S. f. (Arts mécaniques) lieu creusé artistement dans un terrain sec, pour y serrer de la glace ou de la neige pendant l'hiver, afin de s'en servir en été. On place ordinairement la glacière dans quelqu'endroit dérobé d'un jardin, dans un bois, dans un bosquet, ou dans un champ près de la maison : voici les choses les plus importantes qu'on dit qu'il faut observer pour les glacières.

On choisit un terrain sec qui ne soit point ou peu exposé au soleil. On y creuse une fosse ronde, de deux taises ou deux taises et demie de diamètre par le haut, finissant en bas comme un pain de sucre renversé ; la profondeur ordinaire de la fosse est de trois taises ou environ ; plus une glacière est profonde et large, mieux la glace et la neige s'y conservent.

Quand on creuse la glacière, il faut aller toujours en retrécissant par le bas de crainte que la terre ne s'affaisse ; il est bon de revêtir la fosse depuis le bas jusqu'en haut d'un petit mur de moilon de huit à dix pouces d'épaisseur, bien enduit de mortier, et percer dans le fond un puits de deux pieds de large et de quatre de profondeur, garni d'une grille de fer dessus pour recevoir l'eau qui s'écoule de la glace. Quelques-uns au lieu de mur revêtent la fosse d'une cloison de charpente, garnie de chevrons latés, font descendre la charpente jusqu'au fond de la glacière, et bâtissent environ à trois pieds du fond une espèce de plancher de charpente et de douves sous lequel l'eau s'écoule.

Si le terrain où est creusé la glacière est très-ferme, on peut se passer de charpente, et mettre la glace dans le trou sans rien craindre ; c'est une grande épargne, mais il faut toujours garnir le fond et les côtés de paille. Le dessus de la glacière sera couvert de paille attachée sur une espèce de charpente, élevée en pyramide, de manière que le bas de cette couverture descende jusqu'à terre. On observe que la glacière n'ait aucun jour, et que tous les trous en soient soigneusement bouchés.

La petite allée par laquelle on entre dans la glacière regardera le nord, sera longue d'environ huit pieds, large de deux à deux et demi, et fermée soigneusement aux deux bouts par deux portes bien closes. Tout-autour de cette couverture il faut faire au-dehors en terre une rigole qui aille en pente pour recevoir les eaux, et les éloigner, autrement elles y croupiraient et fondraient la glace.

Pour remplir la glacière il faut choisir, si cela se peut, un jour froid et sec, afin que la glace ne se fonde point ; le fond de la glacière sera construit à claire-voie, par le moyen des pièces de bois qui s'entre-craiseront. Avant que d'y poser la glace on couvre ce fond d'un lit de paille, et on en garnit tous les côtés en montant, de sorte que la glace ne touche qu'à la paille. On met donc d'abord un lit de glace sur le fond garni de paille ; les plus gros morceaux de glace et les plus épais bien battus sont les meilleurs, et plus ils sont entassés sans aucun vide, plus ils se conservent ; sur ce premier lit on en met un autre de glace, et ainsi successivement jusqu'au haut de la glacière, sans aucun lit de paille entre ceux de glace. C'est assez qu'elle soit bien entassée, ce qu'on fait en la cassant avec des mailloches ou des têtes de coignées ; on jette de l'eau de temps-en-temps dessus, afin de remplir les vides avec les petits glaçons, en sorte que le tout venant à se congeler, fait une masse qu'on est obligé de casser par morceaux pour en pouvoir avoir des portions.

La glacière pleine, on couvre la glace avec de la grande paille par le haut, par le bas et par les côtés ; et par-dessus cette paille on met des planches qu'on charge de grosses pierres pour tenir la paille serrée. Il faut fermer la première porte de la glacière avant que d'ouvrir la seconde, pour que l'air de dehors n'y entre point en été ; car il fait fondre la glace pour peu qu'il la pénetre.

La neige se conserve aussi-bien que la glace dans les glacières. On les ramasse en grosses pelotes, on les bat et on les presse le plus qu'il est possible ; on les range et on les accommode dans la glacière, de manière qu'il n'y ait pas de jour entr'elles, observant de garnir le fond de paille comme pour la glace. Si la neige ne peut se serrer et faire un corps, ce qui arrive lorsque le froid est très-vif, il faudra jeter un peu d'eau par-dessus, cette eau se gelera aussi-tôt avec la neige, et pour lors il sera aisé de la réduire en masse. La neige se conservera toujours mieux dans la glacière si elle y est bien pressée et bien battue. Il faut choisir autant qu'on peut le temps sec pour ramasser la neige, autrement elle se fondrait à mesure qu'on la prendrait. Il ne faut pourtant pas qu'il gèletrop fort, parce qu'on aurait trop de peine à la lever. C'est dans les prairies et sur les beaux gazons qu'on la Ve prendre, pour qu'il y ait moins de terre mêlée. La neige est fort en usage dans les pays chauds, comme en Espagne et en Italie où les glacières sont un peu différentes des nôtres.

Les glacières en Italie sont de simples fosses profondes, au fond desquelles on fait une tranchée pour écouler les eaux qui se séparent de la glace ou de la neige fondue ; ils mettent une bonne couverture de chaume sur le sommet de la fosse ; ils remplissent cette fosse de neige très-pure, ou de glace tirée de l'eau la plus nette et la plus claire qu'on puisse trouver, parce qu'ils ne s'en servent pas pour rafraichir comme nous faisons dans nos climats, mais pour la mêler avec leur vin et autres boissons. Ils tapissent la fosse avec quantité de paille dont ils font un très-large lit dans tout l'intervalle du creux, de manière qu'ils en portent le remplissage jusqu'au sommet, et ensuite le couvrent avec un autre grand lit de paille. Par cet arrangement quand ils tirent du trou de la glace pour leur usage, ils l'enveloppent de cette même paille dont elle est par-tout environnée, et peuvent en conséquence transporter leur petite provision de glace à l'abri de la chaleur et à quelque éloignement, sans qu'elle vienne à se fondre dans le trajet. (D.J.)