méthode centrobarique, (Mécanique) c'est une méthode pour mesurer ou déterminer la quantité d'une surface ou d'un solide, en les considérant comme formés par le mouvement d'une ligne ou d'une surface, et multipliant la ligne ou la surface génératrice par le chemin parcouru par son centre de gravité. Cette méthode est renfermée dans le théorème suivant, et ses corollaires.

Toute surface plane ou courbe, ou tout solide produit par le mouvement ou d'une ligne ou d'une surface, est égal au produit de cette ligne ou surface, par le chemin du centre de gravité, c'est-à-dire par la ligne que ce centre de gravité décrit. Voyez CENTRE DE GRAVITE. Voici la démonstration générale que certains auteurs ont cru pouvoir donner de ce théorême.

Supposons le poids de la ligne ou surface génératrice ramassé dans son centre de gravité ; le poids total produit par son mouvement, sera égal au produit du poids mu par le chemin du centre de gravité : mais lorsque les lignes et les figures sont regardées comme des corps pesans homogènes, leurs poids sont alors entr'eux comme leur volume ; et par conséquent le poids mu devient alors la ligne ou figure génératrice, et le poids produit est la grandeur engendrée : la figure engendrée est donc égale au produit de la ligne ou de la figure qui l'engendre par le chemin de son centre de gravité. Il ne faut pas être bien difficîle à satisfaire en démonstration, pour se payer d'une preuve si insuffisante et si vague, qu'on trouve néanmoins dans M. Wolf, d'où Chambers a tiré une partie de cet article.

Pour mettre nos lecteurs à portée d'en trouver une meilleure preuve, considérons un levier chargé de deux poids, et imaginons un point fixe dans ce levier prolongé ou non : on sait (Voyez CENTRE et LEVIER) que la somme des produits fait de chaque poids par sa distance à ce point, est égale au produit de la somme des poids par la distance de leur centre de gravité à ce point ; donc si on fait tourner le levier autour de ce point fixe, il s'ensuit que les circonférences étant proportionnelles aux rayons, la somme des produits de chaque poids par le chemin ou circonférence qu'il décrit, est égale au produit de la somme des poids par la circonférence décrite par le centre de gravité. Cette démonstration faite par deux poids, s'applique également et facilement à tel nombre qu'on voudra.

Corollaire I. Puisqu'un parallélogramme A B C D (Pl. de Méch. fig. 26.) peut être regardé comme produit par le mouvement de la droite A B toujours parallèlement à elle-même le long d'une autre droite A C, et dans la direction de celle-ci, et que dans ce mouvement le chemin du centre de gravité est égal à la droite E F, perpendiculaire à C D, c'est-à-dire à la hauteur du parallélogramme ; son aire est donc égale au produit de la base C D, ou de la ligne qui décrit le parallélogramme par la hauteur E F. Voyez PARALLELOGRAMME.

Ce corollaire pourrait faire naître quelque soupçon sur la vérité et la généralité de la règle précédente ; car on pourrait dire que la ligne C D se mouvant le long de A C, le centre de gravité de cette ligne, qui est son point de milieu, décrit une ligne égale et parallèle à A C ; et qu'ainsi l'aire du parallélogramme A C D B est le produit de C D par A C : ce qui serait faux. Mais on peut répondre que A C n'est point proprement la directrice de C D, quoique C D se meuve le long de A C ; que cette directrice est proprement la ligne E F, qui mesure la distance de A B à C D : et que le chemin du centre de gravité par lequel il faut multiplier la ligne décrivante C D, n'est point le chemin absolu de ce centre, mais son chemin estimé dans le sens de la directrice, ou le chemin qu'il fait dans un sens perpendiculaire à la ligne décrivante. Cette remarque est nécessaire pour prévenir les parallogismes dans lesquels on pourrait tomber, en appliquant sans précaution la règle précédente à la mesure des surfaces et des solides.

Coroll. II. On prouvera de la même manière que la solidité de tout corps décrit par un plan qui descend toujours parallèlement à lui-même le long de la droite A C, et suivant la direction de cette droite, doit se trouver en multipliant le plan décrivant par sa hauteur. Voyez PRISME et CYLINDRE.

Coroll. III. Puisque le cercle se décrit par la révolution du rayon C L (fig. 27.) autour du centre C, et que le centre de gravité du rayon C L est dans son milieu F, le chemin du centre de gravité est donc ici une circonférence d'un cercle X décrit par un rayon soudouble ; et par conséquent l'aire du cercle est égale au produit du rayon C L, par la circonférence que décrirait un rayon soudouble de C F ; ce qu'on sait d'ailleurs. Voyez CERCLE.

Coroll. IV. Si un rectangle A B C D (Pl. de Méch. fig. 28.) tourne autour de son axe A D, le rectangle décrira par ce mouvement un cylindre, et le côté B C la surface de ce cylindre : mais le centre de gravité de la droite B C, est dans son milieu F ; et le centre de gravité du plan qui engendre le cylindre, est dans le milieu G de la droite E F. Ainsi le chemin de ce dernier centre de gravité est la circonférence d'un cercle décrit du rayon E G ; et celui du premier, la circonférence d'un cercle décrit du rayon E F : donc la surface du cylindre est le produit de la hauteur B C, par la circonférence d'un cercle décrit du rayon E F : et la solidité du cylindre est le produit du rectangle A B C D, qui sert à sa génération, par la circonférence d'un cercle décrit du rayon E G soudouble de E F, demi-diamètre du cylindre. Supposons, par exemple, la hauteur du plan qui engendre le cylindre, par conséquent celle du cylindre B C = a, le diamètre de la base D C = r, on aura donc E G = 1/2 r ; et supposant que le demi-diamètre soit à la circonférence comme z est à m, la circonférence décrite par le rayon 1/2 r sera = 1/2 m r ; d'où il s'ensuit que multipliant 1/2 m r par l'aire du rectangle A C = a r, on aura la solidité du cylindre = 1/2 m a r2 ; mais 1/2 m a r2 = 1/2 r x m r x a : or 1/2 m r r = l'aire du cercle décrite par le rayon E G. Il est donc évident que le cylindre est égal au produit de sa base par sa hauteur, ce qu'on sait d'ailleurs.

De même puisque le centre de gravité de la droite A B (Pl. de Méch. fig. 17.) est dans son milieu M, et qu'on décrit la surface du cone en faisant mouvoir le triangle A B C autour d'un de ses côtés A B pris pour axe, on en peut conclure que si P M = 1/2 B C, la surface du cone sera égale au produit de son côté A B par la circonférence du cercle décrit du rayon P M, c'est-à-dire d'un rayon soudouble du demi-diamètre de la base B C.

Supposons, par exemple, B C = r, A B = a, le rayon étant à la circonférence, comme z est à m ; on aura donc P M = 1/2 r, et la circonférence décrite de ce rayon = 1/2 m r ; et ainsi multipliant 1/2 m r par le côté A B du cone, le produit qui sera 1/2 a m r devra représenter la surface du cone : mais 1/2 a m r est le produit de 1/2 a par m r ; donc la surface du cone est le produit de la circonférence de sa base par la moitié de son côté, ce qu'on sait d'ailleurs.

Coroll. V. Si le triangle A C B (Pl. de Mécan. fig. 29.) tourne autour d'un axe, il décrit un cone : mais si on coupe C B en deux également au point D, qu'on tire la droite A D, et que A O, = 2/3 A D, il est démontré que le centre de gravité sera alors situé en O ; donc la solidité du cone est égale au produit du triangle C A B par la circonférence du cercle décrit du rayon P O. Or A D est à A O, comme B D est à O P : d'ailleurs A O = 2/3 A D, et D B = 1/2 C B, donc O P = 2/3 D B = 1/3 C B. Supposons, par exemple, C B = r, A B = a, et la raison du rayon à la circonférence celle de z à m, on aura donc O P = 1/3 r, la circonférence décrite de ce rayon = 1/3 m r, le triangle A C B = 1/2 a r, et par conséquent la solidité du cone = 1/2 r x a x 1/3 m = 1/6 a m r2, mais 1/6 a m r2 = 1/2 r x m r x 1/3 a, ou le produit de la base du cone par le tiers de sa hauteur, ce qu'on sait d'ailleurs.

Ce théorème si général et si beau sur le centre de gravité, peut être mis au nombre des plus curieuses découvertes qu'on ait faites en Géométrie. Il avait été aperçu il y a longtemps par Pappus : mais le P. Guldin, jésuite, est le premier qui l'ait mis dans tout son jour, et qui en ait montré l'usage dans un grand nombre d'exemples.

Plusieurs autres Géomètres s'en sont servis aussi après Pappus et Guldin, pour mesurer les solides et les surfaces produites par une rotation autour d'un axe fixe, surtout avant qu'on eut les secours que le calcul intégral a fournis pour cela ; et on peut l'employer encore à présent dans certains cas où le calcul intégral serait plus difficile.

M. Leibniz a observé que cette méthode serait encore bonne, quand même l'axe ou le centre changerait continuellement durant le mouvement.

M. Varignon a donné dans le volume de l'Académie de 1714. un mémoire qui a pour titre, Réflexion sur l'usage que la Mécanique peut avoir en Géométrie. Il y démontre la propriété du centre de gravité, dont nous avons parlé dans cet article, et plusieurs autres propriétés encore plus générales et aussi curieuses. On peut se servir utilement de ces propriétés pour résoudre avec plus de facilité certains problèmes de Mécanique. Par exemple, si on demande quelle figure doit avoir une courbe G A H (fig. 25. Géom. n°. 2) pour qu'en tournant autour de l'axe G H elle produise une surface courbe plus grande que celle que produirait en tournant autour de G H toute autre ligne courbe qui passerait par les mêmes points G H, et qui serait de la même longueur que la courbe qu'on cherche ; on trouverait sans aucun calcul, en se servant du théorème-précédent, que la courbe G A H qu'on demande doit être celle que prendrait une chaîne chargée d'une infinité de petits poids, et qu'on attacherait aux points G et H : car une chaîne qui est ainsi attachée, doit se disposer de manière que le centre de gravité des poids qui la composent, c'est-à-dire le centre de gravité de la courbe même, descende le plus bas qu'il est possible ; d'où il s'ensuit que la courbe formée par cette chaîne aura son centre de gravité plus éloigné de l'horizontale G H que toute autre ligne courbe de la même longueur, et passant par les mêmes points : par conséquent le cercle décrit par le centre de gravité de la courbe formée par la chaîne, lorsque cette courbe tourne autour de G H, est plus grand que le cercle décrit par le centre de gravité de toute autre courbe de même longueur, et passant par les mêmes points G H ; donc la surface du solide produit par la première courbe, est plus grande que toute autre. On voit donc que le problème se réduit à trouver la courbe formée par la chaîne ; courbe connue par les Géomètres sous le nom de chaînette, et dont ils ont donné la construction il y a longtemps. Voyez CHAINETTE.

Le mot centrobarique est formé des mots , centrum, centre, et , poids, pesanteur. (O)