S. f. (Physique) météore aqueux que l'on peut distinguer en trois espèces, savoir la rosée qui s'élève de la terre dans l'air, la rosée qui retombe de l'air, et enfin la rosée que l'on aperçoit sous la forme de gouttes sur les feuilles des arbres et des plantes. Parcourons ces trois espèces. 1°. La rosée s'élève de la terre par l'action du soleil, pendant les mois de l'été ; le soleil ne produit pas ces effets du premier coup, mais insensiblement, car aussitôt qu'il parait au-dessus de l'horizon, il commence à échauffer la terre et y darde ses rayons, et sa chaleur continue de s'introduire plus profondément, jusqu'à une ou deux heures après son coucher ; c'est alors que la chaleur commence à s'arrêter, et qu'elle commence à remonter insensiblement.

On peut rassembler la rosée, en mettant le soir sur la terre, ou un peu au-dessus, des plaques de métal non polies, ou de grands disques de verre. Si, après qu'il a fait un jour fort chaud, on place ces plaques dans un endroit qui ait été bien éclairé du soleil, la vapeur qui s'élève de la terre se portera contre la surface inférieure et s'y attachera, et si on les pose un peu obliquement sur la terre, la rosée s'écoulera vers le bout inférieur, laissant après elle les traces qui marquent la route qu'elle a prise ; si au-contraire on place les plaques dans un endroit qui n'ait pas été éclairé du soleil, ou qui ne l'ait été que fort peu, il ne s'y amassera qu'une petite quantité de rosée.

Lorsqu'on est à la campagne, et qu'après un jour chaud, on vient à avoir une soirée froide, on voit sortir des canaux et des fossés la vapeur de l'eau, qui s'élève en manière de fumée ; cette vapeur ne se trouve pas plutôt à la hauteur d'un pied ou de deux, au-dessus de l'endroit d'où elle part, qu'elle se répand également de tous côtés ; alors la campagne parait bientôt couverte d'une rosée qui s'élève insensiblement ; elle humecte tous les corps sur lesquels elle tombe, et mouille les habits de ceux qui s'y promenent.

La rosée qui s'élève ne saurait être la même dans les différentes contrées de la terre. En effet la rosée se trouvera presque toute composée d'eau dans les pays aqueux, proche des lacs et des rivières, ou dans le voisinage de la mer ; mais si la terre est grasse, sulphureuse, pleine de bois, d'animaux, de poissons, de champs ensemencés, la rosée sera alors composée de diverses sortes d'huiles, de sels volatils, et d'esprits subtils des plantes ; si le terrain contient beaucoup de minéraux, la rosée sera aussi composée de semblables parties, comme l'observe M. Boèrhaave dans sa chimie. Il s'élève aussi beaucoup de rosée dans les pays humides et aqueux, et moins dans les lieux secs et arides, qui sont éloignés de la mer, des rivières ou des lacs ; ajoutons que la rosée ne monte pas toujours à la même hauteur ; la plus grande partie s'arrête fort bas, une autre partie s'élève dans l'athmosphère, jusqu'à une hauteur moyenne, et la moindre partie à une grande hauteur.

La rosée s'étant élevée jusqu'à une certaine hauteur, flotte lentement dans l'air ; tantôt elle monte, tantôt elle descend, entourant tous les corps qu'elle trouve à sa rencontre, et quelquefois elle retombe de l'air pour humecter la terre. Les philosophes ne s'accordent pas là-dessus, mais M. Musschenbroeck a fait diverses expériences à cet égard, qui ne permettent pas de douter de la chute de la rosée ; on peut les lire dans son essai de physique, §. 1535. Il a fait presque toutes ces expériences sur l'observatoire de Leyde, au haut duquel on trouve une large plateforme, où il a disposé en tout sens des morceaux d'étoffe, des tonnes, vases, cloches, etc. qui ont tous reçu de la rosée de l'air.

La rosée ne tombe pas indifféremment sur toutes sortes de corps ; cette assertion parait singulière, et l'habîle physicien que nous venons de citer, a remarqué que les différentes couleurs attirent la rosée avec une force inégale ; l'inégalité de leur force attractive dépend de la structure et de la grandeur des corps colorés.

Il ne tombe point de rosée lorsqu'il fait un gros vent, parce que tout ce qui monte de la terre, est d'abord emporté par le vent, et que tout ce qui s'est élevé dans l'air pendant le jour, est aussi arrêté et emporté par le vent. Voici quelques observations de M. Musschenbroeck sur ce sujet. " Quels sont les vents avec lesquels la rosée tombe, ou quels sont les vents qui précèdent pendant le jour, la chute de la rosée du soir ? J'ai souvent été surpris de voir tomber de la rosée avec un vent de nord, parce que ce vent étant froid dans ce pays, condense la terre, et en ferme les ouvertures ; elle ne tombe cependant pas si souvent, lorsque ce vent souffle, que lorsqu'il règne d'autres vents chauds, de sorte qu'on ne ramasse jamais tant de rosée, que lorsque le vent est sud, sud - ouest, et sud - est ; c'est ce qu'on remarquait aussi autrefois en Grèce ; car nous apprenons d'Aristote, qu'il y tombait de la rosée avec un vent de sud-est ; il n'est pas difficîle de rendre raison de ce phénomène ; le vent est chaud, il ouvre la terre, il échauffe les vapeurs qui s'élèvent alors en grande quantité, et peuvent par conséquent retomber avec abondance, etc. " Loc. cit. §. 1538.

Il tombe beaucoup de rosée dans le mois de Mai, parce que le soleil met alors en mouvement une grande quantité de sucs de la terre, et fait monter beaucoup de vapeurs. La rosée de Mai est plus aqueuse que celle de l'été, parce que la grande chaleur volatilise non-seulement l'eau, mais aussi les huiles et les sels.

Aristote, Pline, et d'autres, ont cru que la rosée tombait la nuit, parce que les étoiles et la lune la pressaient en bas ; et c'est pour cela que les philosophes qui sont venus ensuite, ont ajouté que la rosée tombait en très-grande abondance, lorsque la lune était pleine, et qu'elle luisait toute la nuit. Ils ont appelé la lune, la mère de la rosée, (Virg. géorg. l. III.) et la rosée, la fille de l'air et de la lune. (Plut. symp. 3.) Cependant on ramasse tout autant de rosée, et avec la même facilité, dans les nuits où la lune ne luit pas, qu'à la clarté de cet astre ; et quelle vertu pourraient avoir les rayons de lumière qui en partent, puisque si on les reçoit sur le plus grand miroir ardent, et qu'en les rassemblant dans le foyer, on les y condense cinq cent fois davantage, ils ne produisent pas le moindre effet sur le thermomètre le plus mobile. Voyez CHALEUR, LUNE, etc.

On peut distinguer la rosée d'avec la pluie ; 1°. parce que la pluie est une eau blanche et claire, au lieu que la rosée est jaune et trouble ; 2°. en ce que l'eau de pluie pure distillée, n'a ni odeur ni gout, au lieu que la rosée distillée a l'un et l'autre.

La troisième espèce de rosée dont nous avons à parler, porte ce nom abusivement ; il s'agit de ces gouttes aqueuses que l'on voit à la pointe du jour sur les feuilles des plantes et des arbres, après une nuit seche. On a cru que cette liqueur tombait de l'air, sur les plantes et sur l'herbe, où elle se trouve en si grande quantité, qu'on ne saurait traverser le matin une prairie, sans avoir les pieds tout mouillés. On se trompe fort à cet égard, car la rosée des plantes est proprement leur sueur, et par conséquent une humeur qui leur appartient, et qui sort de leurs vaisseaux excrétoires.

Tantôt on voit ces gouttes rassemblées proche la tige où commence la feuille, comme dans les choux et les pavots ; d'autres fois elles se tiennent sur le contour des feuilles et sur toutes les éminences, comme cela se remarque, surtout dans le cresson d'Inde ; quelquefois on les voit au milieu de la feuille proche de la côte ; elles se trouvent aussi assez souvent sur le sommet de la feuille, comme dans l'herbe des prés, etc. L'origine de cette rosée peut s'expliquer ainsi, selon M. Musschenbroeck. Lorsque le soleil échauffe la terre pendant le jour, et qu'il met en mouvement l'humidité qui s'y trouve, elle s'élève et s'insinue dans les racines des plantes contre lesquelles elle est portée ; après que cette humidité s'est une fois introduite dans la racine, elle continue de monter plus haut, passant par la tige dans les feuilles, d'où elle est conduite par les vaisseaux excrétoires, sur la surface, où elle se rassemble en grande quantité, tandis que le reste demeure dans la plante ; mais cette humidité se desseche d'abord pendant le jour par la chaleur de l'air, de sorte qu'on n'en voit point du tout pendant le jour sur les feuilles, et comme il ne retourne alors que peu de liqueur dans la tige et vers la racine, toutes les plantes paraissent se faner en quelque sorte vers le milieu du jour ; les liqueurs qui ont été échauffées continuent de se mouvoir dans la terre pendant la nuit, elles viennent se rendre de même que pendant le jour contre les racines des plantes, elles y entrent tout comme auparavant, et s'élèvent ensuite en haut ; mais les plantes se trouvent alors toutes entourées d'un air plus froid, lequel desseche moins les humeurs, ainsi les sucs qui s'écoulent des vaisseaux excrétoires, et qui ne se dessechent pas après en être sortis, se rassemblent insensiblement, et prennent la forme de gouttes, qui sont le matin dans toute leur grosseur, à moins qu'elles ne soient dissipées par le vent, ou dessechées par la chaleur du soleil levant.

Comme ce sentiment est nouveau, le même physicien, que nous avons cité dans tout cet article, s'est attaché à le prouver par diverses expériences très-exactes, qu'il rapporte §. 1533. de son essai de physique.

La rosée est saine ou nuisible aux animaux et aux plantes, selon qu'elle est composée de parties rondes ou tranchantes, douces ou âcres, salines ou acides, spiritueuses ou oléagineuses, corrosives ou terrestres ; c'est pour cela que les médecins attribuent à la rosée diverses maladies. Vossius, d'après Thomas Cantipratensis, dans son livre sur les abeilles, avertit les bergers de ne pas mener paitre leurs troupeaux de grand matin dans les champs qui se trouvent couverts de rosée, parce que la rosée, qui est extrêmement subtile, s'insinue dans les viscères, qu'elle met le ventre en mouvement par sa chaleur, et qu'elle le purge avec tant de violence, que mort s'ensuit quelquefois. L'avis de Pline, liv. XVIII. c. xxix. ne parait pas bien fondé ; il veut que pour empêcher la rosée d'être nuisible aux terres ensemencées, on mette le feu au bois, à la paille et aux herbes de la campagne ou des vignes, parce que cette fumée préviendra tout le mal qui pourrait arriver ; mais cette fumée ne saurait produire aucun bon effet, si ce n'est dans les endroits où il y a des vapeurs et des exhalaisons acides, qui se trouvent alors tempérées par ce qu'il y a d'alkali dans la fumée. On dit que la rosée oléagineuse est fort mal-saine, surtout pour les bestiaux, et l'on a observé que l'année est fort stérile, lorsqu'il tombe beaucoup de cette rosée. On prétend que dans une certaine année, les noyers en moururent en Dauphiné, et que les feuilles des autres plantes en étaient comme brulées, de même que le blé et la vigne ; mais on doit moins attribuer cette malignité à la rosée, qu'à la trop grande chaleur du soleil. Cet article est de M. Formey, qui l'a tiré des Essais de physique de M. Musschenbroeck, déjà cité plusieurs fois dans cet article.

ROSEE, (Chimie et Médecine.) Les Chymistes ont longtemps supposé et cherché dans la rosée des principes merveilleux, des émanations précieuses de tous les règnes de la nature, et de la panspermie de l'athmosphère (voyez PANSPERMIE), qu'ils ont crues éminemment propres à ouvrir certains corps, à les altérer diversement, à les imprégner, à les enrichir de qualités nouvelles, etc. C'est dans ces vues que les Chymistes l'ont recueillie avec soin, et quelquefois même avec des circonstances mystérieuses ; qu'ils l'ont digérée, distillée, fermentée, etc. et qu'ils l'ont ensuite employée à diverses extractions, teintures, etc. qu'ils ont exposé divers corps à son influence, etc. C'est de-là qu'est venue à la chimie pharmaceutique la méthode de préparer le safran de Mars à la rosée, et même à la rosée de Mai, sottise exigée encore avec cette dernière circonstance chez beaucoup de pharmacologistes modernes.

L'action de la rosée bien évaluée dans ses diverses opérations et dans ses usages pour quelques arts, comme pour le blanchissage de la toîle et celui de la cire, a prouvé évidemment aux chymistes modernes que la rosée n'opérait dans tous ces cas que comme eau ; et que toutes les différences qu'on pouvait observer entre les effets de l'eau commune et ceux de la rosée, s'expliquaient très-bien par la diverse forme d'application, savoir en ce que l'eau commune s'employait ordinairement sous la forme de masse ou de volume considérable, longtemps subsistant sur les corps auxquels on l'appliquait, et que la rosée ne s'appliquait à ces corps que sous la forme de gouttes, de molécules disgrégées, ou tout au plus de couche très-légère, et qui se dissipait facilement, et donnait lieu par-là à de fréquentes altérations de madéfaction et de dessication.

La rosée et le serein qui en est une espèce qu'on a caractérisée par des différences imaginaires (voyez SEREIN), considérés comme chose non-naturelle, c'est-à-dire comme objet externe, exerçant une influence sur le corps animal, n'agissent encore que comme eau ou comme humidité, tout au plus comme humidité froide.

La rosée doit être comptée parmi les objets extérieurs dont les effets sont le plus nuisibles aux corps faibles et non accoutumés à son action. Ceux qui sont sujets aux rhumes, à la toux, aux maladies de poitrine, aux ophtalmies, aux douleurs des membres, et aux coliques, doivent surtout éviter très-soigneusement de s'y exposer. (b)

ROSEE, (Critique sacrée) ros ; ce mot outre le sens propre, se prend dans l'Ecriture pour la manne ; le matin il tomba une rosée, ros, tout-autour du camp, Exode XVIe 13. c'était la manne même qu'on recueillit aux environs du camp. Voyez MANNE.

Comme la Palestine était un pays fort chaud, et que la rosée y était abondante, ce mot désigne aussi quelquefois l'abondance, la quantité de quelque chose ; de-là cette comparaison ; telle que la nue de la rosée, tel est le jour d'une abondante moisson, Isaïe XVIIIe 4. Et ailleurs, nous l'accablerons par notre nombre, comme quand la rosée tombe sur la terre. II. Rais, XVIIe 12. (D.J.)

ROSEE, les maréchaux ferrants appellent ainsi le sang qui commence à paraitre à la solle lorsqu'on la pare pour dessoler le cheval. Voyez PARER et DESSOLER.

ROSEE DU SOLEIL, (Botanique) Tournefort a établi dans ce genre de plante dix-sept espèces, dont il nomme la principale, ros solis folio oblongo, en anglais, the common round-leav'd sundew.

Sa racine est fibrée et deliée comme des cheveux. Elle pousse plusieurs queues longues, menues, et velues en-dessus, auxquelles sont attachées de petites feuilles presque rondes, concaves en manière de cure-oreille, d'un verd pâle, garnies d'une frange de poils rougeâtres fistuleux, d'où transudent quelques gouttelettes de liqueur dans les cavités des feuilles ; de-sorte que ces feuilles et leurs poils sont toujours mouillés d'une espèce de rosée.

Il s'élève d'entre ces feuilles deux ou trois tiges presqu'à la hauteur d'un demi-pié, grêles, rondes, rougeâtres, tendres, dénuées de feuilles ; elles portent à leur sommet de petites fleurs à plusieurs pétales, disposées en rose, blanchâtres, panchées du même côté, soutenues par des calices formés en cornet, dentelés, et attachés à des pédicules fort courts. Lorsque ces fleurs sont passées, il leur succede des petits fruits qui ont à-peu-près la grosseur et la figure d'un grain de blé, et qui contiennent plusieurs semences oblongues ou rondelettes.

Cette plante fleurit en Juin et Juillet, et vient en des lieux déserts et sablonneux, rudes, humides, et le plus souvent entre les mousses ; elle est visqueuse au tact, de-sorte qu'en la touchant sa liqueur gluante se tire comme en petits filaments soyeux et blanchâtres, qui prennent dans le moment une certaine consistance.

Cette plante est estimée pectorale, adoucissante, et bonne dans la toux seche invétérée. (D.J.)