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Catégorie : Physique
S. f. en Physique, est une propriété de certains corps, qui les rend capables d'être battus, pressés, tirés, étendus sans se rompre, de manière que leur figure et leurs dimensions peuvent être considérablement altérées en gagnant d'un côté ce qu'elles perdent d'un autre.

Tels sont les métaux, qui gagnent en long et en large ce qu'ils perdent en épaisseur lorsqu'on les bat avec le marteau, ou bien qui s'allongent à mesure qu'ils deviennent plus minces et plus déliés, quand on les fait passer à la filière.

Tels sont aussi les gommes, les glus, les résines, et quelques autres corps que l'on appelle ductiles, quoiqu'ils ne soient pas malléables ; car si on les ramollit par l'eau, le feu, ou quelque menstrue, on peut les tirer en filets.

Par conséquent l'on a deux classes de corps ductiles, dont l'une est composée de corps durs, et l'autre de corps souples ou qui obéissent au toucher : nous allons donner quelques remarques sur chacune de ces espèces.

La cause de la ductilité est très-obscure, parce qu'elle dépend en grande partie de la dureté, dont la cause est une de celles que nous connaissons le moins. Il est vrai qu'ordinairement on rend raison de la dureté, en l'attribuant à la force d'attraction entre les particules des corps durs, et que l'on déduit la ductilité de la flexibilité des parties du corps ductile, qui sont parallèlement unies les unes aux autres ; mais ces hypothèses ne sont guère satisfaisantes : car 1°. il ne parait pas que l'attraction des parties de la matière, quoiqu'établie par différentes expériences, puisse servir à rendre raison de la dureté, puisqu'en supposant des particules de matière qui s'attirent, il restera encore à savoir si ces particules sont dures ou non, et on retombera dans la question de la dureté primitive, question qui parait au-dessus de la portée de notre esprit : 2°. à l'égard de la ductilité, ce n'est point l'expliquer que de l'attribuer à la flexibilité des corps, puisqu'on demandera de nouveau d'où vient cette flexibilité. Voyez DURETE, COHESION, etc.

Au lieu de ces hypothèses imaginées pour expliquer la ductilité, nous allons entretenir ici notre lecteur de quelques expériences curieuses et surprenantes sur les corps ductiles, en prenant nos exemples dans l'or, le verre, la toîle d'araignée.

Ductilité de l'or. Une des propriétés de l'or, est d'être le plus ductîle de tous les corps : les Batteurs et les Tireurs d'or nous en fournissent un grand nombre d'exemples. Voyez OR. Le père Mersenne, M. Rohault, M. Halley, etc. en ont fait la supputation, mais ils se sont appuyés sur les rapports des ouvriers. M. de Reaumur, dans les mémoires de l'académie royale des Sciences en 1713, a pris une route plus sure : il en a fait l'expérience lui-même : il trouve qu'un simple grain d'or, même dans nos feuilles d'or communes, peut s'étendre jusqu'à occuper 36 pouces carrés 1/2 ; et une once d'or, qui mise en forme de cube n'est pas la moitié d'un pouce en épaisseur, longueur ou largeur, battue avec le marteau, peut s'étendre en une surface de 146 pieds carrés et 1/2, étendue près de la moitié plus grande que celle que l'on pouvait lui donner il y a 90 ans. Du temps du père Mersenne on regardait comme une chose prodigieuse, qu'une once d'or put former 1600 feuilles, lesquelles réunies ne faisaient qu'une surface de 105 pieds carrés.

Mais la distension de l'or sous le marteau, quoique très-considérable, n'est rien en comparaison de celle qu'il éprouve en passant par la filière. Il y a des feuilles d'or qui ont à peine l'épaisseur de 1/360000 de pouce ; mais 1/360000 partie d'un pouce est une épaisseur considérable, en comparaison de l'épaisseur de l'or filé sur la soie dans nos galons d'or.

Pour concevoir cette ductilité prodigieuse, il est nécessaire de donner à nos lecteurs quelque idée de la manière dont procedent les Tireurs d'or. Le fil que l'on appelle communément du fil d'or, et que tout le monde sait n'être autre chose qu'un fil d'argent doré ou recouvert d'or, se tire d'un gros lingot d'argent pesant ordinairement 45 marcs. On lui donne une forme de cylindre d'un pouce et demi environ de diamètre, et long de 22 pouces. On le recouvre de feuilles préparées par le Batteur d'or, les posant l'une sur l'autre, jusqu'à ce qu'il y en ait assez pour faire une épaisseur beaucoup plus considérable que celle de nos dorures ordinaires : et néanmoins dans cet état cette épaisseur est très-mince, comme il est aisé de le concevoir par la quantité d'or que l'on emploie à dorer les 45 marcs d'argent : deux onces en font ordinairement l'affaire, et fort souvent un peu plus qu'une. En effet, toute l'épaisseur de l'or sur le lingot excède rarement 1/400 ou 1/500 partie d'un pouce, et quelquefois elle n'en est pas la 1/1000 partie.

Mais il faut que cette enveloppe d'or si mince le devienne bien d'une autre manière. On fait passer successivement le lingot par les trous de différentes filières, toujours plus petites les unes que les autres, jusqu'à ce qu'il devienne aussi fin ou même plus fin qu'un cheveu. Chaque nouveau trou diminue le diamètre du lingot ; mais il gagne en longueur ce qu'il perd en épaisseur, et par conséquent sa surface augmente ; néanmoins l'or le recouvre toujours : il suit l'argent dans toute l'étendue dont il est susceptible ; et l'on ne remarque pas même au microscope qu'il en laisse à découvert la plus petite partie. Cependant à quel point de finesse doit-il être porté, lorsqu'il est tiré en un filet dont le diamètre est neuf mille fois plus petit que celui du lingot ?

M. de Reaumur, par des mesures exactes et un calcul rigoureux, trouve qu'une once de ce fil s'allonge à 3232 pieds, et tout le lingot à 1163520, mesure de Paris, ou 96 lieues françaises ; étendue qui surpasse de beaucoup ce que Mersenne, Rohault, Halley, etc. avaient imaginé.

Mersenne dit qu'une demi-once de ce fil est longue de 100 taises. Sur ce pied une once de ce fil ne s'étendrait qu'à 1200 pieds ; au lieu que M. de Reaumur la trouve de 3232. M. Halley dit que six pieds de fil ne pesent qu'un grain, et qu'un grain d'or s'étend jusqu'à 96 verges, et que par conséquent la dixmillième partie d'un grain fait plus d'un tiers de pouce. Il trouve que le diamètre du fil est une cent quatre-vingt-sixième partie d'un pouce ; et l'épaisseur de l'or une 154500me partie d'un pouce. Mais ce compte est encore au-dessous de celui de M. de Reaumur ; car sur ce principe l'once de fil ne devrait être que de 2680 pieds.

Cependant le lingot n'est pas encore parvenu à sa plus grande longueur, la plus grande partie de l'or trait est filé ou travaillé sur soie ; et avant de le filer on l'aplatit, en le faisant passer entre deux rouleaux ou roues d'un acier excessivement poli, ce qui le fait encore allonger de plus d'un septième. M. de Reaumur trouve alors que la largeur de ces petites lames ou plaques n'est que la huitième partie d'une ligne ou la 96e partie d'un pouce, et leur épaisseur une 3072e ; l'once d'or est alors étendue en une surface de 1190 pieds carrés ; au lieu que la plupart des batteurs d'or, ainsi que nous l'avons observé, ne l'étendent qu'à 146 pieds carrés.

Mais quelle doit être la finesse de l'or étendu d'une manière si excessive ? Suivant le calcul de M. de Reaumur, son épaisseur est la 175000me partie d'une ligne ou la 2100000me partie d'un pouce, ce qui n'est que la treizième partie de l'épaisseur déterminée par M. Halley ; mais il ajoute que cela suppose l'épaisseur de l'or par-tout égale, ce qui n'est pas probable ; car en battant les feuilles d'or, quelque attention que l'on y ait, il est impossible de les étendre également. C'est de quoi il est facîle de juger par quelques parties qui sont plus opaques que d'autres ; ainsi la dorure du fil doit être plus épaisse aux endroits où la feuille est plus épaisse.

M. de Reaumur supputant quelle doit être l'épaisseur de l'or aux endroits où elle est la moins considérable, la trouve seulement d'une 3150000me partie d'un pouce ; mais qu'est-ce qu'une 3150000me partie d'un pouce ? Ce n'est pourtant pas encore la plus grande ductilité de l'or ; car au lieu de deux onces d'or que nous avons supposées au lingot, on peut n'y employer qu'une seule once ; et alors l'épaisseur de l'or aux endroits les plus minces ne serait que la 6300000me partie d'un pouce.

Néanmoins quelque minces que soient les lames d'or, on peut les rendre deux fois plus minces, sans qu'elles cessent d'être dorées. En les pressant seulement beaucoup entre les roues, elles s'étendent au double de leur largeur, et proportionnellement en longueur ; de manière que leur épaisseur sera réduite enfin à une treize ou quatorze millionième partie d'un pouce.

Quelque effrayante que soit cette ténuité de l'or, il recouvre parfaitement l'argent qu'il accompagne. L'oeil le plus perçant et le plus fort microscope ne peuvent y découvrir le moindre vide ou la moindre discontinuité. Le fluide le plus subtil et la lumière elle-même ne peuvent y trouver un passage : ajoutez à cela que si l'on fait dissoudre dans de l'eau-forte une pièce de cet or trait ou de cet or laminé, on apercevra la place de l'argent toute excavée, l'argent ayant été dissous par l'eau-forte et l'or tout entier en forme de petits tubes.

Quant à la ductilité des corps qui ont de la mollesse, elle ne Ve pas à un degré si surprenant ; cependant le lecteur ne doit pas être surpris que, parmi les corps ductiles de cette classe, nous donnions la première place au verre, qui est de tous les corps durs le plus fragile.

Ductilité du verre. Tout le monde sait que quand le verre est bien pénétré de la chaleur du feu, les ouvriers peuvent le former et le façonner comme de la cire molle ; mais ce qu'il y a de plus remarquable, c'est qu'on peut le reduire en fils d'une finesse et d'une longueur excessive.

Nos fileurs ordinaires ne font pas leurs fils de soie, de lin, ou d'autres matières semblables, avec autant d'aisance et de célérité à beaucoup près que nos fileurs de verre qui travaillent sur une matière si fragile.

On a des plumets de cette matière pour orner la tête des enfants, on en fait d'autres ouvrages beaucoup plus fins que les cheveux, qui se plient, qui se courbent, qui flottent comme eux au moindre vent.

Il n'y a rien de plus simple ni de plus aisé que la méthode de faire cette sorte d'ouvrage. On y emploie deux ouvriers : le premier tient une extrémité d'un morceau de verre sur la flamme d'une lampe ; et quand la chaleur l'a amolli, un second ouvrier applique un crochet de verre au morceau en fusion ; retirant ensuite le crochet, il amène un filet de verre, qui est toujours adhérent à la masse dont il sort. Après cela approchant son crochet sur la circonférence d'une roue d'environ deux pieds et demi de diamètre, il tourne la roue aussi rapidement qu'il veut ; cette roue tire des filets qu'elle dévide sur sa circonférence, jusqu'à ce qu'elle soit couverte d'un écheveau de fil de verre, après un certain nombre de révolutions.

La masse qui est en fusion au-dessus de la lampe, diminue insensiblement, étant enveloppée, pour ainsi dire, comme un peloton sur la roue ; et les parties qui se refroidissent à mesure qu'elles s'éloignent de la flamme, deviennent plus cohérentes à celles qui les suivent, et ainsi de suite. Les parties les plus proches du feu sont toujours les moins cohérentes, et par conséquent elles cedent plus facilement à l'effort que fait le reste pour les tirer vers la roue.

La circonférence de ces filets est ordinairement une ovale plate, trois ou quatre fois aussi large qu'épaisse. Il y en a qui sont à peine plus gros que le fil d'un ver à soie, et qui ont une flexibilité merveilleuse.

De-là M. de Reaumur conclud que la flexibilité du verre croissant à proportion de la finesse des fils, si nous avions seulement l'art de tirer des fils aussi fins que ceux d'une toîle d'araignée, on en pourrait faire des étoffes et des draps propres à s'habiller.

M. de Reaumur a fait quelques expériences à ce sujet ; et il est parvenu à faire des fils assez fins, et à ce qu'il croit aussi fins que ceux d'une toîle d'araignée ; mais il n'a jamais pu les faire assez longs pour en fabriquer quelque chose. Voyez VERRE.

Ductilité des toiles d'araignée. L'auteur dont nous venons de parler, observe que la matière dont les araignées et les vers à soie font leurs fils, est fragîle quand elle est en masse, semblable aux gommes seches. A mesure qu'elle est tirée de leur corps, elle acquiert une consistance, de même que les fils de verre se durcissent à proportion qu'ils s'éloignent de la lampe, quoique par une cause différente.

La ductilité de cette matière et l'apprêt qu'elle demande, étant beaucoup plus extraordinaires dans les araignées que dans les vers à soie, nous nous arrêterons seulement ici à considérer la matière de la toîle d'araignée.

Vers l'anus de l'araignée il y a six mamelons ; on peut les voir à la vue simple dans les grosses araignées : les extrémités de ces différents mamelons sont percées de trous qui font la fonction de filières.

M. de Reaumur observe que dans une étendue égale à celle de la tête de la plus petite épingle, il y a un assez grand nombre de trous pour fournir une quantité prodigieuse de fils très-distincts. On connait l'existence de ces trous par leurs effets : prenez une grosse araignée de jardin toute prête à pondre ses œufs ; et appliquant le doigt sur une partie de ses mamelons, en le retirant, il emportera une quantité prodigieuse de différents fils.

M. de Reaumur dit qu'il en a remarqué plusieurs fois soixante-dix ou quatre-vingt avec un microscope ; mais il s'est aperçu qu'il y en avait infiniment plus qu'il ne pouvait dire. En avançant que chaque extrémité d'un mamelon en fournit mille, il est persuadé qu'il serait fort au-dessous de la réalité. Cette partie est divisée en une infinité de petites éminences, semblables aux yeux d'un papillon, etc. Il est hors de doute que chaque éminence fournit plusieurs fils ; ou plutôt entre ces différentes éminences il y a des trous qui donnent passage aux fils ; l'usage de ces éminences ou protubérances est, selon toute apparence, de faire qu'à leur première sortie les filets soient séparés avant que l'air les ait durcis. Ces protubérances ne sont pas si sensibles dans quelques araignées, mais en leur place il y a des touffes de poils qui font le même office, c'est-à-dire qui tiennent les filets séparés. Quoi qu'il en sait, il peut sortir des fils de plus de mille différents endroits dans chaque mamelon ; par conséquent l'araignée ayant six mamelons, elle a des trous ou des ouvertures pour plus de six mille fils. Ce n'est pas assez que ces ouvertures soient excessivement petites, mais les fils sont déjà formés avant d'arriver au mamelon, chacun d'eux ayant sa petite gaine ou canal dans lequel il est porté au mamelon d'assez loin.

M. de Reaumur les suit jusqu'à leur source, et il fait voir le mécanisme qui les produit. Vers l'origine du ventre il trouve deux petits corps mollets, qui sont la première source de la soie ; leur forme et leur transparence ressemblent à celles des larmes de verre, par le nom desquels nous les designerons dans la suite.

L'extrémité de chaque larme Ve en tournant ; elle fait une infinité de tours et de retours en allant vers le mamelon. De la base ou de la racine de la larme vient une autre branche beaucoup plus grosse, laquelle tournant de différentes manières forme différents nœuds, et prend son cours comme l'autre vers la partie postérieure de l'araignée. Dans ces larmes et dans leurs branches est contenue une matière propre à former la soie, si ce n'est qu'elle est trop molle.

Le corps de la larme est une espèce de réservoir, et les deux branches sont deux canaux qui en viennent. Un peu plus loin en arrière il y a deux autres larmes plus petites qui envoyent chacune de leur sommet une seule branche. Outre cela, il y a trois autres vaisseaux plus grands de chaque côté de l'araignée, que M. de Reaumur prend pour les derniers réservoirs où la liqueur vient s'amasser. La plus grosse extrémité de chacun est vers la tête de l'insecte, et la plus petite vers l'anus. Ils se terminent chacun en pointe ; et c'est des trois pointes de ces trois réservoirs que vient au moins la plus grande partie des fils qui sortent par les trois mamelons. Chaque réservoir fournit à un mamelon ; enfin à la racine des mamelons on aperçoit plusieurs tubes charnus ; probablement il y en a autant que de mamelons. Lorsque l'on enlève la membrane ou la pellicule qui semble recouvrir ces tubes, ils paraissent remplis de fils tous fort distincts les uns des autres, et qui par conséquent étant sous une enveloppe commune, ont chacun leur membrane particulière dans laquelle ils sont retenus comme des couteaux dans leur gaine. De la quantité immense des fils qui y sont contenus, M. de Reaumur conclud, en suivant leur cours, qu'ils ne viennent pas tous des pointes des réservoirs ; que quelques-uns viennent de tous les tours et de tous les angles, et même probablement de chacune de leurs parties. Mais il reste pourtant à découvrir par quels canaux la liqueur vient se rendre dans les grains, et de-là dans les réservoirs.

Nous avons déjà observé que le bout de chaque mamelon peut donner passage à plus de mille fils ; néanmoins le diamètre de ce mamelon n'excède pas la tête d'une petite épingle : mais nous ne considérions que les plus grosses araignées.

Si nous examinons les jeunes araignées, les araignées naissantes qu'elles produisent, nous verrons qu'elles n'ont pas plutôt quitté leur œuf, qu'elles commencent à filer : à la vérité on peut à peine apercevoir leurs fils ; mais les toiles qui en sont faites sont assez visibles. Elles sont fort souvent aussi épaisses et aussi serrées que celles des araignées ordinaires ; et cela ne doit pas surprendre ; il y a souvent quatre ou cinq cent petites araignées qui concourent au même ouvrage. Quelle doit être l'énorme petitesse des trous de leurs mamelons ? L'imagination peut à peine se représenter celle des mamelons même. La jeune araignée prise en entier, est plus petite qu'un des mamelons de la mère dont elle prend sa naissance. Il est facîle de s'en convaincre. Chaque araignée grosse ou enceinte pond quatre ou cinq cent œufs : ces œufs sont tous enveloppés dans un sac ; aussitôt que les jeunes araignées ont rompu leur sac ou leur enveloppe, elles se mettent à filer, Quelle doit être la finesse de leurs fils !

Cependant ce ne sont pas-là encore les bornes de la nature ; il y a des espèces d'araignées si petites à leur naissance, qu'on ne saurait les discerner qu'avec le microscope. On en trouve ordinairement une infinité en un peloton. Elles ne paraissent que comme une multitude de points rouges, il y a pourtant des toiles sous elles, quoiqu'elles soient presque imperceptibles. Quelle doit être la ténuité ou la finesse de l'un des fils de ces toiles ? le plus petit cheveu doit être à l'un de ces fils ce que la barre la plus massive est au fil d'or le plus fin, dont nous avons parlé ci-dessus.

On a observé que la matière dont les fils sont formés, est un suc visqueux ; les grains sont les premiers réservoirs où ce suc s'amasse, et l'endroit où il a le moins de consistance : il en a beaucoup plus quand il vient dans les six grands réservoirs où il est porté au moyen des canaux qui partent des premiers réservoirs ; il acquiert beaucoup de cette consistance dans son passage, une partie de l'humidité se dissipant en chemin, ou la secrétion s'en faisant par des organes destinés à cet usage.

Enfin la liqueur se seche encore plus et devient fil dans le trajet qu'elle fait par les canaux respectifs des mamelons. Quand ces fils paraissent d'abord au-dehors des trous, ils sont encore glutineux, tellement que ceux qui sortent par les trous voisins, s'attachent ensemble. L'air acheve de les sécher.

Tout cela se prouve en faisant bouillir une araignée plus ou moins, la liqueur acquiert plus ou moins de consistance, qui la rend propre à être tirée en fils ; car elle est trop fluide pour cet usage dans le temps qu'elle est renfermée dans ses réservoirs.

La matière contenue dans ces réservoirs, lorsqu'elle est bien seche, ressemble à une gomme ou à une glu transparente, qui casse lorsqu'on la plie beaucoup, semblable au verre, elle ne devient flexible qu'en la divisant en fils très-fins, et c'est probablement dans cette vue que la nature lui a destiné ce nombre de trous si immense. Voyez DIVISIBILITE. Voyez ARAIGNEE. Chambers. (O)




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