pleine lune. C'est à sa rencontre que le cours du fleuve doit être suspendu par l'opposition du flux de la mer, qui forme un courant opposé. C'est-là que les eaux arrêtées de part et d'autre doivent s'élever insensiblement tant que le courant peut soutenir l'effort du flux, et jusqu'à ce que celui-ci l'emportant, rompe enfin la digue, et déborde au-delà en un instant. On dit qu'il arrive quelque chose d'assez semblable aux îles Orcades au nord de l'Ecosse, et à l'entrée de la Garonne aux environs de Bordeaux, où l'on appelle cet effet des marées, le mascaret. Voyez MASCARET. (D.J.)