four à, (Invention égyptienne) c'est en Egypte un bâtiment construit dans un lieu enfoncé en terre, et en forme de dortoir ; l'allée qui est au milieu a 4 ou 5 chambres à ses côtés de part et d'autre.

La porte de l'allée est fort basse et fort étroite : elle est bouchée avec de l'étoupe, pour conserver une chaleur continuelle dans toute l'étendue du four.

La largeur des chambres est de 4 ou 5 pieds, et la longueur en a trois fois autant.

Les chambres ont double étage : celui d'en bas est à rez de chaussée ; celui d'en haut a son plancher inférieur, et ce plancher a une ouverture ronde au milieu : le plancher supérieur est vouté en dôme et pareillement ouvert.

Au lieu de porte, chaque étage a une petite fenêtre d'un pied et demi en rond.

L'étage inférieur est rempli de 4 ou 5 mille œufs, et même plus ; car plus il y en a, et mieux l'entrepreneur y trouve son compte. D'ailleurs, cette multitude d'œufs contribue à entretenir la chaleur, qui se communique à tous les œufs accumulés les uns sur les autres.

L'étage supérieur est pour le feu. Il y est allumé durant 8 jours, mais non pas de suite, car la chaleur en serait excessive et nuisible. On l'allume seulement une heure le matin et autant le soir ; c'est ce qu'on appelle le diner et le souper des poulets. Ce feu se fait avec de la bouze de vache, ou avec de la fiente d'autres animaux, séchée et mêlée avec de la paille : on en exclud le bois et le charbon qui feraient un feu trop violent.

La fumée sort par l'ouverture de l'étage supérieur ; mais il faut remarquer que pendant que cet étage supérieur demeure ouvert, on ferme exactement avec de l'étoupe la petite fenêtre de l'étage inférieur, et le trou rond du dôme, afin que la chaleur se communique par l'ouverture du plancher dans cet étage d'en bas où sont les œufs.

Le huitième jour passé la scène change. On supprime le feu : l'étage où il était se trouvant vide, est rempli d'une partie des œufs qu'on tire d'en bas, pour les mettre au large et les distribuer également dans les deux étages ; les portes ou petites fenêtres de ces deux étages qui avaient été ouvertes, se ferment, et on ouvre à demi le trou du dôme pour donner de l'air.

Cet état des œufs sans feu, est aidé seulement d'une chaleur douce et concentrée durant 13 jours ; car ces 13 jours joints aux 8 premiers, font 21 jours. C'est environ au dix-huitième qu'un esprit vivifique commence à remuer le blanc de l'œuf, et son germe déjà formé : on le voit à-travers la coque s'agiter et se nourrir du jaune qu'il suce par le nombril.

Deux jours après, c'est-à-dire le vingtième, le poussin applique son bec à la coque et la fend ; l'ouvrier avec son ongle élargit tant soit peu la breche, pour aider les faibles efforts du poussin.

Le vingt-unième après midi, ou le vingt-deuxième au matin, toutes les coques se rompent ; une armée de petites volatiles s'élance et se dégage chacune de sa prison : le spectacle en est ravissant. Les chambres du four paraissaient hier couvertes de coquilles inanimées, et on les voit remplies de presque autant d'oiseaux vivants ; je dis presque, car le nombre des coques excède le nombre des poussins. Le directeur du four ne répond que des deux tiers des œufs ; ainsi l'entrepreneur remettant, par exemple, six mille œufs entre les mains de l'ouvrier, n'exige de lui que quatre mille poussins à la fin de l'opération : le reste est abandonné au hasard, et il en périt près d'un quart.

Mais comme il arrive presque toujours que les œufs réussissent au-delà des deux tiers, tout le profit n'est pas uniquement pour l'ouvrier ; l'entrepreneur y a sa bonne part. L'ouvrier est obligé de vendre à celui-ci pour six médins chaque centaine de poussins éclos au-delà des deux tiers ; et il faut observer que l'entrepreneur vendra les cent poussins tout au moins 30 médins.

Ce qui doit paraitre surprenant, c'est que dans ce grand nombre d'hommes qui habitent l'Egypte, où il y a trois à quatre cent fours à poulets, il n'y ait que les seuls habitants du village de Bermé, situé dans le Delta, qui aient l'industrie héréditaire de diriger ces fours ; le reste des Egyptiens l'ignore entièrement : si on en veut savoir la raison, la voici.

On ne travaille à l'opération des fours que durant les six mois d'automne et d'hiver, les autres saisons du printemps et de l'été étant trop chaudes et contraires à ce travail. Lorsque l'automne approche, on voit trois ou quatre cent berméens quitter les lieux où ils se sont établis, et se mettre en chemin pour aller prendre la direction des fours à poulets, construits en différents bourgs de ce royaume. Ils y sont nécessairement employés, parce qu'ils sont les seuls qui aient l'intelligence de cet art ; soit qu'ils aient l'industrie de le tenir secret, soit que nul autre égyptien ne veuille se donner la peine de l'apprendre et de l'exercer.

Les directeurs des fours à poulets sont nourris par l'entrepreneur : ils ont pour gage 40 ou 50 écus ; ils sont obligés de faire le choix des œufs qu'on leur met entre les mains pour ne conserver que ceux qu'ils croient pouvoir réussir. Ils s'engagent de plus à veiller jour et nuit pour remuer continuellement les œufs, et entretenir le degré de chaleur convenable à cette opération ; car le trop de froid ou de chaud, pour petit qu'il sait, la fait manquer.

Malgré toute la vigilance et l'industrie du directeur, il ne se peut faire que dans ce grand nombre d'œufs entassés les uns sur les autres dans le fourneau, il n'y en ait plusieurs qui ne viennent pas à bien : mais l'habîle directeur sait profiter de sa perte, car alors il ramasse les jaunes d'œufs inutiles, et en nourrit plusieurs centaines de poulets qu'il élève et qu'il engraisse dans un lieu séparé et fait exprès : sont-ils devenus gros et forts, il les vend et en partage fidélement le profit avec l'entrepreneur.

Chaque four a 20 ou 25 villages qui lui sont attachés à lui en particulier. Les habitants de chaque village sont obligés, par ordre du bacha et du tribunal superieur de la justice, de porter tous les œufs au four qui leur est assigné ; et il leur est défendu de les porter ailleurs, ou de les vendre à qui que ce sait, sinon au seigneur du lieu, ou aux habitants des villages qui sont du même district ; par ce moyen il est facîle de comprendre que les fours ne peuvent manquer d'ouvrage. On trouvera la manière de faire éclore les oiseaux domestiques, par M. de Réaumur, les planches des fours à poulets d'Egypte, et un détail des plus complets sur cette matière. Voyez aussi nos Pl. d'Agricul.

Les seigneurs retirent tous les ans des fours dont ils sont seigneurs, 10 ou 12 mille poussins pour les élever sans qu'il leur en coute rien. Ils les distribuent chez tous les habitants de leur seigneurie, à condition de moitié de profit de part et d'autre, c'est-à-dire que le villageais qui a reçu 400 poussins de son seigneur, est obligé de lui en rendre 200, ou en nature ou en argent.

Tel est en Egypte l'art des Berméens pour faire éclore des poulets sans faire couver les œufs par des poules : ils savent construire de longs et spacieux fours, fort différents par leurs formes de ceux que nous employons à divers usages. Ces fours sont destinés à recevoir une très-grande quantité d'œufs : par le moyen d'un feu doux et bien ménagé, ils font prendre à ceux qui y ont été arrangés une chaleur égale à celle que les poules donnent aux œufs sur lesquels elles restent posées avec tant de constance. Après y avoir été tenus chauds pendant le même nombre de jours que les autres doivent passer sous la poule, arrive celui où plusieurs milliers de poulets brisent leur coque et s'en débarrassent.

Cette manière qu'ont les Egyptiens de multiplier à leur gré des oiseaux domestiques dont on fait une si grande consommation, est de la plus grande antiquité, quoiqu'elle n'ait été imitée dans aucun autre pays. Diodore de Sicile, et quelques autres anciens nous ont dit, mais se sont contentés de nous dire, que les Egyptiens faisaient depuis longtemps éclore des poulets dans les fours. Pline avait probablement ces fours d'Egypte en vue lorsqu'il a écrit : sed inventum ut ova in callido loco imposita paleis, igne modico foverentur, homine versante pariter die ac nocte, et statuto die illinc erumpere foetus.

Les voyageurs modernes, Monconys et Thevenot, si on peut encore les mettre dans le rang des modernes, le P. Sicard, M. Granger et Paul Lucas, nous ont donné à ce qu'il parait des instructions assez amples sur cette matière. Il est vrai que le P. Sicard nous avertit lui-même que la manière de faire éclore les poulets en Egypte, n'est connue que par les habitants du village appelé Bermé ; ils l'apprennent à leurs enfants et le cachent aux étrangers.

Cet art pourtant que les Berméens se réservent, n'a que deux parties, dont l'une a pour objet la construction des fours ; celui de l'autre est de faire en sorte que les œufs y soyent couvés comme ils le seraient sous une poule. Ce n'est pas dans ce qui regarde la première partie qu'on a mis du mystère : l'extérieur des fours est celui d'un bâtiment exposé aux yeux des passants, et on n'interdit aux étrangers ni la vue, ni l'examen de leur intérieur ; on leur permet d'entrer dedans. La science qu'ont les Berméens, et qu'ils ne veulent pas communiquer, ne peut donc être que celle de faire que les œufs soyent couvés comme ils le doivent être, pour que les poulets se développent dans leur intérieur et parviennent à éclore ; le point essentiel pour y réussir, est de les tenir dans le degré de chaleur convenable, de savoir régler le feu qui échauffe les fours.

Pour enlever cette science aux Berméens, on n'aurait peut-être qu'à le vouloir ; leur longue expérience ne saurait être un guide aussi sur pour conduire à entretenir un degré de chaleur constant dans un lieu clos, que le thermomètre, instrument dont l'usage leur est inconnu. Avec le thermomètre il est aisé de savoir quel est le degré de chaleur qui opère le développement et l'accroissement du germe dans chacun des œufs sur lesquels une poule reste posée, il ne faut qu'en tenir la boule placée au milieu des œufs qu'elle couve. Or ce degré de chaleur est environ le trente-deuxième du thermomètre de M. de Réaumur. C'est donc une chaleur constante de trente-deux degrés ou environ, qu'il faudrait entretenir dans le lieu où l'on voudrait que des œufs soyent couvés d'une manière propre à en faire naître des poulets.

Ce degré de chaleur propre à faire éclore des poulets, est à-peu-près celui de la peau de la poule, et pour dire plus, celui de la peau des oiseaux domestiques de toutes les espèces connues. Dans nos basses-cours on donne à couver à une poule des œufs de dinde, des œufs de canne, on donne à la canne des œufs de poule. Les petits ne naissent ni plus tôt, ni plus tard sous la femelle d'une espèce différente de celle de la femelle qui a pondu les œufs, qu'ils ne seraient nés sous cette dernière.

Il est encore à remarquer que ce degré de chaleur est à-peu-près celui de la peau des quadrupedes et de la peau de l'homme. Aussi Livie, selon le rapport de Pline, réussit à faire éclore un poulet dans son sein, ayant eu la patience d'y tenir un œuf pendant autant de jours qu'il eut dû rester sous une poule.

Il est non seulement indifférent au développement du germe renfermé dans l'œuf, de quelle espèce, de quel genre et de quelle classe que soit l'être animé qui lui communique un degré de chaleur de trente-deux degrés ou à-peu-près, il est même indifférent à ce germe de recevoir ce degré de chaleur d'un être inanimé, de la devoir à une matière qui brule, ou à une matière qui fermente, son développement et son accroissement seront toujours opérés avec le même succès par ce degré de chaleur, quelle que soit la cause qui le produise, pourvu que cette cause n'agisse pas autrement sur l'œuf, que par la chaleur convenable. Les anciens égyptiens ont donc raisonné sur un bon principe de physique, quand ils ont pensé qu'on pouvait substituer la chaleur d'un four, semblable à celle de la poule, pour couver des œufs ; les expériences qui en ont été faites chez eux sans interruption depuis un temps immémorial, ont confirmé la vérité de leur principe.

Il est vrai que les voyageurs modernes ne s'accordent pas dans les récits qui regardent la construction des fours à poulets, nommés mamals par les Egyptiens, non plus que sur d'autres détails qui concernent le couvement des œufs. Cependant ils sont assez d'accord dans l'essentiel, pour guider un homme intelligent. Avec les desseins de Monconys et du P. Sicard, on pourrait faire bâtir aisément des fours dans le goût de ceux d'Egypte, et les employer au même usage. Il ne serait pas non plus impossible d'avoir un de ces Berméens dont l'exercice de l'art de couver les œufs est la principale occupation. Thevenot nous apprend que le grand-duc pour satisfaire une curiosité louable qui a été l'apanage des Médicis, fit venir d'Egypte un de ces hommes habiles dans l'art de faire naître des poulets, et qu'il en fit éclore à Florence aussi bien qu'ils éclosent en Egypte.

Le P. Sicard donne quatre à cinq chambres à chaque rang du rez-de-chaussée d'un mamal d'Egypte. M. Granger en met sept, Monconys dix ou douze, et Thévenot les borne à trois. Apparemment qu'il y a en Egypte des mamals de différentes grandeurs : aussi le P. Sicard dit qu'on fait couver dans ces fours quarante mille œufs à la fais, et Monconys dit quatrevingt mille, différence qui est dans le même rapport que celle des capacités des mamals dont ils parlent.

Au rapport de M. Granger c'est sur des nattes que les œufs sont posés dans chaque chambre du rez de chaussée ; Thévenot les y fait placer sur un lit de bourre ou d'étoupe, ce qui est assez indifférent : c'est-là qu'ils doivent prendre une douce chaleur, dans laquelle ils demandent à être entretenus pendant un certain nombre de jours.

Les poulets n'éclosent des œufs couvés par des poules, que vers le vingt-unième jour ; ils n'éclosent pas plus tôt dans les fours d'Egypte : mais ce qu'on n'aurait pas imaginé, c'est que plusieurs jours avant celui où ils doivent naître, il serait inutîle et même dangereux d'allumer du feu dans le four. Après un certain nombre de jours toute sa masse a acquis un degré de chaleur qu'on y peut conserver pendant plusieurs autres jours au moyen de quelques légères précautions, malgré les impressions de l'air extérieur, sans aucune diminution sensible, ou sans une diminution dont les poulets puissent souffrir.

Ce terme au bout duquel on cesse de faire du feu dans les fours, est encore un des articles sur lequel les voyageurs qui en ont parlé ne sont pas d'accord. Je ne sais si la différence de température d'air dans différents mois est suffisante pour les concilier ; ou si l'on ne doit pas croire plutôt que n'ayant pu suivre l'opération pendant toute sa durée, ils ont été obligés de s'en rapporter aux instructions qu'on leur a données, qui n'ont pas toujours été bien fidèles. Le P. Sicard et M. Granger nous assurent que ce n'est que pendant les 8 premiers jours qu'on allume du feu dans le four ; Monconys veut qu'on y en fasse pendant 10 jours consécutifs : Thévenot dit aussi qu'on chauffe le four pendant 10 jours. Mais faute d'avoir été bien informé, ou pour avoir mal entendu ce qu'on lui a raconté de la manière dont on conduit les fours ; il ajoute que ce n'est qu'après qu'ils ont été chauffés pendant ces 10 jours qu'on y met les œufs, et que les poulets en éclosent au bout de 12 jours. Cette dernière assertion apprend qu'il a confondu un déplacement d'une partie des œufs dont nous allons parler, avec leur première entrée dans le four.

Tous ces auteurs conviennent au moins que les œufs sont fort bien couvés pendant plusieurs jours dans le four, quoiqu'on n'y fasse plus de feu. Lorsque le jour où l'on cesse d'y en allumer est arrivé, on fait passer une partie des œufs de chaque chambre inférieure dans celle qui est au-dessus. Les œufs étaient trop entassés dans la première, on songe à les étaler davantage : c'est bien assez pour le poulet lorsqu'il est prêt à naître, d'avoir à briser sa coque et d'en sortir, sans le mettre dans la nécessité d'avoir à soulever le poids d'un grand nombre d'œufs ; il périrait après avoir fait des efforts inutiles pour y parvenir. Le recit de M. Granger diffère encore de celui des autres sur l'article du déplacement d'une partie des œufs, en ce qu'il ne fait transporter une partie de ceux de l'étage inférieur au supérieur, que 6 jours après que le feu a été totalement éteint, c'est-à-dire que le quatorzième jour.

Lorsqu'une partie des œufs de chaque chambre inférieure a été portée dans la chambre supérieure, on bouche avec des tampons d'étoupes toutes les portes des chambres et celle de la galerie ; mais on ne bouche qu'à demi, au rapport du P. Sicard, les ouvertures des voutes des chambres ; on y veut ménager une circulation d'air. Cette précaution suffit pour conserver au four pendant plusieurs jours, la chaleur qu'on lui a fait acquérir, il ne faut qu'ôter à son inférieur une trop libre communication avec l'air extérieur. En tout pays un four dont la masse serait aussi considérable, et qui aurait été aussi bien clos, ne se refroidirait que lentement ; mais le refroidissement doit être d'autant plus lent, que la température de l'air extérieur est moins différente de celle de l'air de l'intérieur du four ; et la différence entre la température de l'un et celle de l'autre, n'est pas grande en Egypte.

Enfin les difficultés qui consistent à bâtir des fours semblables à ceux d'Egypte, et d'en régler la chaleur, ne sont pas impossibles à vaincre. Mais la première dépense de la construction de tels fours, le manque d'hommes capables de les conduire, la peine qu'on aurait à en former qui le fussent, la difficulté de rassembler une suffisante quantité d'œufs qui ne fussent pas trop vieux, la difficulté encore plus grande d'élever dans nos pays tempérés tant de poulets nés dans un même jour, et qui ont besoin de mères pour les défendre contre la pluie, et sur tout contre le froid qui dans nos climats se fait sentir pendant les nuits, et même pendant les jours d'été, sont des obstacles invincibles, qui nous empêcheront toujours de prendre la méthode des fours d'Egypte pour y faire éclore des poulets. (D.J.)

POULET, POULE, POULARDE, (Diet. et Mat. médic.) la vieille poule fournit un très-bon suc lorsqu'on la fait bouillir avec d'autres viandes pour en préparer des potages, et même lorsqu'elle est grasse, sa chair bouillie est assez agréable au gout, et fort salutaire ; elle convient surtout aux convalescens.

La jeune poule engraissée, ou la poularde, a les avantages et les inconvénients des viandes très-délicates et grasses. Voyez CHAPON et GRAISSE, Diete. Les estomacs délicats s'en accommodent très-bien ; elle fournit d'ailleurs un chyle salutaire. Une poularde très-grasse n'est pas un aliment propre à un estomac très-vigoureux.

Le poulet médiocrement gras, et qui ne devient jamais très-gras, fournit un aliment plus généralement sain que le précèdent.

L'usage du poulet, à titre de médicament, ou dumoins d'aliment médicamenteux, est aussi connu que son usage diétetique ; il entre très-ordinairement dans les bouillons rafraichissants et adoucissants avec des herbes de vertu analogue, des semences farineuses, etc. C'est une erreur, et dans laquelle tombent même des médecins de réputation, que de farcir de semences froides, qui sont émulsives, les poulets destinés à cet usage ; car les semences émulsives ne donnent rien par la décoction. Voyez SEMENCES EMULSIVES.

L'eau de poulet qui est fort usitée dans les maladies inflammatoires, et dont ordinairement on n'évalue pas assez bien la qualité légèrement alimenteuse, n'est autre chose qu'un bouillon étendu, aqueux, une espèce de brouet qu'on emploierait plus utilement dans les cas où il est d'usage, pour tenir lieu de bouillon, qu'à titre de tisane, et sans rien retrancher de la dose accoutumée du bouillon, comme on le fait ordinairement.

Au reste, soit pour préparer le bouillon de poulet, soit pour préparer l'eau de poulet, on a coutume de l'écorcher ; cette pratique est assez inutile.

POULETS SACRES, (Divination des Romains) c'étaient des poulets que les prêtres élevaient du temps des Romains, et qui servaient à tirer les augures. On n'entreprenait rien de considérable dans le sénat, ni dans les armées, qu'on n'eut auparavant pris les auspices des poulets sacrés. La manière la plus ordinaire de prendre ces auspices, consistait à examiner de quelle façon ces poulets usaient du grain qu'on leur présentait. S'ils le mangeaient avec avidité en trépignant et en l'écartant çà et là, l'augure était favorable ; s'ils refusaient de manger et de boire, l'auspice était mauvais, et on renonçait à l'entreprise pour laquelle on consultait. Lorsqu'on avait besoin de rendre cette sorte de divination favorable, on laissait les poulets un certain temps dans une cage, sans manger ; après cela les prêtres ouvraient la cage, et leur jetaient leur mangeaille. On faisait venir ces poulets de l'île de Négrepont. On fut fort exact chez les Romains à ne point donner de faux auspices tirés des poulets sacrés, depuis la funeste aventure de celui qui s'en avisa sous L. Papirius Cursor, consul, l'an de Rome 482.

Il faisait la guerre aux Samnites, dit Tite-Live, l. X. et dans les conjonctures où l'on était, l'armée romaine souhaitait avec une extrême ardeur que l'on en vint à un combat. Il fallut auparavant consulter les poulets sacrés ; et l'envie de combattre était si générale, que quoique les poulets ne mangeassent point quand on les mit hors de la cage, ceux qui avaient soin d'observer l'auspice, ne laissèrent pas de rapporter au consul qu'ils avaient fort bien mangé. Sur cela le consul promet en même temps à ses soldats et la bataille, et la victoire. Cependant il y eut contestation entre les gardes des poulets sur cet auspice, qu'on avait rapporté à faux. Le bruit en vint jusqu'à Papirius, qui dit qu'on lui avait rapporté un auspice favorable, et qu'il s'en tenait-là ; que si on ne lui avait pas dit la vérité, c'était l'affaire de ceux qui prenaient les auspices, et que tout le mal devait tomber sur leur tête. Aussi-tôt il ordonna qu'on mit ces malheureux aux premiers rangs ; et avant qu'on eut donné le signal de la bataille, un trait partit sans qu'on sut de quel côté, et alla percer le garde des poulets qui avait rapporté l'auspice à faux. Des que le consul sut cette nouvelle, il s'écria : " Les dieux sont ici présents, le criminel est puni ; ils ont déchargé toute leur colere sur celui qui la méritait, nous n'avons plus que des sujets d'espérance ". Aussi-tôt il fit donner le signal, et il remporta une victoire entière sur les Samnites. Il y a bien apparence, dit M. de Fontenelle, que les dieux eurent moins de part que Papirius à la mort de ce pauvre garde de poulets, et que le général en voulut tirer un sujet de rassurer les soldats, que le faux auspice pouvait avoir ébranlés. (D.J.)